Epuisement des droits et cloisonnement de marché

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Epuisement des droits et cloisonnement de marché

L’Essentiel : L’article 9 du règlement CE n° 207/2009 confère au titulaire d’une marque communautaire un droit exclusif, lui permettant d’interdire l’usage non autorisé de sa marque pour des produits identiques. Toutefois, ce droit ne s’applique pas aux produits déjà commercialisés dans l’Espace économique européen (EEE) par le titulaire ou avec son consentement. En cas d’importation sans autorisation, le titulaire peut exercer un droit de contrôle. Si un risque de cloisonnement du marché est établi, la charge de la preuve incombe au titulaire pour démontrer que les produits ont été mis en commerce en dehors de l’EEE.

Règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009

En vertu de l’article 9 du règlement CE n° 207/ 2009 du 26 février 2009, le titulaire d’une marque communautaire enregistrée dispose d’un droit exclusif et est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels elle est enregistrée.

Mais, selon les articles L 713- 4 du même code et 13 du règlement, le droit conféré par la marque ne permet pas à son titulaire d’interdire l’usage de celle- ci, pour des produits qui ont été mis dans le commerce de l’espace économique européen, sous cette marque par le titulaire ou avec son consentement.

Ainsi, le titulaire de la marque ne peut pas s’opposer à la libre circulation des produits marqués à l’intérieur de l’espace économique européen, après que ces produits ont été mis dans le commerce de cet espace, par lui- même ou avec son consentement.

Preuve de l’absence d’autorisation du titulaire

En revanche, l’importation de produits marqués dans l’espace économique européen, sans l’autorisation du titulaire, donne à ce dernier un droit de suite et de contrôle jusqu’à l’acquéreur final. Il incombe à celui qui invoque l’épuisement du droit, de le prouver pour chacun des exemplaires du produit concerné par le litige, c’est à dire d’établir que chaque exemplaire des produits argués de contrefaçon a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par le titulaire de la marque ou avec son consentement, même implicite.

Lorsqu’il existe un risque réel de cloisonnement du marché, il s’opère un renversement de la charge de cette preuve. Le risque réel de cloisonnement du marché n’ est pas celui du cloisonnement absolu résultant d’un réseau de distribution étanche, totalement illicite mais est celui d’un réseau de distribution qui, au vu de différents éléments de la cause, laisse supposer avec une certaine probabilité, qu’il est de nature à nuire à l’intégration des différents marchés nationaux, au sein du marché unique.

En effet la CJUE a dit pour droit dans l’arrêt Van Doren du 8 avril 2003 (C54-244/00) que « dans l’hypothèse où le tiers poursuivi par le titulaire de la marque parvient à démontrer qu’il existe un risque réel de cloisonnement des marchés nationaux, si lui-même supporte la charge de cette preuve, en particulier lorsque le titulaire de la marque commercialise ses produis dans l’espace économique européen au moyen d’un système de distribution exclusive, il appartient au titulaire de la marque d’établir que les produits ont été initialement mis dans le commerce par lui-même ou avec son consentement en dehors de l’espace économique européen. »

Le défendeur à l’action en contrefaçon est autorisé à ne pas révéler sa source d’approvisionnement notamment quand il s’agit d’un membre du réseau de distribution exclusive car dévoiler sa source serait en effet la tarir. Il appartient alors au titulaire de la marque de prouver que les produits en cause ont été initialement mis dans le commerce, par lui- même ou avec son consentement, en dehors du territoire de l’espace économique européen.

Le fabricant d’un produit est libre d’organiser à sa guise la distribution de ses produits, sous réserve que le mode de distribution adopté n’ait pas pour objet ou pour effet d’affecter les principes de la concurrence et de la libre circulation des produits Les accords entre partenaires sont licites, sauf s’il s’agit d’ententes qui ont pour effet de limiter les possibilités de l’acheteur de choisir sa source d’approvisionnement ou le marché sur lequel il écoulera un produit déterminé.

Dans tous les cas, les juges analysent l’examen du caractère authentique des produits argués de contrefaçon puisqu’à défaut la question de l’épuisement des droits serait sans intérêt.

Q/R juridiques soulevées :

Quel est le droit conféré par le règlement CE n° 207/2009 concernant les marques communautaires ?

