Type de juridiction : Tribunal judiciaire
Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris
Thématique : Contrefaçon de marques : les services sont déterminants
→ RésuméDans l’affaire opposant l’association ‘Institut [5]’ à Mme [U], le tribunal a rejeté les demandes de contrefaçon et de concurrence déloyale. L’association accusait Mme [U] d’utiliser les signes ‘IFMC’ et ‘ifmcouture’ pour des services de formation en couture, en violation de ses marques. Cependant, le tribunal a constaté l’absence de similitude entre les services concernés, soulignant que les marques de l’association ne couvraient pas les services de formation. De plus, il n’a pas été établi de risque de confusion ou de parasitisme, entraînant le rejet des demandes et laissant les dépens à la charge de l’association.
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Faute de similitude entre les services pour lesquels les marques sont enregistrées et ceux pour lesquels les signes litigieux sont utilisés, il ne peut y avoir d’atteinte à ces marques que par atteinte à la renommée.
Réflexes juridiques :
1. Assurez-vous que les services pour lesquels vous revendiquez des droits sont similaires à ceux pour lesquels les signes litigieux sont utilisés, afin de pouvoir invoquer une atteinte à vos marques en cas de contrefaçon.
2. Pour établir une concurrence déloyale, démontrez de manière concrète et circonstanciée que les agissements de l’autre partie s’écartent des règles de loyauté et de probité professionnelle, créant un risque de confusion ou de parasitisme.
3. Veillez à ce que les éléments communs entre les signes litigieux et votre dénomination ne soient pas suffisants pour induire en erreur le public ou profiter indûment de votre notoriété, afin de pouvoir invoquer une concurrence déloyale avec succès.
Résumé de l’affaire
L’association ‘Institut [5]’ accuse Mme [U] d’utiliser les signes ‘IFMC’ et ‘ifmcouture’ pour des services de formation aux métiers de la couture, en violation de ses marques ‘IFM – institut [5]’. Malgré un accord de cesser l’usage litigieux, Mme [U] n’a pas respecté cet engagement, ce qui a conduit à une assignation en contrefaçon et concurrence déloyale. L’association demande l’interdiction pour Mme [U] d’utiliser ces signes, ainsi que des dommages et intérêts. Elle affirme que les marques sont similaires et qu’il existe un risque de confusion pour le public cible. Elle estime son préjudice à 30 000 euros et demande également la publication d’un communiqué. Mme [U] n’a pas répondu aux accusations.
Demandes fondées sur la contrefaçon de marques
Le droit conféré par les marques nationales et de l’Union européenne est prévu dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé les conditions dans lesquelles le titulaire d’une marque peut s’opposer à l’usage d’un signe par un tiers. Dans cette affaire, les demandes en contrefaçon sont rejetées car il n’y a pas de similitude entre les services pour lesquels les marques sont enregistrées et ceux pour lesquels les signes litigieux sont utilisés.
Demandes fondées sur la concurrence déloyale
La concurrence déloyale consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle. Dans cette affaire, il n’y a pas de risque de confusion ni de parasitisme entre les activités de la demanderesse et de la défenderesse. Par conséquent, les demandes fondées sur la concurrence déloyale sont rejetées.
