Originalité du modèle de lampe « Lyre »

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Originalité du modèle de lampe « Lyre »

Motivation








MOTIFS DE LA DECISION





En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.





Sur les chefs non critiqués du jugement



La cour constate que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a mis hors de cause la société SELVAGGIO et rejeté les demandes de publication de M. [L].



Malgré les termes de la déclaration d’appel, il n’est pas davantage critiqué en ce qu’il a déclaré M. [L] recevable en ses demandes fondées sur les droits d’auteur, la titularité des droits de M. [L] sur la lampe «Lyre» n’étant pas contestée. Il sera donc confirmé sur ce point, pour les justes motifs qu’il comporte.





Sur la protection de la lampe ‘Lyre’ par le droit d’auteur



M. [D] soutient qu’il appartient à M. [L] d’identifier exactement les caractéristiques qui rendraient selon lui la lampe initiale éligible à la protection par le droit d’auteur; que M. [L] ne démontre pas l’originalité dont il se prévaut, la seule description objective des caractéristiques de la lampe litigieuse, relatant uniquement des éléments relevant de la technique, ne pouvant suffire à démontrer la démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité ; que les prétendues inspirations revendiquées par l’intimé sont sans effet dans la démonstration de l’originalité de la lampe initiale; que le fait que d’autres auteurs reproduisent la lampe litigieuse dans des dessins ne permet pas davantage de démontrer l’originalité de celle-ci; que la lampe, à défaut d’originalité, ne peut donc accéder au statut d »uvre de l’esprit et prétendre à la protection au titre du droit d’auteur.



M. [L] répond que des créations de mobilier peuvent être protégées au titre du droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et ne répondent pas uniquement à des nécessités fonctionnelles; qu’en l’espèce il ne peut être contesté que la lampe «Lyre» constitue une ‘uvre originale portant l’empreinte de sa personnalité; que la forme de cette création ne présente aucun caractère fonctionnel mais bien au contraire un parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur; que notamment inspiré par les formes surréalistes présentes dans les créations de [P] [A], [Y] [N] et [T] [K], ainsi que par l’univers de dessinateurs de bandes dessinées, tels que Will dans «Tif et Tondu» ou encore [C] qui faisait évoluer ses personnages dans des décors tout à la fois inventifs et réalistes, il a toujours cherché à allier modernité et intemporalité dans son travail de sculpteur plasticien et en particulier dans le cadre de la création de la lampe «Lyre».



Ceci étant exposé, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-10°, les oeuvres des arts appliqués sont considérées comme oeuvres de l’esprit.



Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une ‘uvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

En l’espèce, M. [L] expose que l’originalité de la lampe «Lyre» est notamment caractérisée par «l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels» et qu’il a fabriqué la lampe «Lyre» afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse «tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie», la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité selon la vision artistique du créateur. Il ajoute que le dialogue entre la bande dessinée et ses créations de design trouve sa consécration depuis que des artistes ont intégré la lampe «Lyre» dans leurs dessins ([W] [M], [E] [G], [O] [S], [Z] [X]).



M. [L] définit ainsi de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création. Les premiers juges ont exactement relevé que le demandeur est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l’instrument de musique donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses.



Les choix créatifs personnels auxquels M. [L] a procédé pour l’élaboration de la lampe «Lyre» qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne relèvent pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, procèdent d’un parti-pris esthétique révélant l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la lampe «Lyre» est protégeable par le droit d’auteur.





Sur l’existence de la contrefaçon



M. [D] soutient que la lampe «Lyre» commandée à M. [L] et sur laquelle il a apporté des modifications avant de la livrer en Suisse à l’hôtel d’Ascona, telle que reproduite sur les photographies litigieuses, n’est utilisée qu’en tant qu’accessoire; qu’il est de jurisprudence constante que l’utilisation accessoire d’une ‘uvre est licite et échappe à l’emprise du monopole du droit d’auteurdans la mesure où elle n’est pas une exploitation de cette oeuvre au sens du code de la propriété intellectuelle; que la théorie de l’accessoire doit recevoir application en l’espèce; que les effets de la théorie de l’accessoire s’appliquent aux droits patrimoniaux et s’étendent également au droit moral, notamment au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre ; que la Cour de cassation a énoncé des critères permettant d’appliquer la théorie de l’accessoire : la présence de l »uvre en arrière-plan ou encore l’absence de présentation de l »uvre en tant que sujet principal (Cass. civ. 1, 15 mars 2005, 03-14820 ; Cass. com., 12 mai 2011, 08-20651), peu importe que l’inclusion de cette ‘uvre soit volontaire ou non; que le tribunal judiciaire a rejeté la théorie de l’accessoire en motivant son jugement par une mauvaise application des règles de droit; que l’application de la théorie de l’accessoire ne résulte pas en effet de l’article L.122-5-6° du code de la propriété intellectuelle mais d’une exception jurisprudentielle non codifiée ; qu’en outre, le tribunal a rejeté la théorie de l’accessoire au motif que la lampe était reproduite de manière délibérée et a ainsi ajouté une condition à l’application de cette théorie ; qu’en l’espèce, la lampe est représentée accessoirement en ce qu’elle n’est ni l’objet ni l’objectif de la communication en cause et en toute hypothèse la lampe représentée n’est pas la lampe initiale telle que fabriquée par M. [L] mais la lampe modifiée.



M. [L] répond que la théorie de l’accessoire constitue une exception au monopole conféré par le droit d’auteur lorsque la reproduction ou la représentation de l »uvre relève d’une inclusion fortuite, furtive et accessoire au sujet traité(Cass. Com, 12 mai 2011, n°08-20.651) ; que la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2012 a précisé que la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit devait s’entendre d’une reproduction ou d’une représentation «accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté»; qu’en revanche, cette théorie ne s’applique pas si la reproduction ou représentation a été faite de manière délibérée, si sa reproduction ou représentation présente une importance dans la composition litigieuse et si l »uvre est nettement visible et identifiable; qu’en l’espèce, il ne peut être prétendu que la reproduction de la lampe «Lyre» a été effectuée à titre accessoire; que compte tenu de sa nature d’exception au droit exclusif de l’auteur, la théorie de l’accessoire doit s’interpréter restrictivement, à l’instar des exceptions légales prévues par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.



Ceci étant exposé, aux termes de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre.



L’article 121-2 énonce que l’auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu’il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.



L’article L. 122-4 prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.



La Directive européenne n°2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information prévoit en son article 5.3 que les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits [de reproduction et de communication au public], notamment «i) lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une ‘uvre ou d’un autre objet protégé dans un autre produit». La théorie de l’accessoire invoquée par M. [D] trouve son fondement dans ce texte.



Selon la jurisprudence la plus récente rendue en la matière, la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit, doit s’entendre comme «une représentation accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté» (Cass, Civ.1ère, 12 juillet 2012, n°11-15.165).



En l’espèce, comme l’a exactement jugé le tribunal, il apparaît clairement que la présence de la lampe «Lyre» sur les deux photographies litigieuses publiées sur les comptes Facebook et Instagram de M. [D] résulte d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, l’intéressé se mettant littéralement en scène avec la lampe :































Photographie 1 Photographie 2

















S’agissant de la photographie 1, M. [D] fait valoir que la présentation de la lampe modifiée est accessoire au sujet traité qui réside dans la représentation, centrale, de sa personne. Force est pourtant de constater que la lampe est au tout premier plan et que la mise en scène choisie ‘ M. [D] glissant sa main entre les deux bras de la lampe dont les abat-jour sont placés au même niveau que son visage qu’ils viennent éclairer ‘ met l’objet en évidence et lui donne une importance particulière. La représentation de la lampe est manifestement délibérée et ne peut être qualifiée de fortuite ou d’involontaire.



S’agissant de la seconde photographie, M. [D] argue que la lampe ne fait pas l’objet d’une mise en valeur particulière, étant insérée dans un décor comprenant des meubles, des lampes, des chandeliers/bougeoirs, des vases, des bols et autres objets en céramique et en faïence, en outre, en arrière-plan, de sorte qu’elle n’est nullement le sujet central de la photographie, sa présence étant uniquement là pour compléter la présentation de la scène photographiée. Mais s’il est vrai que la lampe est ici au second plan, elle n’en est pas moins très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence en ce qu’elle apparaît comme la principale source de lumière de la mise en scène, sa couleur claire tranchant en outre nettement avec le reste du décor globalement sombre, et comme faisant écho à la lumière éclairant le visage de M. [D] qui est placé à la même hauteur. La représentation de la lampe est ici encore délibérée, et non fortuite ou involontaire.



Il ne peut être retenu, par conséquent, que la reproduction et la représentation de la lampe «Lyre» ont été effectuées de manière accessoire.



La circonstance que les lampes ainsi reproduites et représentées soient des lampes modifiées par M. [D] ou à sa demande par M. [L] est indifférente, les modifications invoquées, qui ne sont d’ailleurs pas explicitées, n’étant pas de nature à conférer à M. [D] des droits sur la lampe «Lyre» ni à l’autoriser à publier des photographies de cette lampe sans mentionner le nom de son auteur.



Il est constant que les deux photographies litigieuses, qui ont été mises en ligne sur les comptes sociaux Facebook et Instagram de M. [D] accessibles au public, ne mentionnent pas le nom de M. [L] comme auteur de la lampe «Lyre», ce qui caractérise l’atteinte portée au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre.



Cette atteinte est renforcée par le fait que, comme l’ont souligné les premiers juges, les mises en scène sur les deux photographies sont de nature à laisser penser que M. [D], architecte d’intérieur et décorateur, est le créateur de la lampe «Lyre». La circonstance, à la supposer avérée, que M. [L] et M. [D] seraient chacun très connus dans leur secteur d’activité respectif, la sculpture pour le premier et l’architecture d’intérieur pour le second, n’est pas de nature à empêcher que les utilisateurs des réseaux sociaux puissent être induits en erreur. Le procès-verbal de constat produit en pièce 10 par M. [L] révèle d’ailleurs qu’un article de presse en langue italienne relatif à la décoration d’un appartement à New Yorkréalisée par M. [D] attribue la lampe «Lyre» à la société SELVAGGIO de ce dernier.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que M. [D] a porté atteinte au droit moral d’auteur de M. [L].





Sur la réparation du préjudice de M. [L]



M. [D] soutient que le préjudice économique de M. [L] est faible au regard de l’audience très restreinte qu’ont eue les publications litigieuses sur internet(selon le constat de commissaire de justice produit par M. [L], seulement 426 internautes auraient aimé sa page Facebook; la photo litigieuse 1 a eu 6 «like» et n’a jamais été commentée sur la page Facebook; la photographie litigieuse 2 a eu 22 «like» et n’a jamais été commentée non plus; 2876 internautes se sont abonnés à la page Instagram de M. [D]; la photo litigieuse 1 a été publiée à trois reprises cumulant un total de 69 «likes» et un unique commentaire sur Instagram; la photographie litigieuse 2 a reçu 179 «likes» et aurait été commentée 4 fois sur la page Instagram); que M. [D] ne peut pas être raisonnablement qualifié d’influenceur sur les réseaux sociaux ; que les deux photographies litigieuses ont été retirées immédiatement des réseaux sociaux de M. [D] après l’envoi de la première lettre de mise en demeure; que seul le dommage subi en France par M. [L] pourra être réparé; que M. [L] créé sciemment une confusion entre le préjudice qu’il prétend avoir subi en France et l’existence d’un prétendu préjudice dans le monde en apportant des éléments extérieurs au présent litige, notamment des publications de la lampe litigieuse réalisées sur des sites tiers dont M. [D] n’a pas la maîtrise éditoriale; que la diffusion des deux photographies litigieuses n’a aucun impact auprès du public, a fortiori auprès du public français; que la demande d’indemnité formulée par M. [L] est disproportionnée.



