L’Essentiel : La copie quasi-servile d’un concept, comme celle d’un site internet dédié à la thérapie contre l’addiction à la pornographie, peut être sanctionnée par le parasitisme, même si elle n’est pas protégée par le droit d’auteur. Le parasitisme se manifeste par l’imitation et l’exploitation du travail d’autrui sans effort personnel. Dans cette affaire, le tribunal a reconnu la contrefaçon de marque et le parasitisme, condamnant les défendeurs à verser des dommages-intérêts pour préjudice moral. Toutefois, la contrefaçon de droit d’auteur n’a pas été retenue, faute de preuve d’originalité dans les créations de l’auteur.
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La copie quasi-servile d’un site internet avec reprise du même concept (thérapie pour lutter contre l’addiction à la pornographie), si elle ne donne pas lieu à protection par le droit d’auteur, est sanctionnable par le parasitisme.
Le parasitisme caractérise le comportement d’un agent économique qui, à l’instar du parasite du monde végétal ou animal, se contente de se placer dans le sillage d’autrui, tirant profit de son travail et de ses investissements sans déployer aucun effort personnel. L’accrochage parasitaire se traduit en général par des actes d’imitation, l’objet de celle-ci étant variable : il peut bien sûr s’agir de produits (objets corporels mobiliers mis dans le commerce) mais aussi de services (prestations incorporelles) ou encore de messages de nature informationnelle (publicité, documentation technique…). En la cause, la contrefaçon de droit d’auteur n’a pas été retenue, étant rappelé que celui qui entend se prévaloir de droits d’auteur, doit caractériser l’originalité de sa création, l’action en contrefaçon de droit d’auteur étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est-à-dire originale. Or, en l’espèce, “les valeurs conceptuelles et offres de service” (de lutte contre l’addiction à la pornographie) proposées ne sont pas caractérisées par leur créativité ni par leur originalité, tout psychothérapeute susceptible de prendre en charge les mêmes addictions pouvant fonder sa méthode et ses soins selon un process identique. L’ article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle, dispose qu’ “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : 1° D’un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ; 2° D’un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s’il existe, dans l’esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d’association du signe avec la marque.” L.716-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que “L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.” Résumé de l’affaire : Monsieur [T] [I], entrepreneur individuel spécialisé dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions, a déposé la marque « coeur hackeur-pirate ton addiction » et créé un site internet ainsi qu’un logo associés. Il a assigné Monsieur [P] [G] et la société CARING IN SPIRE pour contrefaçon de sa marque, création d’un nom de domaine similaire, et violation de ses droits d’auteur concernant des textes qu’il avait rédigés. Il a demandé l’arrêt de l’utilisation de la marque et des textes, des dommages-intérêts pour préjudices économiques et moraux, ainsi que la publication d’un encart sur le site des défendeurs. À l’audience, il a été informé que les défendeurs avaient cessé l’usage contrefait, mais ils ont refusé toute réparation amiable. Le tribunal a jugé que les défendeurs étaient coupables de contrefaçon et de parasitisme, les condamnant à verser des dommages-intérêts à Monsieur [T] [I] et à couvrir les dépens.