Le règlement CE n° 207/2009, en son article 9, confère au titulaire d’une marque communautaire enregistrée un droit exclusif. Ce droit lui permet d’interdire à tout tiers, sans son consentement, d’utiliser un signe identique à la marque pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée.

Ce droit exclusif est essentiel pour protéger l’identité de la marque et garantir que les consommateurs puissent faire confiance à l’origine des produits. Cela signifie que le titulaire a le pouvoir de contrôler l’utilisation de sa marque et de prévenir toute forme de contrefaçon ou d’utilisation non autorisée.

Cependant, ce droit n’est pas absolu. En effet, selon les articles L 713-4 et 13 du même règlement, le titulaire ne peut pas interdire l’usage de sa marque pour des produits qui ont déjà été mis dans le commerce dans l’espace économique européen, que ce soit par lui-même ou avec son consentement.

Quelles sont les implications de l’épuisement des droits sur les marques ?

L’épuisement des droits signifie que, une fois qu’un produit a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen par le titulaire de la marque ou avec son consentement, le titulaire ne peut plus s’opposer à la libre circulation de ce produit au sein de cet espace.

Cela a des implications significatives pour le commerce intra-européen, car cela favorise la libre circulation des biens et empêche les titulaires de marques d’imposer des restrictions sur la revente de produits déjà commercialisés. Cela contribue à l’intégration du marché unique européen.

Cependant, il est important de noter que l’importation de produits marqués sans l’autorisation du titulaire peut donner lieu à des actions en contrefaçon. Dans ce cas, le titulaire a le droit de contrôler la distribution des produits jusqu’à l’acquéreur final.

Comment se prouve l’absence d’autorisation du titulaire de la marque ?

Pour prouver l’absence d’autorisation du titulaire de la marque, il incombe à la partie qui invoque l’épuisement des droits de démontrer que chaque exemplaire du produit concerné a été mis dans le commerce dans l’espace économique européen par le titulaire ou avec son consentement.

Cela signifie que la charge de la preuve repose sur celui qui conteste l’autorisation. En cas de litige, il est crucial de fournir des preuves tangibles, telles que des factures ou des documents de distribution, pour établir la provenance des produits.

De plus, si un risque réel de cloisonnement du marché est identifié, la charge de la preuve peut être renversée. Cela signifie que le titulaire de la marque devra prouver que les produits ont été initialement mis dans le commerce en dehors de l’espace économique européen.

Quelles sont les conséquences d’un risque de cloisonnement du marché ?

Lorsqu’il existe un risque réel de cloisonnement du marché, cela peut avoir des conséquences importantes sur la manière dont les droits de marque sont appliqués. Le cloisonnement du marché se réfère à une situation où les marchés nationaux sont isolés les uns des autres, ce qui peut nuire à l’intégration du marché unique européen.

Dans ce contexte, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a statué que si un tiers peut démontrer l’existence d’un risque réel de cloisonnement, la charge de la preuve peut être renversée. Cela signifie que le titulaire de la marque doit prouver que les produits en question n’ont pas été mis dans le commerce en dehors de l’espace économique européen.

Cette décision vise à protéger la libre circulation des biens et à éviter que les titulaires de marques n’imposent des restrictions injustifiées sur la distribution de leurs produits au sein de l’Union européenne.

Quel est le rôle du fabricant dans l’organisation de la distribution de ses produits ?

Le fabricant d’un produit a la liberté d’organiser la distribution de ses produits comme il l’entend, tant que cela ne nuit pas aux principes de concurrence et de libre circulation des produits. Cela signifie qu’il peut choisir d’utiliser des systèmes de distribution exclusifs ou d’autres modèles de distribution.

Cependant, les accords entre partenaires doivent être conformes aux règles de la concurrence. Les ententes qui limitent les possibilités d’approvisionnement des acheteurs ou qui restreignent le marché sur lequel un produit peut être vendu sont considérées comme illégales.

Les juges examinent également le caractère authentique des produits en cas de litige sur la contrefaçon. Si les produits ne sont pas authentiques, la question de l’épuisement des droits devient sans objet, ce qui souligne l’importance de la preuve d’authenticité dans les affaires de contrefaçon.


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