Liquidation judiciaire d’une société : la déchéance de marque encourue
L’Essentiel : La liquidation judiciaire d’une société entraîne des conséquences significatives sur ses droits de propriété intellectuelle, notamment la déchéance de marque. Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, un titulaire de marque peut perdre ses droits s’il n’en fait pas un usage sérieux pendant cinq ans. Dans le cas de la société Romeo, la preuve d’exploitation a été jugée insuffisante, entraînant la déchéance de sa marque. Les éléments présentés, tels que des ventes aux enchères et un site internet obsolète, n’ont pas suffi à établir un usage sérieux, permettant ainsi à un tiers de redéposer la marque.
En l’absence de cessionnaire, une société liquidée judiciairement s’expose à voir sa marque tombée en déchéance après cinq années sans exploitation. N’importe qui peut donc redéposer ladite marque et l’exploiter.
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (…)”.
La procédure judiciaire en déchéance est prévue par l’article L. 716-3 du même code et l’article L. 716-3-1 prévoit que : “La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”.
L’article L. 716-3 précise “L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans mentionnée au premier alinéa de l’article L. 714-5 ne fait pas obstacle à la déchéance si cet usage a débuté ou a repris dans un délai de trois mois précédant la demande de déchéance et après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée”.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, à la lumière de laquelle ces dispositions nationales doivent être appréciées, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires. Il est tenu compte en particulier des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque (CJUE 19 décembre 2012, Leno Merken BV, C-149/11, point 29).
L’usage de la marque doit être constaté pour les produits et services visés à son enregistrement. Il ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs témoignant d’une utilisation effective et suffisante sur le marché concerné (TUE 19 avril 2013, Luna international ltd, T-454/11, point 29).
Résumé de l’affaire
La société Romeo, spécialisée dans le négoce de meubles, est titulaire de la marque verbale Romeo depuis 1984. Suite au décès de son fondateur, ses enfants ont repris l’entreprise. En 2019, l’un des enfants a déposé une nouvelle marque similaire. La société ARJS a assigné cet enfant en justice pour contrefaçon de marque. Les parties demandent respectivement l’annulation de la marque concurrente et la déchéance de la marque originale pour défaut d’usage sérieux. Le tribunal devra trancher sur ces demandes et sur les dommages-intérêts à verser.
Les points essentiels
Sur la demande reconventionnelle en irrecevabilité de la demande en contrefaçon et déchéance de la marque Romeo pour défaut d’usage sérieux
Les demanderesses font valoir que l’usage sérieux de la marque est démontré par :- le fait que le personnel de la société Romeo n’a été licencié qu’en 2019 et celui du magasin [Localité 8] qu’en 2021 ;
– le fait que le protocole d’accord entre héritiers du 20 septembre 2019 évoque une faible activité ;
– la persistance en 2020 du site internet <[07].com> dont l’objet est de promouvoir les activités de décoration intérieure et le mobilier Romeo, correspondant aux produits et services de la marque, et qui se fait l’écho de diverses publications (AD Collector, Elle Décoration, Architectural Digest, Vogue) contenant des publicités de la Marque Romeo dont l’une (AD collector “the best of design 2017”) est de 2017 ;
– la vente volontaire du mobilier Romeo en novembre 2020 par la société Artcurial ( 1585 lots vendus pour un total de 1.697.260 euros) ;
– une offre d’achat de la marque en décembre 2022 ;
– l’utilisation d’un camion marqué Romeo pour la livraison de meubles.
