Contrat d’édition vs. contrat à compte d’auteur : enjeux et précautions.

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Contrat d’édition vs. contrat à compte d’auteur : enjeux et précautions.

L’Essentiel : Dans une affaire jugée par le Tribunal de grande instance de Paris, un contrat d’édition a été déclaré nul, car il s’est avéré être un contrat à compte d’auteur. Les juges ont constaté que l’auteur avait supporté la majorité des frais d’impression, ce qui rompait l’équilibre contractuel. Selon le Code de la propriété intellectuelle, un contrat d’édition doit garantir à l’auteur une rémunération et une prise en charge des risques par l’éditeur. En l’absence de ces conditions, le contrat a été annulé, entraînant la restitution des parties à leur état initial.

L’appellation donnée par les parties à un contrat ne lie pas les juges. En l’espèce, un contrat d’édition s’est en fait révélé être un véritable contrat à compte d’auteur. Les juges en ont prononcé la nullité pour non-respect des dispositions impératives du Code de la propriété intellectuelle.

Contrat d’édition et contrat à compte d’auteur

En vertu de l’article L. 132-1 du code de la propriété intellectuelle, le contrat d’édition est le contrat par lequel l’auteur d’une oeuvre de l’esprit ou ses ayants droit cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l’oeuvre, à charge pour elle d’en assurer la publication et la diffusion.

L’article L. 132-2 du même code précise que ne constitue pas un contrat d’édition, au sens de l’article L. 132-1, le contrat dit à compte d’auteur. Par un tel contrat, l’auteur ou ses ayants droit versent à l’éditeur une rémunération convenue, à charge par ce dernier de fabriquer en nombre, dans la forme et suivant les modes d’expression déterminés au contrat, des exemplaires de l’oeuvre et d’en assurer la publication et la diffusion.

L’article 1156 du code civil rappelle qu’on doit, dans les conventions, rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. En l’espèce, un auteur et un éditeur ont conclu un acte intitulé « contrat d’édition » par lequel l’auteur a cédé à l’éditeur, le droit exclusif d’exploiter sa propriété littéraire sur l’ouvrage ayant pour titre « Flash Back », en ce inclus les droits d’adaptation, de reproduction et de représentation. En contrepartie, l’éditeur s’engageait à assurer les frais de publication en librairie et à le diffuser auprès du public sous toutes les formes. Il devait en outre payer à l’auteur, pour chaque exemplaire vendu des droits d’édition fixés à 10% jusqu’à 1000 exemplaires et 15% au-delà. L’éditeur s’est engagé à réaliser la première édition dans un délai de 12 mois à compter de l’acceptation définitive du manuscrit et à assurer à l’ouvrage une exploitation permanente et suivie.

En vertu de l’article 11, le montant des droits devait être arrêté au 31 décembre de chaque année et ceux-ci devaient être versés au cours du mois de mars de l’année suivante.

Critères du contrat d’édition

Il ressort ainsi de l’ensemble des clauses claires, précises, concordantes que les parties ont conclu un véritable contrat d’édition répondant aux exigences légales impératives prévues aux articles L. 132-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Par un acte séparé en date du même jour, l’éditeur avait reçu de l’auteur la somme de 5 000 euros en prévision de la publication du livre Flash Back, un solde de 1000 euros devant être remis au moment de la signature du bon à tirer. Cette somme remise par l’auteur n’était pas prévue au contrat d’édition alors que par ce paiement total de 6 000 euros, l’auteur a en réalité participé aux risques de l’édition à une hauteur considérable au regard du coût global d’impression tel qu’il ressort des factures produites par l’éditeur et qui s’élèvent à (1 877 + 6 087,91) 7 964,91 euros.

Il en résulte que ce paiement effectué par l’auteur, qui ne résulte d’aucun avenant contractuel, rompt totalement l’équilibre du contrat d’édition et ne suffit pas à le transformer en contrat à compte d’auteur puisque l’éditeur est en l’espère cessionnaire des droits d’exploitation, propriétaire des exemplaires imprimés et seul bénéficiaire des profits engendrés par l’édition, sans avoir supporté les risques liés à l’édition dès lors que les frais d’impression ont été réglés quasi-intégralement par l’auteur.

Cette cession des droits alors que l’ auteur a principalement supporté les frais de publication, est contraire aux dispositions législatives impératives prévues dans cette hypothèse à l’article L. 132-3 du code de la propriété intellectuelle.

Il s’infère de ces éléments qu’en exigeant de l’auteur le versement d’une somme considérable tout en lui faisant signer un contrat d’édition, l’éditeur s’est affranchi des règles impératives protectrices de l’ auteur. En outre, le contrat d’édition ne prévoit aucun minimum garanti, ni ne précise le nombre d’exemplaires, ce qui est contraire aux dispositions impératives de l’article L. 132-10 du code de la propriété intellectuelle.

La société éditrice ne pouvait valablement soutenir que l’auteur, dont il s’agissait du premier ouvrage à publier, avait parfaitement conscience que le tirage était fixé à 1 500 ouvrages alors qu’elle ne rapporte aucune preuve au soutien de cette allégation. Elle ne pouvait pas non plus alléguer des circonstances factuelles de nature dénigrante quant au travail de l’auteur, sans les étayer, pour justifier sa demande de paiement.