Les montants alloués dans cette affaire:
– L’association Institut [5] : 0 euros
– Dépens à la charge de l’association Institut [5]
Réglementation applicable
– Article 10 de la directive 2015/2436 et article 9 du règlement 2017/1001
– Article L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle
– Article L. 716-4 (marques françaises) et article L. 717-1 (marques de l’Union européenne)
– Article 1240 du code civil
Texte de l’article 10 de la directive 2015/2436 et de l’article 9 du règlement 2017/1001:
« 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice. »
Texte de l’article 1240 du code civil:
« La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits. »
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier:
– Maître Charles-antoine JOLY de la SELAS DS AVOCATS
– Maître Valentine COUDERT de la SELARL OCTAAV
Mots clefs associés & définitions
– Marques nationales et de l’Union européenne
– Droit exclusif du titulaire de la marque
– Atteinte au droit conféré par la marque
– Contrefaçon
– Responsabilité civile
– Risque de confusion
– Fonction essentielle de la marque
– Similitude entre les produits ou services et les signes
– Renommée de la marque
– Concurrence déloyale
– Notoriété
– Parasitisme
– Liberté du commerce et de l’industrie
– Risque de confusion avec la dénomination complète
– Communication sur le site et la page Instagram
– Pratique commerciale trompeuse
– Marques nationales et de l’Union européenne: marques enregistrées au niveau national ou au niveau de l’Union européenne
– Droit exclusif du titulaire de la marque: droit exclusif accordé au titulaire de la marque pour l’utilisation de celle-ci
– Atteinte au droit conféré par la marque: violation du droit exclusif du titulaire de la marque
– Contrefaçon: reproduction non autorisée d’une marque protégée
– Responsabilité civile: obligation de réparer le préjudice causé à autrui
– Risque de confusion: risque que les consommateurs confondent deux marques ou produits similaires
– Fonction essentielle de la marque: fonction principale de la marque, qui est d’identifier l’origine des produits ou services
– Similitude entre les produits ou services et les signes: ressemblance entre les produits ou services offerts et les signes distinctifs utilisés
– Renommée de la marque: notoriété et réputation d’une marque sur le marché
– Concurrence déloyale: pratiques commerciales contraires aux règles de la concurrence loyale
– Notoriété: degré de reconnaissance et de popularité d’une marque
– Parasitisme: exploitation de la notoriété d’une marque pour en tirer profit sans autorisation
– Liberté du commerce et de l’industrie: principe garantissant la liberté d’exercer une activité commerciale ou industrielle
– Risque de confusion avec la dénomination complète: risque que les consommateurs confondent une marque avec sa dénomination complète
– Communication sur le site et la page Instagram: diffusion d’informations sur un site internet et une page Instagram
– Pratique commerciale trompeuse: pratique visant à tromper les consommateurs sur les caractéristiques d’un produit ou service.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
29 mars 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
21/11361
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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3ème chambre
2ème section
N° RG 21/11361
N° Portalis 352J-W-B7F-CU4QQ
N° MINUTE :
Assignation du :
24 Août 2021
JUGEMENT
rendu le 29 Mars 2024
DEMANDERESSE
Association Institut [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Charles-antoine JOLY de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T007
DÉFENDERESSE
Madame [O] [U]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Valentine COUDERT de la SELARL OCTAAV, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1224
Copies délivrées le :
– Maître JOLY #T007 (ccc)
– Maître COUDERT #C1224 (ccc)
Décision du 29 Mars 2024
3ème chambre 2ème section
N° RG 21/11361 – N° Portalis 352J-W-B7F-CU4QQ
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Irène BENAC, Vice-Présidente
Madame Véra ZEDERMAN, Vice-présidente
Monsieur Arthur COURILLON-HAVY, Juge
assistée de Monsieur Quentin CURABET, Greffier
DÉBATS
A l’audience du 07 Décembre 2023 tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 01 Mars 2024 puis prorogé en dernier lieu au 29 Mars 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
1. L’association ‘Institut [5]’ reproche à Mme [U] l’usage des signes ‘IFMC’ et ‘ifmcouture’ pour des services de formation aux métiers de la couture, notamment dans les noms de domaine ifmcouture.com et ifmcouture.net, en contrefaçon selon elle de ses marques ‘IFM – institut [5]’ et de façon déloyale et parasitaire.
2. Elle invoque les deux marques suivantes, dont elle est titulaire, toutes deux intitulées ‘IFM – institut [5]’ et dont la représentation, identique, figure ci-dessous :
– la marque figurative de l’Union européenne numéro 18 042 779, déposées le 28 mars 2019 et enregistrées le 3 décembre 2020 pour désigner les services suivants :
« 35 Gestion des affaires commerciales; administration commerciale; services d’intermédiation commerciale; compilation d’informations dans des bases de données informatiques; services de gestion informatisée de fichiers; aide aux entreprises dans le développement de leurs marchés; services d’information d’affaires; service de développement commercial; fourniture de services d’assistance administrative; services de réseautage commercial en ligne; services d’informations et de recherches commerciales; services d’offres d’emploi [recrutement]; services d’emploi [recrutement]; services d’information sur l’emploi [recrutement]; fourniture, conduite et gestion de programme d’affiliation, de services d’adhésion à des clubs et conduite de programme de fidélisation de clients; services de secrétariat; mise en relation entre contacts commerciaux et professionnels; audits d’entreprises (analyses commerciales); services d’intermédiation commerciale (conciergerie).
