Épuisement des droits : Revente et impact sur le marché des logiciels

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Épuisement des droits : Revente et impact sur le marché des logiciels

L’Essentiel : La Cour de justice de l’Union européenne a statué sur le droit des créateurs de logiciels à s’opposer à la revente de licences « d’occasion ». Dans l’affaire Oracle contre UsedSoft, la CJUE a confirmé que le principe d’épuisement des droits s’applique également aux logiciels téléchargés. Ainsi, une fois qu’une copie est vendue, l’éditeur ne peut plus interdire sa revente, même si celle-ci se fait en ligne. Cette décision pourrait favoriser un marché de licences d’occasion, permettant aux nouveaux acquéreurs de télécharger légalement les logiciels tout en respectant les droits d’auteur.

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) vient de se prononcer sur une question épineuse : le droit pour le créateur de logiciels (éditeur ou autres) de s’opposer à la revente de ses licences « d’occasion » permettant l’utilisation de ses logiciels téléchargés via Internet.

Oracle contre UsedSoft

La société UsedSoft est une entreprise allemande qui commercialise des licences rachetées aux clients d’Oracle. Les clients de UsedSoft, non encore en possession du logiciel, le téléchargent directement, après avoir acquis une licence « d’occasion », à partir du site Internet d’Oracle. Oracle a assigné, sans succès UsedSoft devant les juridictions allemandes afin de lui faire interdire cette pratique.

Principe de l’épuisement des droits

La Directive 2009/24/CE du 23 avril 2009 sur la protection juridique des programmes d’ordinateur consacre un principe bien connu de la propriété intellectuelle : l’épuisement des droits. Selon celui-ci, la première vente d’une copie d’un logiciel dans l’Union, par le titulaire du droit d’auteur ou avec son consentement, épuise le droit de distribution de cette copie dans l’Union. En conséquence, l’éditeur du logiciel qui a commercialisé une copie de son logiciel sur le territoire d’un État membre de l’Union perd la possibilité d’invoquer son monopole d’exploitation pour s’opposer à la revente de cette copie.

En défense, Oracle faisait valoir que le principe d’épuisement prévu par la Directive ne s’applique pas aux licences d’utilisation de programmes d’ordinateur téléchargés via Internet. La réponse des juges européens a été sans appel : le principe d’épuisement du droit de distribution s’applique non seulement lorsque le titulaire du droit d’auteur commercialise les copies de ses logiciels sur un support matériel (CD-ROM ou DVD), mais également lorsqu’il les distribue par téléchargement à partir de son site Internet.

Selon les termes de l’arrêt rendu, limiter l’application du principe de l’épuisement du droit de distribution aux seules copies de programmes d’ordinateur vendues sur un support matériel permettrait au titulaire du droit d’auteur de contrôler la revente des copies qui ont été téléchargées via Internet et d’exiger, à l’occasion de chaque revente, une nouvelle rémunération alors que la première vente de la copie concernée aurait déjà permis audit titulaire d’obtenir une rémunération appropriée. Une telle restriction à la revente des copies de logiciels téléchargées au moyen d’Internet irait au-delà de ce qui est nécessaire pour préserver l’objet spécifique de la propriété intellectuelle en cause.

Mises à jour de logiciels

Concernant les mises à jour du logiciel, toutes les fonctionnalités corrigées, modifiées ou ajoutées sur la base du contrat de licence font partie intégrante de la copie initialement téléchargée et peuvent être utilisées par le client nouvel acquéreur sans limitation de durée.

Verrouillage technique

Toutefois, en cas de revente de sa licence de logiciel, l’acquéreur initial doit rendre inutilisable la copie téléchargée sur son propre ordinateur au moment de la revente. En effet, s’il continuait à l’utiliser, il violerait le droit exclusif du titulaire du droit d’auteur à la reproduction de son programme d’ordinateur (l’épuisement des droits ne vise que le droit de distribuer le logiciel auquel cas il s’agit d’une contrefaçon par reproduction).

Marché des licences de logiciels

En conclusion, cette décision risque bien de développer un nouveau marché de la vente de licences de logiciels d’occasion en ligne (échange de licences licites) avec faculté de téléchargement en ligne pour le nouvel acquéreur, sans violation du droit de reproduction de l’éditeur de logiciel. En effet, la CJUE a précisé que ce téléchargement doit être regardé comme la reproduction nécessaire d’un programme d’ordinateur devant permettre au nouvel acquéreur d’utiliser le programme d’une manière conforme à sa destination. Le nouvel acquéreur de la licence d’utilisation peut en tant qu’acquéreur légitime de la copie corrigée et mise à jour du programme d’ordinateur concerné, Télécharger la décision cette copie à partir du site Internet du titulaire du droit d’auteur.

