Modèle vintage restauré : contrefaçon ou pas ?

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Modèle vintage restauré : contrefaçon ou pas ?
L’Essentiel : La question de la contrefaçon d’un modèle vintage restauré soulève des enjeux complexes en matière de droit d’auteur. Selon le code de la propriété intellectuelle, l’originalité d’une œuvre est déterminée par l’empreinte de la personnalité de son auteur. Ainsi, la protection ne s’étend pas aux idées, mais à la forme originale de l’œuvre. En cas de litige, il appartient à celui qui revendique un droit d’auteur de prouver l’originalité de son œuvre. La règle de l’épuisement des droits de distribution s’applique, mais ne prive pas l’auteur de ses autres prérogatives, notamment le droit de reproduction.

La règle de l’épuisement des droits ne concerne, en droit d’auteur, que le seul droit de distribution par la vente à l’exclusion des autres prérogatives patrimoniales de l’auteur. De ce fait, le titulaire n’est pas privé de la possibilité de faire valoir ses autres droits, en particulier le droit de reproduction, ou encore le droit au respect de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit de l’auteur personne physique titulaire du droit moral.

La protection des modèles Vintage

L’oeuvre, au sens du code de la propriété intellectuelle, est l’oeuvre de l’esprit prévue à l’article L. 111-1 selon lequel l’auteur jouit sur l’œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous comportant des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial.

La protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur du fait de la création d’une forme originale, en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable.

La propriété littéraire et artistique ne protège pas les idées ou concepts, mais seulement la forme originale sous laquelle ils se sont exprimés. Dans ce cadre, il appartient à celui qui se prévaut d’un droit d’auteur dont l’existence est contestée de définir et d’expliciter les contours de l’originalité qu’il allègue. En effet, seul l’auteur, dont le juge ne peut suppléer la carence, est en mesure d’identifier les éléments traduisant sa personnalité et qui justifient son monopole.

La présomption de titularité

L’article L.113-1 pose une présomption de titularité au profit de la personne physique sous le nom de laquelle l’oeuvre est divulguée. S’agissant des personnes morales, “l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur” (Cass. 1ère Civ., 10 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.465).

Originalité d’un fauteuil Vintage

En l’espèce, la combinaison des caractéristiques d’un fauteuil « Togo » que sont une forme pensée comme  » un tube de dentrifrice replié sur lui-même comme un tuyau de poêle et fermé aux deux bouts « , une structure sans piètement, posée à même le sol, la découpe des mousses en biseau sur le haut du dossier qui lui donne sa physionomie particulière de  » tube de dentrifrice replié sur lui-même » , une confection en bourrelets, plus resserés à l’angle du canapé entre le dossier et l’assise lui donne sa physionomie de  » tuyau de poêle  » replié, les piqûres et surpiqûres de la housse qui donnent au modèle son aspect visuellement moelleux sans nuire à sa solidité et les oreilles du canapé prennent enfin la forme de pointes dressées vers l’extérieur, porte l’empreinte de la personnalité de l’auteur, ancien salarié de la société, et permettent de retenir l’originalité de l’oeuvre.

S’agissant de la titularité des droits, la société Design Market ne la conteste pas dans les motifs de ses écritures, indiquant, en page 2, que la société [B] s’en prévaut sans preuve. Cette dernière démontre toutefois commercialiser l’oeuvre depuis sa création, de manière continue et non équivoque, produisant aux débats des publicités pour ce produit vendu sous la marque [B]/ligne [B] depuis 1974 ainsi qu’un document, daté du 2 février 1970, signé par M. [W] aux termes duquel ce dernier déclare céder tous les droits patrimoniaux issus de la création par ses soins des modèles de sièges ou autres meubles à la société.Il est d’ailleurs cité comme créateur dans les annonces litigieuses. En l’absence de revendication de la part de l’auteur, la société [B] doit être présumée titulaire des droits patrimoniaux sur l’oeuvre.

La contrefaçon de droit d’auteur

En application des dispositions des articles L. 122-1 et L. 122-4 du code de la propriété intellectuelle, le droit d’exploitation appartenant à l’auteur comprend le droit de représentation et le droit de reproduction. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite.

La contrefaçon d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, qui n’implique pas l’existence d’un risque de confusion, consiste dans la reprise de ses caractéristiques reconnues comme étant constitutives de son originalité. Elle ne peut toutefois être retenue lorsque les ressemblances relèvent de la reprise d’un genre et non de la reproduction de caractéristiques spécifiques de l’œuvre première.

L’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires matériels d’une oeuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un autre Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut plus être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen.

Selon l’article L.122-4 du code de la propriété intellectuelle, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’ auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite. Il en est de même pour la traduction, l’adaptation ou la transformation , l’arrangement ou la reproduction par un art ou un procédé quelconque. La contrefaçon s’apprécie au regard des ressemblances et non des différences.

En l’espèce, la société titulaire des droits sur le modèle n’établit pas que les produits litigieux, qui sont authentiques, ont été initialement mis dans le commerce par elle-même ou avec son consentement en dehors de l’EEE. Dès lors, la règle de l’épuisement des droits de distribution a vocation à s’appliquer.

Cependant, cette règle ne concerne, en droit d’auteur, que le seul droit de distribution par la vente à l’exclusion des autres prérogatives patrimoniales de l’auteur. De ce fait, le titulaire n’est pas privé de la possibilité de faire valoir ses autres droits, en particulier le droit de reproduction, ou encore le droit au respect de l’oeuvre, lorsqu’il s’agit de l’auteur personne physique titulaire du droit moral.

