Bière « Gold Bavaria » : atteinte à une IGP

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Bière « Gold Bavaria » : atteinte à une IGP

L’Essentiel : La Bière « Gold Bavaria » a été condamnée pour atteinte à l’IGP « Bayerisches Bier », une dénomination protégée depuis 1994. L’association Bayerischer Brauerbund, représentant 90 % des brasseurs bavarois, a dénoncé l’utilisation de cette marque par la société néerlandaise Bavaria NV. Le tribunal a jugé que la marque « 8.6 Gold Bavaria » induisait le consommateur en erreur, évoquant la Bavière, région réputée pour sa bière. En vertu du Règlement UE 1151-2012, toute utilisation pouvant profiter de la réputation d’une IGP est prohibée. La marque a donc été annulée pour violation des droits liés à l’IGP.

Atteinte à l’IGP « Bayerisches Bier »

La Bière de Bavière est un héritage ancien. Un décret allemand de 1516 précisait déjà les  ingrédients autorisés dans le brassage d’une bière en Allemagne. Dans cette affaire, l’association Bayerischer Brauerbund a obtenu la condamnation de la société Bavaria NV au titre de l’atteinte à son IGP « Bayerisches Bier » déposée en 1994. La marque française semi-figurative en couleurs « 8.6 Gold Bavaria » a été annulée.

L’affaire a opposé d’un côté, l’association Bayerischer Brauerbund, créée en 1880 et domiciliée à Munich, qui est un groupement représentant 90 % des brasseurs de la Bavière dont l’objet est de protéger et développer la réputation de la bière produite dans cette région, ainsi que de défendre la dénomination « Bayerisches Bier » en Allemagne et à l’étranger.

De l’autre côté (condamnée), la société de droit néerlandais Bavaria NV qui est une entreprise familiale indépendante spécialisée depuis 300 ans dans le brassage et la commercialisation de bières (chiffre d’affaires net de plus de 500 millions d’euros). La société a été condamnée au titre de l’exploitation de sa marque « 8.6 Gold Bavaria », bière à fermentation basse selon la méthode de Pilzen.

Règlement UE 1151-2012

L’article 13 du Règlement UE 1151-2012 « relatif aux systèmes de qualité applicables aux produits agricoles et aux denrées alimentaire » dispose que les dénominations enregistrées (IGP) sont protégées contre :

a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à 1 ‘égard des produits non couverts par 1 ‘enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette utilisation permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients;

b) toute usurpation, imitation ou évocation, même si l ‘origine véritable des produits ou des services est indiquée ou si la dénomination protégée est traduite ou accompagnée d’une expression telle que «genre», «type», «méthode», «façon», «imitation», ou d’une expression similaire, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ;

c) toute autre indication fausse ou fallacieuse quant à la provenance, l’origine, la nature ou les qualités essentielles du produit qui figure sur le conditionnement ou l’emballage, sur la publicité ou sur des documents afférents au produit concerné, ainsi que contre l’utilisation pour le conditionnement d’un récipient de nature à créer une impression erronée sur 1 ‘origine du produit;

d) toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit.

Les marques enregistrées en violation de ces principes peuvent être annulées.

L’objectif du Règlement UE n° 1151/2012 est de garantir aux IGP « un niveau de protection élevé » en étendant celle-ci « aux usurpations, imitations et évocations des dénominations enregistrées ».  Si une marque (et en particulier la marque Bavaria) a été enregistrée de bonne foi avant la date de dépôt d’une demande d’enregistrement d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique, son usage peut se poursuivre mais uniquement lorsque la marque n’encourt pas les motifs de nullité ou de déchéance (comprise hypothèse où la marque est de nature à induire le consommateur en erreur quant à la véritable identité du produit).

Consommateur induit en erreur

Les dispositions communautaires ne visent pas expressément l’existence d’un risque de confusion mais s’opposent plus généralement à « toute autre pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit ».

En l’espèce, la marque litigieuse se compose des deux chiffres « 8.6 » en noir sur fond blanc, occupant un tiers de la surface du signe sur sa partie centrale, suivis du mot « gold » et du terme « Bavaria » dans une police de caractères de plus petite taille se détachant en noir sur fond or.  Visuellement, la marque considérée dans son ensemble est nettement dominée par la forme du contenant et par les deux chiffres « 8.6 », ainsi que par la couleur or également présente comme élément verbal « gold».

Le terme «Bavaria» -phonétiquement très proche en langue française du nom « Bavière »- est, considéré isolément, susceptible d’évoquer dans l’esprit du consommateur cette région connue du public français pour ses brasseries et ses événements traditionnels organisés autour de la bière.

