Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle:
«La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.»
Aux termes de l’article L711-3du même code :
«I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
(…)
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
Aux termes de l’article L713-2 du même code:
«Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.»
Il résulte de l’article L. 712-4 du code de la propriétaire intellectuelle que:
«Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle à l’encontre d’une demande d’enregistrement en cas d’atteinte à l’un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :
1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l’articleL. 711-3;
2° Une marque antérieure jouissant d’une renommée en application du 2° du Ide l’article L. 711-3 ;
3° Une dénomination ou une raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l’articleL. 722-1ou une demande d’indication géographique sous réserve de l’homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
6° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
7° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Une opposition peut également être formée en cas d’atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de [Localité 7] pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l’article L. 711-3.»
Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d’entreprises liées économiquement. (CJCE, 22 juin 1999, C-342/97).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. (CJCE 11 novembre 1997, C-251/95) Elle doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, C-334/05)
Sur la comparaison des produits:
Les produits en cause sont identiques, s’agissant du champagne les deux marques revendiquent une appellation d’origine protégée, il s’agit d’un produit ayant une forte identité en lui-même, le recours porte sur la comparaison des signes.
Sur la comparaison des signes:
Sur l’impression d’ensemble produite par les signes:
L’analyse des deux marques fait ressortir des similitudes à savoir les termes CHAMPAGNE et VICTOIRE, qui sont placés dans le même ordre. Toutefois, elles présentent également des différences et se distinguent; le terme [R] est ajouté à la marque contestée.
Cet ajout modifie la perception du signe:
par sa taille, la marque antérieure dispose dont de 17 lettres et la marque contestée de 24 lettres,
en terme rythmique et phonétique, la première marque dispose de 4 temps et se termine par -OIRE, alors que la marque contestée dispose de 7 temps et se termine par -RUS,
sur le plan conceptuel, la marque antérieure évoque un événement ou la mythologie gréco-romaine alors que la marque contestée se compose de deux mots identifiés comme un prénom et un nom, elle fait référence à une personne s’agissant du nom de la s’ur du dirigeant.
Les marques déposées étant des marques verbales et non des marques figuratives ou semi-figuratives, l’argumentaire développé sur le visuel des bouteilles et des étiquettes est inopérant.
Sur les éléments distinctifs et dominants:
Le terme CHAMPAGNE désigne les produits objet des marques déposées. Par ailleurs, il est utilisé dans la plupart des maisons de champagne que ce soit pour les marques ou nom de sociétés, c’est l’élément d’appel, ainsi la plupart des marques de champagne ont pour entame le terme champagne ( Champagne Ruinart) dans la mesure où c’est un produit dont l’appellation est d’origine protégée. Il ne peut donc être considéré comme élément distinctif.
Le terme VICTOIRE peut renvoyer tant à la notion de succès, qu’à un prénom. Il peut renvoyer à diverses notions et références. La société Champagne GH [D] et cie ne démontre pas son caractère distinctif de sorte que les éléments Champagne Victoire revêtent un faible degré de distinctivité.
Dès lors, le seul élément pouvant être considéré comme distinctif est le terme [R], qui renvoie au nom de famille du dirigeant de la société Drink eat.
Sur le risque de confusion:
Il résulte de la comparaison globale des signes et du caractère faiblement distinctif de ces derniers qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé. Le directeur de l’INPI a justement retenu que le seul fait que les signes soient pourvus des termes CHAMPAGNE et VICTOIRE ne peut suffire à établir un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même ils portent sur des produits identiques, d’autant plus qu’ils n’ont pas de distinctivité forte.
Dès lors, le recours formé à l’encontre de la décision de l’INPI sera rejeté et la décision confirmée.
Sur les demandes accessoires:
Il sera fait droit à la demande de la société Drink eat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société Champagne GH [D] et cie sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros.
Il n’y a pas lieu à dépens dans la présente procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision du Directeur de l’INPI OPP 21-3132 du 14 janvier 2022;
Déboute la société Champagne GH [D] et cie de sa demande d’indemnité procédurale;
Condamne la société Champagne GH [D] et cie à payer à la société Drink eat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille
Moyens
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 novembre 2022, la société Champagne G.H [D] et cie demande à la cour de :
accueillir le recours qu’elle a formé à l’encontre de la décision rendue le 14janvier 2022 par M. le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle dans le cadre de l’opposition N°4756855 / OPP21-3132 / AVP ;
annuler la décision OPP21-3132 / AVP en ce qu’elle a conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques CHAMPAGNE VICTOIRE et CHAMPAGNE VICTOIRE [R] pour des produits strictement identiques ;
rejeter la demande d’enregistrement de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE [R] n° 4756855 ;
condamner la société Drink eat aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par la SCP Processuel représentée par Me Bernard Franchi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
condamner la société Drink eat à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
L’identité des produits en présence doit être compensée par un degré plus faible de similitude entre les signes.