M. [L] demande la confirmation du jugement, faisant valoir en substance que l’omission de son nom et la confusion entretenue sur la qualité d’auteur de la lampe «Lyre» lui causent un préjudice moral très important; que M. [D] se comporte manifestement comme s’il était l’auteur de la lampe «Lyre»; que les photographies litigieuses représentant la lampe «Lyre» s’inscrivent en effet dans la promotion de ses activités professionnelles de designer sur les réseaux sociaux et qu’à cet égard elles ont une nature publicitaire; que la visibilité des publications sur des comptes Facebook ou Instagram dits publics ne se mesure pas aux nombres d’abonnés, chaque internaute pouvant librement accéder au contenu publié à tout moment, notamment les internautes français; que M. [D] bénéficie d’une certaine notoriété en France; que M. [D] a associé à la publication des photographies litigieuses de nombreux hashtags particulièrement populaires tels que #design ou encore #creativity, optimisant ainsi le référencement et la visibilité de ses publications; que les photographies litigieuses ont été utilisées en tant que photographies de profil et ont été accessibles pendant une longue période ; que l’une des photographies est encore accessible sur internet quand on écrit sur Google «[H] [D]»; que les publications litigieuses ont bénéficié d’une importante visibilité en France.



Ceci étant exposé, selon l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».



En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier établi les 23 et 26 février et 22 mars 2018 à la demande de M. [L] (sa pièce 10) que les deux photographies litigieuses sont restées sur les comptes Facebook et Instagram, accessibles depuis la France, de M. [D], respectivement un an pour la première et deux ans pour la seconde, la présence de la première photographie sur internet à partir du moteur de recherche Google à la date du 6 juillet 2021 (procès-verbal de constat en date du 6 juillet 2021 en pièce 26) ne pouvant être imputée à M. [D] qui ne maîtrise pas le contenu éditorial correspondant.



Le procès-verbal établi en février et mars 2018 montre que les publications litigieuses ont rencontré une audience relativement limitée, comme le souligne M. [D] dans ses écritures.



Il doit cependant être tenu compte du fait que les mises en scène publiées traduisent, comme il a été dit, une volonté délibérée de M. [D] d’apparaître comme le concepteur de la lampe «Lyre».



Il est constant enfin que les deux photographies ont été retirées des comptes sociaux de M.[D] immédiatement après l’envoi de la première lettre de mise en demeure.



Prenant en considération cet ensemble d’éléments, la cour estime que le tribunal a procédé à une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. [L] en lui allouant la somme de 25000 € à titre de réparation.



Le jugement sera également confirmé de ce chef.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



M. [D], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de M. [D] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [L] en appel peut être équitablement fixée à 5000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne M. [D] aux dépens d’appel et au paiement à M. [L] de la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les caractéristiques qui permettent à la lampe « Lyre » d’être protégée par le droit d’auteur ?

La lampe « Lyre » est protégée par le droit d’auteur en raison de son originalité, qui se manifeste par plusieurs caractéristiques distinctives. Selon l’auteur, la lampe est définie par « l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ». Cette description souligne non seulement l’aspect esthétique de la lampe, mais aussi son caractère unique, qui reflète la vision artistique de son créateur. En effet, l’auteur a conçu la lampe pour qu’elle évoque des images variées, telles qu’une amphore, une algue mouvante, ou un poisson plongeant, ce qui lui confère une allure souple, aérienne et sensuelle. Ainsi, la lampe « Lyre » incarne à la fois le mouvement et la sérénité, ce qui renforce son statut d’œuvre originale et, par conséquent, sa protection par le droit d’auteur.

Quel est le cadre juridique de la protection des œuvres de l’esprit en France ?

La protection des œuvres de l’esprit en France est régie par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.111-1 stipule que l’auteur d’une œuvre jouit, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comprend des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L.112-1 précise que ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre, quel que soit son genre, sa forme d’expression, son mérite ou sa destination. En outre, l’article L.112-2-10° inclut les œuvres des arts appliqués dans la catégorie des œuvres de l’esprit. Ces dispositions établissent le principe selon lequel une œuvre est protégée sans formalité, simplement par le fait de sa création, à condition qu’elle présente une forme originale. Toutefois, si l’originalité d’une œuvre est contestée, il incombe à celui qui revendique la protection de démontrer ce qui caractérise cette originalité.

Quels sont les éléments du litige entre M. [H] [D] et M. [U] [L] concernant la lampe « Lyre » ?

Le litige entre M. [H] [D], architecte d’intérieur, et M. [U] [L], sculpteur plasticien, concerne la création et l’exploitation de la lampe « Lyre ». M. [L] revendique être le créateur de cette lampe, qu’il a enregistrée en tant que dessin et modèle en 1991. Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé plusieurs modèles de la lampe « Lyre » pour des projets de décoration, notamment pour l’Hôtel Eden Roc en Suisse. Cependant, M. [L] a constaté des atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe, ce qui l’a conduit à faire constater ces atteintes par huissier et à adresser des lettres de mise en demeure à M. [D]. Face à l’absence de réponse satisfaisante, M. [L] a assigné M. [D] et sa société, SELVAGGIO, devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de ses droits d’auteur et réparation de son préjudice. Le tribunal a reconnu la protection de la lampe « Lyre » par le droit d’auteur et a condamné M. [D] à indemniser M. [L] pour atteinte à son droit moral.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement en mai 2021 qui a eu plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, il a reconnu que M. [U] [L] était recevable dans ses demandes fondées sur le droit d’auteur et que la lampe « Lyre » était protégeable par ce droit. De plus, le tribunal a constaté que M. [H] [D] avait porté atteinte au droit moral de M. [L] en publiant des photographies de la lampe sans autorisation et sans mentionner le nom de l’auteur. En conséquence, M. [D] a été condamné à verser 25 000 euros à M. [L] pour cette atteinte à son droit moral, ainsi qu’une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que M. [D] devait se conformer à la décision même s’il interjetait appel. Cette décision a été contestée par M. [D], qui a fait appel de la décision, entraînant une nouvelle procédure devant la cour d’appel de Paris.

Quels sont les arguments avancés par M. [D] dans son appel ?

Dans son appel, M. [H] [D] a soulevé plusieurs arguments pour contester le jugement du tribunal judiciaire de Paris. Il a principalement soutenu que M. [U] [L] ne parvenait pas à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », affirmant que la description fournie par M. [L] ne suffisait pas à établir une démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité. M. [D] a également fait valoir que la lampe « Lyre » était dépourvue de caractère original et, par conséquent, ne pouvait pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Il a demandé à la cour d’infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [L] de son action en contrefaçon. En outre, M. [D] a invoqué la théorie de l’accessoire, arguant que la lampe « Lyre » était représentée de manière accessoire dans les photographies litigieuses, ce qui, selon lui, ne constituait pas une atteinte à ses droits d’auteur. Il a également soutenu que M. [L] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice et que les modifications apportées à la lampe par M. [D] lui conféraient des droits sur celle-ci.

Comment la cour d’appel a-t-elle motivé sa décision ?

La cour d’appel a motivé sa décision en se basant sur plusieurs éléments juridiques et factuels. Elle a d’abord confirmé que M. [L] avait réussi à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », en précisant que les choix créatifs effectués par M. [L] ne relevaient pas uniquement de nécessités fonctionnelles, mais reflétaient une démarche esthétique personnelle. La cour a également rejeté l’argument de M. [D] selon lequel la lampe était représentée de manière accessoire dans les photographies. Elle a constaté que la présence de la lampe dans les images était délibérée et qu’elle avait été mise en valeur, ce qui ne pouvait pas être qualifié d’accessoire ou d’involontaire. En ce qui concerne l’atteinte au droit moral de M. [L], la cour a souligné que les photographies publiées par M. [D] ne mentionnaient pas le nom de l’auteur, ce qui constituait une violation de son droit à la paternité. La cour a également pris en compte le fait que les mises en scène laissaient penser que M. [D] était le créateur de la lampe, ce qui a renforcé l’atteinte à l’image de M. [L]. Enfin, la cour a confirmé le montant de l’indemnisation accordée à M. [L] pour le préjudice moral, estimant que le tribunal avait correctement évalué la situation.

Moyens




Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 23 janvier 2023, M.[D], appelant, demande à la cour de :



Vu les articles L 111-1 et L121-1 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,



– infirmer le jugement en ce qu’il a:

– dit que la lampe Lyre dont [U] [L] est l’auteur est protégeable par le droit d’auteur;

– dit que [H] [D] a porté atteinte au droit moral de [U] [L] en publiant sans autorisation sur les réseaux sociaux et sans mentionner le nom de l’auteur, des photographies le représentant avec la lampe LYRE;

– condamné [H] [D] à payer à [U] [L] la somme de 25000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral;

– condamné [H] [D] à verser à [U] [L] une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné [H] [D] aux dépens;



– statuer de nouveau et:



– à titre principal, sur l’absence de protection de la lampe au titre du droit d’auteur :

– juger que M. [L] ne caractérise pas l’originalité de la lampe ‘Lyre’ litigieuse;

– juger que le modèle lampe ‘Lyre’ est dépourvu de caractère original et qu’elle n’est donc pas éligible à la protection par le droit d’auteur;

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe ‘Lyre’ et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre subsidiaire, sur l’absence de contrefaçon en application de la théorie de l’accessoire:

– juger que la lampe ‘Lyre’ est représentée de façon accessoire sur les deux photographies litigieuses de sorte qu’il n’existe aucune atteinte au monopole du droit d’auteur revendiqué par M. [L];

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe LYRE et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre très subsidiaire, sur l’absence de préjudice subi :

– juger que M. [L] ne démontre pas l’existence d’un préjudice;

– juger qu’il n’existe aucun risque de confusion dans la représentation de la lampe ‘Lyre’ en présence de M. [H] [D] sur les photographies publiées sur les réseaux sociaux de ce dernier;

– par conséquent,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires;

– à défaut, limiter la condamnation de M. [D] à un montant symbolique de 1 euro ou, à tout le moins, à un montant raisonnable pour le préjudice subi par M. [L] sur le territoire français au regard des publications litigieuses;



– en tout état de cause,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

– condamner M. [L] à payer à M. [D] la somme de 15000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens;

– confirmer les dispositions du jugement en date du 7 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes de publication de M. [L].



Dans ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2021, M. [L], intimé, demande à la cour de :



Vu les articles L.112-1, L.112-2, L.121-1, L.331-1-3, L.331-1-4 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,



– confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes;

– condamner M. [D] à verser à M. [L] la somme de 15000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner M. [D] au paiement des entiers dépens.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

Motivation








MOTIFS DE LA DECISION





En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.





Sur les chefs non critiqués du jugement



La cour constate que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a mis hors de cause la société SELVAGGIO et rejeté les demandes de publication de M. [L].



Malgré les termes de la déclaration d’appel, il n’est pas davantage critiqué en ce qu’il a déclaré M. [L] recevable en ses demandes fondées sur les droits d’auteur, la titularité des droits de M. [L] sur la lampe «Lyre» n’étant pas contestée. Il sera donc confirmé sur ce point, pour les justes motifs qu’il comporte.





Sur la protection de la lampe ‘Lyre’ par le droit d’auteur



M. [D] soutient qu’il appartient à M. [L] d’identifier exactement les caractéristiques qui rendraient selon lui la lampe initiale éligible à la protection par le droit d’auteur; que M. [L] ne démontre pas l’originalité dont il se prévaut, la seule description objective des caractéristiques de la lampe litigieuse, relatant uniquement des éléments relevant de la technique, ne pouvant suffire à démontrer la démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité ; que les prétendues inspirations revendiquées par l’intimé sont sans effet dans la démonstration de l’originalité de la lampe initiale; que le fait que d’autres auteurs reproduisent la lampe litigieuse dans des dessins ne permet pas davantage de démontrer l’originalité de celle-ci; que la lampe, à défaut d’originalité, ne peut donc accéder au statut d »uvre de l’esprit et prétendre à la protection au titre du droit d’auteur.



M. [L] répond que des créations de mobilier peuvent être protégées au titre du droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et ne répondent pas uniquement à des nécessités fonctionnelles; qu’en l’espèce il ne peut être contesté que la lampe «Lyre» constitue une ‘uvre originale portant l’empreinte de sa personnalité; que la forme de cette création ne présente aucun caractère fonctionnel mais bien au contraire un parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur; que notamment inspiré par les formes surréalistes présentes dans les créations de [P] [A], [Y] [N] et [T] [K], ainsi que par l’univers de dessinateurs de bandes dessinées, tels que Will dans «Tif et Tondu» ou encore [C] qui faisait évoluer ses personnages dans des décors tout à la fois inventifs et réalistes, il a toujours cherché à allier modernité et intemporalité dans son travail de sculpteur plasticien et en particulier dans le cadre de la création de la lampe «Lyre».



