L’Essentiel : La société ACER a vu sa demande de question prioritaire de constitutionnalité rejetée par les juges, qui ont estimé que l’encadrement législatif de la copie privée ne portait pas atteinte aux droits de propriété ou à la liberté d’entreprendre. Les articles du code de la propriété intellectuelle établissent la légalité de la copie privée à partir de sources licites, tout en prévoyant une rémunération pour les ayants droit. La commission copie privée, composée de représentants divers, vise à garantir un équilibre dans la fixation des rémunérations, évitant ainsi tout risque d’arbitraire. Les limitations imposées par le législateur sont jugées justifiées.
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Les juges ont débouté la société ACER de sa demande de soumission de question prioritaire de constitutionnalité à la Cour de cassation. La société faisait valoir que l’encadrement législatif en matière de copie privée était insuffisant tant sur la définition de la copie privée que de sa rémunération en ce qu’il laisserait à la commission copie privée une latitude excessive conduisant à la fixation unilatérale par le collège des ayants droits d’une rémunération excessive et indue qui porterait atteinte au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. L’article 34 de la Constitution énonce que : ‘La loi détermine les principes fondamentaux (..) du régime de la propriété ( ..) et des obligations civiles et commerciales’. Il se déduit de l’article 37 de la constitution que, quelle que soit la matière considérée dans le domaine de la loi, le pouvoir réglementaire est toujours compétent pour fixer les détails et l’application des règles déterminées par le législateur. De même, la méconnaissance par le législateur de sa propre compétence ne peut être invoquée à l’appui d’une question prioritaire de constitutionnalité que dans le cas où celle-ci affecte par elle-même un droit ou une liberté que la Constitution garantit. Rémunération pour copie privéeConcernant la rémunération pour copie privée et ainsi que rappelé in limine : – les articles L. 122-5 et L.211-3 du code de la propriété intellectuelle posent le principe de la licéité de la copie réalisée à partir de sources licites et réservée à l’usage privé, que les bénéficiaires de droits d’auteur et de droits voisins ne peuvent interdire ; – et les articles L.311-1 et suivants de ce code fixent, en contrepartie, le principe d’une rémunération des auteurs, artistes-interprètes et producteurs au titre de ces copies privées, créant la commission copie privée, chargée de définir les types de support, les taux de rémunération et les modalités de versement de celle-ci et prévoyant tant sa composition, paritaire, que les modalités de désignation de ses membres. Ces dispositions, en instaurant ainsi une commission administrative composée pour moitié de représentants des bénéficiaires de la rémunération pour copie privée, pour un quart de représentants des fabricants ou importateurs des supports concernés et pour un dernier quart de représentants des consommateurs, a manifestement paré au risque d’arbitraire dans la fixation d’une compensation équitable en assurant un juste équilibre entre les créanciers et les débiteurs, directs et indirects, concernés. A cet égard, la société ACER ne démontrait pas que la rémunération pour copie privée est, en pratique, unilatéralement fixée par le collège des ayants droits en ce que le risque de division entre les deux collèges distincts des débiteurs directs et des débiteurs indirects serait tel qu’il rendrait illusoire le paritarisme de cette commission ainsi que la possibilité de tout arbitrage en amont des décisions de la commission copie privée tandis que le contrôle contentieux a posteriori ne remettrait en cause que très résiduellement les conséquences de l’illégalité. Le législateur n’a pas davantage méconnu l’étendue de sa compétence normative en laissant à cette commission administrative le soin de définir les critères à prendre en considération dès lors qu’il a clairement défini l’objet de la rémunération pour copie privée (article L 311-1), ses débiteurs et ses bénéficiaires (L 311-4 et L 311-7), son mode de collecte (L 311-6), son assiette telle qu’elle ressort de l’adoption de la loi du 20 décembre 2011 (articles L 311-1, L 311-4 et L 311-8 qui prévoit des exclusions), tenant ainsi compte du contexte de rapide évolution des techniques et des supports, outre de même les principes généraux applicables pour l’évaluation du taux de cette rémunération (L 311-3 et L 311-4). Il n’est pas établi que la rémunération pour copie privée est excessive en ce qu’elle ne refléterait pas la réalité de l’exception de copie privée. Droit de propriété et copie privéeLa société ACER n’établissait donc pas que les dispositions querellées ont manifestement pour effet de porter atteinte au respect du droit de propriété garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789, dans la mesure où le législateur peut y apporter des limitations justifiées par des motifs d’intérêt général et proportionnées à l’objectif poursuivi et où le législateur n’a pas manifestement méconnu ces exigences, en limitant le droit de propriété des fabricants et importateurs de supports par le recours au mécanisme de la rémunération pour copie privée, dans le souci d’assurer l’équilibre entre celui-ci et celui des auteurs, artistes-interprètes et producteurs. Il n’y a pas non plus d’atteinte disproportionnée à l’exercice de la liberté d’entreprendre, garanti par l’article 4 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen du 26 août 1789. |
