– Motifs: Raisons ou arguments justifiant une décision ou une action.
– Contrefaçon de modèles: Copie non autorisée d’un modèle protégé par des droits de propriété intellectuelle.
– VB Diffusion: Nom d’une entreprise ou d’une société.
– La Cas’a Meubles: Nom d’une entreprise ou d’un magasin de meubles.
– Modèles déposés: Modèles protégés par un dépôt légal pour garantir des droits de propriété intellectuelle.
– Redevances: Somme d’argent versée en échange de l’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle.
– Nullité des modèles: Annulation de la protection légale d’un modèle en raison de non-conformité aux critères légaux.
– Paiement des redevances: Obligation de verser une somme d’argent pour l’utilisation d’un droit de propriété intellectuelle.
– Nouveauté: Caractéristique d’un modèle qui n’a pas été divulgué ou utilisé auparavant.
– Caractère propre: Qualité d’un modèle qui est original et distinctif.
– Contrefaçon des modèles: Copie non autorisée d’un modèle protégé par des droits de propriété intellectuelle.
– Droit d’auteur: Ensemble des droits exclusifs accordés à l’auteur d’une œuvre intellectuelle.
– Réparation: Action de réparer un préjudice subi par une personne.
– Dommages et intérêts: Somme d’argent versée en compensation d’un préjudice subi.
– Préjudice moral: Atteinte aux sentiments, à la dignité ou à la réputation d’une personne.
– Image de la société: Perception publique de l’entreprise ou de la marque.
– Dépens: Frais engagés lors d’une procédure judiciaire.
– Demande reconventionnelle: Demande formulée par le défendeur à l’encontre du demandeur dans le cadre d’un procès.
– Atteinte à l’image: Action ou comportement portant préjudice à la réputation ou à l’image d’une personne ou d’une entreprise.
– Réputation: Opinion générale que les autres ont d’une personne ou d’une entreprise.
– Demandes annexes: Demandes supplémentaires formulées dans le cadre d’une procédure judiciaire.
– Exécution provisoire: Mise en œuvre d’une décision judiciaire avant que celle-ci ne soit définitivement confirmée.
MOTIFS
Sur la caractérisation de la contrefaçon
Sur la contrefaçon de modèles
Moyens des parties
La société VB Diffusion se prévaut de quatre modèles déposés dont elle décrit les caractéristiques et conclut que la société La Cas’a Meubles commercialise des meubles qui reprennent lesdites caractéristiques et produisent sur l’utilisateur averti une même impression d’ensemble. Elle conclut qu’ils créent une impression visuelle d’ensemble identique si bien que la contrefaçon est caractérisée.
En réponse au moyen tiré de la validité de ses titres de propriété intellectuelle, elle affirme avoir régulièrement réglé la redevance lors de l’enregistrement des titres et soutient que la défenderesse fait une confusion avec le droit des brevets. Elle en veut pour preuve la date de validité des titres qui est mentionnée sur l’extrait de la base INPI pour chacun des titres en litige.
Décision du 14 mars 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/08142 – N° Portalis 352J-W-B7G-CXJ6U
Sur l’exception de nullité opposée comme moyen de défense par la défenderesse, elle conteste l’antériorité invoquée issue du site internet “Kayumanis” dans la mesure où cette société travaille avec son gérant, M. [B] [G]. Elle ajoute que cette société fabrique ses meubles, si bien que l’antériorité invoquée n’est pas pertinente.
La société La Cas’a meubles soutient, en premier lieu, que la société VB Diffusion n’a pas justifié d’un titre en vigueur à la date de la requête aux fins de saisie-contrefaçon et à la date de l’assignation au fond. Elle en déduit que sa demande sur le fondement de la contrefaçon ne peut, de ce seul fait, prospérer. Elle fait valoir que la demanderesse ne s’est pas acquittée des redevances pour se prévaloir d’une protection de dix ans et que la protection a expiré à l’issue des cinq ans, en 2019.