Ceci étant exposé, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-10°, les oeuvres des arts appliqués sont considérées comme oeuvres de l’esprit.



Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une ‘uvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

En l’espèce, M. [L] expose que l’originalité de la lampe «Lyre» est notamment caractérisée par «l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels» et qu’il a fabriqué la lampe «Lyre» afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse «tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie», la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité selon la vision artistique du créateur. Il ajoute que le dialogue entre la bande dessinée et ses créations de design trouve sa consécration depuis que des artistes ont intégré la lampe «Lyre» dans leurs dessins ([W] [M], [E] [G], [O] [S], [Z] [X]).



M. [L] définit ainsi de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création. Les premiers juges ont exactement relevé que le demandeur est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l’instrument de musique donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses.



Les choix créatifs personnels auxquels M. [L] a procédé pour l’élaboration de la lampe «Lyre» qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne relèvent pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, procèdent d’un parti-pris esthétique révélant l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la lampe «Lyre» est protégeable par le droit d’auteur.





Sur l’existence de la contrefaçon



M. [D] soutient que la lampe «Lyre» commandée à M. [L] et sur laquelle il a apporté des modifications avant de la livrer en Suisse à l’hôtel d’Ascona, telle que reproduite sur les photographies litigieuses, n’est utilisée qu’en tant qu’accessoire; qu’il est de jurisprudence constante que l’utilisation accessoire d’une ‘uvre est licite et échappe à l’emprise du monopole du droit d’auteurdans la mesure où elle n’est pas une exploitation de cette oeuvre au sens du code de la propriété intellectuelle; que la théorie de l’accessoire doit recevoir application en l’espèce; que les effets de la théorie de l’accessoire s’appliquent aux droits patrimoniaux et s’étendent également au droit moral, notamment au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre ; que la Cour de cassation a énoncé des critères permettant d’appliquer la théorie de l’accessoire : la présence de l »uvre en arrière-plan ou encore l’absence de présentation de l »uvre en tant que sujet principal (Cass. civ. 1, 15 mars 2005, 03-14820 ; Cass. com., 12 mai 2011, 08-20651), peu importe que l’inclusion de cette ‘uvre soit volontaire ou non; que le tribunal judiciaire a rejeté la théorie de l’accessoire en motivant son jugement par une mauvaise application des règles de droit; que l’application de la théorie de l’accessoire ne résulte pas en effet de l’article L.122-5-6° du code de la propriété intellectuelle mais d’une exception jurisprudentielle non codifiée ; qu’en outre, le tribunal a rejeté la théorie de l’accessoire au motif que la lampe était reproduite de manière délibérée et a ainsi ajouté une condition à l’application de cette théorie ; qu’en l’espèce, la lampe est représentée accessoirement en ce qu’elle n’est ni l’objet ni l’objectif de la communication en cause et en toute hypothèse la lampe représentée n’est pas la lampe initiale telle que fabriquée par M. [L] mais la lampe modifiée.



M. [L] répond que la théorie de l’accessoire constitue une exception au monopole conféré par le droit d’auteur lorsque la reproduction ou la représentation de l »uvre relève d’une inclusion fortuite, furtive et accessoire au sujet traité(Cass. Com, 12 mai 2011, n°08-20.651) ; que la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2012 a précisé que la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit devait s’entendre d’une reproduction ou d’une représentation «accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté»; qu’en revanche, cette théorie ne s’applique pas si la reproduction ou représentation a été faite de manière délibérée, si sa reproduction ou représentation présente une importance dans la composition litigieuse et si l »uvre est nettement visible et identifiable; qu’en l’espèce, il ne peut être prétendu que la reproduction de la lampe «Lyre» a été effectuée à titre accessoire; que compte tenu de sa nature d’exception au droit exclusif de l’auteur, la théorie de l’accessoire doit s’interpréter restrictivement, à l’instar des exceptions légales prévues par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.



Ceci étant exposé, aux termes de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre.



L’article 121-2 énonce que l’auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu’il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.



L’article L. 122-4 prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.



La Directive européenne n°2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information prévoit en son article 5.3 que les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits [de reproduction et de communication au public], notamment «i) lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une ‘uvre ou d’un autre objet protégé dans un autre produit». La théorie de l’accessoire invoquée par M. [D] trouve son fondement dans ce texte.



Selon la jurisprudence la plus récente rendue en la matière, la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit, doit s’entendre comme «une représentation accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté» (Cass, Civ.1ère, 12 juillet 2012, n°11-15.165).



En l’espèce, comme l’a exactement jugé le tribunal, il apparaît clairement que la présence de la lampe «Lyre» sur les deux photographies litigieuses publiées sur les comptes Facebook et Instagram de M. [D] résulte d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, l’intéressé se mettant littéralement en scène avec la lampe :































Photographie 1 Photographie 2

















S’agissant de la photographie 1, M. [D] fait valoir que la présentation de la lampe modifiée est accessoire au sujet traité qui réside dans la représentation, centrale, de sa personne. Force est pourtant de constater que la lampe est au tout premier plan et que la mise en scène choisie ‘ M. [D] glissant sa main entre les deux bras de la lampe dont les abat-jour sont placés au même niveau que son visage qu’ils viennent éclairer ‘ met l’objet en évidence et lui donne une importance particulière. La représentation de la lampe est manifestement délibérée et ne peut être qualifiée de fortuite ou d’involontaire.



S’agissant de la seconde photographie, M. [D] argue que la lampe ne fait pas l’objet d’une mise en valeur particulière, étant insérée dans un décor comprenant des meubles, des lampes, des chandeliers/bougeoirs, des vases, des bols et autres objets en céramique et en faïence, en outre, en arrière-plan, de sorte qu’elle n’est nullement le sujet central de la photographie, sa présence étant uniquement là pour compléter la présentation de la scène photographiée. Mais s’il est vrai que la lampe est ici au second plan, elle n’en est pas moins très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence en ce qu’elle apparaît comme la principale source de lumière de la mise en scène, sa couleur claire tranchant en outre nettement avec le reste du décor globalement sombre, et comme faisant écho à la lumière éclairant le visage de M. [D] qui est placé à la même hauteur. La représentation de la lampe est ici encore délibérée, et non fortuite ou involontaire.



Il ne peut être retenu, par conséquent, que la reproduction et la représentation de la lampe «Lyre» ont été effectuées de manière accessoire.



La circonstance que les lampes ainsi reproduites et représentées soient des lampes modifiées par M. [D] ou à sa demande par M. [L] est indifférente, les modifications invoquées, qui ne sont d’ailleurs pas explicitées, n’étant pas de nature à conférer à M. [D] des droits sur la lampe «Lyre» ni à l’autoriser à publier des photographies de cette lampe sans mentionner le nom de son auteur.



Il est constant que les deux photographies litigieuses, qui ont été mises en ligne sur les comptes sociaux Facebook et Instagram de M. [D] accessibles au public, ne mentionnent pas le nom de M. [L] comme auteur de la lampe «Lyre», ce qui caractérise l’atteinte portée au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre.



Cette atteinte est renforcée par le fait que, comme l’ont souligné les premiers juges, les mises en scène sur les deux photographies sont de nature à laisser penser que M. [D], architecte d’intérieur et décorateur, est le créateur de la lampe «Lyre». La circonstance, à la supposer avérée, que M. [L] et M. [D] seraient chacun très connus dans leur secteur d’activité respectif, la sculpture pour le premier et l’architecture d’intérieur pour le second, n’est pas de nature à empêcher que les utilisateurs des réseaux sociaux puissent être induits en erreur. Le procès-verbal de constat produit en pièce 10 par M. [L] révèle d’ailleurs qu’un article de presse en langue italienne relatif à la décoration d’un appartement à New Yorkréalisée par M. [D] attribue la lampe «Lyre» à la société SELVAGGIO de ce dernier.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que M. [D] a porté atteinte au droit moral d’auteur de M. [L].





Sur la réparation du préjudice de M. [L]



M. [D] soutient que le préjudice économique de M. [L] est faible au regard de l’audience très restreinte qu’ont eue les publications litigieuses sur internet(selon le constat de commissaire de justice produit par M. [L], seulement 426 internautes auraient aimé sa page Facebook; la photo litigieuse 1 a eu 6 «like» et n’a jamais été commentée sur la page Facebook; la photographie litigieuse 2 a eu 22 «like» et n’a jamais été commentée non plus; 2876 internautes se sont abonnés à la page Instagram de M. [D]; la photo litigieuse 1 a été publiée à trois reprises cumulant un total de 69 «likes» et un unique commentaire sur Instagram; la photographie litigieuse 2 a reçu 179 «likes» et aurait été commentée 4 fois sur la page Instagram); que M. [D] ne peut pas être raisonnablement qualifié d’influenceur sur les réseaux sociaux ; que les deux photographies litigieuses ont été retirées immédiatement des réseaux sociaux de M. [D] après l’envoi de la première lettre de mise en demeure; que seul le dommage subi en France par M. [L] pourra être réparé; que M. [L] créé sciemment une confusion entre le préjudice qu’il prétend avoir subi en France et l’existence d’un prétendu préjudice dans le monde en apportant des éléments extérieurs au présent litige, notamment des publications de la lampe litigieuse réalisées sur des sites tiers dont M. [D] n’a pas la maîtrise éditoriale; que la diffusion des deux photographies litigieuses n’a aucun impact auprès du public, a fortiori auprès du public français; que la demande d’indemnité formulée par M. [L] est disproportionnée.



M. [L] demande la confirmation du jugement, faisant valoir en substance que l’omission de son nom et la confusion entretenue sur la qualité d’auteur de la lampe «Lyre» lui causent un préjudice moral très important; que M. [D] se comporte manifestement comme s’il était l’auteur de la lampe «Lyre»; que les photographies litigieuses représentant la lampe «Lyre» s’inscrivent en effet dans la promotion de ses activités professionnelles de designer sur les réseaux sociaux et qu’à cet égard elles ont une nature publicitaire; que la visibilité des publications sur des comptes Facebook ou Instagram dits publics ne se mesure pas aux nombres d’abonnés, chaque internaute pouvant librement accéder au contenu publié à tout moment, notamment les internautes français; que M. [D] bénéficie d’une certaine notoriété en France; que M. [D] a associé à la publication des photographies litigieuses de nombreux hashtags particulièrement populaires tels que #design ou encore #creativity, optimisant ainsi le référencement et la visibilité de ses publications; que les photographies litigieuses ont été utilisées en tant que photographies de profil et ont été accessibles pendant une longue période ; que l’une des photographies est encore accessible sur internet quand on écrit sur Google «[H] [D]»; que les publications litigieuses ont bénéficié d’une importante visibilité en France.



Ceci étant exposé, selon l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».



En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier établi les 23 et 26 février et 22 mars 2018 à la demande de M. [L] (sa pièce 10) que les deux photographies litigieuses sont restées sur les comptes Facebook et Instagram, accessibles depuis la France, de M. [D], respectivement un an pour la première et deux ans pour la seconde, la présence de la première photographie sur internet à partir du moteur de recherche Google à la date du 6 juillet 2021 (procès-verbal de constat en date du 6 juillet 2021 en pièce 26) ne pouvant être imputée à M. [D] qui ne maîtrise pas le contenu éditorial correspondant.



Le procès-verbal établi en février et mars 2018 montre que les publications litigieuses ont rencontré une audience relativement limitée, comme le souligne M. [D] dans ses écritures.



Il doit cependant être tenu compte du fait que les mises en scène publiées traduisent, comme il a été dit, une volonté délibérée de M. [D] d’apparaître comme le concepteur de la lampe «Lyre».



Il est constant enfin que les deux photographies ont été retirées des comptes sociaux de M.[D] immédiatement après l’envoi de la première lettre de mise en demeure.



Prenant en considération cet ensemble d’éléments, la cour estime que le tribunal a procédé à une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. [L] en lui allouant la somme de 25000 € à titre de réparation.



Le jugement sera également confirmé de ce chef.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



M. [D], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de M. [D] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [L] en appel peut être équitablement fixée à 5000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne M. [D] aux dépens d’appel et au paiement à M. [L] de la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les caractéristiques qui permettent à la lampe « Lyre » d’être protégée par le droit d’auteur ?

