Défaut de paiement des redevances SACEM : la faute de gestion

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Défaut de paiement des redevances SACEM : la faute de gestion

L’Essentiel : Dans une affaire récente, la gérante d’une discothèque a été reconnue coupable de faute de gestion pour défaut de paiement des redevances SACEM. Malgré les demandes répétées de la SACEM pour établir un contrat de représentation, la gérante a continué à diffuser des œuvres protégées sans autorisation. Selon l’article L. 223-22 du Code de commerce, cette carence constitue une violation des obligations légales. La gérante a été jugée responsable personnellement, solidairement avec la société, pour un montant de près de 20 000 euros, soulignant l’importance de respecter les droits d’auteur dans le secteur de la musique.

Cession du fonds de commerce d’un éditeur

Maître Ingrid-Mery HAZIOT a remporté avec succès cette affaire en manquements d’un l’éditeur (cessionnaire d’un fonds de commerce) à ses différentes obligations. Premier apport de cette affaire, le cessionnaire d’un fonds de commerce reprend avec l’actif, l’ensemble des droits de propriété intellectuelle attachés au fonds y compris les contrats d’édition. En effet, par  dérogation au principe selon lequel les contrats ne rentrent pas dans la composition du fonds de commerce, l’article L. 132-16 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) autorise la transmission du contrat d’édition même sans l’autorisation de l’auteur, dès lors que ce contrat est compris dans le transfert du fonds.  La cession du fonds a donc opéré, par voie de conséquence, le transfert de l’ensemble des droits et surtout obligations nés des contrats d’édition, de telle sorte que l’auteur est toujours recevable à agir contre le cessionnaire en cas de manquement.

Manquements à l’obligation de rendre compte

Sont dès lors applicables au cessionnaire, les dispositions de l’article L. 132-13 du code de la propriété intellectuelle dans sa version antérieure au 12 novembre 2014, en vertu duquel «l’éditeur est tenu de rendre compte. L’auteur pourra, à défaut de modalités spéciales prévues au contrat, exiger au moins une fois l’an la production par l’éditeur d’un état mentionnant le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice et précisant la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock. Sauf usage ou conventions contraires, cet état mentionnera également le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, celui des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure, ainsi que le montant des redevances dues ou versées à l’auteur ». En outre, l’éditeur est tenu de fournir à l’auteur toutes justifications propres à établir l’exactitude de ses comptes.

Nonobstant les dispositions légales du CPI, l’éditeur était tenu par une obligation contractuelle de reddition de compte chaque année pour chacun des contrats conclus, laquelle obligation devait être exécutée spontanément et adressée, au moins pour les 5 premières années, à l’auteur.  Or, l’éditeur ne justifiait nullement du respect d’une communication spontanée des relevés de compte à l’auteur.

Rubriques de la reddition des comptes

En outre, les comptes communiqués en cours d’instance étaient  manifestement insuffisants dès lors qu’ils ne comportaient pour seules rubriques (outre le nom de l’auteur, son adresse, et le titre de l’ouvrage), que le pourcentage attribuée à l’auteur, le prix public de l’œuvre, le prix hors taxe, le nombre d’exemplaires, le « CA » (le chiffre d’affaires) et une rubrique intitulée « total des droits ».  Ces comptes ne comportaient aucune information sur le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, la date et l’importance des tirages et le nombre des exemplaires en stock, le nombre des exemplaires inutilisables ou détruits par cas fortuit ou force majeure. L’éditeur avait donc manqué à son obligation contractuelle de reddition des comptes.

Obligation de reddition des comptes après 2015

Piqure de rappel, aux termes de l’ordonnance n°2014-1348 du 12 novembre 2014, un article L. 132-17-3 a été ajouté au CPI, aux termes duquel «  L’éditeur est tenu pour chaque livre de rendre compte à l’auteur du calcul de sa rémunération de façon explicite et transparente. ; A cette fin, l’éditeur adresse à l’auteur, ou met à sa disposition par un procédé de communication électronique, un état des comptes mentionnant : i) Lorsque le livre est édité sous une forme imprimée, le nombre d’exemplaires fabriqués en cours d’exercice, le nombre des exemplaires en stock en début et enfin d’exercice, le nombre des exemplaires vendus par l’éditeur, le nombre des exemplaires hors droits et détruits au cours de l’exercice ; ii) Lorsque le livre est édité sous une forme numérique, les revenus issus de la vente à l’unité de chacun des autres modes d’exploitation du livre ; iii) Dans tous les cas, la liste des cessions de droits réalisées au cours de l’exercice, le montant des redevances correspondantes dues ou versées à l’auteur ainsi que les assiettes et les taux des différentes rémunérations prévues au contrat d’édition. Une partie spécifique de cet état des comptes est consacrée à l’exploitation du livre sous une forme numérique. La reddition des comptes est effectuée au moins une fois par an, à la date prévue au contrat ou, en l’absence de date, au plus tard six mois après l’arrêté des comptes.

Si l’éditeur n’a pas satisfait à son obligation de reddition des comptes selon les modalités et dans les délais prévus au I, l’auteur dispose d’un délai de six mois pour mettre en demeure l’éditeur d’y procéder. Lorsque cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet dans un délai de trois mois, le contrat est résilié de plein droit.