M. [S] oppose que :- la société Romeo n’a versé au dossier aucune preuve de l’exploitation effective de la marque Romeo sur les cinq années précédant l’assignation ;
– la société Romeo a périclité à partir de 2007, avec la vente de ses magasins du [Adresse 9] en 2007, 2013 et 2016 et le licenciement du personnel de l’usine Alcyon 2000 qui fabriquait les sièges Romeo en 2014, et n’a plus eu d’activité à compter de la mise sous tutelle de son fondateur en avril 2017, l’usine de fabrication des autres meubles (Ateliers [B] [E]) ayant licencié tous ses salariés en novembre 2017 ;
– l’unique vente de meubles de décembre 2020 est une vente aux enchères des biens de la société Romeo avant liquidation et ne saurait établir un usage sérieux de la marque, c’est-à-dire en vue de maintenir ou créer des parts de marchés au profit des produits ou services en cause ;
– la société Romeo n’est pas propriétaire du nom de domaine <[07].com> ;
– le site du même nom n’est pas un site marchand et il est obsolète ;
– la société Romeo ne défend pas la marque, laissant un véhicule marqué Romeo appartenant à un tiers livrer des meubles dans [Localité 10] ;
– l’offre d’achat de la marque est hypothétique, émane de sa soeur [L] et daterait de décembre 2022, après ses conclusions mentionnant l’absence d’usage sérieux, de sorte qu’elle ne doit pas être prise en considération.
Sur ce,
L’article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Est irrecevable :1° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en nullité a été formée, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage ; (…)
Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis”.
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (…)”.
La procédure judiciaire en déchéance est prévue par l’article L. 716-3 du même code et l’article L. 716-3-1 prévoit que : “La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”.
L’article L. 716-3 précise “L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans mentionnée au premier alinéa de l’article L. 714-5 ne fait pas obstacle à la déchéance si cet usage a débuté ou a repris dans un délai de trois mois précédant la demande de déchéance et après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée”.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, à la lumière de laquelle ces dispositions nationales doivent être appréciées, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires. Il est tenu compte en particulier des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque (CJUE 19 décembre 2012, Leno Merken BV, C-149/11, point 29).
L’usage de la marque doit être constaté pour les produits et services visés à son enregistrement. Il ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs témoignant d’une utilisation effective et suffisante sur le marché concerné (TUE 19 avril 2013, Luna international ltd, T-454/11, point 29).
La marque verbale française Romeo a été enregistrée le 9 juillet 1984 pour les produits et services des classes 11, 20, 24 et 42 suivants : – 11 : Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires,
– 20 : Meubles, glaces (miroirs), cadres, produits non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau. jonc. osier, corne, os, ivoire, baleine. écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques,
– 24 : Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table,
– 42 : Services de décoration intérieure.
Le titulaire de la marque doit prouver que, à l’issue de la période de grâce soit depuis le 9 juillet 1989, il en a fait un usage sérieux au cours des 5 années précédent la demande en déchéance (ici les conclusions de M. [S] du 9 novembre 2022) pour les produits et services visés l’enregistrement.
La société Romeo ne conteste pas la fermeture des magasins et usines avant 2017 sauf s’agissant du magasin des Champs Elysées dont elle indique que ses salariés n’ont été licenciés qu’en 2021 sans aucune pièce justificative d’une quelconque activité commerciale postérieure à 2017.
Elle justifie d’une vente aux enchères de produits marqués, autorisée par ordonnance du 19 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Paris dans le cadre des opérations de liquidation du stock et des actifs de la société et effectuée les 9 et 10 novembre 2020, ainsi qu’une recension de cet événement sur le site du 5 novembre 2020 qui évoque la dispersion de “1500 pièces de l’ancienne institution parisienne d’ameublement et de décoration Romeo” précisant que le dernier magasin a fermé en 2015.
Elle verse un extrait du site internet <[07].com> daté de 2020 faisant apparaître la marque Romeo et décrivant l’aventure commerciale de [B] [E] et les projets réalisés par “l’équipe Romeo [B] [E]” ou “l’équipe Romeo royal gallery”, et un article AD collector intitulé “the best of design 2017” daté du 24 août 2017 soit antérieurement à la période au cours de laquelle doit être justifié l’usage sérieux de la marque.
L’offre d’achat de Mme [S] n’est pas connue ni versée aux débats et le courrier de l’administrateur provisoire l’évoquant est daté du 16 décembre 2022, soit postérieurement à la demande de déchéance.