Les signes présentent des similitudes :
la marque contestée reproduit à l’identique et dans son intégralité la marque antérieure opposée, elle y ajoute seulement le terme [R] ;
le terme VICTOIRE est un caractère distinctif, il ne s’agit pas d’un terme banal ni fortement utilisé contrairement à ce qu’allègue la société Drink eat, sans pour autant en apporter la preuve ;
l’adjonction du nom [R] en dernière position n’est pas de nature à faire disparaître la reproduction de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE d’un point de vue visuel et implique une sonorité strictement identique en position d’attaque et / ou en position d’attaque et centrale ;
ils présentent une similitude susceptible de créer une réelle confusion dans l’esprit du consommateur ;
elle rappelle que les éléments verbaux d’une marque semi-figurative en sont les éléments dominants ;
du fait de l’origine géographique commune rétreinte des produits identiques concernés, la société Drink eat ne pouvait ignorer ses droits et sa marque ;
elle ne cherche pas à monopoliser le nom VICTOIRE, mais seulement éviter qu’un tiers profite de ses investissements financiers et humains développés depuis de nombreuses années afin de faire connaître sa marque.
Le risque de confusions est donc caractérisé.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2022, la société Drink eat demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions et développements la décision du directeur de l’INPI ainsi contestée, et ainsi débouter la société Champagne G.G [D] et cie de ses demandes et conclusions ;
condamner la société Champagne G.H [D] et cie à lui payer la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu’il est nécessaire de comparer le risque de confusion dans son ensemble. La marque CHAMPAGNE VICTOIRE étant une marque verbale est pourvue d’une «distinctivité» beaucoup plus faible qu’une marque semi figurative. Elle ajoute que le seul fait que les deux signes contiennent le même groupe de mot ne peut suffire à permettre de considérer qu’il pourrait exister un risque de confusion. Elle relève que le premier terme CHAMPAGNE, n’est qu’un terme descriptif du produit. En réalité, il faut donc confronter les termes VICTOIRE et VICTOIRE [R]. Les différences sont les suivantes :
Sur la plan visuel : par leur structure et longueur ce qui leur confère une physionomie différente. De plus, la marque antérieure se termine par VICTOIRE alors que la sienne se termine par MEJERUS, ce qui présente un aspect totalement différent sur le plan visuel.
Sur le plan phonétique : sa marque se terminant par le terme [R], entraîne une prononciation plus courte du terme VICTOIRE. La marque antérieure se termine par le suffixe OIRE, alors que la sienne par le suffixe RUS, marque de différence phonétique notable.
Sur le plan conceptuel : la marque antérieure a pour inspiration le thème des divinités de la mythologie gréco-romaine alors que le nom de sa marque fait référence à la s’ur du dirigeant.
De manière générale, il n’existe aucun risque de confusion, en ce que sa marque fait référence à un membre de la famille [R], différente de la famille [D], créatrice historique du champagne que produit la société appelante.
Le directeur de l’INPI a transmis ses observations écrites, reçues à la cour le 14novembre 2022 et soutient qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les deux signes litigieux.
Le ministère public a formulé un avis écrit le 7 décembre 2022, tendant à l’annulation de la décision du 14 janvier 2022, en ce qu’il existe un risque de confusion entre les marques en présence pour les produits qu’elles visent.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle:
«La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.»
Aux termes de l’article L711-3du même code :
«I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
(…)
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
Aux termes de l’article L713-2 du même code:
«Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.»
Il résulte de l’article L. 712-4 du code de la propriétaire intellectuelle que:
«Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle à l’encontre d’une demande d’enregistrement en cas d’atteinte à l’un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :
1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l’articleL. 711-3;
2° Une marque antérieure jouissant d’une renommée en application du 2° du Ide l’article L. 711-3 ;
3° Une dénomination ou une raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l’articleL. 722-1ou une demande d’indication géographique sous réserve de l’homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
6° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
7° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Une opposition peut également être formée en cas d’atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de [Localité 7] pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l’article L. 711-3.»
Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d’entreprises liées économiquement. (CJCE, 22 juin 1999, C-342/97).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. (CJCE 11 novembre 1997, C-251/95) Elle doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, C-334/05)
Sur la comparaison des produits:
Les produits en cause sont identiques, s’agissant du champagne les deux marques revendiquent une appellation d’origine protégée, il s’agit d’un produit ayant une forte identité en lui-même, le recours porte sur la comparaison des signes.
