Clause pénale de la SACEM : le pouvoir de modération du juge

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Clause pénale de la SACEM : le pouvoir de modération du juge

L’Essentiel : La clause pénale de la SACEM, jugée manifestement excessive, peut être modérée par le juge du fond selon l’article 1231-5 du code civil. Dans une affaire récente, la SACEM a assigné la SARL Merlab pour le paiement de redevances dues, après une transaction non respectée. Lors de l’audience, la SACEM a réduit ses demandes en raison de paiements partiels. Le tribunal a condamné la SARL Merlab à verser 33 199,68 € à titre de provision et à remettre des documents sous astreinte, tout en rejetant d’autres demandes. La décision souligne le pouvoir du juge dans l’application des clauses pénales.

La clause pénale figurant aux règles générales d’autorisation et de tarification dont il est demandé de faire application, en ce qu’elle est manifestement excessive, est susceptible comme telle d’être modérée par le juge du fond, en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé à son sujet.

Résumé de l’affaire : La SACEM, société chargée de la gestion des droits d’auteur, a conclu un contrat avec la SARL Merlab, exploitant d’une discothèque, le 1er juillet 2016. Ce contrat, renouvelable annuellement, stipulait une redevance de 7 007,37 € HT. Une transaction a été signée le 24 mai 2019 concernant des sommes dues pour la période du 1er juillet 2015 au 30 avril 2019, mais celle-ci n’a pas été entièrement respectée. Le 3 avril 2024, la SACEM a assigné la SARL Merlab en référé pour obtenir le paiement de diverses sommes dues, y compris des redevances et des indemnités, ainsi que la remise de documents sociaux et fiscaux. Lors de l’audience du 19 juin 2024, la SACEM a réduit ses demandes en raison de paiements effectués pendant la procédure. La SARL Merlab n’a pas comparu ni été représentée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

20 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Rennes
RG n°
24/00270
RE F E R E

Du 13 Septembre 2024

N° RG 24/00270 – N° Portalis DBYC-W-B7I-K35I
79B

c par le RPVA
le
à

Me Dominique LE COULS-BOUVET, Me Jean-Marc MOJICA

– copie dossier

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Dominique LE COULS-BOUVET,

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEUR AU REFERE:

SOCIETE DES AUTEURS, COMPOSITEURS ET EDITEURS DE M USIQUE (Sacem), dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Jean-Marc MOJICA, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Francoise ESCOFFIER, avocat au barreau de Rennes, Me Dominique LE COULS-BOUVET, avocat au barreau de RENNES

DEFENDEUR AU REFERE:

S.A.R.L. MERLAB, dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante

LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 19 Juin 2024,

ORDONNANCE: réputée contradictoire , au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 13 septembre 2024 prorogé au 20 septembre 2024 les conseils des parties ayant été avisées par le RPVA le 13 septembre 2024

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

EXPOSE DU LITIGE

La société des auteurs compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) est une société civile dont le principal objet social est d’assurer la perception et la répartition des redevances dues au titre du droit d’auteur à l’occasion de l’exécution publique et de la reproduction mécanique des œuvres de ses membres. La SACEM assure la gestion de son répertoire musical par le biais de contrats généraux de représentation.

Suivant extrait Kbis, la société à responsabilité limitée (SARL) Merlab, dont le siège social se situe [Adresse 2] (85), a exploité une discothèque bar.

Le 1er juillet 2016, cette société a conclu avec la SACEM un contrat général de représentation renouvelable chaque année par tacite reconduction, moyennant une redevance provisionnelle annuelle de 7 007,37 € HT.

Les parties ont conclu une transaction, le 24 mai 2019, portant sur les sommes restant dues par l’exploitant pour la période du 1er juillet 2015 au 30 avril 2019, laquelle n’a pas été complètement exécutée par le redevable.

