Pizza au Comté : attention à l’AOC

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Pizza au Comté : attention à l’AOC

L’Essentiel : La société PIZZA TOPCO FRANCE a été condamnée pour avoir commercialisé des pizzas « Sensation Comté » sans respecter l’appellation d’origine contrôlée (AOC) Comté. En effet, le Comté ne représentait qu’une faible proportion des ingrédients, diluant ainsi son caractère essentiel. La présence d’autres fromages, comme la mozzarella et le Cantal AOP, a conduit à une confusion sur la véritable nature du produit. Cette utilisation abusive a non seulement induit les consommateurs en erreur, mais a également affaibli la notoriété de l’AOC, entraînant une réparation de 150 000 euros au profit du Comité Interprofessionnel du Gruyère Comté (CIGC).

Atteinte à l’appellation Comté

La société PIZZA TOPCO FRANCE a été condamnée pour atteinte à l’appellation « Comté » pour avoir commercialisé cinq pizzas toutes appelées «Sensation Comté » alors que le Comté ne rentrait que de façon minoritaire dans la composition desdites Pizza.  Le Comté a été utilisé comme un ingrédient parmi d’autres et ne constituait que la garniture de la pizza qui est un plat d’origine italienne voire napolitaine qui se définit par l’utilisation essentiellement d’une pâte sur laquelle est badigeonnée un coulis de tomates et placée de la mozzarella.  Cette pizza « primitive » peut être améliorée par l’adjonction d’autres ingrédients tels que d’autres légumes ou de la viande, ou des poissons ou fruits de mer.

Définition d’un ingrédient

Les dispositions de l’article R. 112-2 du code de la consommation qui reprend la directive communautaire 2000/13/CE du 20 mars 2000 établissant les règles d’étiquetage, définissent comme ingrédient une substance « utilisée dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire et encore présente dans le produit fini, éventuellement sous forme modifiée ».  Ainsi au regard des dispositions réglementaires, le Comté a bien la nature d’ingrédient.

L’article 13 du Règlement (UE) n°1151/2012 du 21 novembre 2012 prévoit que : « Les dénominations enregistrées sont protégées contre : a) toute utilisation commerciale directe ou indirecte d’une dénomination enregistrée à l’égard des produits non couverts par l’enregistrement, lorsque ces produits sont comparables à ceux enregistrés sous cette dénomination ou lorsque cette dénomination permet de profiter de la réputation de la dénomination protégée, y compris quand ces produits sont utilisés en tant qu’ingrédients ; »

Dans son avis du 17 août 2009 relatifs aux plats cuisinés faisant référence aux fromages, notamment fromages bénéficiant d’une AOC, qu’ils renferment, la DGCCRF avait indiqué qu’il convenait de faire un examen au cas par cas pour dire si deux ingrédients sont « similaires » et si l’ingrédient nommé est en quantité suffisante pour conférer une caractéristique essentielle à la denrée alimentaire.

Enfin, le point 2-1-2 de la communication de la Commission Européenne sur ce sujet souligne que « une dénomination enregistrée en tant que AOP ou IGP pourrait être mentionnée au sein, ou à proximité, de la dénomination de vente d’une denrée alimentaire incorporant des produits bénéficiant de la dénomination enregistrée dès lors que: – la denrée alimentaire ne doit contenir aucun autre «ingrédient comparable», autrement dit aucun autre ingrédient substituable totalement ou partiellement à l’ingrédient bénéficiant d’une AOP ou IGP – cet ingrédient doit être utilisé en quantité suffisante afin de conférer une caractéristique essentielle à la denrée alimentaire concernée – le pourcentage d’incorporation d’un ingrédient bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP doit être indiqué au sein ou à proximité immédiate de la dénomination de vente de la denrée alimentaire, ou à tout le moins dans la liste des ingrédients.