Sur la comparaison des signes:
Sur l’impression d’ensemble produite par les signes:
L’analyse des deux marques fait ressortir des similitudes à savoir les termes CHAMPAGNE et VICTOIRE, qui sont placés dans le même ordre. Toutefois, elles présentent également des différences et se distinguent; le terme [R] est ajouté à la marque contestée.
Cet ajout modifie la perception du signe:
par sa taille, la marque antérieure dispose dont de 17 lettres et la marque contestée de 24 lettres,
en terme rythmique et phonétique, la première marque dispose de 4 temps et se termine par -OIRE, alors que la marque contestée dispose de 7 temps et se termine par -RUS,
sur le plan conceptuel, la marque antérieure évoque un événement ou la mythologie gréco-romaine alors que la marque contestée se compose de deux mots identifiés comme un prénom et un nom, elle fait référence à une personne s’agissant du nom de la s’ur du dirigeant.
Les marques déposées étant des marques verbales et non des marques figuratives ou semi-figuratives, l’argumentaire développé sur le visuel des bouteilles et des étiquettes est inopérant.
Sur les éléments distinctifs et dominants:
Le terme CHAMPAGNE désigne les produits objet des marques déposées. Par ailleurs, il est utilisé dans la plupart des maisons de champagne que ce soit pour les marques ou nom de sociétés, c’est l’élément d’appel, ainsi la plupart des marques de champagne ont pour entame le terme champagne ( Champagne Ruinart) dans la mesure où c’est un produit dont l’appellation est d’origine protégée. Il ne peut donc être considéré comme élément distinctif.
Le terme VICTOIRE peut renvoyer tant à la notion de succès, qu’à un prénom. Il peut renvoyer à diverses notions et références. La société Champagne GH [D] et cie ne démontre pas son caractère distinctif de sorte que les éléments Champagne Victoire revêtent un faible degré de distinctivité.
Dès lors, le seul élément pouvant être considéré comme distinctif est le terme [R], qui renvoie au nom de famille du dirigeant de la société Drink eat.
Sur le risque de confusion:
Il résulte de la comparaison globale des signes et du caractère faiblement distinctif de ces derniers qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé. Le directeur de l’INPI a justement retenu que le seul fait que les signes soient pourvus des termes CHAMPAGNE et VICTOIRE ne peut suffire à établir un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même ils portent sur des produits identiques, d’autant plus qu’ils n’ont pas de distinctivité forte.
Dès lors, le recours formé à l’encontre de la décision de l’INPI sera rejeté et la décision confirmée.
Sur les demandes accessoires:
Il sera fait droit à la demande de la société Drink eat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société Champagne GH [D] et cie sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros.
Il n’y a pas lieu à dépens dans la présente procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision du Directeur de l’INPI OPP 21-3132 du 14 janvier 2022;
Déboute la société Champagne GH [D] et cie de sa demande d’indemnité procédurale;
Condamne la société Champagne GH [D] et cie à payer à la société Drink eat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille
Exposé du litige
****
EXPOSE DU LITIGE
La société Drink eat a déposé le 19 avril 2021, la demande d’enregistrement n°4 756 855 portant sur le signe verbal CHAMPAGNE VICTOIRE [R], pour les produits de classe 33 «boissons alcoolisées (à l’exception des bières), vins, vins d’appellation d’origine protégée, vins à indication d’origine protégée», publiée au BOPI 2021-19 le 14 mai 2021.
A la suite d’une régularisation, la demande vise les produits suivants : «Vins bénéficiant de l’appellation d’origine protégée Champagne».
Le 9 juillet 2021, la société Champagne G.H [D], a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de la marque verbale CHAMPAGNE VICTOIRE, déposée le 4 juin 2009, pour les produits de classe 33, enregistrée et renouvelée sous le n° 3 654 853, sur le fondement du risque de confusion.
Par décision OPP 21-3132 du 14 janvier 2022, le directeur de l’INPI a rejeté l’opposition.
Par déclaration reçue au greffe le 14 février 2022, la société Champagne G.H [D] et cie a formé un recours contre cette décision. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/755.
Par une seconde déclaration reçue le 14 février 2022, la société Champagne G.H [D] et cie a formé un recours contre cette décision. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/754.
Par ordonnance du magistrat chargée de la mise en état du 10 mars 2022, les affaires ont fait l’objet d’une jonction sous le numéro RG 22/755.