Par acte de commissaire de justice en date du 03 avril 2024, la SACEM a ensuite assigné en référé la SARL Merlab sur le fondement des articles L 331-1 du code de la propriété intellectuelle, D 211-6-1 du code de l’organisation judiciaire, 835 du code de procédure civile, L 441-6, L 441-10 et D 441-5 du code de commerce, aux fins de voir :
– condamner la SARL Merlab à payer, à titre provisionnel, à la SACEM la somme de 5 420,35 € TTC représentant les redevances d’auteurs et indemnités contractuelles et légales dues pour la période du 01er mai 2019 au 15 mars 2020, en exécution du contrat général de représentation conclu le 1er juillet 2016 ;
– condamner la SARL Merlab à payer, à titre provisionnel, à la SACEM la somme de 29 670,76 € TTC en vertu du protocole d’accord conclu le 24 mai 2019 ;
– ordonner à la SARL Merlab de remettre à la SACEM des documents sociaux et fiscaux ;
– condamner la SARL Merlab à payer à la SACEM la somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la SARL Merlab aux entiers dépens.

Lors de l’audience du 19 juin 2024, la SACEM, représentée par avocat, a sollicité le bénéfice de son assignation. Elle a, toutefois, réduit oralement le montant de ses prétentions en raison de règlements intervenus en cours d’instance.

Régulièrement assignée par dépôt de l’acte à l’étude, la SARL Merlab n’a pas comparu, ni ne s’est faite représenter.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L’article 472 du Code de procédure civile dispose que :

“ Si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée ”.

Sur la demande de provisions

L’ article 835, alinéa 2, du code de procédure civile dispose que :

« Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, (le juge des référés peut, NDR) accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ».

Il appartient au demandeur à une provision d’établir l’existence de l’obligation qu’il invoque à son appui (Civ. 1ère 25 mars 2010 n° 09-13.382).
L’article 1103 du code civil dispose que :

« Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».

L’article 2044 du même code prévoit que :

« La transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.
Ce contrat doit être rédigé par écrit ».
La SACEM justifie d’une créance d’un montant de 28 145,08 € en application de la transaction conclue entre les parties, le 24 mai 2019, au titre des redevances dues pour la période du 1er juillet 2015 au 30 avril 2019, au moyen de sa pièce n°8, complétée à l’audience par un décompte actualisé des règlements intervenus en cours d’instance.

La SARL Merlab sera condamnée à lui payer cette somme, à titre de provision.

La SACEM justifie d’une seconde créance, d’un montant de 4 206,13 €, en application du contrat de représentation conclu entre les parties le 1er juillet 2016, au titre des redevances d’auteur dues pour la période du 1er mai 2019 au 15 mars 2020, au moyen de sa pièce n°7, complétée par un décompte joint à l’appui de son assignation.

Elle verse également aux débats le détail du calcul des pénalités pour retard de paiement (sa pièce n°15), stipulées au paragraphe 2-4 du contrat liant les parties, soit la somme de 408,47 €.

Elle justifie, enfin, d’une créance de 440 € au titre des frais de recouvrement en application des articles L 441-10 et D 441-5 du code de commerce (sa pièce n°16).

La SARL Merlab sera condamnée à lui payer ces sommes, à titre de provision.

La clause pénale figurant aux règles générales d’autorisation et de tarification dont il est demandé de faire application, en ce qu’elle est manifestement excessive, est par contre susceptible comme telle d’être modérée par le juge du fond, en application des dispositions de l’article 1231-5 du code civil, de sorte qu’il n’y a pas lieu à référé à son sujet.

Sur la demande de production de pièces

L’obligation de remise des liasses fiscales et des états des recettes prévue aux articles 7 et 12 des conditions générales du contrat général de représentation liant les parties n’ayant pas été remplie malgré l’assignation, il y a lieu d’en ordonner l’exécution sous astreinte dans les termes du dispositif de la présente ordonnance.

Sur les demandes accessoires

L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».

Partie succombante, la SARL Merlab sera condamnée aux dépens en application des dispositions de l’article 696 du même code.

L’équité commande, en outre, de la condamner à payer à la SACEM une somme de 800 € au titre des frais non compris dans les dépens.

