Œuvres d’art : affaire Vasarely

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Œuvres d’art : affaire Vasarely

L’Essentiel : Victor Vasarely, artiste emblématique de l’Op Art, a vu son héritage juridique contesté après la commercialisation de plus de 700 000 héliogravures de ses œuvres. Son fils, légataire universel, a obtenu la condamnation d’une société qui prétendait avoir acquis ces reproductions. Selon le code de la propriété intellectuelle, la propriété matérielle et incorporelle sont distinctes. La société n’a pas prouvé que les tirages avaient été commercialisés avec l’autorisation de l’artiste ou de ses ayants droit. En l’absence de preuve de cession des droits, la société ne pouvait justifier son exploitation des reproductions, malgré ses tentatives de régularisation.

Affaire Vasarely

Victor Vasarely est un artiste peintre et plasticien, né en 1906 et décédé en 1997, fondateur de l’Op Art.  Par testament, l’artiste a institué son fils comme légataire universel et titulaire du droit moral sur son œuvre. Dans cette affaire, le légataire a obtenu la condamnation d’une société qui avait commercialisé auprès de différents distributeurs professionnels plus de 700 000 héliogravures de reproductions d’œuvres de Vasarely.

Propriété des supports et cession des droits

En application de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 de ce même code, est indépendante de la propriété de l’objet matériel.  Dans le cadre du litige, les droits de distribution contestés ont été appréciés sous ces deux aspects, la propriété matérielle des supports d’une part, et la propriété incorporelle d’autre part.

Sur la base d’un protocole transactionnel, la société établissait qu’elle avait acquis régulièrement le stock de 737 526 héliogravures reproduisant les oeuvres de Victor Vasarely. Au soutien de ses prétentions, la société a invoqué sans succès, les dispositions de l’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles « dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires d’une oeuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Si ce texte pose un principe d’épuisement du droit de distribution, il suppose pour être utilement opposé aux titulaires des droits de propriété intellectuelle sur l’oeuvre reproduite sur le support, d’une part, que celui qui l’invoque prouve, pour chacun des exemplaires de l’oeuvre concernée par le litige, qu’il a été effectivement mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par l’auteur ou ses ayants-droit, ou avec leur consentement.

D’autre part, les dispositions de l’article L. 122-3-1 ne sauraient emporter l’épuisement des autres droits de propriété intellectuelle et notamment du droit de l’auteur ou ses ayants-droit de contrôler les modes d’exploitation des oeuvres et celui de s’opposer à certaines formes d’utilisation secondaires, par exemple à des fins publicitaires par des tiers, quand bien même ces derniers les auraient obtenues licitement.

Droits de distribution non cédés

En l’espèce, même si la société avait effectivement acquis le droit de commercialiser un stock de 737 526 tirages d’oeuvres de Victor Vasarely, il n’était nullement rapporté la preuve d’une  commercialisation initiale autorisée par l’artiste ou ses ayants droit desdits supports, au demeurant sur un nombre très important d’œuvres non divulguées antérieurement. Une simple attestation du gérant de la société d’édition initialement cessionnaire des supports, est insuffisante pour justifier des droits de reproduction et de représentation dont a pu bénéficier la société.

Faute pour la société de rapporter la preuve des conditions d’acquisition des supports, la société n’était pas en mesure d’établir avec certitude que les tirages ont tous été réalisés en vertu d’un contrat d’édition conclu avec l’artiste dans les années 1970 et 1980. En l’absence de preuve de la cession de ces droits par Victor Vasarely, ou par ses ayants droit, pour la reproduction de ses oeuvres sur héliogravures en un nombre d’exemplaires dépassant les centaines de milliers, la société ne justifiait pas être titulaire des droits d’exploitation desdites reproductions.

A noter que la société pouvait difficilement prétendre ignorer cette exigence de cession exprès alors même qu’elle avait pris soin de contacter le légataire de l’artiste pour précisément, obtenir son autorisation, moyennant le paiement d’une redevance, pour exploiter le stock d’héliogravures.

