L’Essentiel : Dans l’affaire Puma c/ Carrefour, les sociétés Puma ont omis de révéler que Carrefour détenait des marques sur le signe figuratif contesté et qu’elles s’étaient opposées à leur enregistrement. Bien que la décision administrative ne lie pas le juge en matière de contrefaçon, la loyauté dans la présentation des preuves est essentielle. La cour d’appel a annulé les saisies-contrefaçon, soulignant que Puma avait manqué à son devoir de loyauté. Ainsi, la requête en saisie-contrefaçon doit être fondée sur une exposition complète et honnête des faits pour permettre au juge d’évaluer correctement la situation. |
Lors de la présentation d’une requête en saisie-contrefaçon, le demandeur a l’obligation de faire connaître que son adversaire est titulaire de marques portant sur le signe figuratif incriminé et d’autre part, qu’il s’est opposé à ce dépôt antérieurement. Puma c/ CarrefourEn l’espèce, les sociétés Puma se sont abstenues, lors de la présentation de leur requête en saisie-contrefaçon contre Carrefour, de faire connaître, d’une part, que la société Carrefour était titulaire de marques françaises et de l’Union européenne portant sur le signe figuratif incriminé, d’autre part, qu’elles-mêmes s’étaient opposées à l’enregistrement de ces marques auprès, respectivement, de l’Institut national de la propriété industrielle et de l’Office de l’Union Européenne pour la propriété intellectuelle, sur la base de leurs marques antérieures, invoquées dans le litige mais que ces instances administratives avaient exclu toute imitation des marques de la société Puma et donc tout risque de confusion, antérieurement à la présentation de la requête en saisie-contrefaçon. Loyauté de la preuveSi la décision rendue par l’instance administrative, statuant en matière d’opposition à l’enregistrement d’une marque, ne lie pas le juge saisi d’une demande en contrefaçon, les éléments de preuve destinés à être produits dans une procédure judiciaire doivent néanmoins être recueillis dans des conditions exemptes de déloyauté. Autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçonLa partie qui sollicite l’autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon doit présenter, au soutien de sa requête, l’ensemble des faits objectifs de nature à permettre au juge d’appréhender complètement les enjeux du procès en vue duquel lui était demandée cette autorisation et ainsi d’exercer pleinement son pouvoir d’appréciation des circonstances de la cause. En cet état, la cour d’appel a exactement retenu que, les sociétés Puma ayant manqué à leur devoir de loyauté à l’occasion de la présentation de la requête, les procès-verbaux de saisie-contrefaçon devaient être annulés. Contexte de l’affaireSoutenant que la société Carrefour hypermarchés (la société Carrefour), qui exploite en France les magasins à l’enseigne Carrefour, commercialisait une chaussure de tennis reproduisant, sur sa partie latérale, un élément figuratif constituant, selon elles, l’imitation des trois marques figuratives précitées, la société Puma SE et la société Puma France (les sociétés Puma) ont obtenu, sur requête, une ordonnance rendue par le délégataire du président d’un tribunal judiciaire le 25 août 2017, autorisant une saisie-contrefaçon dans les locaux d’un magasin Carrefour. A la suite de ces opérations, effectuées les 1er et 4 septembre 2017, les sociétés Puma ont assigné la société Carrefour pour atteinte aux marques renommées, contrefaçon de marques et concurrence déloyale. Preuve de la contrefaçonAux termes de l’article L. 716-7, devenu L. 716-4-7, alinéas 1 et 2, du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. A cet effet, toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon est en droit de faire procéder en tout lieu et par tous huissiers, le cas échéant assistés d’experts désignés par le demandeur, en vertu d’une ordonnance rendue sur requête par la juridiction civile compétente, soit à la description détaillée, avec ou sans prélèvement d’échantillons, soit à la saisie réelle des produits ou services prétendus contrefaisants ainsi que de tout document s’y rapportant. L’ordonnance peut autoriser la saisie réelle de tout document se rapportant aux produits et services prétendus contrefaisants en l’absence de ces derniers. La Cour de cassation juge que ces dispositions permettent au titulaire d’un droit de propriété industrielle de bénéficier de cette procédure sans avoir à justifier de circonstances particulières nécessitant d’y recourir de manière non contradictoire, et sont à ce titre considérées comme exorbitantes du droit commun (Com., 22 mars 2023, pourvoi n° 21-21.467), le juge saisi ne pouvant refuser d’accueillir la demande dès lors qu’elle lui a été présentée dans les formes et avec les justifications prévues par la loi (Com., 29 