Le mot « Bavaria » apparaît au sein de l’ensemble semi figuratif comme visuellement assez secondaire au regard d’autres éléments d’identification qui occupent une place prépondérante. Néanmoins il figure en position centrale du signe et reste suffisamment visible pour appeler l’attention du consommateur, qui dans le contexte précité pourra l’interpréter certes comme la référence à un distributeur qu’il connaît, mais aussi comme l’évocation d’une région, ce qui le conduira à associer le produit à une zone géographique réputée pour sa production de bières, et par conséquent à supposer qu’il possède les caractéristiques requises pour bénéficier de l’indication géographique protégée « Bayerisches Bier ».

Le fait que la référence au nom latin de la Bavière a pour objet de faire comprendre au consommateur qu’il s’agissait de bière fabriquée selon cette méthode de brassage a été jugé indifférent. En effet, pour le public français pertinent ce terme renvoie non pas spécifiquement à cette méthode, qu’il ne connaît pas forcément, mais plus généralement à un lieu de production impliquant le respect de procédés traditionnels (même si ceux-ci sont, par ailleurs, adoptés depuis le début du 20ème siècle par des brasseurs néerlandais).

La marque « 8.6 Gold Bavaria » qui portait donc bien atteinte aux droits conférés par l’IGP « Bayerisches Bier » a été annulée pour les produits de la classe 32.

Motif de nullité absolue

Accessoirement, l’illicéité de la marque a aussi été prononcée pour violation de l’article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle : ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe : i) contraire à l’ordre public ou aux bonnes moeurs, ou dont l’utilisation est légalement interdite ; ii) de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service.

La marque en cause a été considérée comme légalement interdite et de nature à induire le consommateur de référence en erreur sur la provenance ou l’origine de la bière  commercialisée.

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Q/R juridiques soulevées :

Quelle est l’origine de l’IGP « Bayerisches Bier » ?

L’IGP « Bayerisches Bier » trouve ses racines dans un décret allemand de 1516, connu sous le nom de « Reinheitsgebot », qui établissait les ingrédients autorisés pour la production de bière en Allemagne.

Ce décret a été un pilier de la culture brassicole en Bavière, garantissant la qualité et l’authenticité des bières produites dans cette région.

L’IGP a été déposée en 1994 par l’association Bayerischer Brauerbund, qui représente 90 % des brasseurs de Bavière.

Cette protection vise à préserver la réputation de la bière bavaroise tant sur le marché national qu’international.

Qui a été condamné dans cette affaire et pourquoi ?

La société Bavaria NV, une entreprise néerlandaise spécialisée dans le brassage de bières, a été condamnée pour avoir porté atteinte à l’IGP « Bayerisches Bier ».

Cette condamnation a été prononcée suite à l’exploitation de sa marque « 8.6 Gold Bavaria », qui a été jugée comme pouvant induire le consommateur en erreur quant à l’origine de la bière.

La marque a été annulée en raison de sa similitude avec l’IGP, ce qui pourrait laisser penser aux consommateurs qu’elle respectait les standards de qualité associés à la bière bavaroise.

Quels sont les principes de protection des IGP selon le Règlement UE 1151-2012 ?

Le Règlement UE 1151-2012 établit plusieurs principes de protection pour les IGP, notamment :

1. La protection contre toute utilisation commerciale d’une dénomination enregistrée pour des produits non couverts par l’enregistrement, surtout si cela profite de la réputation de l’IGP.

2. L’interdiction d’usurpation, d’imitation ou d’évocation de l’IGP, même si l’origine des produits est mentionnée.

3. La lutte contre toute indication fausse sur la provenance ou les qualités essentielles du produit.

4. La protection contre toute pratique susceptible d’induire le consommateur en erreur sur l’origine du produit.

Ces principes visent à garantir un niveau de protection élevé pour les IGP.

Comment la marque « 8.6 Gold Bavaria » a-t-elle été perçue par les consommateurs ?

La marque « 8.6 Gold Bavaria » a été perçue comme pouvant induire le consommateur en erreur, notamment en raison de son nom et de son design.

Les éléments visuels, tels que les chiffres « 8.6 » et le mot « gold », dominent l’étiquette, tandis que le terme « Bavaria » est présent mais moins proéminent.

Cependant, ce dernier évoque la région de Bavière, connue pour sa tradition brassicole, ce qui pourrait amener les consommateurs à associer le produit à une bière de qualité.

Le fait que le terme « Bavaria » soit phonétiquement proche de « Bavière » renforce cette association, même si le public français ne connaît pas nécessairement les méthodes de brassage spécifiques.

Quels sont les motifs de nullité de la marque « 8.6 Gold Bavaria » ?

La marque « 8.6 Gold Bavaria » a été annulée pour plusieurs motifs de nullité.

D’une part, elle a été jugée contraire à l’ordre public et aux bonnes mœurs, car elle induisait le public en erreur sur la provenance de la bière.

D’autre part, elle violait l’article L.711-3 du code de la propriété intellectuelle, qui interdit l’adoption de signes trompeurs concernant la nature, la qualité ou l’origine géographique des produits.

Ces motifs ont conduit à la conclusion que la marque était illégale et ne pouvait pas être utilisée pour commercialiser la bière.


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