M. [S] verse aux débats plusieurs constats montrant la circulation d’un camion marqué Romeo [B] [E] et un couriel du 4 mai 2022 de la société ARJS confirmant que ce camion a été vendu à un tiers, jugeant “normal qu’il roule avec le nom Romeo si l’acquéreur ne l’a pas changé” et que cette diffusion “renforce la marque”.Cette tolérance de la société Romeo de l’utilisation de la marque par un tiers ayant acheté ce camion fin 2019 ne constitue pas un usage à titre de marque.
Il n’est donc justifié, sur la période de référence, que d’une vente aux enchères des 19 et 20 novembre 2021 destinée à liquider le stock de la société et le maintien d’un site internet <[07].com>.
La vente intervenue pour liquider les stocks de la société après la cessation de toute fabrication depuis 2017 n’avait aucunement pour objet ni pour effet de maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et services Romeo.Quant au site, il n’émane pas de la société Romeo qui n’y est pas mentionnée, et, s’il fait apparaître la marque Romeo, comporte des mentions obsolètes (notamment la présentation de [B] [E] comme président du groupe) et ne fait la promotion d’aucun produit présent ou à venir visé par la marque.
Ces deux seuls éléments isolés ne permettent pas à eux seuls de caractériser une exploitation commerciale de la marque Romeo au regard des usages du secteur économique de l’ameublement et la décoration intérieure.
Il y a donc lieu de déclarer irrecevable l’action en nullité de la marque Romeo [I] [E], engagée par la société Romeo sur le seul fondement de l’atteinte à ses droits antérieurs, pour défaut d’usage sérieux de la marque Romeo pendant cinq ans et de constater la déchéance de celle-ci au même motif.
La société Romeo est également déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon de cette marque déchue.
Sur la demande en réparation de faits de parasitisme
La société Romeo fait valoir que :- le dépôt de la marque litigieuse par M. [S] démontre sa volonté de tirer profit de la renommée de la marque Romeo et s’immiscer dans son sillage sans rien dépenser pour développer sa propre marque ;
– son préjudice consiste dans l’atteinte à la valeur vénale de la marque Romeo.
M. [S] soutient que :- il n’a commis aucune faute et n’est à l’origine d’aucun préjudice pour la société Romeo qui est une coquille vide sans activité depuis 2017 et sans stock ;
– aucun fait distinct de ceux allégués à l’appui de la demande en contrefaçon n’est invoqué ;
– il n’existe en l’espèce ni faute ni préjudice.
Sur ce,
Est fautif, au sens de l’article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie.
La seule valeur économique que la société Romeo reproche à M. [S] d’avoir fautivement accaparée est la renommée de la marque Romeo. Celle-ci étant déchue, il y a lieu de rejeter la demande fondée sur le parasitisme.
Sur les autres demandes
La société Romeo qui succombe, est condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les montants alloués dans cette affaire: – La SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo est condamnée à payer à M. [I] [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Réglementation applicable
– Article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle
– Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle
– Article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle
– Article L.716-3-1 du code de la propriété intellectuelle
– Article 1240 du code civil
– Article 700 du code de procédure civile
Texte de l’Article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle:
“Est irrecevable :1° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en nullité a été formée, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage ; (…) Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis”.
Texte de l’Article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle:
“Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (…)”.
Texte de l’Article L.716-3 du code de la propriété intellectuelle:
“La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”.
Texte de l’Article L.716-3-1 du code de la propriété intellectuelle:
“La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”.
Texte de l’Article 1240 du code civil:
Est fautif, au sens de l’article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie.
Texte de l’Article 700 du code de procédure civile:
La société Romeo qui succombe, est condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Maître Hervé CABELI de l’AARPI ANTES AVOCATS
– Maître Garance DE MIRBECK
Mots clefs associés & définitions
– Motivation
– Demande reconventionnelle
– Irrecevabilité
– Contrefaçon
– Déchéance de la marque Romeo
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– Offre d’achat
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– Déchéance des droits
– Usage sérieux de la marque
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– Classes 11, 20, 24 et 42
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– Renommée de la marque Romeo
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– Faute
– Notoriété
– Liberté du commerce et de l’industrie
– Dépens de l’instance
– Article 700 du code de procédure civile
– Motivation: Ensemble des facteurs internes et externes qui poussent un individu à agir dans un certain sens.
