Motivation
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé, pour un exposé exhaustif des prétentions et moyens de parties, aux conclusions écrites qu’elles ont transmises telles que susvisées.
Sur le chef de l’ordonnance non contesté
La cour constate que, dans le dispositif de leur conclusion, qui seul saisit la cour en vertu de l’article 954 du code de procédure civile, les intimés ne sollicitent pas l’infirmation de l’ordonnance qui a rejeté la demande d’annulation du procès verbal de saisie contrefaçon et des procès-verbaux de constat, et qui doit être approuvée de ce chef pour les justes motifs qu’elle comporte.
Sur la recevabilité de la procédure à l’encontre des personnes physiques
Les intimés soutiennent que l’appelant ne démontre pas en quoi, M. [S], président de l’association H.D.C DESPERADOS aurait tiré un intérêt strictement personnel des faits dénoncés. S’agissant de M. [B], ils soulignent que ce dernier n’a agi qu’en sa qualité de secrétaire de l’association H.D.C DESPERADOS et que le logo affiché sur sa page Facebook ne correspond à aucun dessin revendiqué par M. [U], sauf un dessin enregistré à l’INPI le 22 juin 1992 et ayant expiré le 22 juin 2017 sans être renouvelé. S’agissant de M. [M], les intimés soutiennent que le logo en cause correspond à un logo dont est propriétaire l’association H.D.C DESPERADOS depuis son dépôt à l’INPI. Enfin, s’agissant de M. [P], ils constatent que M. [U] n’a jamais démontré en quoi le dépôt de marque effectué pouvait engager sa responsabilité personnelle. Ils en déduisent que l’action introduite contre eux est irrecevable.
M. [U] expose qu’il a été constaté par différents procès-verbaux que MM. [S], [P] et M. [B] reproduisaient le logo litigieux sur leurs comptes personnels Facebook et que M. [M] avait vendu des produits le reproduisant, de sorte que son action en contrefaçon à leur encontre est recevable.
La cour constate que M. [U] allègue à l’encontre des intimés des faits de contrefaçon par la reproduction, notamment sur leur page Facebook pour MM. [S], [B] et [P] d’un logo reproduisant, selon lui, le logo qu’il a créé et, pour M. [M], par la vente de produits portant ce même logo.
En conséquence, l’action introduite contre les intimés doit être déclarée recevable, la cour rappelant que l’intérêt à agir n’est pas subordonné à la démonstration préalable du bien fondé de l’action.
L’ordonnance doit en conséquence être infirmée en ce qu’elle a déclaré irrecevables les demandes formées contre MM. [W] [S] et [E] [L] [B].
Sur le trouble manifestement illicite
M. [U] soutient l’existence d’un trouble manifestement illicite constitué par les actes de contrefaçon de ses droits d’auteur par les intimés. Il rappelle avoir crée le logo en juin 1992, comme en attestent son enregistrement à l’INPI le 22 juin 1992 ainsi que le procès verbal d’huissier. Il retient que sa composition est originale, réalisée à la main et reflétant les univers emblématiques de [X] [R], soit le folklore amérindien, les Etats-Unis, les motos et les tatouages. Selon lui, l’originalité du logo peut être caractérisée par la combinaison d’éléments suivants :
– Au centre du dessin, une tête de mort est représentée de face ;
– Sur son front un bandana de couleur jaune impérial noué au niveau du cou sur le côté gauche (pour le spectateur) ; les brins de tissu du bandana dépassent de la partie inférieure gauche du crâne ;
– Au centre du bandana, est apposé un motif circulaire jaune impérial cerné de bleu turquoise, au sein duquel sont reproduites les initiales « JH » pour [X] [R], colorées en bleu turquoise ;
– Les initiales JH sont entrelacées par la barre de la lettre J qui traverse le cercle de manière horizontale, en passant sous la première barre du H et sur la seconde. Les lettres J et H sont inclinées vers la droite, ce qui donne un effet dynamique;
– Sur le côté droit du crâne, une plume d’aigle renversée est fixée au bandana, tombante vers le bas du dessin, en bordure de la partie droite du visage du crâne humain. La plume contient à sa base trois perles rouges et à son extrémité deux perles rouges ;
– En dessous du crâne humain, deux pistons de moto métalliques à jupe longue s’entrecroisent;
– Le dessin est encerclé d’un liseré turquoise ;
– Le dessin est composé d’une partie supérieure en forme d’arc en plein cintre qui suit la forme du crâne et des pistons, sur laquelle est reproduit le nom « Desperados » en lettres bleu turquoise sur un fond jaune impérial;
– La partie inférieure du dessin s’inspire de la structure en pagode en haut et pagode inversée en bas d’une plaque de police américaine pour le centre, avec des prolongations en arc de cercle à droite et à gauche, contenant les inscriptions suivantes : en haut : H.D.C ; au centre HARLEY DAVIDSON, en bas : [Localité 15].