Mots clés : Epuisement des droits

Thème : Epuisement des droits

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour de justice de l’Union européenne | Date : 3 juillet 2012 | Pays : Europe

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que le principe de l’épuisement des droits ?

R : Le principe de l’épuisement des droits est un concept fondamental en matière de propriété intellectuelle. Il stipule qu’une fois qu’une copie d’un logiciel a été vendue dans l’Union européenne, le titulaire des droits ne peut plus s’opposer à sa revente.

Ce principe vise à garantir la libre circulation des biens et à limiter le contrôle des éditeurs sur les copies déjà vendues. En d’autres termes, une fois qu’un produit a été mis sur le marché, l’éditeur perd son droit de restreindre la revente de ce produit.

Cela favorise un marché secondaire, permettant aux utilisateurs de revendre leurs licences, ce qui peut être particulièrement bénéfique dans le secteur des logiciels, où les coûts peuvent être élevés.

La décision de la CJUE s’applique-t-elle uniquement aux logiciels physiques ?

R : Non, la décision de la CJUE ne se limite pas aux logiciels physiques. La Cour a clairement affirmé que le principe de l’épuisement des droits s’applique également aux logiciels distribués par téléchargement.

Cette clarification est cruciale dans le contexte numérique actuel, où de plus en plus de logiciels sont accessibles uniquement en ligne. Limiter l’épuisement des droits aux supports matériels aurait permis aux éditeurs de contrôler indéfiniment la revente de leurs produits, ce qui irait à l’encontre de l’esprit de la propriété intellectuelle.

Ainsi, les utilisateurs peuvent désormais revendre des licences de logiciels téléchargés tout en respectant les conditions établies par la CJUE.

Que se passe-t-il avec les mises à jour des logiciels lors de la revente ?

R : Lors de la revente d’une licence de logiciel, les mises à jour et les nouvelles fonctionnalités apportées au logiciel sont également incluses dans la licence d’occasion. Cela signifie que le nouvel acquéreur peut bénéficier de ces mises à jour sans aucune restriction.

Cette décision est importante car elle garantit que les utilisateurs d’une licence d’occasion ne sont pas désavantagés par rapport à ceux qui achètent une licence neuve. Les mises à jour font partie intégrante de l’expérience utilisateur et sont essentielles pour maintenir la sécurité et la fonctionnalité du logiciel.

Ainsi, le nouvel acquéreur peut profiter des améliorations et des corrections apportées au logiciel, ce qui renforce la valeur de la licence d’occasion.

Que doit faire l’acquéreur initial lors de la revente de sa licence ?

R : Lors de la revente de sa licence, l’acquéreur initial doit rendre inutilisable sa copie du logiciel. Cela signifie qu’il doit désinstaller le logiciel de son appareil et s’assurer qu’il ne peut plus y accéder.

Cette exigence est cruciale pour respecter les droits d’auteur, car continuer à utiliser la copie après la revente constituerait une violation des droits d’auteur. En rendant la copie inutilisable, l’acquéreur initial garantit que le nouvel acquéreur a un accès exclusif à la licence et au logiciel.

Cela contribue également à maintenir l’intégrité du marché des licences d’occasion, en s’assurant que chaque licence est utilisée par un seul utilisateur à la fois.

Quel est l’impact de cette décision sur le marché des licences de logiciels ?

R : La décision de la CJUE pourrait avoir un impact significatif sur le marché des licences de logiciels d’occasion. En ouvrant la voie à la revente légale de licences, elle pourrait engendrer un nouveau marché en ligne pour ces licences.

Les utilisateurs pourraient échanger des licences de manière légale, ce qui offrirait une alternative économique à l’achat de nouvelles licences. Cela pourrait également transformer la manière dont les licences de logiciels sont perçues et commercialisées, en rendant le marché plus dynamique et accessible.

De plus, cette décision pourrait encourager une plus grande transparence et une meilleure compréhension des droits des utilisateurs en matière de logiciels, ce qui est essentiel dans l’ère numérique actuelle.


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