41 Activités sportives.
42 Services scientifiques et technologiques; Recherche scientifique; Recherche industrielle.
45 Services juridiques. »
– la marque semi-figurative française numéro 4 538 243, de même nom, déposée le même jour et enregistrée le 22 janvier 2021 pour désigner, les services suivants :
« Classe 35 : gestion des affaires commerciales; administration commerciale ; services d’intermédiation commerciale ; compilation d’informations dans des bases de données informatiques ; services de gestion informatisée de fichiers ; aide aux entreprises dans le développement de leurs marchés ; services d’information d’affaires ; service de développement commercial ; fourniture de services d’assistance administrative ; services d’informations et de recherches commerciales ; services de secrétariat ; audits d’entreprises (analyses commerciales) ; services d’intermédiation commerciale (conciergerie) ;
Classe 41 : Activités sportives ; montage de programmes radiophoniques ou télévisuels ; montage de bandes vidéo ; location d’enregistrements sonores ; location de postes de télévision. » ;
3. Expliquant que Mme [U] avait pris l’engagement de cesser l’usage litigieux mais sans l’exécuter, l’association l’a assignée en contrefaçon et concurrence déloyale le 24 aout 2021. Une médiation en cours de procédure a permis aux parties de transiger mais, estimant à nouveau l’accord non respecté, l’association a maintenu ses demandes. L’instruction a été close le 16 mars 2023.
4. L’association Institut [5], dans ses dernières conclusions (14 décembre 2022), demande en substance que soit interdit à Mme [U] de désigner des services de formation en couture par le biais du site ifmcouture.net ou de tout autre signe prêtant à confusion avec les marques, sous astreinte, la publication d’un communiqué et sa condamnation à lui payer 30 000 euros de provision sur la réparation de la contrefaçon et de la concurrence déloyale ainsi que 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre le recouvrement des dépens par son avocat.
5. Sur la contrefaçon, elle soutient que ses marques désignent des services de formation continue, que Mme [U] utilise, pour commercialiser des services dans le même domaine d’activité de l’industrie de la création de mode, les signes IFM couture et IFMC qui sont presque identiques à ses marques, que dans celles-ci, l’élément dominant est IFM car les mots « institut [5] » sont descriptifs et ne servent qu’à rendre l’acronyme intelligible, de même dans les signes litigieux, que le public pertinent, constitué de jeunes à la recherche d’une formation, est moins avisé et plus vulnérable que le consommateur moyen et qu’il existe ainsi un risque de confusion, d’autant plus qu’elle jouit, expose-t-elle, d’une renommée dans le milieu [5].
6. Elle expose que les faits de contrefaçon ont été commis au moins depuis le 7 juillet 2021, reproche à la défenderesse de continuer à exploiter les noms de domaine ifmcouture.com et .net en y laissant une redirection vers son nouveau nom de domaine ifpcouture.net, que l’usage du signe ifmc ou ifmcouture perdure sur la page Instatgram de la défenderesse dont le nom n’a pas changé.
7. Sur la concurrence déloyale et parasitaire, elle reproche à la défenderesse de s’être délibérément placée dans son sillage et de rechercher une confusion sur l’origine des services, ce qu’elle qualifie également de pratique commerciale trompeuse.
8. Sur le préjudice, elle allègue un avilissement de ses signes distinctifs et déduit, au regard de la durée de deux ans écoulée depuis le début des faits, un préjudice non sérieusement contestable selon elle de 30 000 euros. Elle justifie sa demande de publication par la grande diffusion des faits dès lors qu’ils ont été commis sur Internet, renforcée par le fait que le public visé, des « jeunes talents » intéressés par le milieu très compétitif de la mode, a pu voir sa confiance en l’IFM réduite par ces faits, ainsi que par la persistance de ceux-ci et le silence de Mme [U].
9. Mme [U], bien que représentée, n’a pas conclu.
MOTIVATION
I . Demandes fondées sur la contrefaçon de marques
10. Le droit conféré par les marques nationales et de l’Union européenne est prévu dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant ainsi rédigé :
« 1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice. »
11. L’atteinte au droit conféré par la marque, prévue en droit interne, en des termes en substance identiques, aux articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction postérieure au 15 décembre 2019, est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l’article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l’article L. 717-1 (dans le cas des marques de l’Union européenne).