juin 1999, pourvoi n° 97-12.699, Bull. 1999, IV, n° 138). Selon l’article 3 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle, les procédures nécessaires pour assurer le respect des droits de propriété intellectuelle mises en oeuvre par les Etats membres doivent être loyales et proportionnées. En application de l’article 10 du code civil, les parties ont l’obligation, en vertu du principe de loyauté des débats, de produire et le cas échéant communiquer en temps utiles les éléments en leur possession, en particulier lorsqu’ils sont susceptibles de modifier l’opinion des juges (1re Civ., 7 juin 2005, pourvoi n° 05-60.044, Bull. 2005, I, n° 241). Il en résulte que les dispositions précitées du code de la propriété intellectuelle, lues à la lumière de la directive, exigent du requérant qu’il fasse preuve de loyauté dans l’exposé des faits au soutien de sa requête en saisie-contrefaçon, afin de permettre au juge d’autoriser une mesure proportionnée. |
Q/R juridiques soulevées : Quelle est l’obligation du demandeur lors d’une requête en saisie-contrefaçon ?Le demandeur a l’obligation de faire connaître que son adversaire est titulaire de marques portant sur le signe figuratif incriminé. De plus, il doit indiquer que son adversaire s’est opposé à ce dépôt antérieurement. Cette obligation vise à garantir la transparence et la loyauté dans le cadre des procédures judiciaires. En effet, le respect de ces exigences permet au juge d’apprécier pleinement les enjeux du litige et d’éviter des décisions basées sur des informations incomplètes ou trompeuses.Quelles erreurs ont été commises par Puma dans leur requête contre Carrefour ?Les sociétés Puma ont omis de mentionner que Carrefour était titulaire de marques françaises et de l’Union européenne portant sur le signe figuratif incriminé. Elles n’ont pas non plus signalé qu’elles s’étaient opposées à l’enregistrement de ces marques auprès des instances compétentes. Ces omissions ont conduit à une décision de la cour d’appel qui a annulé les procès-verbaux de saisie-contrefaçon, considérant que Puma avait manqué à son devoir de loyauté.Qu’est-ce que la loyauté de la preuve dans le cadre d’une saisie-contrefaçon ?La loyauté de la preuve implique que les éléments de preuve présentés dans une procédure judiciaire doivent être recueillis de manière honnête et transparente. Bien que la décision d’une instance administrative ne lie pas le juge saisi d’une demande en contrefaçon, il est essentiel que les preuves soient obtenues sans déloyauté. Cela garantit un procès équitable et respecte le principe de loyauté des débats, qui est fondamental dans le droit français.Quelles sont les conditions pour obtenir une autorisation de saisie-contrefaçon ?La partie qui demande l’autorisation de pratiquer une saisie-contrefaçon doit présenter tous les faits objectifs permettant au juge de comprendre les enjeux du procès. Cette présentation complète est cruciale pour que le juge puisse exercer son pouvoir d’appréciation des circonstances. En l’espèce, la cour d’appel a jugé que Puma n’avait pas respecté ce devoir de loyauté, ce qui a conduit à l’annulation des procès-verbaux de saisie-contrefaçon.Quel est le contexte de l’affaire Puma contre Carrefour ?Puma a accusé Carrefour de commercialiser une chaussure de tennis qui reproduisait un élément figuratif de ses marques. En conséquence, Puma a obtenu une ordonnance autorisant une saisie-contrefaçon dans un magasin Carrefour. Après cette saisie, Puma a assigné Carrefour pour atteinte aux marques renommées, contrefaçon de marques et concurrence déloyale, ce qui a conduit à des débats juridiques complexes.Comment la contrefaçon peut-elle être prouvée selon le code de la propriété intellectuelle ?Selon l’article L. 716-7 du code de la propriété intellectuelle, la contrefaçon peut être prouvée par tous moyens. Les personnes ayant qualité pour agir en contrefaçon peuvent faire procéder à la description détaillée des produits ou services prétendus contrefaisants, ainsi qu’à leur saisie. Cette procédure est considérée comme un droit exorbitant du droit commun, permettant aux titulaires de droits de propriété industrielle de protéger efficacement leurs intérêts.Quelles sont les obligations des parties en vertu du principe de loyauté des débats ?Les parties ont l’obligation de produire et de communiquer en temps utile les éléments en leur possession, surtout s’ils peuvent influencer l’opinion des juges. Ce principe de loyauté est essentiel pour garantir un procès équitable. Les dispositions du code de la propriété intellectuelle, en lien avec la directive européenne, exigent que le requérant fasse preuve de loyauté dans l’exposé des faits pour permettre au juge d’autoriser des mesures proportionnées. |
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