Lorsque l’éditeur n’a satisfait, durant deux exercices successifs, à son obligation de reddition des comptes que sur mise en demeure de l’auteur, le contrat est résilié de plein droit dans les six mois qui suivent la seconde mise en demeure.

L’éditeur reste tenu, même en l’absence de mise en demeure par l’auteur, de respecter ses obligations légales et contractuelles de reddition des comptes. ».

Ces dispositions nouvelles issues de l’ordonnance du 12 novembre 2014 sont, en vertu de l’article 11 de cette même ordonnance, applicables aux contrats d’édition d’un livre conclus avant le 1er décembre 2014.

L’obligation d’exploitation permanente

L’éditeur a également été condamné au titre de l’arrêt fautif de l’exploitation des ouvrages de l’auteur (manquement manifeste à l’obligation d’assurer une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession). Un éditeur ne peut, quand bien même le contenu des nouveaux ouvrages serait proche, unilatéralement décider d’arrêter la commercialisation d’un ancien ouvrage aux motifs qu’il a conclu avec l’auteur des contrats plus récent portant sur de nouveaux ouvrages. En application de l’article L. 132-17-2, issu de l’ordonnance du 12 novembre 2014 :

« L’éditeur est tenu d’assurer une exploitation permanente et suivie du livre édité sous une forme imprimée ou sous une forme numérique ;

« La cession des droits d’exploitation sous une forme imprimée est résiliée de plein droit lorsque, après une mise en demeure de l’auteur adressée par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, l’éditeur ne satisfait pas dans un délai de six mois à compter de cette réception aux obligations qui lui incombent à ce titre. « Cette résiliation n’a pas d’effet sur la partie distincte du contrat d’édition relative à la cession des droits d’exploitation du livre sous une forme numérique. ».

Inexécution du contrat de directeur de collection

Toujours dans cette affaire, l’éditeur avait conclu avec l’auteur un contrat « de directeur de collection » aux termes duquel l’auteur avait pour mission de diriger une collection portant sur l’aspect commercial et la vie en entreprise pour le grand public. En contrepartie « des idées qu’il apportera et de son activité au bénéfice de la collection » le contrat stipulait que l’auteur- directeur de collection bénéficierait d’un intéressement proportionnel aux recettes provenant de l’exploitation des livres de la collection fixé à de 2% du prix public HT pour chaque exemplaire définitivement vendu des livres publiés.

Le contrat de directeur de collection s’apparente, non à un contrat de travail, mais à un contrat d’auteur spécifique aux termes duquel la rémunération du directeur est prévue sous forme de droits d’auteur, celui-ci ayant cédé à l’éditeur « l’ensemble des droits de reproduction, d’adaptation et de représentation afférents à ses contributions ». Ce faisant, ce contrat, comme les autres contrats d’édition, est cédé avec le transfert du fonds de commerce. Là aussi, l’éditeur avait manqué à ses obligations de rémunération. La résiliation de l’ensemble des contrats d’édition et contrats de cession des droits d’adaptation audiovisuelle a été prononcée.

Télécharger la décision

Q/R juridiques soulevées :

Quelle est la responsabilité d’un gérant de discothèque en matière de paiement de la redevance SACEM ?

La responsabilité d’un gérant de discothèque en matière de paiement de la redevance SACEM est clairement établie par l’article L. 223-22 du Code de commerce. Cet article stipule que les gérants sont responsables, individuellement ou solidairement, des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires, ainsi que des fautes commises dans leur gestion.

Dans le cas d’une discothèque, la diffusion de musiques protégées par la SACEM sans contrat de représentation constitue une faute de gestion. La jurisprudence a confirmé que le défaut de paiement de la redevance SACEM est une carence qui engage la responsabilité du gérant. Ainsi, la gérante de la discothèque, en ne respectant pas ses obligations, a été jugée responsable à titre personnel, en plus de la société.

Quelles sont les implications de la redevance forfaitaire perçue par la SACEM ?

La redevance forfaitaire perçue par la SACEM a pour but de permettre aux exploitants de discothèques d’accéder à l’intégralité du répertoire géré par la société d’auteurs et d’éditeurs. Cette redevance est distincte de l’acquisition des droits d’exploitation d’une œuvre particulière.

En effet, la diffusion de musiques protégées dans un établissement est considérée comme un acte de communication au public, ce qui nécessite une autorisation préalable des auteurs. Peu importe que cette diffusion soit réalisée dans un but économique ou non, la protection du droit d’auteur est préventive et non compensatoire. Cela signifie que le gérant doit s’acquitter de cette redevance pour éviter des poursuites judiciaires.

Quels sont les effets d’une liquidation volontaire sur la responsabilité du gérant ?

Lorsqu’une société de discothèque est en liquidation volontaire, cela n’exonère pas le gérant de ses responsabilités. Dans le cas évoqué, la SACEM a formé opposition à la dissolution amiable de la société et a poursuivi la gérante pour le paiement d’une somme importante, près de 20 000 euros.

La gérante a continué à diffuser des œuvres protégées sans signer de contrat de représentation, ce qui a été considéré comme une faute de gestion. En conséquence, elle a été jugée responsable personnellement, solidairement avec la société, ce qui souligne que même en cas de liquidation, les obligations légales et financières demeurent.


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