La lampe « Lyre » est protégée par le droit d’auteur en raison de son originalité, qui se manifeste par plusieurs caractéristiques distinctives. Selon l’auteur, la lampe est définie par « l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ». Cette description souligne non seulement l’aspect esthétique de la lampe, mais aussi son caractère unique, qui reflète la vision artistique de son créateur. En effet, l’auteur a conçu la lampe pour qu’elle évoque des images variées, telles qu’une amphore, une algue mouvante, ou un poisson plongeant, ce qui lui confère une allure souple, aérienne et sensuelle. Ainsi, la lampe « Lyre » incarne à la fois le mouvement et la sérénité, ce qui renforce son statut d’œuvre originale et, par conséquent, sa protection par le droit d’auteur.

Quel est le cadre juridique de la protection des œuvres de l’esprit en France ?

La protection des œuvres de l’esprit en France est régie par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.111-1 stipule que l’auteur d’une œuvre jouit, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comprend des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L.112-1 précise que ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre, quel que soit son genre, sa forme d’expression, son mérite ou sa destination. En outre, l’article L.112-2-10° inclut les œuvres des arts appliqués dans la catégorie des œuvres de l’esprit. Ces dispositions établissent le principe selon lequel une œuvre est protégée sans formalité, simplement par le fait de sa création, à condition qu’elle présente une forme originale. Toutefois, si l’originalité d’une œuvre est contestée, il incombe à celui qui revendique la protection de démontrer ce qui caractérise cette originalité.

Quels sont les éléments du litige entre M. [H] [D] et M. [U] [L] concernant la lampe « Lyre » ?

Le litige entre M. [H] [D], architecte d’intérieur, et M. [U] [L], sculpteur plasticien, concerne la création et l’exploitation de la lampe « Lyre ». M. [L] revendique être le créateur de cette lampe, qu’il a enregistrée en tant que dessin et modèle en 1991. Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé plusieurs modèles de la lampe « Lyre » pour des projets de décoration, notamment pour l’Hôtel Eden Roc en Suisse. Cependant, M. [L] a constaté des atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe, ce qui l’a conduit à faire constater ces atteintes par huissier et à adresser des lettres de mise en demeure à M. [D]. Face à l’absence de réponse satisfaisante, M. [L] a assigné M. [D] et sa société, SELVAGGIO, devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de ses droits d’auteur et réparation de son préjudice. Le tribunal a reconnu la protection de la lampe « Lyre » par le droit d’auteur et a condamné M. [D] à indemniser M. [L] pour atteinte à son droit moral.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement en mai 2021 qui a eu plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, il a reconnu que M. [U] [L] était recevable dans ses demandes fondées sur le droit d’auteur et que la lampe « Lyre » était protégeable par ce droit. De plus, le tribunal a constaté que M. [H] [D] avait porté atteinte au droit moral de M. [L] en publiant des photographies de la lampe sans autorisation et sans mentionner le nom de l’auteur. En conséquence, M. [D] a été condamné à verser 25 000 euros à M. [L] pour cette atteinte à son droit moral, ainsi qu’une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que M. [D] devait se conformer à la décision même s’il interjetait appel. Cette décision a été contestée par M. [D], qui a fait appel de la décision, entraînant une nouvelle procédure devant la cour d’appel de Paris.

Quels sont les arguments avancés par M. [D] dans son appel ?

Dans son appel, M. [H] [D] a soulevé plusieurs arguments pour contester le jugement du tribunal judiciaire de Paris. Il a principalement soutenu que M. [U] [L] ne parvenait pas à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », affirmant que la description fournie par M. [L] ne suffisait pas à établir une démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité. M. [D] a également fait valoir que la lampe « Lyre » était dépourvue de caractère original et, par conséquent, ne pouvait pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Il a demandé à la cour d’infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [L] de son action en contrefaçon. En outre, M. [D] a invoqué la théorie de l’accessoire, arguant que la lampe « Lyre » était représentée de manière accessoire dans les photographies litigieuses, ce qui, selon lui, ne constituait pas une atteinte à ses droits d’auteur. Il a également soutenu que M. [L] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice et que les modifications apportées à la lampe par M. [D] lui conféraient des droits sur celle-ci.

Comment la cour d’appel a-t-elle motivé sa décision ?

La cour d’appel a motivé sa décision en se basant sur plusieurs éléments juridiques et factuels. Elle a d’abord confirmé que M. [L] avait réussi à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », en précisant que les choix créatifs effectués par M. [L] ne relevaient pas uniquement de nécessités fonctionnelles, mais reflétaient une démarche esthétique personnelle. La cour a également rejeté l’argument de M. [D] selon lequel la lampe était représentée de manière accessoire dans les photographies. Elle a constaté que la présence de la lampe dans les images était délibérée et qu’elle avait été mise en valeur, ce qui ne pouvait pas être qualifié d’accessoire ou d’involontaire. En ce qui concerne l’atteinte au droit moral de M. [L], la cour a souligné que les photographies publiées par M. [D] ne mentionnaient pas le nom de l’auteur, ce qui constituait une violation de son droit à la paternité. La cour a également pris en compte le fait que les mises en scène laissaient penser que M. [D] était le créateur de la lampe, ce qui a renforcé l’atteinte à l’image de M. [L]. Enfin, la cour a confirmé le montant de l’indemnisation accordée à M. [L] pour le préjudice moral, estimant que le tribunal avait correctement évalué la situation.

Exposé du litige





***



EXPOSE DU LITIGE





M. [H] [D] se présente comme un architecte d’intérieur de renommée mondiale réalisant, par le biais de sa société de droit suisse SELVAGGIO, des travaux de décoration d’intérieur.



M. [U] [L] se présente comme un sculpteur-plasticien spécialisé dans les luminaires et les miroirs.



M. [L] indique être le créateur de la «Lampe Lyre» enregistrée le 28 janvier 1991 au titre des dessins et modèles sous le n°018709 et sur laquelle il revendique des droits d’auteur:

























Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé à M. [L] de nombreux modèles en différentes tailles de la lampe ‘Lyre’ pour décorer notamment l’Hôtel Eden Roc situé à Ascona en Suisse.



Se plaignant d’atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe ‘Lyre’, qu’il a fait constater par huissier de justice les 18, 23 et 26 février 2018 et les 23, 27, et 29 mars 2018, M. [L] a vainement adressé à M. [D], les 23 mai et 3 juillet 2018, des lettres de mise en demeure lui enjoignant de cesser toute exploitation de la lampe ‘Lyre’ qui porterait atteinte à ses droits et de formuler une proposition d’indemnisation visant à réparer son préjudice.



C’est dans ce contexte que M. [L] a fait assigner, par acte du 7 mars 2019, la société SELVAGGIO et M. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris afin de faire constater la contrefaçon de ses droits et demander la réparation de son préjudice.



Par ordonnance du 10 janvier 2020, le juge de la mise en état, saisi d’un incident par M.[D] et la société SELVAGGIO, a dit n’y avoir lieu d’annuler l’assignation et a déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour connaître des demandes d’indemnisation des préjudices subis du fait des reproductions non autorisées qui auraient été effectuées sur le territoire suisse.



Dans un jugement du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a:

– mis hors de cause la société SELVAGGIO;

– déclaré [U] [L] recevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur;

– dit que la lampe ‘Lyre’ dont [U] [L] est l’auteur est protégeable par le droit d’auteur;

– dit que [H] [D] a porté atteinte au droit moral de [U] [L] en publiant sans autorisation sur les réseaux sociaux et sans mentionner le nom de l’auteur, des photographies le représentant avec la lampe ‘Lyre’;

– condamné [H] [D] à payer à [U] [L] la somme de 25000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral;

– rejeté les demandes de publication;

– condamné [H] [D] à verser à [U] [L] une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné [H] [D] aux dépens;

– ordonné l’exécution provisoire.



M. [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 30 juin 2021.

Moyens




Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 23 janvier 2023, M.[D], appelant, demande à la cour de :



Vu les articles L 111-1 et L121-1 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,



– infirmer le jugement en ce qu’il a:

– dit que la lampe Lyre dont [U] [L] est l’auteur est protégeable par le droit d’auteur;

– dit que [H] [D] a porté atteinte au droit moral de [U] [L] en publiant sans autorisation sur les réseaux sociaux et sans mentionner le nom de l’auteur, des photographies le représentant avec la lampe LYRE;

– condamné [H] [D] à payer à [U] [L] la somme de 25000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral;

– condamné [H] [D] à verser à [U] [L] une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné [H] [D] aux dépens;



– statuer de nouveau et:



– à titre principal, sur l’absence de protection de la lampe au titre du droit d’auteur :

– juger que M. [L] ne caractérise pas l’originalité de la lampe ‘Lyre’ litigieuse;

– juger que le modèle lampe ‘Lyre’ est dépourvu de caractère original et qu’elle n’est donc pas éligible à la protection par le droit d’auteur;

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe ‘Lyre’ et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre subsidiaire, sur l’absence de contrefaçon en application de la théorie de l’accessoire:

– juger que la lampe ‘Lyre’ est représentée de façon accessoire sur les deux photographies litigieuses de sorte qu’il n’existe aucune atteinte au monopole du droit d’auteur revendiqué par M. [L];

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe LYRE et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre très subsidiaire, sur l’absence de préjudice subi :

– juger que M. [L] ne démontre pas l’existence d’un préjudice;

– juger qu’il n’existe aucun risque de confusion dans la représentation de la lampe ‘Lyre’ en présence de M. [H] [D] sur les photographies publiées sur les réseaux sociaux de ce dernier;

– par conséquent,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires;

– à défaut, limiter la condamnation de M. [D] à un montant symbolique de 1 euro ou, à tout le moins, à un montant raisonnable pour le préjudice subi par M. [L] sur le territoire français au regard des publications litigieuses;



– en tout état de cause,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

– condamner M. [L] à payer à M. [D] la somme de 15000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens;

– confirmer les dispositions du jugement en date du 7 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes de publication de M. [L].



Dans ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2021, M. [L], intimé, demande à la cour de :



Vu les articles L.112-1, L.112-2, L.121-1, L.331-1-3, L.331-1-4 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,



– confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes;

– condamner M. [D] à verser à M. [L] la somme de 15000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner M. [D] au paiement des entiers dépens.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

Motivation








MOTIFS DE LA DECISION





En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.





Sur les chefs non critiqués du jugement



La cour constate que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a mis hors de cause la société SELVAGGIO et rejeté les demandes de publication de M. [L].



Malgré les termes de la déclaration d’appel, il n’est pas davantage critiqué en ce qu’il a déclaré M. [L] recevable en ses demandes fondées sur les droits d’auteur, la titularité des droits de M. [L] sur la lampe «Lyre» n’étant pas contestée. Il sera donc confirmé sur ce point, pour les justes motifs qu’il comporte.





Sur la protection de la lampe ‘Lyre’ par le droit d’auteur



M. [D] soutient qu’il appartient à M. [L] d’identifier exactement les caractéristiques qui rendraient selon lui la lampe initiale éligible à la protection par le droit d’auteur; que M. [L] ne démontre pas l’originalité dont il se prévaut, la seule description objective des caractéristiques de la lampe litigieuse, relatant uniquement des éléments relevant de la technique, ne pouvant suffire à démontrer la démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité ; que les prétendues inspirations revendiquées par l’intimé sont sans effet dans la démonstration de l’originalité de la lampe initiale; que le fait que d’autres auteurs reproduisent la lampe litigieuse dans des dessins ne permet pas davantage de démontrer l’originalité de celle-ci; que la lampe, à défaut d’originalité, ne peut donc accéder au statut d »uvre de l’esprit et prétendre à la protection au titre du droit d’auteur.



M. [L] répond que des créations de mobilier peuvent être protégées au titre du droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et ne répondent pas uniquement à des nécessités fonctionnelles; qu’en l’espèce il ne peut être contesté que la lampe «Lyre» constitue une ‘uvre originale portant l’empreinte de sa personnalité; que la forme de cette création ne présente aucun caractère fonctionnel mais bien au contraire un parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur; que notamment inspiré par les formes surréalistes présentes dans les créations de [P] [A], [Y] [N] et [T] [K], ainsi que par l’univers de dessinateurs de bandes dessinées, tels que Will dans «Tif et Tondu» ou encore [C] qui faisait évoluer ses personnages dans des décors tout à la fois inventifs et réalistes, il a toujours cherché à allier modernité et intemporalité dans son travail de sculpteur plasticien et en particulier dans le cadre de la création de la lampe «Lyre».



