→ RésuméDans l’affaire Louve group, une plateforme de vente de SCPI a été condamnée pour contrefaçon de marque. En utilisant les marques de produits financiers sans les commercialiser, elle ne bénéficie pas de l’exception d’usage loyal. Les SCPI Corum étaient mentionnées sur le site comme des produits disponibles, induisant en erreur les consommateurs. La juridiction a ordonné la suppression de toute référence aux marques Corum, sous astreinte, soulignant que l’usage des marques doit respecter les droits des titulaires et ne pas créer de confusion dans l’esprit du public. Cette décision rappelle l’importance de la protection des marques dans le secteur financier. |
Une plateforme de commercialisation de produits financiers (SCPI) qui utilise la marque d’un produit financier de placement, sans commercialiser lesdits produits, ne bénéficie pas de l’exception de l’usage loyal du commerce et s’expose à une condamnation pour contrefaçon de marque.
Affaire Louve group
Dans cette affaire, le site poursuivi est une plate-forme de vente de SCPI, et non un site d’information publique, la mention des SCPI Corum sur ce site constitue un usage des marques précitées par la société Louve group dans la vie des affaires.
Elles y sont littéralement citées, pour des produits d’investissement identiques, et, comme le soulignent les demanderesses, au 20 décembre 2022, elles apparaissaient en plusieurs endroits comme des produits pouvant être acquis sur la plateforme, sans aucune mention contraire.
215 SCPI sont commercialisées et seulement 64 sont référencées et décrites sur le site litigieux qui n’a donc pas pour objet de délivrer information claire et complète au public “de l’ensemble des produits sur le marché” des SCPI et qui ne le fait pas. Il n’est pas plus nécessaire à la présentation des produits commercialisés par la société Louve group de citer les marques Corum.
Dans ces conditions, la société Louve group est mal fondée tant à soutenir que l’usage des marques sur son site est fait à titre d’information qu’à invoquer l’exception de référence nécessaire aux produits des demanderesses.
Vraisemblance de la contrefaçon
La vraisemblance de la contrefaçon est ainsi établie.
Vu le caractère vraisemblable de la contrefaçon des marques litigieuses, la juridiction a prononcé des mesures d’interdiction en enjoignant à la société Louve group de supprimer sur le site www.louveinvest.com (ou tout autre site similaire qu’elle éditerait) toute référence aux marques CORUM n° 014178156, CORUM ORIGIN n° 018035854, CORUM XL n° 4319170 et EURION n° 018096795, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance l’astreinte courant sur deux mois.
Les droits du titulaire d’une marque
Pour rappel, le droit conféré par les marques nationales et de l’Union européenne est prévu dans des termes en substance identiques par la directive 2015/2436 et le règlement 2017/1001, respectivement à leur article 10 et 9, ce dernier étant ainsi rédigé :
“1. L’enregistrement d’une marque de l’Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d’une marque de l’Union européenne, le titulaire de cette marque de l’Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l’absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d’un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, s’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d’association entre le signe et la marque;
c) ce signe est identique ou similaire à la marque de l’Union européenne, indépendamment du fait que les produits ou services pour lesquels il est utilisé soient identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque de l’Union européenne est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d’une renommée dans l’Union et que l’usage de ce signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque de l’Union européenne ou leur porte préjudice”. La transposition de ces textes a été faite en droit interne, en des termes en substance identiques, aux articles L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle.
L’article L. 713-6 du même code dispose notamment que : “Une marque ne permet pas à son titulaire d’interdire à un tiers l’usage, dans la vie des affaires, conformément aux usages loyaux du commerce : (…) 3° de la marque pour désigner ou mentionner des produits ou des services comme étant ceux du titulaire de cette marque, en particulier lorsque cet usage est nécessaire pour indiquer la destination d’un produit ou d’un service, notamment en tant qu’accessoire ou pièce détachée”.
Le bénéfice de cette exception est réservé aux situations dans lesquelles l’usage constitue en pratique le seul moyen pour fournir au public une information compréhensible et complète sur cette destination afin de préserver le système de concurrence non faussé sur le marché de ce produit, appréciées en fonction de la compréhension du public concerné par les produits ou services offerts par le tiers, auteur de la référence à la marque protégée.
Quant aux usages loyaux du commerce mentionnés par ce texte, ils renvoient à l’expression d’une obligation de loyauté à l’égard des intérêts légitimes du titulaire de la marque, l’usage de la marque n’étant pas conforme à ceux-ci notamment lorsque il est fait d’une manière telle qu’il peut donner à penser qu’il existe un lien commercial entre le tiers et le titulaire de la marque, il affecte la valeur de la marque en tirant indûment profit de son caractère distinctif ou de sa renommée, il entraîne le discrédit ou le dénigrement de ladite marque, ou que le tiers présente son produit comme une imitation ou une reproduction du produit revêtu de la marque dont il n’est pas le titulaire (CJCE, 17 mars 2005, C-228/03, the Gillette company).
L’atteinte aux droits conférés par la marque est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l’article L. 716-4 (dans le cas des marques françaises) et par l’article L. 717-1 (dans le cas des marques de l’Union européenne).
L’article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dispose notamment : “Toute personne ayant qualité pour agir en contrefaçon peut saisir en référé la juridiction civile compétente afin de voir ordonner, au besoin sous astreinte, à l’encontre du prétendu contrefacteur ou des intermédiaires dont il utilise les services, toute mesure destinée à prévenir une atteinte imminente aux droits conférés par le titre ou à empêcher la poursuite d’actes argués de contrefaçon. (…)
Saisie en référé ou sur requête, la juridiction ne peut ordonner les mesures demandées que si les éléments de preuve, raisonnablement accessibles au demandeur, rendent vraisemblable qu’il est porté atteinte à ses droits ou qu’une telle atteinte est imminente. La juridiction peut interdire la poursuite des actes argués de contrefaçon (…).Elle peut également accorder au demandeur une provision lorsque l’existence de son préjudice n’est pas sérieusement contestable.”
Laisser un commentaire