L’Essentiel : Dans cette affaire, la demande de requalification des contrats de cession de droits d’auteur en contrat de travail a été rejetée. La Cour a souligné que l’existence d’une relation de travail nécessite un lien de subordination, ce qui n’a pas été établi. L’auteur, M. [E], n’a pas prouvé qu’il bénéficiait d’un contrat de travail apparent et n’a pas démontré que l’Association lui avait donné des ordres ou contrôlé son activité. En conséquence, la Cour a confirmé le jugement du conseil de prud’hommes, déboutant M. [E] de toutes ses demandes.
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Un auteur ne peut obtenir la requalification de sa collaboration en contrat de travail en l’absence de lien de subordination.
Requalification des contrats de cession de droit d’auteurDans cette affaire, la demande de requalification des contrats de cession de droit d’auteur en contrat de travail a été rejetée. L’existence d’un lien de subordinationLa relation de travail suppose l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. C’est en principe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence. Toutefois, en présence d’un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. La preuve du contrat de travail ou du caractère fictif du contrat apparent peut être rapportée par tous moyens. Ordres et directives inexistantsEn l’espèce et en premier lieu, il ne ressort d’aucun élément produit que l’auteur bénéficiait d’un contrat de travail apparent au titre de son activité d’auteur. Par suite, il lui incombe d’établir que ses contrats de cession de droit d’auteur susmentionnés s’analysent en une relation salariée. En second lieu, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, il ne ressort pas des courriers et courriels auxquels l’appelant se réfère dans ses conclusions que, au titre de l’activité d’auteur, l’Association ait fourni des ordres et des directives autres que ceux découlant d’une relation avec un prestataire de service ou qu’elle ait contrôlé l’exécution de cette activité ou prononcé des sanctions à ce titre. Il s’en déduit que l’appelant n’établit pas l’existence d’un lien de subordination entre lui et l’Association au titre de son activité d’auteur. Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D’APPEL DE PARIS Pôle 6 – Chambre 7 ARRET DU 25 MAI 2023 (n° , 2 pages) Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/11600 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBAEA Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Juin 2019 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F 18/03976 APPELANT Monsieur [X] [E] [Adresse 1] [Localité 4] Représenté par Me Antoine RICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : J058 INTIMEE Association [5] [Adresse 2] [Localité 3] Représentée par Me Véronique LAVALLART, avocat au barreau de PARIS, toque : L097 COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 02 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre Madame Guillemette MEUNIER, Présidente de chambre Monsieur Laurent ROULAUD, Conseiller Greffier, lors des débats : Madame Marie-Charlotte BEHR ARRET : – CONTRADICTOIRE, – par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile. – signé par Madame Bérénice HUMBOURG, Présidente de chambre et par Madame Marie-Charlotte BEHR, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES : L’association [5] (ci-après désignée l’Association) a pour but d’aider les aveugles et les malvoyants à sortir de leur isolement et de leur apporter les moyens de mener une vie normale. Elle a été reconnue d’utilité publique par décret du 1er décembre 1891. Elle emploie à titre habituel au moins onze salariés. Afin de permettre l’accès des déficients visuels à l’offre audiovisuelle, l’Association propose aux sociétés de production et aux chaînes de télévision généralistes un procédé dit d’audiodescription permettant de rendre accessible des films, spectacles ou expositions aux personnes non voyantes ou malvoyantes grâce à un texte en voix-off décrivant les éléments visuels de l’oeuvre. L’Association faisait ainsi régulièrement appel à 8 audiodescripteurs parmi lesquels M. [X] [E] à compter du 2 mai 2002. Chaque audiodescription était composée d’un travail d’écriture rémunéré en droit d’auteur et un travail d’interprétation rémunéré en salaire. Par courriel du 12 novembre 2018, l’Association a informé M. [E] qu’elle cessait son activité d’audidescription à compter du 1er janvier 2019. Considérant que son activité d’auteur devait être qualifiée d’emploi salarié, M. [E] a saisi le conseil de prud’hommes aux fins d’obtenir de l’Association diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. Par jugement du 5 juin 2019, le conseil de prud’hommes a : Débouté M. [E] de ses demandes, Débouté l’Association de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile, Condamné M. [E] au paiement des entiers dépens. Le 21 novembre 2019, M. [E] a interjeté appel du jugement. Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 21 février 2020, M. [E] demande à la cour de: Le recevoir dans ses conclusions et les dire bien fondées, Réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes, Statuant à nouveau : Prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts exclusifs de l’Association, Dire et juger que la situation de travail dissimulé est caractérisée, En conséquence, Condamner l’Association à lui verser : Des rappels de salaires à hauteur de : – 14.183,73 euros et de 1.418,37 euros de congés payés afférents au titre de l’année 2015, – 10.557,50 euros et de 1.055,75 euros de congés payés afférents au titre de l’année 2016, – 20.635,50 euros et de 2.063,55 euros de congés payés afférents au titre de l’année 2017, – 27.481,22 euros et de 2.748,12 euros de congés payés afférents au titre de l’année 2018, Une indemnité de préavis de 4.598 euros et 459,80 euros de congés payés afférents, Une indemnité légale de licenciement de 10.115,60 euros, Des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 31.036,5 euros, Ordonner la remise par l’Association des documents obligatoires sous astreinte de 10 euros par jour de retard par document, Condamner l’Association à lui verser une indemnité forfaitaire de 13.794 euros pour travail dissimulé, Condamner l’Association à lui verser une somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens. Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 19 mai 2020, l’Association demande à la cour de: Confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [E] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions. Condamner M. [E] à lui régler la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, Le condamner également aux entiers dépens. Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique. L’instruction a été déclarée close le 13 avril 2022. MOTIFS : Sur l’existence d’un contrat de travail : * Sur l’étendue du litige : Les parties s’accordent dans leurs écritures pour affirmer que pour chaque oeuvre d’audiodescription, l’Association a confié à M. [E] depuis mai 2002 deux missions distinctes dans le cadre de deux relations juridiques différentes. En premier lieu, l’Association a confié à M. [E] le soin d’écrire les textes de l’audiodescription dans le cadre de contrats de cession de droit d’auteur, c’est-à-dire par des contrats de prestation de service et non d’un contrat de travail. Les parties produisent afin d’établir cette relation contractuelle : – des contrats de commande pour la période du 2 mai 2002 au 16 janvier 2003, – des attestations par lesquelles l’Association a certifié avoir versé des droits d’auteur à M. [E] pour la période du 27 février 2003 au 16 mars 2018, – des contrats de cession de droits d’auteur pour la période du 15 avril 2010 au 7 février 2018. En second lieu, l’Association a confié à M. [E] le soin de dire et enregistrer ces textes d’audiodescription dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée. Les parties produisent afin d’établir cette relation de travail des bulletins de paie portant sur la période du 1er décembre 2004 au 2 avril 2018 mentionnant que M. [E] était embauché en tant qu »artiste interprète’ ou ‘speaker’. Il ressort des conclusions de M. [E] que seule la première relation contractuelle relative à son activité d’auteur est concernée par ses demandes de requalification en contrat de travail, de rappels de salaire, de résiliation judiciaire et de demandes pécuniaires au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. * Sur la qualification des contrats de cession de droit d’auteur en contrat de travail: La relation de travail suppose l’existence d’un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. L’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité du travailleur. C’est en principe à celui qui se prévaut d’un contrat de travail d’en établir l’existence. Toutefois, en présence d’un contrat apparent, il incombe à celui qui invoque son caractère fictif d’en rapporter la preuve. La preuve du contrat de travail ou du caractère fictif du contrat apparent peut être rapportée par tous moyens. En l’espèce et en premier lieu, il ne ressort d’aucun élément produit que M. [E] bénéficiait d’un contrat de travail apparent au titre de son activité d’auteur. Par suite, il lui incombe d’établir que ses contrats de cession de droit d’auteur susmentionnés s’analysent en une relation salariée. En second lieu, comme l’a jugé le conseil de prud’hommes, il ne ressort pas des courriers et courriels auxquels l’appelant se réfère dans ses conclusions que, au titre de l’activité d’auteur, l’Association ait fourni des ordres et des directives autres que ceux découlant d’une relation avec un prestataire de service ou qu’elle ait contrôlé l’exécution de cette activité ou prononcé des sanctions à ce titre. Il s’en déduit que l’appelant n’établit pas l’existence d’un lien de subordination entre lui et l’Association au titre de son activité d’auteur. Par suite, il sera débouté de l’ensemble de ses demandes et le jugement sera confirmé en conséquence. Sur les demandes accessoires : M. [E] qui succombe est condamné à verser à l’Association la somme de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. M. [E] sera débouté de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera condamné aux dépens d’appel. PAR CES MOTIFS La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe, CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions, Y ajoutant, CONDAMNE M. [X] [E] à verser à l’association [5] la somme de 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel, CONDAMNE M. [X] [E] aux dépens d’appel. La greffière, La présidente. |