– Demande reconventionnelle: Action en justice intentée par le défendeur contre le demandeur dans le cadre d’un même litige.
– Irrecevabilité: Caractère de ce qui ne peut être admis ou recevable, notamment en matière de procédure judiciaire.
– Contrefaçon: Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur ou d’une marque déposée.
– Déchéance de la marque Romeo: Perte des droits attachés à une marque en raison de son non-usage ou d’autres motifs prévus par la loi.
– Usage sérieux: Utilisation effective et continue d’une marque dans le cadre d’une activité commerciale.
– Preuves: Éléments matériels ou témoignages apportés devant un tribunal pour établir la véracité d’un fait.
– Licenciement: Rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur.
– Protocole d’accord: Accord écrit entre deux parties pour régler un litige ou conclure une transaction.
– Site internet: Plateforme en ligne permettant de diffuser des informations, des services ou des produits.
– Vente volontaire: Vente réalisée de manière libre et non contrainte, notamment aux enchères.
– Offre d’achat: Proposition faite par un acheteur pour acquérir un bien ou un service à un certain prix.
– Camion marqué Romeo: Véhicule portant la marque « Romeo » de manière visible.
– Nullité: Annulation rétroactive d’un acte juridique en raison d’un vice de forme ou de fond.
– Déchéance des droits: Perte des droits attachés à un titre de propriété intellectuelle.
– Usage sérieux de la marque: Utilisation effective et continue d’une marque dans le cadre d’une activité commerciale.
– Preuve d’exploitation: Éléments permettant de démontrer l’exploitation effective d’un droit de propriété intellectuelle.
– Marque verbale française Romeo: Marque composée uniquement de mots, en l’occurrence « Romeo », enregistrée en France.
– Classes 11, 20, 24 et 42: Catégories de produits ou services définies par la classification internationale des marques.
– Période de grâce: Délai accordé pour régulariser une situation ou accomplir une formalité après l’expiration d’un délai légal.
– Vente aux enchères: Mode de vente publique où les biens sont adjugés au plus offrant.
– Site internet obsolète: Plateforme en ligne dépassée technologiquement ou ne répondant plus aux besoins des utilisateurs.
– Parasitisme: Pratique consistant à profiter indûment de la notoriété ou de l’investissement d’un tiers.
– Renommée de la marque Romeo: Notoriété et réputation associées à la marque « Romeo ».
– Préjudice: Dommage subi par une personne du fait de l’action d’une autre.
– Faute: Manquement à une obligation légale ou contractuelle.
– Notoriété: Fait d’être connu et reconnu par un large public.
– Liberté du commerce et de l’industrie: Principe garantissant la liberté d’exercer une activité économique.
– Dépens de l’instance: Frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Article 700 du code de procédure civile: Disposition légale permettant au juge d’allouer une somme à titre de frais de justice à la partie gagnante.
REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
1 mars 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n° 22/09466
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
3ème chambre
2ème section
N° RG 22/09466
N° Portalis 352J-W-B7G-CXC76
N° MINUTE :
Assignation du :
04 Août 2022
JUGEMENT
rendu le 01 Mars 2024
DEMANDERESSES
S.A.S. DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.E.L.A.R.L. AJRS représentée par Maître [L] [V], ès-qualités d’administrateur provisoire de la SAS DIFFUSION DES EBENISTES CONTEMPORAINS ROMEO
[Adresse 6]
[Localité 4]
représentées par Maître Hervé CABELI de l’AARPI ANTES AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0250
DÉFENDEUR
Monsieur [I] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Garance DE MIRBECK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1672
A l’audience du 07 Décembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2024
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo (ci-après la société Romeo), dont l’objet est le négoce de meubles au détail, est titulaire de la marque verbale française Romeo n° 1278395 enregistrée le 9 juillet 1984 pour des produits et services des classes 11, 20, 24 et 42.
Son fondateur et dirigeant, [B] [E] a été placé sous tutelle en avril 2017 puis est décédé le 18 mai 2018, laissant pour lui succéder ses trois enfants, [L], [H] et [I] [S].