Ceci étant exposé, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-10°, les oeuvres des arts appliqués sont considérées comme oeuvres de l’esprit.



Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une ‘uvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

En l’espèce, M. [L] expose que l’originalité de la lampe «Lyre» est notamment caractérisée par «l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels» et qu’il a fabriqué la lampe «Lyre» afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse «tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie», la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité selon la vision artistique du créateur. Il ajoute que le dialogue entre la bande dessinée et ses créations de design trouve sa consécration depuis que des artistes ont intégré la lampe «Lyre» dans leurs dessins ([W] [M], [E] [G], [O] [S], [Z] [X]).



M. [L] définit ainsi de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création. Les premiers juges ont exactement relevé que le demandeur est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l’instrument de musique donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses.



Les choix créatifs personnels auxquels M. [L] a procédé pour l’élaboration de la lampe «Lyre» qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne relèvent pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, procèdent d’un parti-pris esthétique révélant l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la lampe «Lyre» est protégeable par le droit d’auteur.





Sur l’existence de la contrefaçon



M. [D] soutient que la lampe «Lyre» commandée à M. [L] et sur laquelle il a apporté des modifications avant de la livrer en Suisse à l’hôtel d’Ascona, telle que reproduite sur les photographies litigieuses, n’est utilisée qu’en tant qu’accessoire; qu’il est de jurisprudence constante que l’utilisation accessoire d’une ‘uvre est licite et échappe à l’emprise du monopole du droit d’auteurdans la mesure où elle n’est pas une exploitation de cette oeuvre au sens du code de la propriété intellectuelle; que la théorie de l’accessoire doit recevoir application en l’espèce; que les effets de la théorie de l’accessoire s’appliquent aux droits patrimoniaux et s’étendent également au droit moral, notamment au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre ; que la Cour de cassation a énoncé des critères permettant d’appliquer la théorie de l’accessoire : la présence de l »uvre en arrière-plan ou encore l’absence de présentation de l »uvre en tant que sujet principal (Cass. civ. 1, 15 mars 2005, 03-14820 ; Cass. com., 12 mai 2011, 08-20651), peu importe que l’inclusion de cette ‘uvre soit volontaire ou non; que le tribunal judiciaire a rejeté la théorie de l’accessoire en motivant son jugement par une mauvaise application des règles de droit; que l’application de la théorie de l’accessoire ne résulte pas en effet de l’article L.122-5-6° du code de la propriété intellectuelle mais d’une exception jurisprudentielle non codifiée ; qu’en outre, le tribunal a rejeté la théorie de l’accessoire au motif que la lampe était reproduite de manière délibérée et a ainsi ajouté une condition à l’application de cette théorie ; qu’en l’espèce, la lampe est représentée accessoirement en ce qu’elle n’est ni l’objet ni l’objectif de la communication en cause et en toute hypothèse la lampe représentée n’est pas la lampe initiale telle que fabriquée par M. [L] mais la lampe modifiée.



M. [L] répond que la théorie de l’accessoire constitue une exception au monopole conféré par le droit d’auteur lorsque la reproduction ou la représentation de l »uvre relève d’une inclusion fortuite, furtive et accessoire au sujet traité(Cass. Com, 12 mai 2011, n°08-20.651) ; que la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2012 a précisé que la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit devait s’entendre d’une reproduction ou d’une représentation «accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté»; qu’en revanche, cette théorie ne s’applique pas si la reproduction ou représentation a été faite de manière délibérée, si sa reproduction ou représentation présente une importance dans la composition litigieuse et si l »uvre est nettement visible et identifiable; qu’en l’espèce, il ne peut être prétendu que la reproduction de la lampe «Lyre» a été effectuée à titre accessoire; que compte tenu de sa nature d’exception au droit exclusif de l’auteur, la théorie de l’accessoire doit s’interpréter restrictivement, à l’instar des exceptions légales prévues par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.



Ceci étant exposé, aux termes de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre.



L’article 121-2 énonce que l’auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu’il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.



L’article L. 122-4 prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.



La Directive européenne n°2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information prévoit en son article 5.3 que les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits [de reproduction et de communication au public], notamment «i) lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une ‘uvre ou d’un autre objet protégé dans un autre produit». La théorie de l’accessoire invoquée par M. [D] trouve son fondement dans ce texte.



Selon la jurisprudence la plus récente rendue en la matière, la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit, doit s’entendre comme «une représentation accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté» (Cass, Civ.1ère, 12 juillet 2012, n°11-15.165).



En l’espèce, comme l’a exactement jugé le tribunal, il apparaît clairement que la présence de la lampe «Lyre» sur les deux photographies litigieuses publiées sur les comptes Facebook et Instagram de M. [D] résulte d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, l’intéressé se mettant littéralement en scène avec la lampe :































Photographie 1 Photographie 2

















S’agissant de la photographie 1, M. [D] fait valoir que la présentation de la lampe modifiée est accessoire au sujet traité qui réside dans la représentation, centrale, de sa personne. Force est pourtant de constater que la lampe est au tout premier plan et que la mise en scène choisie ‘ M. [D] glissant sa main entre les deux bras de la lampe dont les abat-jour sont placés au même niveau que son visage qu’ils viennent éclairer ‘ met l’objet en évidence et lui donne une importance particulière. La représentation de la lampe est manifestement délibérée et ne peut être qualifiée de fortuite ou d’involontaire.



S’agissant de la seconde photographie, M. [D] argue que la lampe ne fait pas l’objet d’une mise en valeur particulière, étant insérée dans un décor comprenant des meubles, des lampes, des chandeliers/bougeoirs, des vases, des bols et autres objets en céramique et en faïence, en outre, en arrière-plan, de sorte qu’elle n’est nullement le sujet central de la photographie, sa présence étant uniquement là pour compléter la présentation de la scène photographiée. Mais s’il est vrai que la lampe est ici au second plan, elle n’en est pas moins très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence en ce qu’elle apparaît comme la principale source de lumière de la mise en scène, sa couleur claire tranchant en outre nettement avec le reste du décor globalement sombre, et comme faisant écho à la lumière éclairant le visage de M. [D] qui est placé à la même hauteur. La représentation de la lampe est ici encore délibérée, et non fortuite ou involontaire.



Il ne peut être retenu, par conséquent, que la reproduction et la représentation de la lampe «Lyre» ont été effectuées de manière accessoire.



La circonstance que les lampes ainsi reproduites et représentées soient des lampes modifiées par M. [D] ou à sa demande par M. [L] est indifférente, les modifications invoquées, qui ne sont d’ailleurs pas explicitées, n’étant pas de nature à conférer à M. [D] des droits sur la lampe «Lyre» ni à l’autoriser à publier des photographies de cette lampe sans mentionner le nom de son auteur.



Il est constant que les deux photographies litigieuses, qui ont été mises en ligne sur les comptes sociaux Facebook et Instagram de M. [D] accessibles au public, ne mentionnent pas le nom de M. [L] comme auteur de la lampe «Lyre», ce qui caractérise l’atteinte portée au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre.



Cette atteinte est renforcée par le fait que, comme l’ont souligné les premiers juges, les mises en scène sur les deux photographies sont de nature à laisser penser que M. [D], architecte d’intérieur et décorateur, est le créateur de la lampe «Lyre». La circonstance, à la supposer avérée, que M. [L] et M. [D] seraient chacun très connus dans leur secteur d’activité respectif, la sculpture pour le premier et l’architecture d’intérieur pour le second, n’est pas de nature à empêcher que les utilisateurs des réseaux sociaux puissent être induits en erreur. Le procès-verbal de constat produit en pièce 10 par M. [L] révèle d’ailleurs qu’un article de presse en langue italienne relatif à la décoration d’un appartement à New Yorkréalisée par M. [D] attribue la lampe «Lyre» à la société SELVAGGIO de ce dernier.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que M. [D] a porté atteinte au droit moral d’auteur de M. [L].





Sur la réparation du préjudice de M. [L]



M. [D] soutient que le préjudice économique de M. [L] est faible au regard de l’audience très restreinte qu’ont eue les publications litigieuses sur internet(selon le constat de commissaire de justice produit par M. [L], seulement 426 internautes auraient aimé sa page Facebook; la photo litigieuse 1 a eu 6 «like» et n’a jamais été commentée sur la page Facebook; la photographie litigieuse 2 a eu 22 «like» et n’a jamais été commentée non plus; 2876 internautes se sont abonnés à la page Instagram de M. [D]; la photo litigieuse 1 a été publiée à trois reprises cumulant un total de 69 «likes» et un unique commentaire sur Instagram; la photographie litigieuse 2 a reçu 179 «likes» et aurait été commentée 4 fois sur la page Instagram); que M. [D] ne peut pas être raisonnablement qualifié d’influenceur sur les réseaux sociaux ; que les deux photographies litigieuses ont été retirées immédiatement des réseaux sociaux de M. [D] après l’envoi de la première lettre de mise en demeure; que seul le dommage subi en France par M. [L] pourra être réparé; que M. [L] créé sciemment une confusion entre le préjudice qu’il prétend avoir subi en France et l’existence d’un prétendu préjudice dans le monde en apportant des éléments extérieurs au présent litige, notamment des publications de la lampe litigieuse réalisées sur des sites tiers dont M. [D] n’a pas la maîtrise éditoriale; que la diffusion des deux photographies litigieuses n’a aucun impact auprès du public, a fortiori auprès du public français; que la demande d’indemnité formulée par M. [L] est disproportionnée.



M. [L] demande la confirmation du jugement, faisant valoir en substance que l’omission de son nom et la confusion entretenue sur la qualité d’auteur de la lampe «Lyre» lui causent un préjudice moral très important; que M. [D] se comporte manifestement comme s’il était l’auteur de la lampe «Lyre»; que les photographies litigieuses représentant la lampe «Lyre» s’inscrivent en effet dans la promotion de ses activités professionnelles de designer sur les réseaux sociaux et qu’à cet égard elles ont une nature publicitaire; que la visibilité des publications sur des comptes Facebook ou Instagram dits publics ne se mesure pas aux nombres d’abonnés, chaque internaute pouvant librement accéder au contenu publié à tout moment, notamment les internautes français; que M. [D] bénéficie d’une certaine notoriété en France; que M. [D] a associé à la publication des photographies litigieuses de nombreux hashtags particulièrement populaires tels que #design ou encore #creativity, optimisant ainsi le référencement et la visibilité de ses publications; que les photographies litigieuses ont été utilisées en tant que photographies de profil et ont été accessibles pendant une longue période ; que l’une des photographies est encore accessible sur internet quand on écrit sur Google «[H] [D]»; que les publications litigieuses ont bénéficié d’une importante visibilité en France.



Ceci étant exposé, selon l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».



En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier établi les 23 et 26 février et 22 mars 2018 à la demande de M. [L] (sa pièce 10) que les deux photographies litigieuses sont restées sur les comptes Facebook et Instagram, accessibles depuis la France, de M. [D], respectivement un an pour la première et deux ans pour la seconde, la présence de la première photographie sur internet à partir du moteur de recherche Google à la date du 6 juillet 2021 (procès-verbal de constat en date du 6 juillet 2021 en pièce 26) ne pouvant être imputée à M. [D] qui ne maîtrise pas le contenu éditorial correspondant.



Le procès-verbal établi en février et mars 2018 montre que les publications litigieuses ont rencontré une audience relativement limitée, comme le souligne M. [D] dans ses écritures.



Il doit cependant être tenu compte du fait que les mises en scène publiées traduisent, comme il a été dit, une volonté délibérée de M. [D] d’apparaître comme le concepteur de la lampe «Lyre».



Il est constant enfin que les deux photographies ont été retirées des comptes sociaux de M.[D] immédiatement après l’envoi de la première lettre de mise en demeure.



Prenant en considération cet ensemble d’éléments, la cour estime que le tribunal a procédé à une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. [L] en lui allouant la somme de 25000 € à titre de réparation.