Q/R juridiques soulevées :
Qu’est-ce que la requalification des contrats de cession de droit d’auteur en contrat de travail ?La requalification des contrats de cession de droit d’auteur en contrat de travail est un processus juridique par lequel un auteur, dans ce cas M. [E], cherche à faire reconnaître que sa relation avec une association, ici l’Association [5], devrait être considérée comme un contrat de travail plutôt que comme un simple contrat de cession de droits d’auteur. Cette requalification est essentielle car elle implique des droits et des protections supplémentaires pour l’auteur, notamment en matière de salaire, de congés payés, et de licenciement. Dans l’affaire en question, la demande de M. [E] a été rejetée, car il n’a pas pu prouver l’existence d’un lien de subordination, qui est un critère fondamental pour établir une relation de travail. En effet, la relation de travail nécessite que l’auteur soit sous l’autorité d’un employeur, capable de donner des ordres et de contrôler l’exécution du travail. Quels sont les critères pour établir un lien de subordination ?Le lien de subordination est un élément clé pour déterminer l’existence d’une relation de travail. Il se caractérise par plusieurs critères : 1. **Autorité de l’employeur** : L’employeur doit avoir le pouvoir de donner des ordres et des directives à l’employé. Cela inclut la capacité de contrôler l’exécution du travail et de sanctionner les manquements. 2. **Conditions de travail** : L’existence d’une relation de travail ne dépend pas seulement de la volonté des parties ou de la dénomination de leur contrat, mais des conditions réelles dans lesquelles le travail est effectué. 3. **Preuve du lien** : C’est généralement à la personne qui revendique un contrat de travail d’en établir l’existence. En cas de contrat apparent, la charge de la preuve peut être inversée, et celui qui conteste le contrat doit prouver son caractère fictif. Dans le cas de M. [E], il n’a pas réussi à démontrer que l’Association lui avait donné des ordres ou contrôlé son travail, ce qui a conduit à la conclusion qu’il n’y avait pas de lien de subordination. Pourquoi la demande de M. [E] a-t-elle été rejetée ?La demande de M. [E] a été rejetée pour plusieurs raisons : 1. **Absence de contrat de travail apparent** : Il n’a pas été prouvé qu’il existait un contrat de travail apparent pour son activité d’auteur. Les éléments fournis n’ont pas démontré une relation salariée. 2. **Manque d’ordres et de directives** : Les courriers et courriels présentés par M. [E] n’ont pas montré que l’Association avait fourni des ordres ou contrôlé son travail. Au contraire, les éléments indiquaient une relation de prestataire de service. 3. **Non-établissement du lien de subordination** : M. [E] n’a pas réussi à établir l’existence d’un lien de subordination entre lui et l’Association, ce qui est essentiel pour la requalification en contrat de travail. En conséquence, le tribunal a confirmé le jugement initial, déboutant M. [E] de toutes ses demandes. Quelles sont les implications de cette décision pour les auteurs ?Cette décision a plusieurs implications pour les auteurs et les relations de travail dans le domaine de la création : 1. **Clarification des relations contractuelles** : Elle souligne l’importance de bien définir les relations contractuelles entre les auteurs et les organisations pour lesquelles ils travaillent. Les contrats de cession de droits d’auteur doivent être clairement distingués des contrats de travail. 2. **Protection des droits des auteurs** : Les auteurs doivent être conscients de leurs droits et des conditions qui caractérisent une relation de travail. Cela inclut la nécessité d’un lien de subordination pour bénéficier des protections associées au statut de salarié. 3. **Précautions à prendre** : Les auteurs qui travaillent avec des associations ou des entreprises doivent s’assurer que leurs contrats reflètent correctement la nature de leur relation, afin d’éviter des litiges futurs concernant leur statut. En somme, cette décision rappelle aux auteurs l’importance de la documentation et de la clarté dans leurs relations professionnelles. |
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