Le 15 novembre 2019, M. [S] a déposé la marque verbale française n° 4599140 Romeo [I] [E] dans les classes 20, 24 et 37.
Lors de l’assemblée générale du 5 novembre 2019, M. [I] [S] a été désigné président de la société Romeo pour une durée de 6 mois. Le mandat de M. [S] n’a pas été renouvelé et la société ARJS a été désignée en qualité d’administrateur provisoire par ordonnances du président du tribunal de commerce de Paris des 14 mai et 8 juin 2020.
Le 20 octobre 2021, la société ARJS a mis en demeure M. [S] de cesser d’utiliser et d’exploiter la marque Romeo [I] [E], puis, par acte du 4 août 2022, l’a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris en annulation de cette marque et réparation du préjudice résultant de la contrefaçon de la marque Romeo ou, subsidiairement, parasitisme.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 8 mars 2023, la société Romeo et la Selarl AJRS ès qualités, demandent au tribunal de :- annuler la marque verbale française n° 4599140 Romeo [I] [E] ;
– interdire à M. [S] l’usage de la marque verbale Romeo [I] [E] sous astreinte ;
– condamner M. [S] à payer à la société Romeo la somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts à titre principal sur le fondement de la contrefaçon de la marque Romeo n°1278395 et à titre subsidiaire sur le fondement du parasitisme ;
– débouter M. [S] de sa demande reconventionnelle en déchéance de la marque Romeo n°1278395 pour défaut d’usage sérieux avec effet au 4 août 2022 ;
– ordonner la publication du jugement aux frais de M. [S] ;
– condamner M. [S] aux dépens et à payer à la société Romeo la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions signifiées le 6 mars 2023, M. [S] demande au tribunal de :A titre principal,
– juger irrecevable l’action en nullité intentée contre la marque Romeo [I] [E] n°4599140 ;
– à titre reconventionnel, prononcer la déchéance de la marque Romeo n°1278395 pour défaut d’usage sérieux avec effet au 4 août 2022 ;
A titre subsidiaire,
– en cas d’annulation de la marque Romeo [I] [E] n°4599140, la limiter aux produits de la classe 20 à savoir les meubles et glaces (miroirs) ;
– débouter les sociétés AJRS et Romeo de toutes leurs demandes ;
En toute hypothèse,
– condamner in solidum les défenderesses aux dépens et à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.
MOTIVATION
I . Sur la demande reconventionnelle en irrecevabilité de la demande en contrefaçon et déchéance de la marque Romeo pour défaut d’usage sérieux
Les demanderesses font valoir que l’usage sérieux de la marque est démontré par :- le fait que le personnel de la société Romeo n’a été licencié qu’en 2019 et celui du magasin [Localité 8] qu’en 2021 ;
– le fait que le protocole d’accord entre héritiers du 20 septembre 2019 évoque une faible activité ;
– la persistance en 2020 du site internet <[07].com> dont l’objet est de promouvoir les activités de décoration intérieure et le mobilier Romeo, correspondant aux produits et services de la marque, et qui se fait l’écho de diverses publications (AD Collector, Elle Décoration, Architectural Digest, Vogue) contenant des publicités de la Marque Romeo dont l’une (AD collector “the best of design 2017”) est de 2017 ;
– la vente volontaire du mobilier Romeo en novembre 2020 par la société Artcurial ( 1585 lots vendus pour un total de 1.697.260 euros) ;
– une offre d’achat de la marque en décembre 2022 ;
– l’utilisation d’un camion marqué Romeo pour la livraison de meubles.