Il en déduit que ce logo bénéficie d’une protection par le droit d’auteur.
Il ajoute avoir créé une déclinaison du logo sur laquelle l’indication « [Localité 15] », en référence à la ville où résidait [X] [R] à cette date, présente sur le logo initial, est remplacée par une silhouette d’aigle stylisée aux ailes déployées, dont il décrit l’originalité comme suit:
– Le dessin porte sur une silhouette d’aigle colorée en bleu turquoise ;
– L’aigle est représenté avec des ailes déployées et le visage porté vers la droite (pour le spectateur) ;
– Il renvoie à la plume d’aigle pendante, fixée au bandana du crâne humain et au symbole amérindien de liberté et protection.
Il expose que si l’association H.D.C DESPERADOS ne conteste pas l’existence de droits d’auteur sur le logo ainsi créé, elle a cependant décidé de reprendre l’ensemble des caractéristiques constitutives de son originalité, la comparaison devant s’apprécier dans son ensemble, et non à partir d’éléments pris isolément, de sorte que les faits de contrefaçon sont constitués. Il conteste les antériorités opposées qui sont, selon lui, dépourvues de pertinence eu égard à leur contenu et à leur date incertaine. Il rappelle qu’en sa qualité d’auteur, il dispose d’un monopole d’exploitation sur le logo, qui comprend notamment le droit d’autoriser ou d’interdire toutes représentations et reproductions de sa création et constate que son logo a été reproduit sur de nombreux supports, à l’instar de blousons et tee-shirts, produits dérivés, affiches, programmes, flyers, cartes de consommation et factures et a, en tout état de cause, été utilisé par l’association sans son autorisation.
Les intimés soutiennent que M. [U] n’a fait qu’emprunter les éléments de personnalité de [X] [R], qui a participé à la création du logo, sans faire preuve de créativité et ce alors que chaque logo de motard est disposé de la même façon et dans la même forme, qu’il en va ainsi de la « bande semi-circulaire », de la police « cooper black », dès lors qu’il s’agit d’une police de caractère disponible sur tous les ordinateurs, tout comme la bande semi circulaire se terminant pointe en bas, ou inscription « since 1992» (date de création de l’association). Ils en déduisent que M. [U] n’a fait qu’emprunter les codes propres au monde des «bikers» depuis de très longues années tout en les associant aux accessoires et couleurs chers à [X] [R] pour le compte duquel il n’est pas contesté qu’il a été réalisé. Ils contestent, en conséquence, son originalité et opposent des antériorités qui, selon eux, en attestent et dénient les actes de contrefaçon qui leur sont opposés.
Ceci étant exposé, aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, ‘Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire’.
Et selon l’article L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle’Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit on ayants cause est illicite.’
Ainsi, constitue la reproduction d’une oeuvre de l’esprit en violation du droit d’auteur constitue un trouble manifestement illicite, de sorte qu’un titulaire de droit d’auteur est habilité à saisir la juridiction en référé afin qu’il soit mis fin au trouble en l’absence de contestation sérieuse opposée.
Par ailleurs, l’article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une oeuvre de l’esprit jouit sur celle-ci, du seul fait de sa création et dès lors qu’elle est originale, d’un droit de propriété incorporelle exclusif comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.
L’originalité de l’oeuvre, qui s’apprécie à la date de sa création, peut résulter du choix des couleurs, des dessins, des formes, des matières ou des ornements mais, également, de la combinaison originale d’éléments connus.
La combinaison d’éléments qui en eux-mêmes ne présentent pas d’originalité peut manifester un effort créatif si elle confère à l’oeuvre revendiquée une physionomie propre la distinguant de celles appartenant au même genre et traduisant un parti pris esthétique du créateur.
Si la notion d’antériorité est indifférente en droit d’auteur, celui qui se prévaut de cette protection devant plutôt justifier de ce que l’oeuvre revendiquée présente une physionomie propre traduisant un parti pris esthétique reflétant l’empreinte de la personnalité de son auteur, l’originalité doit être appréciée au regard d’oeuvres déjà connues afin de déterminer si la création revendiquée s’en dégage d’une manière suffisamment nette et significative, et si ces différences résultent d’un effort de création, marquant l’oeuvre revendiquée de l’empreinte de la personnalité de son auteur.