DISPOSITIF

La juridiction des référés, statuant au nom du peuple français par décision mise à disposition au greffe :

CONDAMNE la SARL Merlab à payer à la SACEM la somme de 33 199,68 € (trente-trois mille cent quatre-vingt-dix-neuf euros et soixante-huit centimes) à titre de provision ;

lui ENJOINT de remettre à la SACEM, sous astreinte de 50 € par jour de retard à l’expiration d’un délai de 30 (trente) jours à compter de la signification de la présente ordonnance et courant pendant 30 (trente) jours, délai à l’issue duquel il sera de nouveau statué, le cas échéant, par le juge de l’exécution, une copie de sa liasse fiscale et de l’état de ses recettes au titre de la période du 1er juillet 2018 au 15 mars 2020 ;

CONDAMNE la SARL Merlab aux dépens ;

la CONDAMNE à payer à la SACEM la somme de 800 € (huit cents euros) au titre des frais non compris dans les dépens ;

REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière Le juge des référés

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la nature du litige entre la SACEM et la SARL Merlab ?

Le litige entre la SACEM (Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique) et la SARL Merlab concerne le non-paiement de redevances dues pour l’exploitation d’une discothèque.

La SACEM, en tant que gestionnaire des droits d’auteur, a conclu un contrat avec la SARL Merlab le 1er juillet 2016, stipulant une redevance annuelle de 7 007,37 € HT.

Une transaction signée le 24 mai 2019 a tenté de régler les sommes dues pour la période du 1er juillet 2015 au 30 avril 2019, mais celle-ci n’a pas été respectée.

En conséquence, la SACEM a assigné la SARL Merlab en référé le 3 avril 2024 pour obtenir le paiement des sommes dues, ainsi que la remise de documents sociaux et fiscaux.

Quelles sont les demandes formulées par la SACEM lors de l’audience ?

Lors de l’audience du 19 juin 2024, la SACEM a formulé plusieurs demandes à l’encontre de la SARL Merlab.

Elle a demandé, en premier lieu, le paiement d’une somme provisionnelle de 5 420,35 € TTC pour les redevances d’auteurs et indemnités dues pour la période du 1er mai 2019 au 15 mars 2020.

De plus, la SACEM a réclamé 29 670,76 € TTC en vertu du protocole d’accord signé le 24 mai 2019.

Elle a également demandé la remise de documents sociaux et fiscaux, ainsi qu’une indemnité de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et la prise en charge des dépens.

Comment le tribunal a-t-il statué sur les demandes de la SACEM ?

Le tribunal a statué en faveur de la SACEM, condamnant la SARL Merlab à lui verser une somme totale de 33 199,68 € à titre de provision.

Cette somme comprend les créances justifiées par la SACEM, notamment 28 145,08 € pour les redevances dues selon la transaction de mai 2019 et 4 206,13 € pour les redevances d’auteur dues selon le contrat de représentation.

Le tribunal a également ordonné à la SARL Merlab de remettre à la SACEM des documents fiscaux sous astreinte de 50 € par jour de retard.

Enfin, la SARL Merlab a été condamnée aux dépens et à payer 800 € pour les frais non compris dans les dépens.

Quelles sont les implications de la clause pénale mentionnée dans le jugement ?

La clause pénale, qui figure dans les règles générales d’autorisation et de tarification, a été jugée manifestement excessive par le tribunal.

En vertu de l’article 1231-5 du code civil, cette clause peut être modérée par le juge du fond.

Cela signifie que le tribunal a reconnu que, bien que la clause pénale soit applicable, elle ne doit pas nécessairement être appliquée dans son intégralité si elle est jugée disproportionnée.

Ainsi, le tribunal a décidé qu’il n’y avait pas lieu de statuer sur cette clause dans le cadre de la procédure de référé, laissant la possibilité d’une réévaluation lors d’une instance ultérieure.

Quelles sont les conséquences pour la SARL Merlab suite à cette décision ?

Suite à la décision du tribunal, la SARL Merlab est tenue de payer la somme de 33 199,68 € à la SACEM, ce qui représente une charge financière significative pour l’entreprise.

De plus, la SARL Merlab doit remettre des documents fiscaux et sociaux sous astreinte, ce qui pourrait entraîner des pénalités supplémentaires en cas de non-respect de cette obligation.

La condamnation aux dépens signifie également que la SARL Merlab devra couvrir les frais de justice engagés par la SACEM, augmentant ainsi son coût total.

Enfin, la décision peut avoir des répercussions sur la réputation de la SARL Merlab et sa relation avec d’autres partenaires commerciaux, notamment en matière de conformité aux obligations contractuelles.


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