M. [S] oppose que :- la société Romeo n’a versé au dossier aucune preuve de l’exploitation effective de la marque Romeo sur les cinq années précédant l’assignation ;
– la société Romeo a périclité à partir de 2007, avec la vente de ses magasins du [Adresse 9] en 2007, 2013 et 2016 et le licenciement du personnel de l’usine Alcyon 2000 qui fabriquait les sièges Romeo en 2014, et n’a plus eu d’activité à compter de la mise sous tutelle de son fondateur en avril 2017, l’usine de fabrication des autres meubles (Ateliers [B] [E]) ayant licencié tous ses salariés en novembre 2017 ;
– l’unique vente de meubles de décembre 2020 est une vente aux enchères des biens de la société Romeo avant liquidation et ne saurait établir un usage sérieux de la marque, c’est-à-dire en vue de maintenir ou créer des parts de marchés au profit des produits ou services en cause ;
– la société Romeo n’est pas propriétaire du nom de domaine <[07].com> ;
– le site du même nom n’est pas un site marchand et il est obsolète ;
– la société Romeo ne défend pas la marque, laissant un véhicule marqué Romeo appartenant à un tiers livrer des meubles dans [Localité 10] ;
– l’offre d’achat de la marque est hypothétique, émane de sa soeur [L] et daterait de décembre 2022, après ses conclusions mentionnant l’absence d’usage sérieux, de sorte qu’elle ne doit pas être prise en considération.
Sur ce,
L’article L.716-2-3 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Est irrecevable :1° La demande en nullité formée par le titulaire d’une marque antérieure enregistrée depuis plus de cinq ans à la date de la demande en nullité qui, sur requête du titulaire de la marque postérieure, ne rapporte pas la preuve :
a) Que la marque antérieure a fait l’objet, pour les produits ou services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l’appui de la demande, d’un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en nullité a été formée, dans les conditions prévues à l’article L. 714-5 ou, s’il s’agit d’une marque de l’Union européenne, à l’article 18 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 ;
b) Ou qu’il existait de justes motifs pour son non-usage ; (…)
Aux fins de l’examen de la demande en nullité, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour les produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis”.
L’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle dispose : “Encourt la déchéance de ses droits le titulaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits ou services pour lesquels la marque est enregistrée, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Le point de départ de cette période est fixé au plus tôt à la date de l’enregistrement de la marque suivant les modalités précisées par un décret en Conseil d’Etat. Est assimilé à un usage au sens du premier alinéa :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ; (…)”.
La procédure judiciaire en déchéance est prévue par l’article L. 716-3 du même code et l’article L. 716-3-1 prévoit que : “La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens”.
L’article L. 716-3 précise “L’usage sérieux de la marque commencé ou repris postérieurement à la période de cinq ans mentionnée au premier alinéa de l’article L. 714-5 ne fait pas obstacle à la déchéance si cet usage a débuté ou a repris dans un délai de trois mois précédant la demande de déchéance et après que le titulaire a appris que la demande en déchéance pourrait être présentée”.
Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne, à la lumière de laquelle ces dispositions nationales doivent être appréciées, une marque fait l’objet d’un usage sérieux lorsqu’elle est utilisée, conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l’identité d’origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l’exclusion d’usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque. L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci dans la vie des affaires. Il est tenu compte en particulier des usages considérés comme justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou des services protégés par la marque, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque (CJUE 19 décembre 2012, Leno Merken BV, C-149/11, point 29).
L’usage de la marque doit être constaté pour les produits et services visés à son enregistrement. Il ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs témoignant d’une utilisation effective et suffisante sur le marché concerné (TUE 19 avril 2013, Luna international ltd, T-454/11, point 29).
La marque verbale française Romeo a été enregistrée le 9 juillet 1984 pour les produits et services des classes 11, 20, 24 et 42 suivants : – 11 : Appareils d’éclairage, de chauffage, de production de vapeur, de cuisson, de réfrigération, de séchage, de ventilation, de distribution d’eau et installations sanitaires,
– 20 : Meubles, glaces (miroirs), cadres, produits non compris dans d’autres classes, en bois, liège, roseau. jonc. osier, corne, os, ivoire, baleine. écaille, ambre, nacre, écume de mer, succédanés de toutes ces matières ou en matières plastiques,
– 24 : Tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table,
– 42 : Services de décoration intérieure.
Le titulaire de la marque doit prouver que, à l’issue de la période de grâce soit depuis le 9 juillet 1989, il en a fait un usage sérieux au cours des 5 années précédent la demande en déchéance (ici les conclusions de M. [S] du 9 novembre 2022) pour les produits et services visés l’enregistrement.