Elle soulève, en second lieu, la nullité des modèles de la demanderesse, s’agissant de produits d’ameublement qu’elle qualifie de courants. Elle invoque le défaut de caractère nouveau tout d’abord, invoquant des photographies de meubles issues du site internet Kayumanis, et conclut au défaut de caractère propre ensuite, soulignant qu’elle vend des meubles sans aucun vide sanitaire. Au sujet du site internet Kayumanis, elle souligne que le lien avec la société La Cas’a Meubles n’y figure pas, ce qui justifie qu’elle ait pu se tromper de bonne foi.
Appréciation du tribunal
Sur le moyen de défense tiré de l’invalidité des modèles
En l’espèce, les modèles déposés par la société VB Diffusion sont les suivants:
– modèle n°20144332-001
Ce modèle de meuble, de forme rectangulaire, en bois exotique comporte un cadre ainsi que deux tiroirs espacés par une case dont la finition est en diagonale, étant précisé que la diagonale part de l’angle droit du meuble et s’arrête à un tiers de l’angle gauche du meuble. Le côté droit du meuble est composé d’une niche en forme de triangle.
– modèle n°20144332-002
Ce modèle de meuble de forme rectangulaire repose sur un socle lui-même rectangulaire, en bois exotique, qui comporte deux tiroirs séparés par une niche de forme diagonale partant du haut du meuble à gauche pour rejoindre le bas à droite. Au-dessus du tiroir de gauche existe une niche, de même qu’en-dessous du tiroir de droite.
– modèle n°20144332-004
Ce modèle de meuble en bois exotique repose sur quatre pieds en biais; un encadrement fait le tour du meuble. Il présente deux tiroirs, sur la moitié droite du meuble, l’un sur l’autre, dont la finition est en diagonale. Cette diagonale part du centre du meuble en haut, pour terminer en bas, à un tiers en partant du côté gauche du meuble.
– modèle n°20144332-010
Ce modèle de meuble en bois exotique, de forme rectangulaire, repose sur un socle rectangulaire, présente deux portes sur les extrêmités droite et gauche comportant, s’agissant du côté gauche, une étagère. Sur le bois des portes sont tracés sept traits horizontaux et en biais par alternance. Au centre du meuble, dans la niche située entre les deux portes figure un socle rectangulaire encadré par deux plaques de verre servant d’étagères.
Aucun des modèles ne comporte de dimension précise ou n’est représenté équipé d’une vasque.
Sur le paiement des redevances
En application de l’article L. 513-1 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement produit ses effets, à compter de la date de dépôt de la demande, pour une période de cinq ans qui peut être prorogée par périodes de cinq ans jusqu’à un maximum de vingt-cinq ans.
L’article R. 513-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que la prorogation d’un enregistrement de dessin ou modèle prévue à l’article L .513-1 résulte d’une déclaration de son titulaire établie dans les conditions fixées par la décision mentionnées à l’article R. 514-5. Il peut être précisé que la prorogation ne vaut que pour certains dessins ou modèles. La première prorogation peut toutefois être demandée lors du dépôt.
En l’espèce, il ressort des extraits de la base dessins & modèles de l’INPI que les quatre modèles en débat ont été déposés le 29 septembre 2014 et qu’ils ont fait l’objet d’une “prorogation à 10 ans”, la date de fin de validité étant mentionnée sur les extraits produits au 29 septembre 2024.
La société La Cas’a meubles ne conteste donc pas utilement ces éléments probants. Dès lors, il y a lieu de considérer que la demanderesse est bien titulaire de quatre titres de propriété industrielle valides.
Sur la nouveauté
Aux termes des dispositions de l’article L. 512-4 du code de la propriété intellectuelle, l’enregistrement d’un dessin ou modèle est déclaré nul par décision de justice: a) s’il n’est pas conforme aux dispositions des articles L. 511-1 à L. 511-8; […]
L’article L. 511-3 du code de la propriété intellectuelle dispose tout d’abord qu’un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou à la date de la priorité revendiquée, aucun dessin ou modèle identique n’a été divulgué. Des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants.
En vertu des dispositions de l’article L. 511-6 du code de la propriété intellectuelle, un dessin ou modèle est réputé avoir été divulgué s’il a été rendu accessible au public par une publication, un usage, ou tout autre moyen. […]
Il est constant que la nouveauté d’un modèle s’apprécie par une comparaison globale entre le modèle tel qu’il est déposé et le modèle antérieurement divulgué qui est opposé, tous deux pris dans leur ensemble constitué par la combinaison de leurs éléments caractéristiques, et non par l’examen de chacun des éléments qui les composent pris isolément.