Le jugement sera également confirmé de ce chef.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



M. [D], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de M. [D] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [L] en appel peut être équitablement fixée à 5000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne M. [D] aux dépens d’appel et au paiement à M. [L] de la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les caractéristiques qui permettent à la lampe « Lyre » d’être protégée par le droit d’auteur ?

La lampe « Lyre » est protégée par le droit d’auteur en raison de son originalité, qui se manifeste par plusieurs caractéristiques distinctives. Selon l’auteur, la lampe est définie par « l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ». Cette description souligne non seulement l’aspect esthétique de la lampe, mais aussi son caractère unique, qui reflète la vision artistique de son créateur. En effet, l’auteur a conçu la lampe pour qu’elle évoque des images variées, telles qu’une amphore, une algue mouvante, ou un poisson plongeant, ce qui lui confère une allure souple, aérienne et sensuelle. Ainsi, la lampe « Lyre » incarne à la fois le mouvement et la sérénité, ce qui renforce son statut d’œuvre originale et, par conséquent, sa protection par le droit d’auteur.

Quel est le cadre juridique de la protection des œuvres de l’esprit en France ?

La protection des œuvres de l’esprit en France est régie par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.111-1 stipule que l’auteur d’une œuvre jouit, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comprend des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L.112-1 précise que ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre, quel que soit son genre, sa forme d’expression, son mérite ou sa destination. En outre, l’article L.112-2-10° inclut les œuvres des arts appliqués dans la catégorie des œuvres de l’esprit. Ces dispositions établissent le principe selon lequel une œuvre est protégée sans formalité, simplement par le fait de sa création, à condition qu’elle présente une forme originale. Toutefois, si l’originalité d’une œuvre est contestée, il incombe à celui qui revendique la protection de démontrer ce qui caractérise cette originalité.

Quels sont les éléments du litige entre M. [H] [D] et M. [U] [L] concernant la lampe « Lyre » ?

Le litige entre M. [H] [D], architecte d’intérieur, et M. [U] [L], sculpteur plasticien, concerne la création et l’exploitation de la lampe « Lyre ». M. [L] revendique être le créateur de cette lampe, qu’il a enregistrée en tant que dessin et modèle en 1991. Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé plusieurs modèles de la lampe « Lyre » pour des projets de décoration, notamment pour l’Hôtel Eden Roc en Suisse. Cependant, M. [L] a constaté des atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe, ce qui l’a conduit à faire constater ces atteintes par huissier et à adresser des lettres de mise en demeure à M. [D]. Face à l’absence de réponse satisfaisante, M. [L] a assigné M. [D] et sa société, SELVAGGIO, devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de ses droits d’auteur et réparation de son préjudice. Le tribunal a reconnu la protection de la lampe « Lyre » par le droit d’auteur et a condamné M. [D] à indemniser M. [L] pour atteinte à son droit moral.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement en mai 2021 qui a eu plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, il a reconnu que M. [U] [L] était recevable dans ses demandes fondées sur le droit d’auteur et que la lampe « Lyre » était protégeable par ce droit. De plus, le tribunal a constaté que M. [H] [D] avait porté atteinte au droit moral de M. [L] en publiant des photographies de la lampe sans autorisation et sans mentionner le nom de l’auteur. En conséquence, M. [D] a été condamné à verser 25 000 euros à M. [L] pour cette atteinte à son droit moral, ainsi qu’une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que M. [D] devait se conformer à la décision même s’il interjetait appel. Cette décision a été contestée par M. [D], qui a fait appel de la décision, entraînant une nouvelle procédure devant la cour d’appel de Paris.

Quels sont les arguments avancés par M. [D] dans son appel ?

Dans son appel, M. [H] [D] a soulevé plusieurs arguments pour contester le jugement du tribunal judiciaire de Paris. Il a principalement soutenu que M. [U] [L] ne parvenait pas à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », affirmant que la description fournie par M. [L] ne suffisait pas à établir une démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité. M. [D] a également fait valoir que la lampe « Lyre » était dépourvue de caractère original et, par conséquent, ne pouvait pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Il a demandé à la cour d’infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [L] de son action en contrefaçon. En outre, M. [D] a invoqué la théorie de l’accessoire, arguant que la lampe « Lyre » était représentée de manière accessoire dans les photographies litigieuses, ce qui, selon lui, ne constituait pas une atteinte à ses droits d’auteur. Il a également soutenu que M. [L] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice et que les modifications apportées à la lampe par M. [D] lui conféraient des droits sur celle-ci.

Comment la cour d’appel a-t-elle motivé sa décision ?

La cour d’appel a motivé sa décision en se basant sur plusieurs éléments juridiques et factuels. Elle a d’abord confirmé que M. [L] avait réussi à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », en précisant que les choix créatifs effectués par M. [L] ne relevaient pas uniquement de nécessités fonctionnelles, mais reflétaient une démarche esthétique personnelle. La cour a également rejeté l’argument de M. [D] selon lequel la lampe était représentée de manière accessoire dans les photographies. Elle a constaté que la présence de la lampe dans les images était délibérée et qu’elle avait été mise en valeur, ce qui ne pouvait pas être qualifié d’accessoire ou d’involontaire. En ce qui concerne l’atteinte au droit moral de M. [L], la cour a souligné que les photographies publiées par M. [D] ne mentionnaient pas le nom de l’auteur, ce qui constituait une violation de son droit à la paternité. La cour a également pris en compte le fait que les mises en scène laissaient penser que M. [D] était le créateur de la lampe, ce qui a renforcé l’atteinte à l’image de M. [L]. Enfin, la cour a confirmé le montant de l’indemnisation accordée à M. [L] pour le préjudice moral, estimant que le tribunal avait correctement évalué la situation.
L’Essentiel : L’affaire G7 concerne les sociétés G7 Investissement, G7 Savoie, G7 Tractions et G7 Bourgogne, qui disposent de 30 mois pour modifier leurs dénominations sociales suite à une interdiction d’usage du signe G7. Les sociétés Groupe Rousselet et G7 ont contesté ce délai, arguant qu’il constituait une licence gratuite. Cependant, la cour a justifié ce délai pour permettre aux intimées de prendre les mesures d’adaptation nécessaires, telles que le changement de statuts et la modification de leur communication. La demande de rectification d’erreur matérielle a été rejetée, confirmant la décision initiale.

La condition d’originalité

Un lampe est protégée par le droit d’auteur si elle est notamment caractérisée par « l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ».

Protection du modèle Lyre

En l’espèce, l’auteur a fait valoir avec succès qu’il a fabriqué la lampe « Lyre » afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse « tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie », la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité selon la vision artistique du créateur.

Il ajoute que le dialogue entre la bande dessinée et ses créations de design trouve sa consécration depuis que des artistes ont intégré la lampe « Lyre » dans leurs dessins.

La protection sans dépôt nécessaire

Pour rappel, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur cette oeuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-10°, les oeuvres des arts appliqués sont considérées comme oeuvres de l’esprit.

Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une oeuvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une oeuvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D’APPEL DE PARIS



Pôle 5 – Chambre 1



ARRET DU 27 SEPTEMBRE 2023



(n°116/2023, 10 pages)



Numéro d’inscription au répertoire général : 21/12348 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD7B2



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Mai 2021 – Tribunal Judiciaire de Paris – 3ème chambre – 2ème section – RG n° 19/03989





APPELANT



Monsieur [H] [D]

Né le 06 Mai 1949 à [Localité 4] (SUISSE)

Designer et architecte d’intérieur

Demeurant [Adresse 6],

[Localité 3],

SUISSE



Représenté par Me Brad SPITZ de la SELEURL REALEX IP/IT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0794

Représenté par Me Maxime BREFORT de la SELEURL REALEX IP/IT, avocat au barreau de PARIS







INTIME



Monsieur [U] [L]

Né le 03 septembre 1961 à [Localité 5] (92)

De nationalité française

Sculpteur plasticien

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Matthieu BOCCON-GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assisté de Me Stéphane COLOMBET de la SAS ELTEA, avocat au barreau de PARIS, toque : R210

























COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Déborah BOHEE, conseillère et Mme Isabelle DOUILLET, présidente, chargée d’instruire l’affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport.



Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme Isabelle DOUILLET, présidente de chambre

Mme Françoise BARUTEL, conseillère

Mme Déborah BOHEE, conseillère.





Greffier, lors des débats : Mme Karine ABELKALON









ARRET :




Contradictoire

par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Isabelle DOUILLET, Présidente de chambre et par Carole TREJAUT, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige





***



EXPOSE DU LITIGE





M. [H] [D] se présente comme un architecte d’intérieur de renommée mondiale réalisant, par le biais de sa société de droit suisse SELVAGGIO, des travaux de décoration d’intérieur.



M. [U] [L] se présente comme un sculpteur-plasticien spécialisé dans les luminaires et les miroirs.



M. [L] indique être le créateur de la «Lampe Lyre» enregistrée le 28 janvier 1991 au titre des dessins et modèles sous le n°018709 et sur laquelle il revendique des droits d’auteur:

























Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé à M. [L] de nombreux modèles en différentes tailles de la lampe ‘Lyre’ pour décorer notamment l’Hôtel Eden Roc situé à Ascona en Suisse.



Se plaignant d’atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe ‘Lyre’, qu’il a fait constater par huissier de justice les 18, 23 et 26 février 2018 et les 23, 27, et 29 mars 2018, M. [L] a vainement adressé à M. [D], les 23 mai et 3 juillet 2018, des lettres de mise en demeure lui enjoignant de cesser toute exploitation de la lampe ‘Lyre’ qui porterait atteinte à ses droits et de formuler une proposition d’indemnisation visant à réparer son préjudice.



C’est dans ce contexte que M. [L] a fait assigner, par acte du 7 mars 2019, la société SELVAGGIO et M. [D] devant le tribunal judiciaire de Paris afin de faire constater la contrefaçon de ses droits et demander la réparation de son préjudice.



Par ordonnance du 10 janvier 2020, le juge de la mise en état, saisi d’un incident par M.[D] et la société SELVAGGIO, a dit n’y avoir lieu d’annuler l’assignation et a déclaré le tribunal judiciaire incompétent pour connaître des demandes d’indemnisation des préjudices subis du fait des reproductions non autorisées qui auraient été effectuées sur le territoire suisse.



Dans un jugement du 7 mai 2021, le tribunal judiciaire de Paris a:

– mis hors de cause la société SELVAGGIO;

– déclaré [U] [L] recevable en ses demandes fondées sur le droit d’auteur;

– dit que la lampe ‘Lyre’ dont [U] [L] est l’auteur est protégeable par le droit d’auteur;

– dit que [H] [D] a porté atteinte au droit moral de [U] [L] en publiant sans autorisation sur les réseaux sociaux et sans mentionner le nom de l’auteur, des photographies le représentant avec la lampe ‘Lyre’;

– condamné [H] [D] à payer à [U] [L] la somme de 25000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral;

– rejeté les demandes de publication;

– condamné [H] [D] à verser à [U] [L] une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné [H] [D] aux dépens;

– ordonné l’exécution provisoire.