La société Romeo ne conteste pas la fermeture des magasins et usines avant 2017 sauf s’agissant du magasin des Champs Elysées dont elle indique que ses salariés n’ont été licenciés qu’en 2021 sans aucune pièce justificative d’une quelconque activité commerciale postérieure à 2017.
Elle justifie d’une vente aux enchères de produits marqués, autorisée par ordonnance du 19 juin 2020 par le président du tribunal de commerce de Paris dans le cadre des opérations de liquidation du stock et des actifs de la société et effectuée les 9 et 10 novembre 2020, ainsi qu’une recension de cet événement sur le site du 5 novembre 2020 qui évoque la dispersion de “1500 pièces de l’ancienne institution parisienne d’ameublement et de décoration Romeo” précisant que le dernier magasin a fermé en 2015.
Elle verse un extrait du site internet <[07].com> daté de 2020 faisant apparaître la marque Romeo et décrivant l’aventure commerciale de [B] [E] et les projets réalisés par “l’équipe Romeo [B] [E]” ou “l’équipe Romeo royal gallery”, et un article AD collector intitulé “the best of design 2017” daté du 24 août 2017 soit antérieurement à la période au cours de laquelle doit être justifié l’usage sérieux de la marque.
L’offre d’achat de Mme [S] n’est pas connue ni versée aux débats et le courrier de l’administrateur provisoire l’évoquant est daté du 16 décembre 2022, soit postérieurement à la demande de déchéance.
M. [S] verse aux débats plusieurs constats montrant la circulation d’un camion marqué Romeo [B] [E] et un couriel du 4 mai 2022 de la société ARJS confirmant que ce camion a été vendu à un tiers, jugeant “normal qu’il roule avec le nom Romeo si l’acquéreur ne l’a pas changé” et que cette diffusion “renforce la marque”.Cette tolérance de la société Romeo de l’utilisation de la marque par un tiers ayant acheté ce camion fin 2019 ne constitue pas un usage à titre de marque.
Il n’est donc justifié, sur la période de référence, que d’une vente aux enchères des 19 et 20 novembre 2021 destinée à liquider le stock de la société et le maintien d’un site internet <[07].com>.
La vente intervenue pour liquider les stocks de la société après la cessation de toute fabrication depuis 2017 n’avait aucunement pour objet ni pour effet de maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits et services Romeo.Quant au site, il n’émane pas de la société Romeo qui n’y est pas mentionnée, et, s’il fait apparaître la marque Romeo, comporte des mentions obsolètes (notamment la présentation de [B] [E] comme président du groupe) et ne fait la promotion d’aucun produit présent ou à venir visé par la marque.
Ces deux seuls éléments isolés ne permettent pas à eux seuls de caractériser une exploitation commerciale de la marque Romeo au regard des usages du secteur économique de l’ameublement et la décoration intérieure.
Il y a donc lieu de déclarer irrecevable l’action en nullité de la marque Romeo [I] [E], engagée par la société Romeo sur le seul fondement de l’atteinte à ses droits antérieurs, pour défaut d’usage sérieux de la marque Romeo pendant cinq ans et de constater la déchéance de celle-ci au même motif.
La société Romeo est également déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon de cette marque déchue.
II . Sur la demande en réparation de faits de parasitisme
La société Romeo fait valoir que :- le dépôt de la marque litigieuse par M. [S] démontre sa volonté de tirer profit de la renommée de la marque Romeo et s’immiscer dans son sillage sans rien dépenser pour développer sa propre marque ;
– son préjudice consiste dans l’atteinte à la valeur vénale de la marque Romeo.
M. [S] soutient que :- il n’a commis aucune faute et n’est à l’origine d’aucun préjudice pour la société Romeo qui est une coquille vide sans activité depuis 2017 et sans stock ;
– aucun fait distinct de ceux allégués à l’appui de la demande en contrefaçon n’est invoqué ;
– il n’existe en l’espèce ni faute ni préjudice.
Sur ce,
Est fautif, au sens de l’article 1240 du code civil, le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indûment des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie.