En rompant totalement l’équilibre du contrat et en laissant à la seule charge de l’auteur les risques liés à l’édition de son ouvrage, l’éditeur a vidé le contrat de toute contrepartie aux obligations de l’auteur. Il s’ensuit qu’en application de l’article 1131 du code civil, le contrat d’édition conclu est nul comme dépourvu de cause réelle. Partant, le contrat de cession des droits d’adaptation audiovisuelle, conclu le même jour en considération des droits d’exploitation cédés du contrat d’édition et qui lui est donc indivisible, doit également être annulé. La nullité d’une convention entraîne son anéantissement rétroactif et impose la remise des parties en l’état où elles se trouvaient au jour de la signature du contrat.


Mots clés : Contrat à compte d’auteur

Thème : Contrat à compte d’auteur

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Tribunal de grande instance de Paris | Date : 31 janvier 2014 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qu’un contrat d’édition?

Un contrat d’édition est un accord juridique par lequel un auteur cède à un éditeur le droit de fabriquer, publier et diffuser son œuvre. En contrepartie, l’éditeur s’engage à verser une rémunération à l’auteur, généralement sous forme de droits d’auteur.

Ce type de contrat est régi par l’article L. 132-1 du Code de la propriété intellectuelle, qui précise les obligations des parties. L’éditeur prend en charge les coûts liés à la publication, ce qui inclut l’impression, la distribution et la promotion de l’œuvre.

L’auteur, de son côté, conserve certains droits sur son œuvre, notamment le droit moral, qui lui permet de revendiquer la paternité de son œuvre et de s’opposer à toute modification qui pourrait lui être préjudiciable.

Quelle est la différence entre un contrat d’édition et un contrat à compte d’auteur?

La principale différence entre un contrat d’édition et un contrat à compte d’auteur réside dans la répartition des coûts et des bénéfices. Dans un contrat d’édition, l’éditeur prend en charge les frais de publication et rémunère l’auteur par des droits d’édition.

En revanche, dans un contrat à compte d’auteur, l’auteur est responsable des coûts de publication et paie l’éditeur pour la mise en œuvre de son projet. Cela modifie fondamentalement la dynamique de la relation contractuelle, car l’auteur devient un client de l’éditeur plutôt qu’un partenaire.

Cette distinction est cruciale, car elle a des implications juridiques et financières importantes pour les auteurs. Un contrat à compte d’auteur peut souvent conduire à des situations désavantageuses pour l’auteur, qui peut se retrouver à investir sans garantie de retour sur investissement.

Pourquoi le contrat a-t-il été déclaré nul?

Le contrat a été déclaré nul en raison de l’analyse des clauses contractuelles et du déséquilibre qu’il engendrait. Bien que le contrat ait été qualifié de « contrat d’édition », le fait que l’auteur ait versé une somme importante à l’éditeur a rompu l’équilibre contractuel.

Selon le Code de la propriété intellectuelle, un contrat d’édition doit respecter certaines exigences légales, notamment en ce qui concerne la prise en charge des coûts par l’éditeur. En supportant une part significative des coûts d’édition, l’auteur a en fait modifié la nature du contrat, le rendant inapplicable.

Cette situation a conduit le tribunal à annuler le contrat, soulignant l’importance de respecter les dispositions légales pour garantir la validité des accords entre auteurs et éditeurs.

Quelles sont les conséquences de la décision?

La décision du tribunal a des implications significatives pour les auteurs et les éditeurs. Elle met en lumière l’importance de rédiger des contrats d’édition conformes aux exigences légales. Les auteurs doivent être conscients des termes de leur contrat pour éviter des situations désavantageuses.

Cette affaire rappelle également aux éditeurs l’importance de clarifier la nature de leurs contrats et de s’assurer qu’ils respectent les dispositions du Code de la propriété intellectuelle. Un contrat mal rédigé peut entraîner des litiges et des pertes financières pour les deux parties.

En somme, cette décision souligne la nécessité d’une vigilance accrue lors de la négociation et de la rédaction de contrats d’édition, afin de garantir une relation équilibrée et respectueuse des droits des auteurs.

Pourquoi les auteurs doivent-ils être vigilants?

Les auteurs doivent être vigilants pour plusieurs raisons. Tout d’abord, la compréhension des termes de leur contrat est essentielle pour protéger leurs droits. Un contrat mal compris ou mal rédigé peut entraîner des conséquences juridiques et financières graves.

De plus, la vigilance permet aux auteurs de s’assurer que les conditions de publication respectent les normes légales en vigueur. Cela inclut la vérification que l’éditeur prend en charge les coûts de publication, comme l’exige un contrat d’édition.

Enfin, être attentif aux détails contractuels aide les auteurs à éviter des situations où ils pourraient se retrouver à investir dans la publication de leur œuvre sans garantie de retour. La protection de leurs droits est essentielle pour maintenir une relation équilibrée avec les éditeurs.


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