REPUBLIQUE FRANÇAISE 16 septembre 2024
Tribunal judiciaire de Marseille RG n° 24/03383 TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE MARSEILLE PREMIERE CHAMBRE CIVILE JUGEMENT N°24/342 DU 16 Septembre 2024 Enrôlement : N° RG 24/03383 – N° Portalis DBW3-W-B7I-4TVA AFFAIRE : M.[T] [I] ( Me Pierre-antoine VILLA) DÉBATS : A l’audience Publique du 10 Juin 2024 COMPOSITION DU TRIBUNAL : Président : BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente Greffier lors des débats : BESANÇON Bénédicte, Greffier Vu le rapport fait à l’audience A l’issue de laquelle, les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le : 16 Septembre 2024 Jugement signé par BERGER-GENTIL Blandine, Vice-Présidente et par BESANÇON Bénédicte, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. NATURE DU JUGEMENT réputée contradictoire et en premier ressort NOM DES PARTIES DEMANDEUR Monsieur [T] [I] représenté par Me Pierre-antoine VILLA, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE CONTRE DEFENDEURS Monsieur [P] [G] défaillant S.A.R.L. CARING IN SPIRE, dont le siège social est sis [Adresse 3] – [Localité 5] défaillant EXPOSE DU LITIGE :
Monsieur [T] [I], spécialisé dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addiction sexuelle à la pornographie et aux addictions associées, exerce son activité en qualité d’entrepreneur individuel enregistré au Répertoire des entreprises et des établissements depuis le 1er avril 2019. Il a déposé la marque verbale “coeur hackeur-pirate ton addiction” le 10 mars 2021 à l’INPI sous le N°4741985 sous les classes 41 et 44. Il a créé le 28 janvier 2021 le nom de domaine “coeur-hackeur.fr”, un site internet “https//www.coeur-hackeur.fr”, et a créé un logo contenant un coeur accompagné de l’expression “Coeur-Hackeur – pirate ton addiction” qu’il utilise notamment sur les articles qu’il diffuse sur son blog. Suivant exploit en date du 5 mars 2024 auquel il est expressément renvoyé pour l’exposé des moyens, Monsieur [T] [I] a assigné devant le tribunal de céans Monsieur [P] [G] et la société CARING IN SPIRE aux fins de : Régulièrement cités à domicile et à personne morale, les défendeurs n’ont pas constitué avocat. À l’audience du 10 juin 2024, Monsieur [I] a indiqué au tribunal que Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE avaient cessé tout usage contrefait du nom de marque, du nom de domaine, et des textes qu’il avait pu rédiger; que par courriel en date du 13 mars 2024, Monsieur [G] l’avait informé de la résiliation de son site SEXEATTITUDE ; que toutefois, les défendeurs ont refusé toute réparation amiable des préjudices subis. L’ordonnance de clôture a été rendue le 16 avril 2024. L’affaire a été renvoyée à l’audience du 10 juin 2024 et mise en délibéré au 16 septembre 2024. MOTIFS :
Sur les demandes principales : L’ article L.713-2 du Code de la propriété intellectuelle, dispose qu’ “Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l’usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services : L.716-4 du Code de la propriété intellectuelle dispose que “L’atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L.713-2 à L.713-3-3 et au deuxième alinéa de l’article L.713-4.” De plus, le parasitisme caractérise le comportement d’un agent économique qui, à l’instar du parasite du monde végétal ou animal, se contente de se placer dans le sillage d’autrui, tirant profit de son travail et de ses investissements sans déployer aucun effort personnel. L’accrochage parasitaire se traduit en général par des actes d’imitation, l’objet de celle-ci étant variable : il peut bien sûr s’agir de produits (objets corporels mobiliers mis dans le commerce) mais aussi de services (prestations incorporelles) ou encore de messages de nature informationnelle (publicité, documentation technique…). En l’espèce, il est établi par constat dressé par Me [X] [H] le 30 janvier 2024 que Monsieur [G] a créé un site concurrent https://coeurhackeur.com consacré aux mêmes activités que celles développées par Monsieur [I]. Il a déposé le 16 septembre 2023, pour le compte de la société CARING IN SPIRE dont il est le gérant et associé unique, la marque “Coeur Hackeur reprend ta vie en main” dans les classes 41 et 44, et un nom de domaine à la même date “coeurhackeur.com”. Aussi, si le dessin du logo utilisé par Monsieur [P] [G] représentant un coeur était différent de celui utilisé par Monsieur [I], il était suivi de l’expression “ Coeur Hackeur – Reprends ta sexualité en main…”, alors que le logo d’ores et déjà utilisé par Monsieur [I] depuis 2021 porte sous le dessin l’expression “Coeur hackeur – pirate ton addiction”. C’est dans ces circonstances que, compte tenu de la confusion évidente des activités et des signes utilisés par chacune des parties et de l’usage contrefaisant par Monsieur [P] [G] de l’élément distinctif et original “coeur hackeur”, Monsieur [T] [I] lui a fait délivrer une sommation d’avoir à cesser sans délai toute exploitation et tout usage notamment de cette expression le 02 février 2024. Le même jour, Monsieur [G] a adressé un mail à Monsieur [T] [I] pour lui présenter ses excuses et lui préciser qu’il mettait immédiatement un terme à ses agissements contrefaisants. C’est ainsi que la société CARING IN SPIRE ayant Monsieur [G] comme mandataire renonçait expressément auprès de l’INPI le 07 février 2024 à la marque déposée “coeur hackeur reprend ta vie en main” Par suite, Monsieur [G] a ouvert un nouveau site https://www.sexattitude.fr pour continuer à développer son activité. Dès lors, il est établi, ainsi que le reconnait le demandeur, que Monsieur [G] comme la société CARING IN SPIRE qui se sont rendus coupables de contrefaçon de marque et de parasitisme au préjudice de Monsieur [I] ont cessé tout usage contrefaisant de la marque déposée par Monsieur [I], du nom de domaine utilisant l’expression “coeur hackeur” et des textes écrits par ce dernier, près d’un an après les avoir utiliser et exploiter. Cependant, la contrefaçon de droit d’auteur ne sera pas retenue, étant rappelé que celui qui entend se prévaloir de droits d’auteur, doit caractériser l’originalité de sa création, l’action en contrefaçon de droit d’auteur étant subordonnée à la condition que la création, objet de cette action, soit une oeuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est-à-dire originale. Or, en l’espèce, “les valeurs conceptuelles et offres de service” proposées par Monsieur [I] ne sont pas caractérisées par leur créativité ni par leur originalité, tout psychothérapeute susceptible de prendre en charge les mêmes addictions pouvant fonder sa méthode et ses soins selon un process identique. Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE ont ainsi engagé leur responsabilité par les atteintes dont ils se sont rendus coupables, constitutives de contrefaçon de marque et de parasitisme, et doivent en conséquence indemniser à ce titre Monsieur [I]. Toutefois, le demandeur ne rapporte pas la preuve du préjudice économique subi, de sorte qu’il sera débouté de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice économique. En revanche, par une appréciation souveraine des éléments de la cause, et tenant compte du fait que Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés et cessé leurs agissements fautifs concomitamment à l’assignation en justice qui leur a été délivrée, il convient de condamner in solidum Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE à lui verser la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral. Monsieur [I] sera débouté du surplus de ses demandes. Sur les demandes accessoires : Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE seront condamnés in solidum aux entiers dépens. Il n’est pas inéquitable de les condamner in solidum à payer à Monsieur [I] la somme de 4 130,65€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, les frais engagés à ce titre par le demandeur étant dument justifiés. PAR CES MOTIFS:
LE TRIBUNAL, statuant après débats publics par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort, DIT que Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE se sont rendus coupables de contrefaçon de marque et de parasitisme au préjudice de Monsieur [T] [I] ; CONDAMNE in solidum Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE à payer à Monsieur [T] [I] la somme de 5 000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ; DEBOUTE Monsieur [T] [I] du surplus de ses demandes ; CONDAMNE in solidum Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE à payer à Monsieur [T] [I] la somme de 4 130,65€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; CONDAMNE in solidum Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE aux entiers dépens. AINSI JUGE PAR MISE A DISPOSITION AU GREFFE DE LA PREMIERE CHAMBRE CIVILE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE MARSEILLE LE 16 Septembre 2024 LE GREFFIER LE PRESIDENT |
