Conflit entre la Spedidam et iTunes : enjeux de la gestion des droits des artistes

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Conflit entre la Spedidam et iTunes : enjeux de la gestion des droits des artistes

L’Essentiel : La Cour de cassation a débouté la SPEDIDAM dans sa demande d’indemnisation contre iTunes, soulignant que cette société ne pouvait agir pour défendre les droits individuels des artistes-interprètes sans mandat. Concernant les artistes décédés, la SPEDIDAM ne pouvait non plus agir au nom des héritiers non informés. La notion de phonogramme, définie par le code de la propriété intellectuelle, inclut toute fixation sonore, qu’elle soit dématérialisée ou non. Ainsi, les titres musicaux sur iTunes, bien que numériques, répondent à la définition de phonogramme commercial, indépendamment de leur support physique.

La Société de perception et de distribution des droits des artistes-interprètes de la musique et de la danse (Spedidam) a été déboutée de ses demandes d’indemnisation dirigées contre le service d’Apple, iTunes.

Autorisation des artistes interprètes

Estimant que la mise en ligne des phonogrammes que la société iTunes proposait à ses clients de Télécharger la décision, était soumise, en application de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, à l’autorisation préalable des artistes-interprètes dont la prestation était fixée sur ces phonogrammes, la SPEDIDAM a assigné la société iTunes en réparation du préjudice personnel subi par les artistes-interprètes concernés et du préjudice résultant de l’atteinte portée à l’intérêt collectif de la profession.

La Cour de cassation a considéré qu’en application de l’article L. 321-1 du code de la propriété intellectuelle, que, quels que soient ses statuts, une société de perception et de répartition des droits des artistes-interprètes ne peut être admise à ester en justice pour défendre les droits individuels d’un artiste-interprète qu’à la condition qu’elle ait reçu de celui-ci pouvoir d’exercer une telle action. La Spedidam était donc irrecevable à agir pour la défense des intérêts individuels des artistes-interprètes à l’égard desquels elle ne justifiait ni d’une adhésion ni d’un mandat.

Artistes interprètes décédés

Il en est de même pour les artistes décédés : le droit d’agir en justice dans l’intérêt d’autrui, revêtant un caractère exceptionnel, ne peut résulter que de la loi, la Spedidam ne pouvant en réparation d’un préjudice subi par des adhérents décédés, agir pour le compte des héritiers non avertis de cette action. Une créance de réparation, élément de l’actif successoral transmis ensuite aux ayants cause de l’artiste décédé, ne peut être invoquée en justice que par eux, sauf à ce qu’ils aient donné à un tiers mandat d’y procéder.

Notion de phonogramme

Aux termes de l’article L. 212-3 du code de la propriété intellectuelle, l’artiste-interprète doit autoriser la communication au public de son interprétation. En l’espèce, selon les mentions figurant sur les feuilles de présence qu’ils avaient émargées, les artistes-interprètes en cause avaient autorisé l’exploitation de l’enregistrement de leurs interprétations, sous la forme de « phonogrammes publiés à des fins de commerce ». Or les titres musicaux proposés sur iTunes répondent bien à cette définition. Au sens des articles 3-b de la Convention de Rome du 26 octobre 1961 et 2e) du Traité de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle du 20 décembre 1996, la qualification juridique de phonogramme est indépendante de l’existence ou non d’un support tangible. La qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante de l’existence ou non d’un support physique, il en résulte que le phonogramme, séquence de sons fixée quel qu’en soit le mode de fixation, ne se confond pas avec « l’objet tangible » mis à la disposition du public dans les bacs des disquaires. Le phonogramme ne consiste en rien d’autre qu’une séquence de sons fixée, quel que soit le mode de fixation, sur un support, quel qu’il soit, qu’il peut donc consister en un fichier numérique sauvegardé sur une mémoire informatique tel qu’un disque dur ou autre. La circonstance qu’un phonogramme ainsi défini puisse être transmis sous forme dématérialisée n’en change ni la nature, ni la destination. Il demeure en effet identique à lui même s’il est incorporé dans un support matériel tel qu’un disque vinyle microsillon ou chargé sur un disque dur d’ordinateur, une clé USB, ou un téléphone mobile, et comporte la même destination, qui est d’être écouté par celui qui en a fait l’acquisition.

