Cour de cassation, 29 mars 2023
Cour de cassation, 29 mars 2023

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Contestation de la qualité de coauteur

Résumé

M. [E] conteste la décision de la cour d’appel qui a jugé qu’il n’était pas coauteur de l’œuvre audiovisuelle réalisée pour la société Dmax. Il soutient que sa composition musicale pour le spot publicitaire devrait lui conférer ce statut. Selon lui, la version non sonorisée ne peut être considérée comme définitive, et c’est la version intégrant sa musique qui doit être reconnue. M. [E] invoque une violation des articles L. 113-7 et L. 121-5 du code de la propriété intellectuelle, arguant que sa contribution musicale constitue une collaboration essentielle à l’œuvre audiovisuelle.

Oeuvre de collaboration

Le moyen soulevé par M. [E] concerne le fait que la cour d’appel a jugé qu’il n’était pas coauteur de l’oeuvre audiovisuelle réalisée pour le compte de la société Dmax, le rendant ainsi irrecevable à agir en atteinte de ses droits d’auteur. M. [E] conteste cette décision en arguant que la composition musicale qu’il a créée pour le spot publicitaire devrait lui conférer la qualité de coauteur de l’oeuvre. Il soutient également que la version non sonorisée du spot publicitaire ne peut être considérée comme la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle, et que c’est la version intégrant sa composition musicale qui devrait être prise en compte. Le moyen soulève ainsi des questions de collaboration, de définition de l’oeuvre audiovisuelle et de version définitive de celle-ci.

Violation de l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle

1. M. [E] conteste le fait de ne pas être reconnu comme coauteur de l’oeuvre audiovisuelle réalisée pour la société Dmax. Il soutient que la décision de la cour d’appel, selon laquelle l’oeuvre initiale n’est pas une oeuvre audiovisuelle au sens de la loi, viole l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle.

2. M. [E] affirme que sa composition musicale spécialement réalisée pour le spot publicitaire devrait le présumer coauteur de l’oeuvre audiovisuelle. Il conteste le fait que son travail ait été considéré comme indépendant et non collaboratif, violant ainsi l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle.

Violation de l’article L. 121-5 du code de la propriété intellectuelle

3. Enfin, M. [E] soutient que la cour d’appel a erronément considéré que la version non sonorisée du spot publicitaire constituait la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle. Il affirme que la version intégrant sa composition musicale livrée en octobre 2015 aurait dû être reconnue comme l’oeuvre audiovisuelle achevée, en violation de l’article L. 121-5 du code de la propriété intellectuelle.

L’oeuvre de collaboration

4. Aux termes de l’article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle, est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques et est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.

5. Une oeuvre de collaboration se caractérise par une participation concertée et une communauté d’inspiration (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.728, Bull. 2018, I, n° 57).

6. Selon l’article L. 113-3 du même code, une oeuvre est la propriété commune des coauteurs devant exercer leurs droits d’un commun accord, tandis qu’une oeuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre préexistante.

7. Selon l’article L. 113-7 de ce code, est présumé, sauf preuve contraire, coauteur d’une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration l’auteur des compositions musicales.

8. Après avoir rappelé que l’objet de la commande de la société Dmax à la société Pause B films était la réalisation d’un film publicitaire sans musique, la cour d’appel a retenu que M. [E] ne démontrait ni même n’alléguait avoir pris part à la conception de cette oeuvre non sonorisée, qu’il justifiait d’un travail indépendant effectué sur la base de la version définitive du film préalablement réalisé et que la bande son qu’il avait créée avait été incorporée à l’oeuvre préexistante, objet de la commande, sans la collaboration de son auteur, M. [Y].

9. Ayant ainsi écarté la présomption simple posée à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, elle en a exactement déduit que M. [E] n’était pas coauteur de l’oeuvre audiovisuelle sur le fondement de laquelle il agissait en contrefaçon.