Q/R juridiques soulevées :
Quelle a été la décision des juges concernant la demande de la société ACER ?La société ACER a vu sa demande de soumission d’une question prioritaire de constitutionnalité déboutée par les juges. Cette demande visait à contester l’encadrement législatif relatif à la copie privée, que la société considérait comme insuffisant. ACER soutenait que la définition de la copie privée et les modalités de sa rémunération laissaient une latitude excessive à la commission copie privée. Cette situation, selon elle, conduisait à une fixation unilatérale d’une rémunération excessive par les ayants droits, ce qui porterait atteinte à son droit de propriété et à sa liberté d’entreprendre. Quels sont les principes fondamentaux énoncés par la Constitution concernant la propriété ?L’article 34 de la Constitution française stipule que la loi détermine les principes fondamentaux du régime de la propriété ainsi que des obligations civiles et commerciales. Cela signifie que le législateur a la responsabilité de définir les grandes lignes des règles relatives à la propriété. De plus, l’article 37 précise que, peu importe le domaine, le pouvoir réglementaire est compétent pour établir les détails et l’application des règles définies par le législateur. Cela implique que le législateur peut déléguer certaines compétences à des instances réglementaires, tant que cela ne porte pas atteinte aux droits garantis par la Constitution. Quelles sont les dispositions légales concernant la rémunération pour copie privée ?Les articles L. 122-5 et L. 211-3 du code de la propriété intellectuelle établissent que la copie réalisée à partir de sources licites pour un usage privé est légale. Les bénéficiaires de droits d’auteur ne peuvent pas interdire cette pratique. En contrepartie, les articles L. 311-1 et suivants prévoient une rémunération pour les auteurs, artistes-interprètes et producteurs au titre de ces copies privées. La commission copie privée a été créée pour définir les types de supports, les taux de rémunération et les modalités de versement, tout en assurant une représentation équilibrée des différents acteurs concernés. Comment la commission copie privée est-elle structurée pour éviter l’arbitraire ?La commission copie privée est composée de manière paritaire : elle inclut des représentants des bénéficiaires de la rémunération, des fabricants ou importateurs de supports, ainsi que des consommateurs. Cette structure vise à prévenir tout risque d’arbitraire dans la fixation des compensations. En assurant une représentation équilibrée, la commission est censée garantir une compensation équitable entre les créateurs et les utilisateurs. Cela permet également d’assurer un arbitrage en amont des décisions, ce qui est essentiel pour maintenir l’équilibre entre les intérêts des différentes parties. Quelles preuves la société ACER n’a-t-elle pas fournies concernant la rémunération pour copie privée ?La société ACER n’a pas réussi à démontrer que la rémunération pour copie privée était fixée de manière unilatérale par le collège des ayants droits. Elle n’a pas prouvé que le paritarisme de la commission était illusoire en raison d’une division entre les débiteurs directs et indirects. De plus, le contrôle contentieux a posteriori, bien qu’il puisse remettre en cause certaines décisions, ne semble pas affecter de manière significative les conséquences d’une éventuelle illégalité. Cela indique que le cadre législatif et réglementaire en place est jugé suffisant pour encadrer la rémunération pour copie privée. Comment le droit de propriété est-il respecté dans le cadre de la copie privée ?La société ACER n’a pas prouvé que les dispositions contestées portaient atteinte au droit de propriété, tel que garanti par les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen. Le législateur a la possibilité d’apporter des limitations à ce droit, à condition qu’elles soient justifiées par des motifs d’intérêt général. Les limitations imposées par le mécanisme de la rémunération pour copie privée visent à équilibrer les droits des fabricants et importateurs avec ceux des auteurs et artistes. Ainsi, le cadre législatif respecte les exigences de proportionnalité et d’intérêt général, sans constituer une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre. |
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