***
Moyens
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 novembre 2022, la société Champagne G.H [D] et cie demande à la cour de :
accueillir le recours qu’elle a formé à l’encontre de la décision rendue le 14janvier 2022 par M. le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle dans le cadre de l’opposition N°4756855 / OPP21-3132 / AVP ;
annuler la décision OPP21-3132 / AVP en ce qu’elle a conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques CHAMPAGNE VICTOIRE et CHAMPAGNE VICTOIRE [R] pour des produits strictement identiques ;
rejeter la demande d’enregistrement de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE [R] n° 4756855 ;
condamner la société Drink eat aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par la SCP Processuel représentée par Me Bernard Franchi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
condamner la société Drink eat à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
L’identité des produits en présence doit être compensée par un degré plus faible de similitude entre les signes.
Les signes présentent des similitudes :
la marque contestée reproduit à l’identique et dans son intégralité la marque antérieure opposée, elle y ajoute seulement le terme [R] ;
le terme VICTOIRE est un caractère distinctif, il ne s’agit pas d’un terme banal ni fortement utilisé contrairement à ce qu’allègue la société Drink eat, sans pour autant en apporter la preuve ;
l’adjonction du nom [R] en dernière position n’est pas de nature à faire disparaître la reproduction de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE d’un point de vue visuel et implique une sonorité strictement identique en position d’attaque et / ou en position d’attaque et centrale ;
ils présentent une similitude susceptible de créer une réelle confusion dans l’esprit du consommateur ;
elle rappelle que les éléments verbaux d’une marque semi-figurative en sont les éléments dominants ;
du fait de l’origine géographique commune rétreinte des produits identiques concernés, la société Drink eat ne pouvait ignorer ses droits et sa marque ;
elle ne cherche pas à monopoliser le nom VICTOIRE, mais seulement éviter qu’un tiers profite de ses investissements financiers et humains développés depuis de nombreuses années afin de faire connaître sa marque.
Le risque de confusions est donc caractérisé.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2022, la société Drink eat demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions et développements la décision du directeur de l’INPI ainsi contestée, et ainsi débouter la société Champagne G.G [D] et cie de ses demandes et conclusions ;
condamner la société Champagne G.H [D] et cie à lui payer la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu’il est nécessaire de comparer le risque de confusion dans son ensemble. La marque CHAMPAGNE VICTOIRE étant une marque verbale est pourvue d’une «distinctivité» beaucoup plus faible qu’une marque semi figurative. Elle ajoute que le seul fait que les deux signes contiennent le même groupe de mot ne peut suffire à permettre de considérer qu’il pourrait exister un risque de confusion. Elle relève que le premier terme CHAMPAGNE, n’est qu’un terme descriptif du produit. En réalité, il faut donc confronter les termes VICTOIRE et VICTOIRE [R]. Les différences sont les suivantes :
Sur la plan visuel : par leur structure et longueur ce qui leur confère une physionomie différente. De plus, la marque antérieure se termine par VICTOIRE alors que la sienne se termine par MEJERUS, ce qui présente un aspect totalement différent sur le plan visuel.
Sur le plan phonétique : sa marque se terminant par le terme [R], entraîne une prononciation plus courte du terme VICTOIRE. La marque antérieure se termine par le suffixe OIRE, alors que la sienne par le suffixe RUS, marque de différence phonétique notable.
Sur le plan conceptuel : la marque antérieure a pour inspiration le thème des divinités de la mythologie gréco-romaine alors que le nom de sa marque fait référence à la s’ur du dirigeant.
De manière générale, il n’existe aucun risque de confusion, en ce que sa marque fait référence à un membre de la famille [R], différente de la famille [D], créatrice historique du champagne que produit la société appelante.
Le directeur de l’INPI a transmis ses observations écrites, reçues à la cour le 14novembre 2022 et soutient qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les deux signes litigieux.
Le ministère public a formulé un avis écrit le 7 décembre 2022, tendant à l’annulation de la décision du 14 janvier 2022, en ce qu’il existe un risque de confusion entre les marques en présence pour les produits qu’elles visent.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle:
«La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.»
Aux termes de l’article L711-3du même code :
«I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
(…)
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
Aux termes de l’article L713-2 du même code:
«Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.»
Il résulte de l’article L. 712-4 du code de la propriétaire intellectuelle que:
«Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle à l’encontre d’une demande d’enregistrement en cas d’atteinte à l’un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :
1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l’articleL. 711-3;
2° Une marque antérieure jouissant d’une renommée en application du 2° du Ide l’article L. 711-3 ;
3° Une dénomination ou une raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l’articleL. 722-1ou une demande d’indication géographique sous réserve de l’homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
6° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
7° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Une opposition peut également être formée en cas d’atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de [Localité 7] pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l’article L. 711-3.»
Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d’entreprises liées économiquement. (CJCE, 22 juin 1999, C-342/97).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. (CJCE 11 novembre 1997, C-251/95) Elle doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, C-334/05)
Sur la comparaison des produits:
Les produits en cause sont identiques, s’agissant du champagne les deux marques revendiquent une appellation d’origine protégée, il s’agit d’un produit ayant une forte identité en lui-même, le recours porte sur la comparaison des signes.
Sur la comparaison des signes:
Sur l’impression d’ensemble produite par les signes:
L’analyse des deux marques fait ressortir des similitudes à savoir les termes CHAMPAGNE et VICTOIRE, qui sont placés dans le même ordre. Toutefois, elles présentent également des différences et se distinguent; le terme [R] est ajouté à la marque contestée.
Cet ajout modifie la perception du signe:
par sa taille, la marque antérieure dispose dont de 17 lettres et la marque contestée de 24 lettres,
en terme rythmique et phonétique, la première marque dispose de 4 temps et se termine par -OIRE, alors que la marque contestée dispose de 7 temps et se termine par -RUS,
sur le plan conceptuel, la marque antérieure évoque un événement ou la mythologie gréco-romaine alors que la marque contestée se compose de deux mots identifiés comme un prénom et un nom, elle fait référence à une personne s’agissant du nom de la s’ur du dirigeant.
Les marques déposées étant des marques verbales et non des marques figuratives ou semi-figuratives, l’argumentaire développé sur le visuel des bouteilles et des étiquettes est inopérant.
Sur les éléments distinctifs et dominants:
Le terme CHAMPAGNE désigne les produits objet des marques déposées. Par ailleurs, il est utilisé dans la plupart des maisons de champagne que ce soit pour les marques ou nom de sociétés, c’est l’élément d’appel, ainsi la plupart des marques de champagne ont pour entame le terme champagne ( Champagne Ruinart) dans la mesure où c’est un produit dont l’appellation est d’origine protégée. Il ne peut donc être considéré comme élément distinctif.
Le terme VICTOIRE peut renvoyer tant à la notion de succès, qu’à un prénom. Il peut renvoyer à diverses notions et références. La société Champagne GH [D] et cie ne démontre pas son caractère distinctif de sorte que les éléments Champagne Victoire revêtent un faible degré de distinctivité.
Dès lors, le seul élément pouvant être considéré comme distinctif est le terme [R], qui renvoie au nom de famille du dirigeant de la société Drink eat.
Sur le risque de confusion:
Il résulte de la comparaison globale des signes et du caractère faiblement distinctif de ces derniers qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé. Le directeur de l’INPI a justement retenu que le seul fait que les signes soient pourvus des termes CHAMPAGNE et VICTOIRE ne peut suffire à établir un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même ils portent sur des produits identiques, d’autant plus qu’ils n’ont pas de distinctivité forte.
Dès lors, le recours formé à l’encontre de la décision de l’INPI sera rejeté et la décision confirmée.
Sur les demandes accessoires:
Il sera fait droit à la demande de la société Drink eat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société Champagne GH [D] et cie sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros.
Il n’y a pas lieu à dépens dans la présente procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision du Directeur de l’INPI OPP 21-3132 du 14 janvier 2022;
Déboute la société Champagne GH [D] et cie de sa demande d’indemnité procédurale;
Condamne la société Champagne GH [D] et cie à payer à la société Drink eat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille
→ RésuméLa Cour d’appel de Douai a confirmé la décision de l’INPI, rejetant l’opposition de la société Champagne G.H. [D] contre l’enregistrement de la marque « Champagne Victoire ». La comparaison des signes a révélé qu’aucun risque de confusion n’existait, malgré l’identité des produits. Les termes « Champagne » et « Victoire » présentent un faible degré de distinctivité, et l’ajout du symbole [R] modifie la perception globale. La cour a souligné que le public ne serait pas induit en erreur, même si les marques portent sur des produits identiques. La demande d’indemnité procédurale a également été déboutée. |
Adjoindre « Victoire » à une marque de champagne ne porte atteinte aux droits du titulaires de la marque « champagne Victoire ».
Comparaison globale des signes en présence
Il résulte de la comparaison globale des signes et du caractère faiblement distinctif de ces derniers qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé. Le directeur de l’INPI a justement retenu que le seul fait que les signes soient pourvus des termes CHAMPAGNE et VICTOIRE ne peut suffire à établir un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même ils portent sur des produits identiques, d’autant plus qu’ils n’ont pas de distinctivité forte.