En l’espèce, pour les pizzas en cause, la proportion de Comté par rapport à l’ensemble des fromages ingrédients variait de 20,91 % à 67,05 %. Ainsi et au vu des chiffres cités, et en raison de la présence des autres fromages dont la mozzarella, le Cantal AOP et le string cheese dans les pizzas « Sensation Comté » dans des proportions supérieures à celle du Comté, celui-ci est insusceptible de conférer une caractéristique essentielle à ces pizzas « Sensation Comté ».  Du reste la dénomination choisie montre en elle-même qu’il ne peut s’agir que d’une évocation du goût du Comté puisqu’on parle de « sensation » ce qui veut dire qu’on peut avoir l’impression de goûter du Comté mais pas de manger du Comté, son goût étant noyé au milieu des autres fromages qui interdise son identification réelle.

Faute de respecter cette obligation, la société PIZZA TOPCO FRANCE a commis une faute en induisant le consommateur de pizzas à emporter en erreur sur les caractéristiques du produit, et en détournant et affaiblissant la notoriété d’e l’AOC Comté

Protection des appellations

Pour rappel, L’article L.722-1 du code de la propriété intellectuelle dispose : « toute atteinte portée à une indication géographique en violation de la protection qui lui est accordée par le droit de l’Union européenne ou la législation nationale constitue une contrefaçon engageant la responsabilité de son auteur ».

L’article L.643-1 du code rural et de la pêche maritime dispose : «Le nom qui constitue l’appellation d’origine ou toute autre mention l’évoquant ne peuvent être employés pour aucun produit similaire, sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires en vigueur le 6 juillet 1990. Ils ne peuvent être employés pour aucun établissement et aucun autre produit ou service, lorsque cette utilisation est susceptible de détourner ou d’affaiblir la notoriété de l’appellation ».

Hors du cas d’emploi du « nom qui constitue l’appellation d’origine ou toute autre mention l’évoquant », l’article L.643-2 du code rural et de la pêche maritime dispose : «L’utilisation d’indication d’origine ou de provenance ne doit pas être susceptible d’induire le consommateur en erreur sur les caractéristiques du produit, de détourner ou d’affaiblir la notoriété d’une dénomination reconnue comme appellation d’origine.., ou, de façon plus générale, de porter atteinte, notamment par l’utilisation abusive  d’une mention géographique dans une dénomination de vente, au caractère spécifique de la protection réservée aux appellations d’origine ».

En vertu de l’article L.115-22 du code de la consommation, est puni de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 37 500 € (outre des peines complémentaires) le fait « 50  D’utiliser un mode de présentation faisant croire ou de nature à faire croire qu’un produit bénéficie d’une appellation d’origine protégée ».

Le 7° de l’article L.115-16 du même code dans sa rédaction du 17 mars 2014 vise le cas de l’utilisation d’un produit bénéficiant d’une appellation protégée comme ingrédient en réprimant expressément le fait : «7° De mentionner sur un produit la présence dans sa composition d’un autre produit bénéficiant d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique lorsque cette mention détourne ou affaiblit la réputation de l’appellation ou de l’indication concernée ». La rédaction issue de l’article 74 de la loi n° qui a ajouté les mots « ou d’une indication géographique ».

L’article L.213-1 du même code réprime comme délit de tromperie le fait de tromper « par quelque moyen ou procédé que ce soit, même par l’intermédiaire d’un tiers / … sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toutes marchandises ».

Préjudice de 150 000 euros

En mélangeant le Comté avec d’autres fromages comparables, la société PIZZA TOPCO FRANCE a dilué le pouvoir attractif de l’AOC et a également profité des investissements réalisés par le CIGC pour promouvoir l’AOC au profit de tous les producteurs de ce fromage. Il a été alloué au CIGC la somme de 150.000 euros en réparation du préjudice subi.

Q/R juridiques soulevées :

Quelle a été la décision prise contre PIZZA TOPCO FRANCE concernant l’appellation Comté ?