M. [D] a interjeté appel de cette décision par déclaration du 30 juin 2021.

Moyens




Dans ses dernières conclusions, numérotées 2 et transmises le 23 janvier 2023, M.[D], appelant, demande à la cour de :



Vu les articles L 111-1 et L121-1 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,

Vu la jurisprudence citée,



– infirmer le jugement en ce qu’il a:

– dit que la lampe Lyre dont [U] [L] est l’auteur est protégeable par le droit d’auteur;

– dit que [H] [D] a porté atteinte au droit moral de [U] [L] en publiant sans autorisation sur les réseaux sociaux et sans mentionner le nom de l’auteur, des photographies le représentant avec la lampe LYRE;

– condamné [H] [D] à payer à [U] [L] la somme de 25000 euros en réparation de l’atteinte à son droit moral;

– condamné [H] [D] à verser à [U] [L] une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamné [H] [D] aux dépens;



– statuer de nouveau et:



– à titre principal, sur l’absence de protection de la lampe au titre du droit d’auteur :

– juger que M. [L] ne caractérise pas l’originalité de la lampe ‘Lyre’ litigieuse;

– juger que le modèle lampe ‘Lyre’ est dépourvu de caractère original et qu’elle n’est donc pas éligible à la protection par le droit d’auteur;

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe ‘Lyre’ et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre subsidiaire, sur l’absence de contrefaçon en application de la théorie de l’accessoire:

– juger que la lampe ‘Lyre’ est représentée de façon accessoire sur les deux photographies litigieuses de sorte qu’il n’existe aucune atteinte au monopole du droit d’auteur revendiqué par M. [L];

– par conséquent, débouter M. [L] de son action en contrefaçon fondée au titre de l’atteinte au droit à la paternité sur la lampe LYRE et de ses demandes indemnitaires formulées à ce titre;



– à titre très subsidiaire, sur l’absence de préjudice subi :

– juger que M. [L] ne démontre pas l’existence d’un préjudice;

– juger qu’il n’existe aucun risque de confusion dans la représentation de la lampe ‘Lyre’ en présence de M. [H] [D] sur les photographies publiées sur les réseaux sociaux de ce dernier;

– par conséquent,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes indemnitaires;

– à défaut, limiter la condamnation de M. [D] à un montant symbolique de 1 euro ou, à tout le moins, à un montant raisonnable pour le préjudice subi par M. [L] sur le territoire français au regard des publications litigieuses;



– en tout état de cause,

– débouter M. [L] de l’ensemble de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens;

– condamner M. [L] à payer à M. [D] la somme de 15000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens;

– confirmer les dispositions du jugement en date du 7 mai 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu’il a rejeté les demandes de publication de M. [L].



Dans ses dernières conclusions transmises le 20 décembre 2021, M. [L], intimé, demande à la cour de :



Vu les articles L.112-1, L.112-2, L.121-1, L.331-1-3, L.331-1-4 et L.335-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l’article 700 du code de procédure civile,



– confirmer en toutes ses dispositions le jugement ;

– débouter M. [D] de l’ensemble de ses demandes;

– condamner M. [D] à verser à M. [L] la somme de 15000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile;

– condamner M. [D] au paiement des entiers dépens.



L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 février 2023.

Motivation








MOTIFS DE LA DECISION





En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de la société COULON, aux conclusions écrites qu’elle a transmises, telles que susvisées.





Sur les chefs non critiqués du jugement



La cour constate que le jugement n’est pas critiqué en ce qu’il a mis hors de cause la société SELVAGGIO et rejeté les demandes de publication de M. [L].



Malgré les termes de la déclaration d’appel, il n’est pas davantage critiqué en ce qu’il a déclaré M. [L] recevable en ses demandes fondées sur les droits d’auteur, la titularité des droits de M. [L] sur la lampe «Lyre» n’étant pas contestée. Il sera donc confirmé sur ce point, pour les justes motifs qu’il comporte.





Sur la protection de la lampe ‘Lyre’ par le droit d’auteur



M. [D] soutient qu’il appartient à M. [L] d’identifier exactement les caractéristiques qui rendraient selon lui la lampe initiale éligible à la protection par le droit d’auteur; que M. [L] ne démontre pas l’originalité dont il se prévaut, la seule description objective des caractéristiques de la lampe litigieuse, relatant uniquement des éléments relevant de la technique, ne pouvant suffire à démontrer la démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité ; que les prétendues inspirations revendiquées par l’intimé sont sans effet dans la démonstration de l’originalité de la lampe initiale; que le fait que d’autres auteurs reproduisent la lampe litigieuse dans des dessins ne permet pas davantage de démontrer l’originalité de celle-ci; que la lampe, à défaut d’originalité, ne peut donc accéder au statut d »uvre de l’esprit et prétendre à la protection au titre du droit d’auteur.



M. [L] répond que des créations de mobilier peuvent être protégées au titre du droit d’auteur dès lors qu’elles sont originales et ne répondent pas uniquement à des nécessités fonctionnelles; qu’en l’espèce il ne peut être contesté que la lampe «Lyre» constitue une ‘uvre originale portant l’empreinte de sa personnalité; que la forme de cette création ne présente aucun caractère fonctionnel mais bien au contraire un parti pris esthétique reflétant la personnalité de son auteur; que notamment inspiré par les formes surréalistes présentes dans les créations de [P] [A], [Y] [N] et [T] [K], ainsi que par l’univers de dessinateurs de bandes dessinées, tels que Will dans «Tif et Tondu» ou encore [C] qui faisait évoluer ses personnages dans des décors tout à la fois inventifs et réalistes, il a toujours cherché à allier modernité et intemporalité dans son travail de sculpteur plasticien et en particulier dans le cadre de la création de la lampe «Lyre».



Ceci étant exposé, l’article L.111-l du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une ‘uvre de l’esprit jouit sur cette ‘uvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. En application de l’article L.112-l du même code, ce droit appartient à l’auteur de toute oeuvre de l’esprit, quels qu’en soit le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination. Selon l’article L.112-2-10°, les oeuvres des arts appliqués sont considérées comme oeuvres de l’esprit.



Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d’une ‘uvre sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale. Néanmoins, lorsque l’originalité d’une ‘uvre de l’esprit est contestée, il appartient à celui qui revendique la protection au titre du droit d’auteur d’identifier ce qui caractérise cette originalité.

En l’espèce, M. [L] expose que l’originalité de la lampe «Lyre» est notamment caractérisée par «l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels» et qu’il a fabriqué la lampe «Lyre» afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse «tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie», la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité selon la vision artistique du créateur. Il ajoute que le dialogue entre la bande dessinée et ses créations de design trouve sa consécration depuis que des artistes ont intégré la lampe «Lyre» dans leurs dessins ([W] [M], [E] [G], [O] [S], [Z] [X]).



M. [L] définit ainsi de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création. Les premiers juges ont exactement relevé que le demandeur est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l’instrument de musique donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses.



Les choix créatifs personnels auxquels M. [L] a procédé pour l’élaboration de la lampe «Lyre» qui, contrairement à ce qui est soutenu, ne relèvent pas exclusivement de nécessités fonctionnelles, procèdent d’un parti-pris esthétique révélant l’empreinte de la personnalité d’un auteur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a dit que la lampe «Lyre» est protégeable par le droit d’auteur.





Sur l’existence de la contrefaçon



M. [D] soutient que la lampe «Lyre» commandée à M. [L] et sur laquelle il a apporté des modifications avant de la livrer en Suisse à l’hôtel d’Ascona, telle que reproduite sur les photographies litigieuses, n’est utilisée qu’en tant qu’accessoire; qu’il est de jurisprudence constante que l’utilisation accessoire d’une ‘uvre est licite et échappe à l’emprise du monopole du droit d’auteurdans la mesure où elle n’est pas une exploitation de cette oeuvre au sens du code de la propriété intellectuelle; que la théorie de l’accessoire doit recevoir application en l’espèce; que les effets de la théorie de l’accessoire s’appliquent aux droits patrimoniaux et s’étendent également au droit moral, notamment au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre ; que la Cour de cassation a énoncé des critères permettant d’appliquer la théorie de l’accessoire : la présence de l »uvre en arrière-plan ou encore l’absence de présentation de l »uvre en tant que sujet principal (Cass. civ. 1, 15 mars 2005, 03-14820 ; Cass. com., 12 mai 2011, 08-20651), peu importe que l’inclusion de cette ‘uvre soit volontaire ou non; que le tribunal judiciaire a rejeté la théorie de l’accessoire en motivant son jugement par une mauvaise application des règles de droit; que l’application de la théorie de l’accessoire ne résulte pas en effet de l’article L.122-5-6° du code de la propriété intellectuelle mais d’une exception jurisprudentielle non codifiée ; qu’en outre, le tribunal a rejeté la théorie de l’accessoire au motif que la lampe était reproduite de manière délibérée et a ainsi ajouté une condition à l’application de cette théorie ; qu’en l’espèce, la lampe est représentée accessoirement en ce qu’elle n’est ni l’objet ni l’objectif de la communication en cause et en toute hypothèse la lampe représentée n’est pas la lampe initiale telle que fabriquée par M. [L] mais la lampe modifiée.



M. [L] répond que la théorie de l’accessoire constitue une exception au monopole conféré par le droit d’auteur lorsque la reproduction ou la représentation de l »uvre relève d’une inclusion fortuite, furtive et accessoire au sujet traité(Cass. Com, 12 mai 2011, n°08-20.651) ; que la Cour de cassation dans un arrêt du 12 juillet 2012 a précisé que la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit devait s’entendre d’une reproduction ou d’une représentation «accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté»; qu’en revanche, cette théorie ne s’applique pas si la reproduction ou représentation a été faite de manière délibérée, si sa reproduction ou représentation présente une importance dans la composition litigieuse et si l »uvre est nettement visible et identifiable; qu’en l’espèce, il ne peut être prétendu que la reproduction de la lampe «Lyre» a été effectuée à titre accessoire; que compte tenu de sa nature d’exception au droit exclusif de l’auteur, la théorie de l’accessoire doit s’interpréter restrictivement, à l’instar des exceptions légales prévues par l’article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle.



Ceci étant exposé, aux termes de l’article L.121-1 du code de la propriété intellectuelle l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son ‘uvre.



L’article 121-2 énonce que l’auteur seul a le droit de divulguer son oeuvre et qu’il détermine le procédé de divulgation et fixe les conditions de celle-ci.



L’article L. 122-4 prévoit que toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.



La Directive européenne n°2001/29 du 22 mai 2001 sur l’harmonisation du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information prévoit en son article 5.3 que les Etats membres ont la faculté de prévoir des exceptions ou limitations aux droits [de reproduction et de communication au public], notamment «i) lorsqu’il s’agit de l’inclusion fortuite d’une ‘uvre ou d’un autre objet protégé dans un autre produit». La théorie de l’accessoire invoquée par M. [D] trouve son fondement dans ce texte.



Selon la jurisprudence la plus récente rendue en la matière, la notion d’inclusion fortuite dans un autre produit, doit s’entendre comme «une représentation accessoire et involontaire par rapport au sujet traité ou représenté» (Cass, Civ.1ère, 12 juillet 2012, n°11-15.165).



En l’espèce, comme l’a exactement jugé le tribunal, il apparaît clairement que la présence de la lampe «Lyre» sur les deux photographies litigieuses publiées sur les comptes Facebook et Instagram de M. [D] résulte d’un choix délibéré du photographe et/ou de son modèle, l’intéressé se mettant littéralement en scène avec la lampe :































Photographie 1 Photographie 2

















S’agissant de la photographie 1, M. [D] fait valoir que la présentation de la lampe modifiée est accessoire au sujet traité qui réside dans la représentation, centrale, de sa personne. Force est pourtant de constater que la lampe est au tout premier plan et que la mise en scène choisie ‘ M. [D] glissant sa main entre les deux bras de la lampe dont les abat-jour sont placés au même niveau que son visage qu’ils viennent éclairer ‘ met l’objet en évidence et lui donne une importance particulière. La représentation de la lampe est manifestement délibérée et ne peut être qualifiée de fortuite ou d’involontaire.



S’agissant de la seconde photographie, M. [D] argue que la lampe ne fait pas l’objet d’une mise en valeur particulière, étant insérée dans un décor comprenant des meubles, des lampes, des chandeliers/bougeoirs, des vases, des bols et autres objets en céramique et en faïence, en outre, en arrière-plan, de sorte qu’elle n’est nullement le sujet central de la photographie, sa présence étant uniquement là pour compléter la présentation de la scène photographiée. Mais s’il est vrai que la lampe est ici au second plan, elle n’en est pas moins très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence en ce qu’elle apparaît comme la principale source de lumière de la mise en scène, sa couleur claire tranchant en outre nettement avec le reste du décor globalement sombre, et comme faisant écho à la lumière éclairant le visage de M. [D] qui est placé à la même hauteur. La représentation de la lampe est ici encore délibérée, et non fortuite ou involontaire.



Il ne peut être retenu, par conséquent, que la reproduction et la représentation de la lampe «Lyre» ont été effectuées de manière accessoire.



La circonstance que les lampes ainsi reproduites et représentées soient des lampes modifiées par M. [D] ou à sa demande par M. [L] est indifférente, les modifications invoquées, qui ne sont d’ailleurs pas explicitées, n’étant pas de nature à conférer à M. [D] des droits sur la lampe «Lyre» ni à l’autoriser à publier des photographies de cette lampe sans mentionner le nom de son auteur.