La seule valeur économique que la société Romeo reproche à M. [S] d’avoir fautivement accaparée est la renommée de la marque Romeo. Celle-ci étant déchue, il y a lieu de rejeter la demande fondée sur le parasitisme.
III . Sur les autres demandes
La société Romeo qui succombe, est condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Déclare irrecevable l’action en nullité formée par la SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo contre la marque verbale française n° 4599140 Romeo [I] [E] ;
Prononce la déchéance de la marque verbale française Romeo n° 1278395 pour défaut d’usage sérieux ;
Condamne la SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo aux dépens de l’instance ;
Condamne la SAS Diffusion des ébénistes contemporains Romeo à payer à M. [I] [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Fait et jugé à Paris le 01 Mars 2024
Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABETIrène BENAC
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire concernant la marque Romeo ?
L’affaire concerne la société Romeo, spécialisée dans le négoce de meubles, qui est titulaire de la marque verbale « Romeo » enregistrée depuis 1984. Après le décès de son fondateur, ses enfants ont repris l’entreprise. En 2019, l’un des enfants a déposé une nouvelle marque similaire, ce qui a conduit la société ARJS à assigner cet enfant en justice pour contrefaçon de marque.
Les parties impliquées demandent respectivement l’annulation de la marque concurrente et la déchéance de la marque originale pour défaut d’usage sérieux. Le tribunal doit trancher sur ces demandes et sur les dommages-intérêts à verser.
Quelles sont les conditions de déchéance d’une marque selon le code de la propriété intellectuelle ?
Selon l’article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, un titulaire de marque encoure la déchéance de ses droits s’il n’a pas fait un usage sérieux de la marque pendant une période ininterrompue de cinq ans, sans justes motifs.
Le point de départ de cette période est fixé à la date d’enregistrement de la marque. L’usage sérieux doit être démontré par des éléments concrets et objectifs, et non par des probabilités ou des présomptions. La preuve de l’exploitation incombe au titulaire de la marque dont la déchéance est demandée.
Quels éléments ont été présentés pour prouver l’usage sérieux de la marque Romeo ?
Les demanderesses ont avancé plusieurs éléments pour prouver l’usage sérieux de la marque Romeo, notamment :
– Le licenciement du personnel de la société en 2019 et d’un magasin en 2021.
– Un protocole d’accord entre héritiers évoquant une faible activité.
– La persistance d’un site internet promouvant les activités de décoration intérieure et le mobilier Romeo.
– Une vente aux enchères de mobilier Romeo en novembre 2020, totalisant 1.697.260 euros.
– Une offre d’achat de la marque en décembre 2022.
– L’utilisation d’un camion marqué Romeo pour la livraison de meubles.
Cependant, ces éléments ont été contestés par M. [S], qui a souligné l’absence de preuves d’exploitation effective sur les cinq années précédant l’assignation.
Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant la demande de déchéance de la marque Romeo ?
Le tribunal a déclaré irrecevable l’action en nullité de la marque Romeo [I] [E] pour défaut d’usage sérieux de la marque Romeo pendant cinq ans. Il a également prononcé la déchéance de la marque verbale française Romeo n° 1278395 pour défaut d’usage sérieux.
La société Romeo a été déboutée de ses demandes fondées sur la contrefaçon de cette marque déchue. Le tribunal a conclu que les éléments présentés ne suffisaient pas à établir une exploitation commerciale de la marque dans le secteur de l’ameublement et de la décoration intérieure.
Quelles sont les implications de la décision du tribunal sur la demande de parasitisme ?
La société Romeo a soutenu que le dépôt de la marque litigieuse par M. [S] constituait un parasitisme, profitant de la renommée de la marque Romeo sans investir dans le développement de sa propre marque.
Cependant, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que la renommée de la marque Romeo était déchue. En conséquence, il n’y avait pas de préjudice à la valeur vénale de la marque, et donc pas de fondement pour une action en parasitisme.
Quels montants ont été alloués dans cette affaire ?
La société Romeo, qui a succombé dans ses demandes, a été condamnée aux dépens de l’instance et à payer à M. [S] la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Ce montant est destiné à couvrir les frais de justice engagés par M. [S] dans le cadre de cette procédure.
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