Seule l’identité entre le modèle et la création divulguée, qui découle de l’absence de différences ou de l’existence de différences insignifiantes révélées par cet examen global, est destructrice de nouveauté et il appartient à celui qui conteste la nouveauté du modèle de rapporter la preuve du contenu et de la date certaine de la divulgation de l’antériorité qu’il oppose.
En l’espèce, la société La Cas’a Meubles produit des captures d’écran du site internet nommé Kayumanis, représentant des meubles, qui ne sont pas datées. Elles ne peuvent donc valoir antériorités opposables destructrices de nouveauté.
Ce moyen sera écarté.
Sur le caractère propre
L’article L. 511-4 du code de la propriété intellectuelle dispose ensuite qu’un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l’impression visuelle d’ensemble qu’il suscite chez l’observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d’enregistrement ou avant la date de priorité revendiquée.Pour l’appréciation du caractère propre, il est tenu compte de la liberté laissée au créateur dans la réalisation du dessin ou modèle.
Le caractère propre est établi par comparaison avec les modèles divulgués, en tous leurs éléments pris dans leur combinaison. Il ne peut ressortir uniquement de la conviction qu’aurait l’observateur averti d’une absence de copie ou d’imitation. L’observateur averti, qui n’est pas un homme de l’art, doit s’entendre d’un utilisateur doté non d’une attention moyenne mais d’une vigilance particulière, que ce soit en raison de son expérience personnelle ou de sa connaissance étendue du secteur considéré.
En l’espèce, la société La Cas’a Meubles n’invoque pas un dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt du modèle de la demanderesse, mais entend mettre en exergue une différence entre les produits qu’elle commercialise et ceux vendus par la société VB Diffusion, ce qui est impropre à remettre en question le caractère propre d’un modèle.
En tout état de cause, il doit être observé que les photographies produites ne sont là encore pas datées et que la comparaison ne peut s’effectuer qu’avec le modèle tel que déposé et non avec le produit effectivement commercialisé.
Ce moyen est inopérant.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, le moyen tiré de la nullité des titres est écarté.
Sur la contrefaçon des modèles
L’article L. 513-4 du code de la propriété intellectuelle dispose que sont interdits, à défaut du consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation, le transbordement, l’utilisation ou la détention à ces fins, d’un produit incorporant le dessin ou modèle.
L’article L. 513-5 du même code dispose que la protection conférée par l’enregistrement d’un dessin ou modèle s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente.
Il convient de rappeler que la contrefaçon d’un modèle s’apprécie au regard des caractéristiques protégées telles que déterminées par les seules reproductions graphiques ou photographiques contenues dans le certificat d’enregistrement. Elle s’apprécie par rapport aux ressemblances et non par rapport aux différences.
En l’espèce, il ressort du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé par Me [E] le 17 juin 2022, que dans les locaux de la société La Cas’a Meubles est constatée la présente des trois meubles suivants:
Ce modèle de meuble reproduit les mêmes caractéristiques que le modèle n°20144332-001 de la société VB Diffusion. De forme rectangulaire, d’une couleur évoquant un bois exotique, il comporte un cadre qui fait le tour du meuble ainsi que deux tiroirs espacés par une case dont la finition est en diagonale, étant précisé que la diagonale part de l’angle droit du meuble et s’arrête à un tiers de l’angle gauche du meuble. Le côté droit du meuble est composé d’une niche en forme de triangle. Il ne produit donc pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente.
Ce modèle de meuble reproduit les mêmes caractéristiques que le modèle n°20144332-004 de la société VB Diffusion. D’une couleur évoquant un bois exotique, il repose sur quatre pieds en biais; un cadre fait le tour du meuble. Il présente deux tiroirs, l’un sur l’autre, dont la finition est en diagonale. Cette diagonale part du centre du meuble en haut, pour terminer en bas, à un tiers en partant du côté gauche du meuble. Il ne produit donc pas sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente.