Q/R juridiques soulevées :
Quel est le contexte de l’affaire entre Monsieur [T] [I] et Monsieur [P] [G] ?Monsieur [T] [I] est un entrepreneur individuel spécialisé dans l’accompagnement des personnes souffrant d’addictions, notamment à la pornographie. Il a déposé la marque « coeur hackeur-pirate ton addiction » et a créé un site internet ainsi qu’un logo associés. Il a assigné Monsieur [P] [G] et la société CARING IN SPIRE pour contrefaçon de sa marque, création d’un nom de domaine similaire, et violation de ses droits d’auteur concernant des textes qu’il avait rédigés. Monsieur [T] [I] a demandé l’arrêt de l’utilisation de la marque et des textes, des dommages-intérêts pour préjudices économiques et moraux, ainsi que la publication d’un encart sur le site des défendeurs. À l’audience, il a été informé que les défendeurs avaient cessé l’usage contrefait, mais ils ont refusé toute réparation amiable. Le tribunal a jugé que les défendeurs étaient coupables de contrefaçon et de parasitisme, les condamnant à verser des dommages-intérêts à Monsieur [T] [I] et à couvrir les dépens. Quelles sont les bases juridiques sur lesquelles repose la décision du tribunal ?La décision du tribunal repose principalement sur les articles L.713-2 et L.716-4 du Code de la propriété intellectuelle. L’article L.713-2 stipule qu’il est interdit, sans autorisation, d’utiliser un signe identique à une marque pour des produits ou services identiques. Cela inclut également l’utilisation d’un signe similaire si cela crée un risque de confusion dans l’esprit du public. L’article L.716-4 précise que toute atteinte au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon, engageant la responsabilité civile de l’auteur. Le tribunal a également pris en compte le concept de parasitisme, qui se définit comme le comportement d’un agent économique qui tire profit du travail d’autrui sans déployer d’efforts personnels. Dans cette affaire, le tribunal a constaté que Monsieur [G] avait créé un site concurrent et utilisé des éléments distinctifs similaires à ceux de Monsieur [T] [I], ce qui a conduit à la décision de contrefaçon et de parasitisme. Quelles ont été les conclusions du tribunal concernant les demandes de Monsieur [T] [I] ?Le tribunal a conclu que Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE s’étaient rendus coupables de contrefaçon de marque et de parasitisme au préjudice de Monsieur [T] [I]. Ils ont été condamnés à verser à Monsieur [T] [I] la somme de 5 000 € à titre de dommages et intérêts pour son préjudice moral. Cependant, le tribunal a débouté Monsieur [T] [I] de sa demande de dommages et intérêts pour préjudice économique, car il n’a pas pu prouver le préjudice subi. En outre, les défendeurs ont été condamnés à payer 4 130,65 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’à couvrir les dépens. Le tribunal a également ordonné la cessation de l’utilisation de la marque et des textes contrefaits, ainsi que la publication d’un encart sur le site des défendeurs. Comment le tribunal a-t-il évalué la question de la contrefaçon de droit d’auteur ?Le tribunal n’a pas retenu la contrefaçon de droit d’auteur dans cette affaire. Il a rappelé que pour se prévaloir de droits d’auteur, il est nécessaire de caractériser l’originalité de la création. L’action en contrefaçon de droit d’auteur est subordonnée à la condition que la création soit une œuvre de l’esprit protégeable au sens de la loi, c’est-à-dire originale. Dans ce cas, le tribunal a estimé que les « valeurs conceptuelles et offres de service » proposées par Monsieur [T] [I] n’étaient pas suffisamment créatives ou originales. Il a noté que tout psychothérapeute pourrait fonder sa méthode et ses soins selon un processus identique, ce qui a conduit à la décision de ne pas retenir la contrefaçon de droit d’auteur. Ainsi, bien que Monsieur [G] et la société CARING IN SPIRE aient été reconnus coupables de contrefaçon de marque et de parasitisme, la question de la contrefaçon de droit d’auteur n’a pas été validée par le tribunal. |
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