La distinctivité
Aux termes de l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle :
« La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire. »
Aux termes de l’article L711-3 du même code :
« I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
Aux termes de l’article L713-2 du même code :
« Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque. »
Il résulte de l’article L. 712-4 du code de la propriétaire intellectuelle que :
« Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle à l’encontre d’une demande d’enregistrement en cas d’atteinte à l’un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :
1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l’article L. 711-3 ;
2° Une marque antérieure jouissant d’une renommée en application du 2° du I de l’article L. 711-3 ;
3° Une dénomination ou une raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l’article L. 722-1 ou une demande d’indication géographique sous réserve de l’homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
6° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
7° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Le risque de confusion
Une opposition peut également être formée en cas d’atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l’article L. 711-3. »
Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d’entreprises liées économiquement. (CJCE, 22 juin 1999, C-342/97).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. (CJCE 11 novembre 1997, C-251/95) Elle doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, C-334/05)
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 12/10/2023
****
N° de MINUTE :
N° RG 22/00755 – N° Portalis DBVT-V-B7G-UDNI
Décision (N° OP21-3132/)
rendue le 14 janvier 2022 par l’ Institut national de la propriété industrielle de courbevoie
APPELANTE
La SAS Champagne G.H. [D] et Cie
prise en la personne de son Président Monsieur [J] [I]
ayant son siège social [Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Gilbert Piat, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur le directeur de l’Institut national de la propriété industrielle
ayant son siège social [Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
représenté par Madame [G] munie d’un pouvoir
La société Drink Eat
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Alexandre Corrotte, avocat au barreau de Boulogne-sur-Mer, avocat constitué
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, président de chambre
Jean-François Le Pouliquen, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
———————
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
DÉBATS à l’audience publique du 12 juin 2023, après rapport oral de l’affaire par Catherine Courteille.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 octobre 2023 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, président, et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 07 décembre 2022
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 15 mai 2023
Exposé du litige
****
EXPOSE DU LITIGE
La société Drink eat a déposé le 19 avril 2021, la demande d’enregistrement n°4 756 855 portant sur le signe verbal CHAMPAGNE VICTOIRE [R], pour les produits de classe 33 «boissons alcoolisées (à l’exception des bières), vins, vins d’appellation d’origine protégée, vins à indication d’origine protégée», publiée au BOPI 2021-19 le 14 mai 2021.
A la suite d’une régularisation, la demande vise les produits suivants : «Vins bénéficiant de l’appellation d’origine protégée Champagne».
Le 9 juillet 2021, la société Champagne G.H [D], a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base de la marque verbale CHAMPAGNE VICTOIRE, déposée le 4 juin 2009, pour les produits de classe 33, enregistrée et renouvelée sous le n° 3 654 853, sur le fondement du risque de confusion.
Par décision OPP 21-3132 du 14 janvier 2022, le directeur de l’INPI a rejeté l’opposition.
Par déclaration reçue au greffe le 14 février 2022, la société Champagne G.H [D] et cie a formé un recours contre cette décision. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/755.
Par une seconde déclaration reçue le 14 février 2022, la société Champagne G.H [D] et cie a formé un recours contre cette décision. L’affaire a été enregistrée sous le numéro RG 22/754.
Par ordonnance du magistrat chargée de la mise en état du 10 mars 2022, les affaires ont fait l’objet d’une jonction sous le numéro RG 22/755.
***
Moyens
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 novembre 2022, la société Champagne G.H [D] et cie demande à la cour de :
accueillir le recours qu’elle a formé à l’encontre de la décision rendue le 14janvier 2022 par M. le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle dans le cadre de l’opposition N°4756855 / OPP21-3132 / AVP ;
annuler la décision OPP21-3132 / AVP en ce qu’elle a conclu à l’absence de risque de confusion entre les marques CHAMPAGNE VICTOIRE et CHAMPAGNE VICTOIRE [R] pour des produits strictement identiques ;
rejeter la demande d’enregistrement de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE [R] n° 4756855 ;
condamner la société Drink eat aux entiers dépens de la présente instance qui seront recouvrés par la SCP Processuel représentée par Me Bernard Franchi conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
condamner la société Drink eat à lui payer la somme de 7 000 euros à titre de remboursement des peines et soins du procès en vertu des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que :
L’identité des produits en présence doit être compensée par un degré plus faible de similitude entre les signes.