Ce modèle de meuble reproduit les mêmes caractéristiques que le modèle n°20144332-010 de la société VB Diffusion. D’une couleur de bois exotique, de forme rectangulaire, il repose sur un socle rectangulaire, présente deux portes sur les extrêmités droite et gauche comportant, s’agissant du côté gauche, une étagère. Sur le bois des portes, figurent sept traits horizontaux et en biais par alternance. Au centre du meuble, dans la niche située entre les deux portes figure un socle rectangulaire encadré par deux plaques de verre servant d’étagères. Il ne produit pas non plus sur l’observateur averti une impression visuelle d’ensemble différente.
L’huissier de justice précise dans son procès-verbal n’avoir trouvé sur place aucun exemplaire de meuble reproduisant les caractéristiques du modèle n°20144332-002. Cependant, M. [L], responsable du magasin, lui a déclaré pendant les opérations qu’il avait “un exemplaire” de ce modèle, vendu le 14 mai 2022. Ces propos sont corroborés par l’attestation de Mme [R] remise le 7 avril 2022, qui, bien que salariée de la demanderesse, affirme avoir constaté la présence d’un meuble présentant les caractéristiques décrites dans le magasin de la défenderesse. Cette dernière ne le conteste pas fermement, indiquant même que le modèle référencé #39 dans les factures qu’elle produit correspondrait au modèle -002. En l’état de ces éléments apportés et en l’absence de contradiction utile par la société La Cas’a meubles, la contrefaçon est démontrée.
Il sera enfin rappelé que la bonne foi est inopérante.
Par conséquent, en offrant à la vente et en mettant sur le marché des meubles présentant les caractéristiques des modèles n°20144332-001, 002, 004, 010, la société La Cas’a meubles a commis des actes de contrefaçon au préjudice de la société VB Diffusion, titulaire des dessins et modèles.
Sur la contrefaçon de droit d’auteur
Moyens des parties
La société VB Diffusion estime également que les meubles qui ont fait l’objet du dépôt d’un modèle sont également protégés par le droit d’auteur, comme oeuvres originales. Elle renvoie aux caractéristiques énoncées dans le cadre de ses développements sur le fondement du droit des dessins et modèles, pour conclure que leur combinaison en fait des meubles originaux. Elle estime que la date à laquelle elle a procédé au dépôt des modèles démontre la date de création et ajoute bénéficier, en sa qualité de personne morale, de la présomption de titularité des droits d’auteur. Elle conteste solliciter par ce biais un droit d’auteur sur un style de mobilier mais sur des meubles précis dont la proportion, les formes, la combinaison des éléments particuliers qu’elle décrit créent un aspect esthétique propre et original qui reflète l’empreinte de la personnalité de l’auteur.
La société La Cas’a meubles ne conclut pas sur ce point.
Appréciation du tribunal
L’article L. 111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous.
Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial, qui sont déterminés par les livres Ier et III du présent code. […]
Aux termes des dispositions de l’article L. 121-1 du code de la propriété intellectuelle, l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre.
Il est constant, en application de ces dispositions, que la protection d’une œuvre de l’esprit est acquise à son auteur sans formalité et du seul fait de la création d’une forme originale, en ce sens qu’elle porte l’empreinte de la personnalité de son auteur et n’est pas la banale reprise d’un fonds commun non appropriable. En outre, l’exploitation non équivoque d’une oeuvre par une personne morale, sous son nom et en l’absence de revendication du ou des auteurs, fait présumer à l’égard du tiers recherché pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l’oeuvre, qu’elle soit ou non collective, du droit de propriété incorporelle de l’auteur.
En l’espèce, la société VB Diffusion invoque une protection au titre du droit d’auteur sans procéder à une démonstration des caractéristiques lui permettant de considérer qu’il s’agit d’oeuvres originales, portant l’empreinte de la personnalité de son auteur.Il n’y a pas lieu d’accéder à la demande de la société VB Diffusion en ce qu’elle est fondée sur une contrefaçon de droit d’auteur.
Sur la réparation
Moyens des parties
La société VB Diffusion estime que l’acte de contrefaçon a engendré a minima une perte correspondant à la valeur vénale de chacun des meubles, soit 5.960 euros TTC, étant souligné que les faits durent, selon elle, depuis 2019. Elle ajoute avoir subi un préjudice moral, ayant perdu en crédibilité alors que l’enseigne de la défenderesse est moins réputée et ses meubles de moindre qualité. Elle rappelle que les magasins des parties ne sont distants que de quelques kilomètres et conteste le fait que la vente de meubles par la défenderesse ne soit qu’accessoire.