La société PIZZA TOPCO FRANCE a été condamnée pour avoir commercialisé des pizzas appelées « Sensation Comté », alors que le Comté ne représentait qu’une faible proportion de la composition de ces pizzas.

En effet, le Comté était utilisé comme un simple ingrédient parmi d’autres, et ne constituait que la garniture de la pizza. Cette dernière, d’origine italienne, est traditionnellement faite d’une pâte, d’un coulis de tomates et de mozzarella.

L’utilisation du terme « Sensation » dans le nom des pizzas suggère que le goût du Comté était présent, mais en réalité, il était noyé parmi d’autres fromages, ce qui a induit les consommateurs en erreur sur les caractéristiques réelles du produit.

Quelles sont les définitions et réglementations concernant les ingrédients alimentaires ?

Selon l’article R. 112-2 du code de la consommation, un ingrédient est défini comme une substance utilisée dans la fabrication ou la préparation d’une denrée alimentaire, et qui est encore présente dans le produit fini, même sous forme modifiée.

Le Comté, en tant qu’ingrédient, doit être utilisé en quantité suffisante pour conférer une caractéristique essentielle à la denrée alimentaire. L’article 13 du Règlement (UE) n°1151/2012 protège les dénominations enregistrées contre toute utilisation qui pourrait profiter de leur réputation, y compris lorsque ces produits sont utilisés comme ingrédients.

La DGCCRF a également précisé qu’il est nécessaire d’examiner au cas par cas si un ingrédient est similaire à un autre et s’il est présent en quantité suffisante pour conférer une caractéristique essentielle à un produit.

Comment la société PIZZA TOPCO FRANCE a-t-elle enfreint les réglementations sur les appellations ?

PIZZA TOPCO FRANCE a enfreint les réglementations en ne respectant pas les obligations liées à l’utilisation de l’appellation Comté. En effet, la proportion de Comté dans les pizzas variait de 20,91 % à 67,05 %, mais d’autres fromages, comme la mozzarella et le Cantal AOP, étaient présents en plus grande quantité.

Cela signifie que le Comté ne pouvait pas conférer une caractéristique essentielle aux pizzas « Sensation Comté ». De plus, le nom même de la pizza, qui évoque une « sensation » plutôt qu’une présence réelle de Comté, a contribué à induire les consommateurs en erreur sur la nature du produit.

Cette situation a également eu pour effet de détourner et d’affaiblir la notoriété de l’AOC Comté, ce qui constitue une violation des lois sur la protection des appellations.

Quelles sont les lois protégeant les appellations d’origine et les indications géographiques ?

Les lois protégeant les appellations d’origine et les indications géographiques sont clairement établies dans le code de la propriété intellectuelle et le code rural et de la pêche maritime.

L’article L.722-1 stipule que toute atteinte à une indication géographique constitue une contrefaçon, engageant la responsabilité de son auteur. De plus, l’article L.643-1 interdit l’utilisation d’une appellation d’origine pour des produits similaires, afin de préserver la notoriété de l’appellation.

L’article L.115-22 du code de la consommation prévoit des sanctions sévères, y compris des peines d’emprisonnement et des amendes, pour ceux qui induisent les consommateurs en erreur sur les caractéristiques d’un produit bénéficiant d’une appellation d’origine protégée.

Quel préjudice a été reconnu et quelle compensation a été accordée ?

Le préjudice reconnu dans cette affaire est lié à la dilution du pouvoir attractif de l’AOC Comté, causée par le mélange du Comté avec d’autres fromages comparables.

La société PIZZA TOPCO FRANCE a profité des investissements réalisés par le CIGC pour promouvoir l’AOC, ce qui a été jugé comme une atteinte à la réputation de l’appellation. En conséquence, une somme de 150 000 euros a été allouée au CIGC en réparation du préjudice subi.

Cette décision souligne l’importance de respecter les réglementations sur les appellations d’origine et de protéger les intérêts des producteurs qui investissent dans la qualité et la notoriété de leurs produits.


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