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Q/R juridiques soulevées :

Qui est Victor Vasarely et quel est son rôle dans l’affaire ?

Victor Vasarely, né en 1906 et décédé en 1997, est un artiste peintre et plasticien reconnu comme le fondateur de l’Op Art, un mouvement artistique qui joue sur les illusions d’optique.

Dans le cadre de l’affaire qui nous intéresse, Vasarely a désigné son fils comme légataire universel par testament, lui conférant ainsi le droit moral sur son œuvre.

Ce droit moral est essentiel car il permet au légataire de protéger l’intégrité de l’œuvre de l’artiste et de contrôler son exploitation.

Dans cette affaire, le fils de Vasarely a réussi à obtenir la condamnation d’une société qui avait commercialisé plus de 700 000 héliogravures de ses œuvres sans autorisation.

Quels sont les enjeux de la propriété intellectuelle dans cette affaire ?

L’affaire soulève des questions cruciales concernant la propriété intellectuelle, notamment la distinction entre la propriété matérielle des supports et la propriété incorporelle des droits d’auteur.

Selon l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, ces deux types de propriété sont indépendants.

Cela signifie qu’une société peut posséder physiquement des œuvres, mais cela ne lui confère pas nécessairement le droit de les reproduire ou de les distribuer.

Dans ce cas, la société a tenté de prouver qu’elle avait acquis régulièrement un stock de 737 526 héliogravures, mais elle n’a pas réussi à démontrer que la commercialisation initiale avait été autorisée par Vasarely ou ses ayants droit.

Quelles preuves la société devait-elle fournir pour justifier ses droits de distribution ?

Pour justifier ses droits de distribution, la société devait prouver que chaque exemplaire des œuvres concernées avait été mis en commerce avec l’autorisation de l’artiste ou de ses ayants droit.

L’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle stipule que la première vente d’une œuvre autorisée par l’auteur ou ses ayants droit ne peut être interdite dans l’Espace économique européen.

Cependant, pour que ce principe d’épuisement du droit de distribution soit applicable, la société devait démontrer que les œuvres avaient été commercialisées légalement.

Or, dans cette affaire, la société n’a pas pu prouver que les tirages avaient été réalisés en vertu d’un contrat d’édition valide, ce qui a conduit à la perte de son droit de distribution.

Pourquoi la société n’a-t-elle pas pu établir ses droits d’exploitation ?

La société n’a pas pu établir ses droits d’exploitation car elle n’a pas fourni de preuves suffisantes concernant les conditions d’acquisition des supports.

Une simple attestation du gérant de la société d’édition initialement cessionnaire des supports n’était pas suffisante pour justifier les droits de reproduction et de représentation.

De plus, la société n’a pas pu démontrer que les tirages avaient été réalisés avec l’autorisation de Vasarely ou de ses ayants droit.

Sans preuve de cession explicite des droits, la société ne pouvait pas revendiquer la légitimité de son exploitation des reproductions, ce qui a conduit à la décision défavorable du tribunal.

Quelles leçons peut-on tirer de cette affaire concernant les droits d’auteur ?

Cette affaire met en lumière l’importance de la documentation et de la preuve dans le domaine des droits d’auteur.

Les entreprises qui souhaitent exploiter des œuvres protégées doivent s’assurer d’obtenir des autorisations claires et documentées de la part des artistes ou de leurs ayants droit.

Il est également crucial de comprendre que la possession matérielle d’une œuvre ne confère pas automatiquement des droits d’exploitation.

Les droits d’auteur et les droits moraux doivent être respectés et protégés, et les entreprises doivent être conscientes des implications juridiques de l’exploitation d’œuvres sans autorisation adéquate.

En somme, cette affaire souligne la nécessité d’une diligence raisonnable dans le domaine de la propriété intellectuelle.


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