12. La Cour de justice de l’Union européenne a précisé que le droit exclusif du titulaire de la marque, qui n’est pas absolu, ne l’autorise à s’opposer à l’usage d’un signe par un tiers en vertu de l’article 9, dans les conditions énumérées au paragraphe 2, sous a) et b), que si cet usage porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance du produit ou du service (CJCE, 12 novembre 2002, Arsenal football club, C-206/01, point 51 ; plus récemment, CJUE, 17 novembre 2022, Impexeco, C-253/20, point 46 et jurisprudence citée).
13. S’agissant en particulier de l’atteinte prévue au paragraphe 2, sous b), la Cour de justice a précisé, dès la première directive rapprochant les législations sur les marques, que le risque de confusion dépend de plusieurs critères interdépendants, dont le degré de similitude entre les produits ou services et les signes en cause, la connaissance de la marque sur le marché, mais aussi le degré de distinctivité de cette marque, le risque de confusion étant d’autant plus grand que celle-ci était plus distinctive, et inversement (voir par exemple CJCE, 29 septembre 1998, Lloyd Schuhfabrik, C-342-97, points 19 et 20 ; plus récemment, s’agissant du caractère distinctif, CJUE, 18 juin 2020, Primart, C-702/18 P, point 51).
14. Il ressort du constat du site internet ifmcouture.net réalisé le 7 juillet 2021 (pièce 6) que celui-ci est exploité par une « EIRL [J] » située au [Adresse 1] à [Localité 6], ce qui correspond à la dénomination et à l’adresse de l’activité d’entrepreneur individuel à responsabilité limité de Mme [U], à savoir « EIRL [J] [O] » (pièce 5, [J] étant le nom d’usage de la défenderesse, [O] son prénom). Les captures d’écran de la page Instagram ifmcouture (pièce 9) révèlent que celle-ci adopte la même dénomination que le site internet précité, mais fait référence à « [Z] Ifmc », ce qui n’a pas de rapport avec Mme [O] [U]. Néanmoins, cette page Instagram, dont les captures d’écran sont postérieures au début du litige, renvoie au site ifmcouture.com dont l’EIRL [J] est titulaire du nom de domaine (pièce 10.2) et montre une évolution des signes utilisés qui confirme l’identité d’entreprise avec le site internet : le signe ifmcouture, qui constitue toujours le nom de la page, est en effet remplacé à plusieurs endroits et notamment dans l’image principale par le signe ‘IFPC’, qui n’est plus litigieux et qui correspond également au nouveau nom de domaine du site internet de Mme [U] (ifpcouture.com, pièce 10.3). Ainsi, la page Instagram ifmcouture est bien exploitée, comme le site internet ifmcouture.net, par Mme [U] dans le cadre de son entreprise individuelle à responsabilité limitée.
15. Le site et la page Instagram présentent et promeuvent des services de formation, plus précisément de « formation aux métiers de la couture », le site mentionnant « stylisme, modélisme, couture, arts appliqués » et la page Instagram indiquant que sont proposés un CAP, un titre professionnel à distance et « un Club couture avec un coach ».
16. Le site fait usage, pour ces services, d’un signe contenant les lettres ‘IFMC’ de biais (se lisant du bas à gauche vers le haut à droite) en fines capitales orangées dans un arc de cercle de même couleur coupé sous les lettres par une aiguille (également orangée) dont l’arc traverse le chas, l’arc étant lui-même entouré de représentations décoratives, dans un style ancien, d’outils pour la couture (dé, bobine, machine à coudre…). Ce signe est représenté ci-dessous :
17. Le site fait également usage de son nom de domaine ifmcouture.net pour ses services de formation. Il se désigne encore comme « Institut de formation aux métiers de la couture » et se présente comme « l’institut de formation aux métiers de la couture spécialiste de la formation pro ».
18. La page Instagram, visitée après le début du litige et après que Mme [U] a annoncé cesser l’usage litigieux, est intitulée « ifmcouture », mentionne « [Z] ifmc », renvoie au site internet ifmcouture.com, mais son image de titre est un logo non litigieux, contenant le sigle ‘IFPC’ dont le I est une aiguille stylisée. Cette page Instagram contient par ailleurs des publications anciennes dans lesquelles se trouvent les signes ‘#ifmcouture’ ou ‘#ifmc’ pour identifier les illustrations liées aux services en cause.