Les problématiques associées à cette affaire portant sur les oeuvres de collaboration :

1. Qualification de l’oeuvre comme une oeuvre audiovisuelle au sens de l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle
2. Qualification de M. [E] en tant que coauteur du spot publicitaire intégrant sa composition musicale
3. Détermination de la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle et des oeuvres composites constituées

Oeuvres de collaboration : les thématiques associées

oeuvre audiovisuelle, coauteur, composition musicale, contrefaçon

Oeuvres de collaboration : les définitions à connaître

– Œuvre audiovisuelle : Création artistique résultant de la combinaison d’images et de sons, destinée à être diffusée sur un support audiovisuel tel que le cinéma, la télévision ou internet.

– Coauteur : Personne ayant contribué de manière originale à la création d’une œuvre, et bénéficiant ainsi de droits d’auteur sur celle-ci.

– Composition musicale : Création musicale originale résultant de l’agencement de notes, de rythmes et de mélodies, pouvant être protégée par le droit d’auteur.

– Contrefaçon : Utilisation non autorisée d’une œuvre protégée par le droit d’auteur, entraînant une violation des droits de l’auteur et pouvant donner lieu à des sanctions pénales et civiles.

Parties impliquées dans cette affaire

Les sociétés impliquées dans cette affaire sont la société Karus productions et la société Pause B films, toutes deux des sociétés à responsabilité limitée unipersonnelle.

* * *

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

CIV. 1

CF

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 29 mars 2023

Rejet

Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président

Arrêt n° 215 F-D

Pourvoi n° Q 22-13.809

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023

M. [H] [E], domicilié [Adresse 3], a formé le pourvoi n° Q 22-13.809 contre l’arrêt rendu le 11 janvier 2022 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 1), dans le litige l’opposant :

1°/ à la société Karus productions, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la société Pause B films, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Chevalier, conseiller, les observations de la SCP Thomas-Raquin, Le Guerer, Bouniol-Brochier, avocat de M. [E], de la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de la société Karus productions, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Pause B films, après débats en l’audience publique du 14 février 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Chevalier, conseiller rapporteur, M. Jessel, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 11 janvier 2022), par un devis accepté le 22 juillet 2015, la société Dmax a commandé la réalisation d’un film de communication non sonorisé à la société Pause B films, laquelle en a confié la rédaction du scénario et la réalisation à M. [Y], gérant de la société Karus productions. La société Dmax ayant souhaité que la composition de la musique du film soit confiée à M. [E], l’oeuvre audiovisuelle a été réalisée en octobre 2015.

2. M. [E], ayant constaté qu’une version modifiée de cette oeuvre intégrant une autre bande sonore que la sienne était diffusée sans son autorisation, notamment sur les sites internet des sociétés Pause B films et Karus productions, a assigné ces sociétés en contrefaçon de droit d’auteur.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. M. [E] fait grief à l’arrêt de dire qu’il n’est pas coauteur de l’oeuvre audiovisuelle réalisée pour le compte de la société Dmax, de le dire en conséquence irrecevable à agir en atteinte de ses droits d’auteur et de le débouter de l’ensemble de ses demandes indemnitaires sur le fondement du
droit commun de la responsabilité civile délictuelle, alors :

« 1°/ que constitue une oeuvre audiovisuelle les séquences animées d’images sonorisées ou non ; qu’en retenant en l’espèce que « l’oeuvre initiale, qui est une oeuvre de commande d’un film publicitaire non sonorisée, n’est en conséquence pas une oeuvre audiovisuelle au sens de l’article L. 113-7 » du code de la propriété intellectuelle ; la cour d’appel a violé l’article L. 112-2 6° du code de la propriété intellectuelle ;