Les signes présentent des similitudes :
la marque contestée reproduit à l’identique et dans son intégralité la marque antérieure opposée, elle y ajoute seulement le terme [R] ;
le terme VICTOIRE est un caractère distinctif, il ne s’agit pas d’un terme banal ni fortement utilisé contrairement à ce qu’allègue la société Drink eat, sans pour autant en apporter la preuve ;
l’adjonction du nom [R] en dernière position n’est pas de nature à faire disparaître la reproduction de la marque CHAMPAGNE VICTOIRE d’un point de vue visuel et implique une sonorité strictement identique en position d’attaque et / ou en position d’attaque et centrale ;
ils présentent une similitude susceptible de créer une réelle confusion dans l’esprit du consommateur ;
elle rappelle que les éléments verbaux d’une marque semi-figurative en sont les éléments dominants ;
du fait de l’origine géographique commune rétreinte des produits identiques concernés, la société Drink eat ne pouvait ignorer ses droits et sa marque ;
elle ne cherche pas à monopoliser le nom VICTOIRE, mais seulement éviter qu’un tiers profite de ses investissements financiers et humains développés depuis de nombreuses années afin de faire connaître sa marque.
Le risque de confusions est donc caractérisé.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 20 décembre 2022, la société Drink eat demande à la cour de :
confirmer en toutes ses dispositions et développements la décision du directeur de l’INPI ainsi contestée, et ainsi débouter la société Champagne G.G [D] et cie de ses demandes et conclusions ;
condamner la société Champagne G.H [D] et cie à lui payer la somme de 10000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient qu’il est nécessaire de comparer le risque de confusion dans son ensemble. La marque CHAMPAGNE VICTOIRE étant une marque verbale est pourvue d’une «distinctivité» beaucoup plus faible qu’une marque semi figurative. Elle ajoute que le seul fait que les deux signes contiennent le même groupe de mot ne peut suffire à permettre de considérer qu’il pourrait exister un risque de confusion. Elle relève que le premier terme CHAMPAGNE, n’est qu’un terme descriptif du produit. En réalité, il faut donc confronter les termes VICTOIRE et VICTOIRE [R]. Les différences sont les suivantes :
Sur la plan visuel : par leur structure et longueur ce qui leur confère une physionomie différente. De plus, la marque antérieure se termine par VICTOIRE alors que la sienne se termine par MEJERUS, ce qui présente un aspect totalement différent sur le plan visuel.
Sur le plan phonétique : sa marque se terminant par le terme [R], entraîne une prononciation plus courte du terme VICTOIRE. La marque antérieure se termine par le suffixe OIRE, alors que la sienne par le suffixe RUS, marque de différence phonétique notable.
Sur le plan conceptuel : la marque antérieure a pour inspiration le thème des divinités de la mythologie gréco-romaine alors que le nom de sa marque fait référence à la s’ur du dirigeant.
De manière générale, il n’existe aucun risque de confusion, en ce que sa marque fait référence à un membre de la famille [R], différente de la famille [D], créatrice historique du champagne que produit la société appelante.
Le directeur de l’INPI a transmis ses observations écrites, reçues à la cour le 14novembre 2022 et soutient qu’il n’y a pas de risque de confusion entre les deux signes litigieux.
Le ministère public a formulé un avis écrit le 7 décembre 2022, tendant à l’annulation de la décision du 14 janvier 2022, en ce qu’il existe un risque de confusion entre les marques en présence pour les produits qu’elles visent.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 15 mai 2023.
Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
Aux termes de l’article L711-1 du code de la propriété intellectuelle:
«La marque de produits ou de services est un signe servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale de ceux d’autres personnes physiques ou morales.
Ce signe doit pouvoir être représenté dans le registre national des marques de manière à permettre à toute personne de déterminer précisément et clairement l’objet de la protection conférée à son titulaire.»
Aux termes de l’article L711-3du même code :
«I.-Ne peut être valablement enregistrée et, si elle est enregistrée, est susceptible d’être déclarée nulle une marque portant atteinte à des droits antérieurs ayant effet en France, notamment :
1° Une marque antérieure :
(…)
b) Lorsqu’elle est identique ou similaire à la marque antérieure et que les produits ou les services qu’elle désigne sont identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est protégée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association avec la marque antérieure ».
Aux termes de l’article L713-2 du même code:
«Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.»