19. Ces signes sont similaires aux marques IFM – institut [5] dans la mesure où ils ont en commun avec elles les trois lettres de son acronyme initial.
20. Toutefois, ces marques ne sont pas enregistrées pour désigner des services de formation comme l’affirme la demanderesse. Celle-ci n’indique pas quels autres services seraient similaires à ceux pour lesquels la défenderesse fait usage des signes IFMC et ifmcouture, à savoir les services de formation.
21. Ces marques sont enregistrées pour des services aux entreprises tels que la gestion des affaires commerciales, l’intermédiation commerciale, la gestion d’informations d’affaires, le développement commercial, les offres d’emploi, la fidélisation de clients, le secrétariat, les activités sportives, les services scientifiques et technologiques ou les services juridiques, dont il n’est ni allégué ni démontré qu’ils sont similaires aux services de formation.
22. Faute de similitude entre les services pour lesquels les marques sont enregistrées et ceux pour lesquels les signes litigieux sont utilisés, il ne peut y avoir d’atteinte à ces marques qu’en application du paragraphe 2, sous c) des textes susvisés, c’est-à-dire par atteinte à leur renommée. Or la demanderesse, si elle allègue jouir d’une renommée, n’apporte aucun élément pour caractériser concrètement la renommée de ses deux marques, ni même, au demeurant, les services pour lesquels cette renommée serait acquise.
23. Par conséquent, les demandes en contrefaçon sont rejetées.
II . Demandes fondées sur la concurrence déloyale
24. La concurrence déloyale, fondée sur le principe général de responsabilité civile édicté par l’article 1240 du code civil, consiste en des agissements s’écartant des règles générales de loyauté et de probité professionnelle applicables dans la vie des affaires tels que ceux créant un risque de confusion avec les produits ou services offerts par un autre. L’appréciation de la faute doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits.
25. Constitue également une concurrence déloyale et est ainsi fautif au sens de l’article 1240 du code civil le fait, pour un agent économique, de se placer dans le sillage d’une entreprise en profitant indument des investissements consentis ou de sa notoriété, ou encore de ses efforts et de son savoir-faire ; qualifié de parasitisme, il résulte d’un ensemble d’éléments appréhendés dans leur globalité (Cass. Com., 4 février 2014, pourvoi n° 13-11.044 ; Com., 26 janvier 1999, pourvoi n° 96-22.457), et qu’il faut interpréter au regard du principe de liberté du commerce et de l’industrie.
26. Au cas présent, la dénomination de la demanderesse est ‘Institut [5]’, ce qui ne lui donne pas un droit en soi sur les initiales, sauf à démontrer que l’emploi de ces initiales crée un risque de confusion avec la dénomination complète.
27. Les signes litigieux utilisés par la défenderesse contiennent certes les trois initiales de la dénomination de la demanderesse, à savoir I, F et M ; ils y ajoutent toutefois systématiquement soit la lettre C, soit le mot entier « couture » et le site de la défenderesse indique dès sa page d’accueil que ces initiales correspondent à « Institut de formation aux métiers de la couture », ce qui ne peut pas être confondu avec l’Institut [5].
28. Si le signe ifmcouture, en distinguant les trois premières initiales (ifm) du dernier mot (couture) se rapproche davantage des initiales de l’Institut [5], il ne renvoie toutefois pas à la dénomination complète ‘Institut [5]’, qui ne contient pas le terme ‘couture’ ni n’est lié nécessairement à celle-ci.
29. Plus généralement, la communication de Mme [U] sur son site et sa page Instagram ne reprend aucun des éléments susceptibles d’être associés à l’Institut [5] par des personnes en recherche d’orientation ou formation professionnelle.
30. Les seuls éléments communs ne sont en définitive, outre le secteur d’activité, que trois lettres qui ne suffisent pas à laisser penser à ce public qu’il se trouve en présence de l’association demanderesse ou de l’un de ses partenaires.
31. Il n’en résulte donc pas un risque de confusion ni un parasitisme, ni une pratique commerciale trompeuse.
32. Par conséquent, les demandes sont rejetées.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal :
Rejette l’ensemble des demandes de l’association Institut [5] ;
Laisse les dépens à la charge de celle-ci.
Fait et jugé à Paris le 29 Mars 2024
Le GreffierLa Présidente
Quentin CURABET Irène BENAC
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