La société La Cas’a Meubles s’oppose au quantum de dommages-intérêts sollicité, soulignant qu’il n’est nullement étayé, qu’aucune preuve du nombre avancé de meubles vendus n’est rapporté, étant souligné que son activité de vente de meubles est accessoire.
Appréciation du tribunal
Au terme des dispositions de l’article L. 521-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d’investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d’alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l’autorisation d’utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n’est pas exclusive de l’indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
La contrefaçon de dessins et modèles étant démontrée, il convient d’accéder aux demandes d’interdiction dans les termes du dispositif de la présente décision. Il n’y a pas lieu d’ordonner à la société La Cas’a Meubles “de ne plus porter atteinte à l’image de la société demanderesse et de ne plus la dénigrer et nuire à ses intérêts”, mesure d’ordre générale déjà prévue par la loi qui n’est pas de nature à réparer la contrefaçon.
S’agissant de la réparation du préjudice, au soutien de sa demande concernant la perte subie et le manque à gagner, la société VB Diffusion entend justifier, au moyen de photographies de piètre qualité qui auraient été prises dans le magasin de la défenderesse, du prix de vente au public des quatre modèles de meubles litigieux, à savoir 1790 euros s’agissant du meuble n°1, 1760 euros pour le meuble n°2, 1580 euros pour le meuble n°3 et 2150 euros s’agissant du meuble n°4. La société La Cas’a Meubles conteste ces montants et avance d’autres tarifs (1090 euros pour le n°1, 1069 euros pour le n°2, 990 euros s’agissant du n°3 et 1100 euros s’agissant du n°4) sans davantage étayer ses dires. D’autres pièces versées au débat, parmi lesquelles des copies d’écran de pages internet concernant la commercialisation de meubles similaires, permettent toutefois de retenir cette gamme de prix comme étant pertinente. En tout état de cause, ces prix de vente ne correspondent pas au manque à gagner au sens du texte précité, alors qu’il convient de prendre en compte la marge réalisée et qu’aucun élément n’est communiqué sur ce point.
Quant au nombre total de meubles vendus, la demanderesse ne produit pas d’élément et ne fait valoir aucun droit d’information à ce titre. La société La Cas’a Meubles produit toutefois des factures fournisseur correspondant aux 2019, 2021 et 2022, signalant la référence d’articles sans qu’il soit possible de les vérifier. Elle reconnait de ce fait certains achats. Elle souligne l’absence d’import en 2019 et 2020, la commande de quatre meubles en 2021 pour une valeur à la vente de 4.249 euros et de trois meubles en 2021 pour une valeur de 3300 euros à la revente qu’elle dit ne pas avoir revendus.
S’agissant du préjudice moral, il est également établi, compte-tenu de la banalisation des modèles, alors qu’ils sont commercialisés par les deux sociétés sur l’Ile de la Réunion et que les deux enseignes sont situées à proximité l’une de l’autre.
Au regard de l’ensemble de ces considérations, il convient de condamner la société La Cas’a meubles à payer à la société VB Diffusion la somme de 5.000 euros en réparation des actes de contrefaçon des dessins et modèles, incluant la réparation du préjudice moral.
Les frais d’huissier de justice exposés dans le cadre de la saisie-contrefaçon sont indemnisés au titre des dépens.
Sur la demande reconventionnelle en dommages-intérêts
Aux termes des dispositions de l’article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En l’espèce, la demande de la société VB Diffusion étant bien fondée, la société La Cas’a Meubles ne peut utilement soutenir que la présente action lui a occasionné un préjudice. Sa demande de dommages-intérêts pour atteinte à son image et à sa réputation sera rejetée.
Sur les demandes annexes
Succombant, la société La Cas’a Meubles sera condamnée aux dépens de l’instance comprenant les frais de la saisie-contrefaçon. Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société VB Diffusion la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit. Aucune circonstance ne justifie qu’elle soit écartée en l’espèce.
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