Il résulte de l’article L. 712-4 du code de la propriétaire intellectuelle que:
«Dans le délai de deux mois suivant la publication de la demande d’enregistrement, une opposition peut être formée auprès du directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle à l’encontre d’une demande d’enregistrement en cas d’atteinte à l’un des droits antérieurs suivants ayant effet en France :
1° Une marque antérieure en application du 1° du I de l’articleL. 711-3;
2° Une marque antérieure jouissant d’une renommée en application du 2° du Ide l’article L. 711-3 ;
3° Une dénomination ou une raison sociale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
4° Un nom commercial, une enseigne ou un nom de domaine, dont la portée n’est pas seulement locale, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public ;
5° Une indication géographique enregistrée mentionnée à l’articleL. 722-1ou une demande d’indication géographique sous réserve de l’homologation de son cahier des charges et de son enregistrement ultérieur ;
6° Le nom, l’image ou la renommée d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public de coopération intercommunale ;
7° Le nom d’une entité publique, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public.
Une opposition peut également être formée en cas d’atteinte à une marque protégée dans un État partie à la convention de [Localité 7] pour la protection de la propriété industrielle dans les conditions prévues au III de l’article L. 711-3.»
Un risque de confusion est un risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant d’entreprises liées économiquement. (CJCE, 22 juin 1999, C-342/97).
Le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. (CJCE 11 novembre 1997, C-251/95) Elle doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte des éléments distinctifs et dominants de celles-ci. (CJCE 12 juin 2007, C-334/05)
Sur la comparaison des produits:
Les produits en cause sont identiques, s’agissant du champagne les deux marques revendiquent une appellation d’origine protégée, il s’agit d’un produit ayant une forte identité en lui-même, le recours porte sur la comparaison des signes.
Sur la comparaison des signes:
Sur l’impression d’ensemble produite par les signes:
L’analyse des deux marques fait ressortir des similitudes à savoir les termes CHAMPAGNE et VICTOIRE, qui sont placés dans le même ordre. Toutefois, elles présentent également des différences et se distinguent; le terme [R] est ajouté à la marque contestée.
Cet ajout modifie la perception du signe:
par sa taille, la marque antérieure dispose dont de 17 lettres et la marque contestée de 24 lettres,
en terme rythmique et phonétique, la première marque dispose de 4 temps et se termine par -OIRE, alors que la marque contestée dispose de 7 temps et se termine par -RUS,
sur le plan conceptuel, la marque antérieure évoque un événement ou la mythologie gréco-romaine alors que la marque contestée se compose de deux mots identifiés comme un prénom et un nom, elle fait référence à une personne s’agissant du nom de la s’ur du dirigeant.
Les marques déposées étant des marques verbales et non des marques figuratives ou semi-figuratives, l’argumentaire développé sur le visuel des bouteilles et des étiquettes est inopérant.
Sur les éléments distinctifs et dominants:
Le terme CHAMPAGNE désigne les produits objet des marques déposées. Par ailleurs, il est utilisé dans la plupart des maisons de champagne que ce soit pour les marques ou nom de sociétés, c’est l’élément d’appel, ainsi la plupart des marques de champagne ont pour entame le terme champagne ( Champagne Ruinart) dans la mesure où c’est un produit dont l’appellation est d’origine protégée. Il ne peut donc être considéré comme élément distinctif.
Le terme VICTOIRE peut renvoyer tant à la notion de succès, qu’à un prénom. Il peut renvoyer à diverses notions et références. La société Champagne GH [D] et cie ne démontre pas son caractère distinctif de sorte que les éléments Champagne Victoire revêtent un faible degré de distinctivité.
Dès lors, le seul élément pouvant être considéré comme distinctif est le terme [R], qui renvoie au nom de famille du dirigeant de la société Drink eat.
Sur le risque de confusion:
Il résulte de la comparaison globale des signes et du caractère faiblement distinctif de ces derniers qu’aucun risque de confusion n’est caractérisé. Le directeur de l’INPI a justement retenu que le seul fait que les signes soient pourvus des termes CHAMPAGNE et VICTOIRE ne peut suffire à établir un risque de confusion dans l’esprit du public, quand bien même ils portent sur des produits identiques, d’autant plus qu’ils n’ont pas de distinctivité forte.
Dès lors, le recours formé à l’encontre de la décision de l’INPI sera rejeté et la décision confirmée.
Sur les demandes accessoires:
Il sera fait droit à la demande de la société Drink eat en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. La société Champagne GH [D] et cie sera condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros.
Il n’y a pas lieu à dépens dans la présente procédure.
Dispositif
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision du Directeur de l’INPI OPP 21-3132 du 14 janvier 2022;
Déboute la société Champagne GH [D] et cie de sa demande d’indemnité procédurale;
Condamne la société Champagne GH [D] et cie à payer à la société Drink eat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle.
Le greffier
Anaïs Millescamps
Le président
Catherine Courteille
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