A ce titre, il est fait référence, dans la définition du phonogramme du commerce figurant sur les feuilles de présence, à « tous supports sonores », et non pas exclusivement aux supports matériels, tandis que l’article 3 de la Convention de Rome de 1961 définit le phonogramme comme « toute fixation exclusivement sonore des sons provenant d’une exécution ou d’autres sons » et sa publication comme « la mise à disposition du public d’exemplaires d’un phonogramme en quantité suffisante », et l’article 2 e) du Traité OMPI du 20 décembre 1996 quant à lui comme « la mise à la disposition du public de copies de l’interprétation ou exécution fixée ou d’exemplaires du phonogramme avec le consentement du titulaire des droits, et à condition que les copies ou exemplaires fixés soit mis à la disposition du public en quantité suffisante », les termes utilisés d’exemplaires mis à la disposition du public n’impliquant pas plus nécessairement l’existence d’un support tangible. Il s’en suit comme il résulte d’ailleurs des travaux parlementaires de la loi du 03 juillet 1985, que la qualification juridique de phonogramme du commerce est indépendante d’un support et que la mise à la disposition du public, en quantité suffisante, de supports dématérialisés n’implique pas de changement de destination du phonogramme initialement fixé.


Mots clés : Gestion collective

Thème : Gestion collective

A propos de cette jurisprudence : juridiction :  Cour de cassation, ch. civ. | Date : 11 septembre 2013 | Pays : France

Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce qui a conduit la Spedidam à agir contre iTunes ?

La Spedidam a estimé que la mise en ligne des phonogrammes sur iTunes nécessitait l’autorisation des artistes-interprètes, ce qui n’avait pas été obtenu.

Cette situation a soulevé des préoccupations quant à la protection des droits des artistes dans un environnement numérique en constante évolution.

La Spedidam, en tant que société de gestion collective, a pour mission de défendre les intérêts des artistes-interprètes, mais cela implique de respecter les procédures légales en matière de représentation.

Pourquoi la Cour a-t-elle débouté la Spedidam ?

La Cour a jugé que la Spedidam ne pouvait pas agir sans un mandat des artistes-interprètes concernés.

Cette décision souligne l’importance d’un cadre légal clair pour la gestion des droits d’auteur, en particulier dans le contexte de la représentation collective.

Sans un mandat explicite, la Spedidam n’a pas la légitimité nécessaire pour défendre les droits individuels des artistes, ce qui pourrait avoir des implications sur la manière dont les sociétés de gestion collective opèrent.

La Spedidam peut-elle agir pour des artistes décédés ?

Non, elle ne peut agir que si elle a reçu un mandat des héritiers des artistes décédés.

Cette restriction met en lumière la complexité de la gestion des droits d’auteur après le décès d’un artiste.

Les héritiers doivent être impliqués dans le processus de gestion des droits, ce qui nécessite une communication claire et des accords formels pour éviter des litiges.

Que se passe-t-il avec les créances de réparation pour les artistes décédés ?

Ces créances doivent être invoquées par les héritiers, sauf s’ils ont donné mandat à un tiers.

Cela signifie que les héritiers ont un rôle crucial dans la protection des droits d’auteur des artistes décédés.

Sans leur intervention, les droits peuvent rester inactifs, ce qui pourrait nuire à la valorisation du patrimoine artistique.

Qu’est-ce qu’un phonogramme selon la loi ?

Un phonogramme est une fixation sonore des sons provenant d’une exécution, indépendamment du support.

Cette définition est essentielle pour comprendre les droits associés à la musique et aux performances.

Elle permet également de clarifier les obligations des plateformes de distribution numérique comme iTunes en matière de droits d’auteur.

La mise à disposition de phonogrammes dématérialisés change-t-elle leur nature ?

Non, la nature et la destination du phonogramme restent identiques, qu’il soit dématérialisé ou sur un support physique.

Cela signifie que les droits des artistes-interprètes s’appliquent de la même manière, quel que soit le format de distribution.

Cette continuité est cruciale pour assurer la protection des droits d’auteur dans un monde de plus en plus numérique.

Quels enjeux la décision de la Cour de cassation soulève-t-elle ?

La décision de la Cour de cassation concernant la Spedidam met en lumière des enjeux cruciaux liés à la gestion collective des droits des artistes-interprètes.

Elle souligne l’importance d’un mandat explicite pour agir en justice et clarifie la définition juridique des phonogrammes.

Cette affaire pourrait avoir des répercussions significatives sur la manière dont les droits des artistes sont gérés et protégés à l’avenir, notamment en renforçant la nécessité d’une représentation claire et formelle.


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