Lorsque la protection par le droit d’auteur est contestée en défense, l’originalité de l »uvre revendiquée doit être explicitée par celui qui s’en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d’identifier les éléments traduisant sa personnalité.
Sur ce, s’il n’est pas contesté par les défendeurs que M. [U] est bien à l’origine du logo tel que déposé à l’INPI, ces derniers contestent cependant son originalité et ainsi la possibilité pour M. [U] de se prévaloir de droits d’auteur.
À cet égard, la cour constate que, dans ses écritures, M. [U] procède essentiellement à une description visuelle du logo qu’il a créé en 1992 puis fait évoluer en 2018. Par ailleurs, le fait d’associer une tête de mort, coiffée d’un foulard jaune et reprenant les initiales JH, avec une plume d’aigle et deux pistons de moto, le tout cerclée de turquoise et mentionnant en bandeau les noms «DESPERADOS» et «HDC HARLEY-DAVIDSON [Localité 15]» ou reprenant le dessin stylisé d’un aigle, ne constitue pas, avec l’évidence requise au stade du référé, une oeuvre de l’esprit protégeable au titre du droit d’auteur. Ainsi, la composition précise revendiquée reprend manifestement les codes visuels propres à l’univers des motards ou «bikers» associés à des accessoires ou couleurs appréciés de [X] [R], pour constituer le logo de son club de motards, ce qu’au demeurant ne conteste pas l’appelant qui précise avoir cherché à refléter les univers emblématiques du chanteur autour du folklore américain, des Etats Unis, des motos et des tatouages.
En conséquence, le trouble manifestement illicite en raison de l’atteinte aux droits d’auteur alléguée par M. [U] n’est pas démontré, la cour constatant par ailleurs que les premiers procès-verbaux de constat ont été réalisés en mai 2020 et que la présente instance en référé n’a été introduite que près de deux années plus tard, après même l’introduction d’une action au fond le 19 octobre 2021.
Enfin, si M. [U] a présenté des demandes au titre de la concurrence déloyale et/ou parasitaire devant le premier juge, et qu’il conclut à l’infirmation de la décision en ce qu’elle a rejeté ses demandes, il ne présente dans le dispositif de ses conclusions, qui seul saisit la cour comme déjà rappelé, aucune demande à ce titre, ni, au demeurant dans le corps de ses conclusions.
En conséquence, c’est par de justes motifs adoptés par la cour que le premier juge n’a pas fait droit aux demandes présentées par M. [U], sauf pour la cour à préciser dire n’y avoir lieu à référé sur ces demandes.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
Les intimés soutiennent avoir subi, du fait des poursuites personnelles, un préjudice moral évalué à 10.000€ chacun.
M. [U] soutient que les intimés ne démontrent pas l’existence d’une faute et d’un préjudice subi qui seraient de nature à justifier une condamnation au paiement de dommages et intérêts.
La cour rappelle que l’accès au juge étant un droit fondamental et un principe général garantissant le respect du droit, ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que le fait d’agir en justice ou d’exercer une voie de recours légalement ouverte est susceptible de constituer un abus. Or, les intimés ne démontrent pas la faute commise par M. [U] qui aurait fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice, l’intéressé ayant pu légitimement se méprendre sur l’étendue de ses droits. Ils ne justifient pas, en outre, de l’existence d’un préjudice distinct de celui causé par la nécessité de se défendre en justice qui sera réparé par l’allocation d’une indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Sur les autres demandes
M. [U], succombant, sera condamné aux dépens d’appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu’il a exposés à l’occasion de la présente instance, les dispositions prises sur les dépens et frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Enfin, l’équité et la situation des parties commandent de condamner M. [U] à verser aux intimés une somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dispositif
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Confirme l’ordonnance déférée sauf en ce qu’elle a :
– déclaré irrecevables les demandes formées à l’encontre de M. [S] et M. [B] pour défaut de qualité à défendre ;
– rejeté l’intégralité des demandes de M. [U] ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déclare recevables les demandes formées par M. [K] [U],
Dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes,
Condamne M. [K] [U] aux dépens d’appel,
Condamne M. [K] [U] à verser à l’association H.D.C DESPERADOS, ainsi qu’à MM. [W] [S], [E] [L] [B], [I] [M] et [A] [P] une somme globale de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
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