Il est constant que les deux photographies litigieuses, qui ont été mises en ligne sur les comptes sociaux Facebook et Instagram de M. [D] accessibles au public, ne mentionnent pas le nom de M. [L] comme auteur de la lampe «Lyre», ce qui caractérise l’atteinte portée au droit de l’auteur à la paternité de son ‘uvre.



Cette atteinte est renforcée par le fait que, comme l’ont souligné les premiers juges, les mises en scène sur les deux photographies sont de nature à laisser penser que M. [D], architecte d’intérieur et décorateur, est le créateur de la lampe «Lyre». La circonstance, à la supposer avérée, que M. [L] et M. [D] seraient chacun très connus dans leur secteur d’activité respectif, la sculpture pour le premier et l’architecture d’intérieur pour le second, n’est pas de nature à empêcher que les utilisateurs des réseaux sociaux puissent être induits en erreur. Le procès-verbal de constat produit en pièce 10 par M. [L] révèle d’ailleurs qu’un article de presse en langue italienne relatif à la décoration d’un appartement à New Yorkréalisée par M. [D] attribue la lampe «Lyre» à la société SELVAGGIO de ce dernier.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu’il a dit que M. [D] a porté atteinte au droit moral d’auteur de M. [L].





Sur la réparation du préjudice de M. [L]



M. [D] soutient que le préjudice économique de M. [L] est faible au regard de l’audience très restreinte qu’ont eue les publications litigieuses sur internet(selon le constat de commissaire de justice produit par M. [L], seulement 426 internautes auraient aimé sa page Facebook; la photo litigieuse 1 a eu 6 «like» et n’a jamais été commentée sur la page Facebook; la photographie litigieuse 2 a eu 22 «like» et n’a jamais été commentée non plus; 2876 internautes se sont abonnés à la page Instagram de M. [D]; la photo litigieuse 1 a été publiée à trois reprises cumulant un total de 69 «likes» et un unique commentaire sur Instagram; la photographie litigieuse 2 a reçu 179 «likes» et aurait été commentée 4 fois sur la page Instagram); que M. [D] ne peut pas être raisonnablement qualifié d’influenceur sur les réseaux sociaux ; que les deux photographies litigieuses ont été retirées immédiatement des réseaux sociaux de M. [D] après l’envoi de la première lettre de mise en demeure; que seul le dommage subi en France par M. [L] pourra être réparé; que M. [L] créé sciemment une confusion entre le préjudice qu’il prétend avoir subi en France et l’existence d’un prétendu préjudice dans le monde en apportant des éléments extérieurs au présent litige, notamment des publications de la lampe litigieuse réalisées sur des sites tiers dont M. [D] n’a pas la maîtrise éditoriale; que la diffusion des deux photographies litigieuses n’a aucun impact auprès du public, a fortiori auprès du public français; que la demande d’indemnité formulée par M. [L] est disproportionnée.



M. [L] demande la confirmation du jugement, faisant valoir en substance que l’omission de son nom et la confusion entretenue sur la qualité d’auteur de la lampe «Lyre» lui causent un préjudice moral très important; que M. [D] se comporte manifestement comme s’il était l’auteur de la lampe «Lyre»; que les photographies litigieuses représentant la lampe «Lyre» s’inscrivent en effet dans la promotion de ses activités professionnelles de designer sur les réseaux sociaux et qu’à cet égard elles ont une nature publicitaire; que la visibilité des publications sur des comptes Facebook ou Instagram dits publics ne se mesure pas aux nombres d’abonnés, chaque internaute pouvant librement accéder au contenu publié à tout moment, notamment les internautes français; que M. [D] bénéficie d’une certaine notoriété en France; que M. [D] a associé à la publication des photographies litigieuses de nombreux hashtags particulièrement populaires tels que #design ou encore #creativity, optimisant ainsi le référencement et la visibilité de ses publications; que les photographies litigieuses ont été utilisées en tant que photographies de profil et ont été accessibles pendant une longue période ; que l’une des photographies est encore accessible sur internet quand on écrit sur Google «[H] [D]»; que les publications litigieuses ont bénéficié d’une importante visibilité en France.



Ceci étant exposé, selon l’article L. 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, «Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :

1° Les conséquences économiques négatives de l’atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;

2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;

3° Et les bénéfices réalisés par l’auteur de l’atteinte aux droits, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l’atteinte aux droits.

Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l’auteur de l’atteinte avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».



En l’espèce, il ressort du procès-verbal de constat d’huissier établi les 23 et 26 février et 22 mars 2018 à la demande de M. [L] (sa pièce 10) que les deux photographies litigieuses sont restées sur les comptes Facebook et Instagram, accessibles depuis la France, de M. [D], respectivement un an pour la première et deux ans pour la seconde, la présence de la première photographie sur internet à partir du moteur de recherche Google à la date du 6 juillet 2021 (procès-verbal de constat en date du 6 juillet 2021 en pièce 26) ne pouvant être imputée à M. [D] qui ne maîtrise pas le contenu éditorial correspondant.



Le procès-verbal établi en février et mars 2018 montre que les publications litigieuses ont rencontré une audience relativement limitée, comme le souligne M. [D] dans ses écritures.



Il doit cependant être tenu compte du fait que les mises en scène publiées traduisent, comme il a été dit, une volonté délibérée de M. [D] d’apparaître comme le concepteur de la lampe «Lyre».



Il est constant enfin que les deux photographies ont été retirées des comptes sociaux de M.[D] immédiatement après l’envoi de la première lettre de mise en demeure.



Prenant en considération cet ensemble d’éléments, la cour estime que le tribunal a procédé à une exacte appréciation du préjudice moral subi par M. [L] en lui allouant la somme de 25000 € à titre de réparation.



Le jugement sera également confirmé de ce chef.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



M. [D], partie perdante, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.



La somme qui doit être mise à la charge de M. [D] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par M. [L] en appel peut être équitablement fixée à 5000 €, cette somme complétant celle allouée en première instance.




Dispositif

PAR CES MOTIFS





Confirme le jugement en toutes ses dispositions,



Y ajoutant,



Condamne M. [D] aux dépens d’appel et au paiement à M. [L] de la somme de 5000 € en application de l’article 700 du code de procédure civile.





LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE

Q/R juridiques soulevées :

Quelles sont les caractéristiques qui permettent à la lampe « Lyre » d’être protégée par le droit d’auteur ?

La lampe « Lyre » est protégée par le droit d’auteur en raison de son originalité, qui se manifeste par plusieurs caractéristiques distinctives. Selon l’auteur, la lampe est définie par « l’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ». Cette description souligne non seulement l’aspect esthétique de la lampe, mais aussi son caractère unique, qui reflète la vision artistique de son créateur. En effet, l’auteur a conçu la lampe pour qu’elle évoque des images variées, telles qu’une amphore, une algue mouvante, ou un poisson plongeant, ce qui lui confère une allure souple, aérienne et sensuelle. Ainsi, la lampe « Lyre » incarne à la fois le mouvement et la sérénité, ce qui renforce son statut d’œuvre originale et, par conséquent, sa protection par le droit d’auteur.

Quel est le cadre juridique de la protection des œuvres de l’esprit en France ?

La protection des œuvres de l’esprit en France est régie par le Code de la propriété intellectuelle. L’article L.111-1 stipule que l’auteur d’une œuvre jouit, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comprend des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs d’ordre patrimonial. L’article L.112-1 précise que ce droit appartient à l’auteur de toute œuvre, quel que soit son genre, sa forme d’expression, son mérite ou sa destination. En outre, l’article L.112-2-10° inclut les œuvres des arts appliqués dans la catégorie des œuvres de l’esprit. Ces dispositions établissent le principe selon lequel une œuvre est protégée sans formalité, simplement par le fait de sa création, à condition qu’elle présente une forme originale. Toutefois, si l’originalité d’une œuvre est contestée, il incombe à celui qui revendique la protection de démontrer ce qui caractérise cette originalité.

Quels sont les éléments du litige entre M. [H] [D] et M. [U] [L] concernant la lampe « Lyre » ?

Le litige entre M. [H] [D], architecte d’intérieur, et M. [U] [L], sculpteur plasticien, concerne la création et l’exploitation de la lampe « Lyre ». M. [L] revendique être le créateur de cette lampe, qu’il a enregistrée en tant que dessin et modèle en 1991. Entre 1995 et 2006, M. [D] a commandé plusieurs modèles de la lampe « Lyre » pour des projets de décoration, notamment pour l’Hôtel Eden Roc en Suisse. Cependant, M. [L] a constaté des atteintes répétées à ses droits d’auteur sur la lampe, ce qui l’a conduit à faire constater ces atteintes par huissier et à adresser des lettres de mise en demeure à M. [D]. Face à l’absence de réponse satisfaisante, M. [L] a assigné M. [D] et sa société, SELVAGGIO, devant le tribunal judiciaire de Paris pour contrefaçon de ses droits d’auteur et réparation de son préjudice. Le tribunal a reconnu la protection de la lampe « Lyre » par le droit d’auteur et a condamné M. [D] à indemniser M. [L] pour atteinte à son droit moral.

Quelles sont les conséquences de la décision du tribunal judiciaire de Paris ?

Le tribunal judiciaire de Paris a rendu un jugement en mai 2021 qui a eu plusieurs conséquences importantes. Tout d’abord, il a reconnu que M. [U] [L] était recevable dans ses demandes fondées sur le droit d’auteur et que la lampe « Lyre » était protégeable par ce droit. De plus, le tribunal a constaté que M. [H] [D] avait porté atteinte au droit moral de M. [L] en publiant des photographies de la lampe sans autorisation et sans mentionner le nom de l’auteur. En conséquence, M. [D] a été condamné à verser 25 000 euros à M. [L] pour cette atteinte à son droit moral, ainsi qu’une somme de 5 730 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision, ce qui signifie que M. [D] devait se conformer à la décision même s’il interjetait appel. Cette décision a été contestée par M. [D], qui a fait appel de la décision, entraînant une nouvelle procédure devant la cour d’appel de Paris.

Quels sont les arguments avancés par M. [D] dans son appel ?

Dans son appel, M. [H] [D] a soulevé plusieurs arguments pour contester le jugement du tribunal judiciaire de Paris. Il a principalement soutenu que M. [U] [L] ne parvenait pas à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », affirmant que la description fournie par M. [L] ne suffisait pas à établir une démarche créative portant l’empreinte de sa personnalité. M. [D] a également fait valoir que la lampe « Lyre » était dépourvue de caractère original et, par conséquent, ne pouvait pas bénéficier de la protection par le droit d’auteur. Il a demandé à la cour d’infirmer le jugement sur ce point et de débouter M. [L] de son action en contrefaçon. En outre, M. [D] a invoqué la théorie de l’accessoire, arguant que la lampe « Lyre » était représentée de manière accessoire dans les photographies litigieuses, ce qui, selon lui, ne constituait pas une atteinte à ses droits d’auteur. Il a également soutenu que M. [L] ne démontrait pas l’existence d’un préjudice et que les modifications apportées à la lampe par M. [D] lui conféraient des droits sur celle-ci.

Comment la cour d’appel a-t-elle motivé sa décision ?

La cour d’appel a motivé sa décision en se basant sur plusieurs éléments juridiques et factuels. Elle a d’abord confirmé que M. [L] avait réussi à démontrer l’originalité de la lampe « Lyre », en précisant que les choix créatifs effectués par M. [L] ne relevaient pas uniquement de nécessités fonctionnelles, mais reflétaient une démarche esthétique personnelle. La cour a également rejeté l’argument de M. [D] selon lequel la lampe était représentée de manière accessoire dans les photographies. Elle a constaté que la présence de la lampe dans les images était délibérée et qu’elle avait été mise en valeur, ce qui ne pouvait pas être qualifié d’accessoire ou d’involontaire. En ce qui concerne l’atteinte au droit moral de M. [L], la cour a souligné que les photographies publiées par M. [D] ne mentionnaient pas le nom de l’auteur, ce qui constituait une violation de son droit à la paternité. La cour a également pris en compte le fait que les mises en scène laissaient penser que M. [D] était le créateur de la lampe, ce qui a renforcé l’atteinte à l’image de M. [L]. Enfin, la cour a confirmé le montant de l’indemnisation accordée à M. [L] pour le préjudice moral, estimant que le tribunal avait correctement évalué la situation.

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