Si la transformation d’une oeuvre, protégée par le droit d’auteur, peut être sanctionnée au titre de la contrefaçon comme étant une nouvelle reproduction de l’oeuvre, portant ainsi atteinte aux droits patrimoniaux de l’auteur, encore faut-il que le titulaire des droits explique en quoi les caractéristiques protégées ont été transformées, et, s’agissant de la forme ou de la structure interne et non visible de l’oeuvre, qui a une importance centrale en l’espèce, en quoi cette dernière a un lien direct et établi avec la forme externe de l’oeuvre.

Or, en l’espèce, la société reprend le raisonnement tenu en matière de droit des marques, arguant de ce que les défendeurs proposent à la vente des fauteuils regarnis et retapissés voire copiés, sans procéder à une comparaison précise des caractéristiques des produits par rapport à l’oeuvre.

En outre, la seule représentation de l’image du fauteuil, oeuvre protégée, dans le cadre d’annonces destinées au commerce d’occasion dont le caractère illicite n’est pas établi, n’est pas une contrefaçon. Dès lors, la contrefaçon de droit d’auteur n’est pas caractérisée.


Q/R juridiques soulevées :

Qu’est-ce que la règle de l’épuisement des droits en droit d’auteur ?

La règle de l’épuisement des droits en droit d’auteur se concentre principalement sur le droit de distribution, notamment par la vente. Cela signifie qu’une fois qu’une œuvre a été vendue avec l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit, le titulaire des droits ne peut plus interdire la revente de cette œuvre. Cependant, cette règle ne s’applique qu’au droit de distribution et n’affecte pas les autres droits patrimoniaux de l’auteur, tels que le droit de reproduction ou le droit moral. Ainsi, même après la vente, l’auteur conserve la possibilité d’exercer ses autres droits, ce qui est particulièrement pertinent pour les auteurs personnes physiques qui détiennent des droits moraux sur leur œuvre.

Comment est définie l’œuvre au sens du code de la propriété intellectuelle ?

Selon l’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle, une œuvre est définie comme une création de l’esprit qui bénéficie d’un droit de propriété incorporelle exclusif. Ce droit est opposable à tous et comprend des attributs d’ordre intellectuel et moral, ainsi que des attributs patrimoniaux. Pour qu’une œuvre soit protégée, elle doit présenter une forme originale, c’est-à-dire qu’elle doit refléter la personnalité de son auteur et ne pas être une simple reprise d’un fonds commun. La protection ne s’étend pas aux idées ou concepts, mais uniquement à la manière dont ils sont exprimés. L’auteur doit donc démontrer l’originalité de son œuvre pour revendiquer ses droits.

Qu’est-ce que la présomption de titularité en matière de droits d’auteur ?

La présomption de titularité est établie par l’article L.113-1, qui stipule que la personne physique sous le nom de laquelle une œuvre est divulguée est présumée en être le titulaire. Pour les personnes morales, l’exploitation d’une œuvre sous leur nom, sans contestation de la part des auteurs, fait également présumer qu’elles détiennent les droits de propriété incorporelle sur l’œuvre. Cette présomption est importante car elle facilite la reconnaissance des droits d’auteur, en particulier dans les cas où il peut être difficile de prouver la titularité. Par exemple, si une société exploite une œuvre de manière continue et non équivoque, elle peut être considérée comme titulaire des droits, même en l’absence de revendication explicite de la part de l’auteur.

Quels sont les critères d’originalité d’un fauteuil Vintage ?

L’originalité d’un fauteuil Vintage, comme le fauteuil « Togo », repose sur la combinaison unique de ses caractéristiques. Cela inclut des éléments tels que sa forme, qui est décrite comme un « tube de dentifrice replié », ainsi que sa structure sans piètement, posée directement au sol. Les détails de conception, comme la découpe des mousses et les piqûres de la housse, contribuent également à son originalité. Ces éléments doivent porter l’empreinte de la personnalité de l’auteur, ce qui permet de justifier la protection par le droit d’auteur. Dans le cas du fauteuil « Togo », ces caractéristiques distinctives sont essentielles pour établir son originalité et la titularité des droits.

Quelles sont les implications de la contrefaçon de droit d’auteur ?

La contrefaçon de droit d’auteur se produit lorsque les caractéristiques d’une œuvre protégée sont reproduites sans le consentement de l’auteur. Selon les articles L. 122-1 et L. 122-4, toute représentation ou reproduction d’une œuvre, qu’elle soit intégrale ou partielle, est illicite sans autorisation. La contrefaçon ne nécessite pas nécessairement un risque de confusion, mais elle doit impliquer la reprise des caractéristiques qui définissent l’originalité de l’œuvre. Il est également important de noter que la contrefaçon peut être sanctionnée même si les ressemblances relèvent d’un genre commun, tant qu’elles ne se limitent pas à des caractéristiques spécifiques de l’œuvre originale.

Comment la règle de l’épuisement des droits s’applique-t-elle en matière de contrefaçon ?

La règle de l’épuisement des droits s’applique lorsque la première vente d’une œuvre a été autorisée par l’auteur. Dans ce cas, la vente de cette œuvre ne peut plus être interdite dans les États membres de l’Union européenne. Cela signifie que, même si une œuvre est protégée par le droit d’auteur, une fois qu’elle a été vendue, le titulaire des droits ne peut pas interdire sa revente. Cependant, cette règle ne concerne que le droit de distribution. Les autres droits, comme le droit de reproduction ou le droit moral, restent intacts. Ainsi, même après la vente, l’auteur peut toujours revendiquer ses droits sur la manière dont son œuvre est utilisée ou reproduite, ce qui est crucial pour protéger l’intégrité de l’œuvre.

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