2°/ que constitue une oeuvre audiovisuelle, les séquences animées d’images, sonorisées ou non ; qu’est présumé, sauf preuve contraire, coauteur d’une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration, l’auteur des compositions musicales spécialement réalisées pour l’oeuvre ; qu’en déniant
en l’espèce à M. [E] la qualité de coauteur du spot publicitaire intégrant sa composition musicale, livré en octobre 2015 à la société Dmax, sur le fondement duquel il agissait en contrefaçon en considérant qu’il n’est pas démontré un travail de collaboration mais au contraire un travail indépendant de M. [E] sur la base de la version définitive du spot publicitaire non sonorisé préalablement réalisé, que la bande son créée par lui a été incorporée à l’oeuvre préexistante, à savoir le film publicitaire non sonorisé objet de la commande, sans la collaboration de son auteur M. [Y], sans constater que M. [E] n’avait pas créé la composition musicale du spot publicitaire livré à la société Dmax en octobre 2015 spécialement pour ce spot, la cour d’appel a violé l’article L.113-7 du code de la propriété intellectuelle ;

3°/ qu’une oeuvre audiovisuelle est réputée achevée lorsque sa version définitive a été établie d’un commun accord entre, d’une part, le réalisateur ou, éventuellement, les coauteurs et, d’autre part, le producteur et toute modification de cette version par addition, suppression ou changement d’un
élément quelconque exige l’accord des personnes sus mentionnées ; qu’en retenant en l’espèce que, sur la base de « la version définitive du spot publicitaire préalablement réalisé », à savoir l’oeuvre non sonorisée commandée par la société Dmax à la société Pause B films, deux oeuvres distinctes ont été constituées : un spot publicitaire intégrant la composition
musicale de M. [E] livré en octobre 2005 à la société Dmax et un spot publicitaire intégrant la composition musicale de M. [T], qu’il s’agit de deux versions du même spot publicitaire constituant des oeuvres composites, c’est-à-dire des oeuvres nouvelles à laquelle sont incorporées une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière,
sans justifier en quoi la version non sonorisée du spot publicitaire constituait la version définitive de l’oeuvre audiovisuelle qu’elle constituait, pouvant être réputée achevée pour avoir été établie non seulement avec l’accord du réalisateur ou des coauteurs mais également de son producteur qu’elle n’a pas même identifié ni justifier en quoi ce n’était pas la version du spot publicitaire intégrant la composition musicale de M. [E] et livré à la
société Dmax en octobre 2015 qui constituait l’oeuvre audiovisuelle achevée, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard de l’article L. 121-5 du code de la propriété intellectuelle. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l’article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle, est dite de collaboration l’oeuvre à la création de laquelle ont concouru plusieurs personnes physiques et est dite composite l’oeuvre nouvelle à laquelle est incorporée une oeuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière.

5. Une oeuvre de collaboration se caractérise par une participation concertée et une communauté d’inspiration (1re Civ., 21 mars 2018, pourvoi n° 17-14.728, Bull. 2018, I, n° 57).

6. Selon l’article L. 113-3 du même code, une oeuvre est la propriété commune des coauteurs devant exercer leurs droits d’un commun accord, tandis qu’une oeuvre composite est la propriété de l’auteur qui l’a réalisée, sous réserve des droits de l’auteur de l’oeuvre préexistante.

7. Selon l’article L. 113-7 de ce code, est présumé, sauf preuve contraire, coauteur d’une oeuvre audiovisuelle réalisée en collaboration l’auteur des compositions musicales.

8. Après avoir rappelé que l’objet de la commande de la société Dmax à la société Pause B films était la réalisation d’un film publicitaire sans musique, la cour d’appel a retenu que M. [E] ne démontrait ni même n’alléguait avoir pris part à la conception de cette oeuvre non sonorisée, qu’il justifiait d’un travail indépendant effectué sur la base de la version définitive du film préalablement réalisé et que la bande son qu’il avait créée avait été incorporée à l’oeuvre préexistante, objet de la commande, sans la collaboration de son auteur, M. [Y].

9. Ayant ainsi écarté la présomption simple posée à l’article L. 113-7 du code de la propriété intellectuelle, elle en a exactement déduit que M. [E] n’était pas coauteur de l’oeuvre audiovisuelle sur le fondement de laquelle il agissait en contrefaçon.

10. Il s’ensuit que le moyen, inopérant en sa première branche, n’est pas fondé pour le surplus.

 

 


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