Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Douai
Thématique : Les pièges de la procédure devant l’INPI
→ RésuméLa procédure devant l’INPI impose des exigences strictes de formalité. Le requérant doit soumettre ses conclusions au directeur général et justifier leur notification au greffe dans un délai de trois mois, sous peine de caducité. Dans l’affaire Veta France, bien que les conclusions aient été envoyées dans les délais, la justification de cette transmission a été faite tardivement, entraînant la caducité du recours. Ces règles visent à garantir le respect du contradictoire et à assurer une bonne administration de la justice, sans porter atteinte au droit d’accès au juge, conformément à la Convention européenne des droits de l’homme.
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Des exigences procédurales renforcées
S’il pèse sur le requérant et le défendeur au recours des exigences procédurales renforcées, c’est dans l’objectif d’assurer le respect du contradictoire et le bon déroulement de la procédure dans les délais fixés par la cour dès réception du recours ainsi que le prévoit l’article R411-41 du code de la propriété intellectuelle.
Etant de surcroît observé que le directeur de l’INPI n’a pas accès au réseau privé virtuel des avocats et que l’envoi en recommandé des écritures avec dépôt du justificatif de l’envoi au greffe dans le délai de trois mois permet de respecter le délai de transmission des conclusions imposé pour les communication par RPVA.
Le formalisme ainsi instauré, qui s’impose tant au requérant qu’au défendeur, dans une procédure dans laquelle les parties sont représentées par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
Ces exigences résultent d’un texte réglementaire, sont accessibles et prévisibles et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.
L’affaire Veta France
En l’espèce, le recours a été formé le 1er juillet 2022, de sorte que la société Veta France devait déposer ses conclusions, les notifier par lettre recommandée avec accusé de réception et en justifier au greffe dans un délai de trois mois, soit jusqu’au 1er octobre 2022.
Si les conclusions de la société VETA France ont bien été adressées au directeur de l’INPI le 29 septembre 2022, la justification de cette transmission n’a quant à elle été adressée au greffe que le 3 novembre 2022, si bien qu’il a lieu de déclarer le recours caduc.
Le délai de trois mois
Pour rappel, selon l’article R 411-30 du code de la propriété intellectuelle, « le défendeur dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions du demandeur mentionnée à l’article R 411-29 pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant un recours incident.
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
L’article 911-2 du code de procédure civile
Il résulte de l’article R 411-20 du code de la propriété intellectuelle que « sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l’article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile ».
L’article 911-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l’instance, prévoit que les délais de significations sont allongés de deux mois lorsque les parties résident à l’étranger.
Par application des dispositions de l’article R 411-20 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent aux recours formés contre les décisions du directeur de l’INPI, sous réserve des dispositions particulières figurant à la section 3 « recours exercés devant la cour d’appel contre les décisions du directeur général de l’INPI’, du chapitre premier, du Titre premier du Livre IV du code de la propriété intellectuelle .
L’article R 411-34 du code de la propriété intellectuelle :
« Sous les sanctions prévues aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties et adressées au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle dans le même délai que celui de leur remise au greffe de la cour.
Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions faite à une partie dans le délai prévu aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32 ainsi qu’au premier alinéa constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe. »
La notification de conclusions
La notification de conclusions faite à une partie dans le délai prévu aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32 ainsi qu’au premier alinéa constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe. »
L’article R 411-37 du même code dispose que : « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Toutefois, lorsque la cour d’appel est saisie d’un recours formé en application du second alinéa de l’article R. 411-19, demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
Si la demande de caducité n’a été formée que dans les conclusions remises le 2 novembre 2023, la demande de caducité ne constitue pas une demande au fond de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit présentée dès les premières conclusions.
Au surplus, il sera précisé que la caducité peut être relevée d’office et qu’elle a été soumise au débat. Le moyen est recevable.
Selon l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
Les articles R 411-29 et R 411-34 du code de la propriété intellectuelle sont issus du décret n°2019-1316 du 9 décembre 2019 lequel a pour objectif de rapprocher la procédure des recours contre les décisions du directeur de l’INPI de la procédure civile d’appel notamment de permettre à la juridiction que le principe du contradictoire est respecté.
L’article R 411-41 du code de la propriété intellectuelle dispose que « sous réserve des dispositions des articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, le président de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée fixe les délais dans lesquels les parties à l’instance se communiquent leurs conclusions, les adressent au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en déposent copie au greffe de la cour.
Il fixe la date des débats.
Le greffe informe les avocats des parties de ces délais et les avise de la date des débats.
Il avise le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle de la date des débats. »
Aux termes de l’article R 411-29 du code de la propriété intellectuelle : « à peine de caducité de l’acte de recours, relevée d’office, le demandeur dispose d’un délai de trois mois à compter de cet acte pour remettre ses conclusions au greffe. »
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
L’article R 411-30 du même code dispose que « le défendeur dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions du demandeur mentionnée à l’article R. 411-29 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un recours incident.
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
Ces textes ont la même rédaction et les mêmes exigences sont imposées au requérant et au défendeur sous les sanctions de caducité et d’irrecevabilité.
Les dispositions de l’article R 411-32 du code de la propriété intellectuelle, iconcernent la procédure applicable au défendeur à un recours incident et à l’ intervenant forcé et volontaire qui ne sont pas dans la même position que les autres parties.
Exposé du Litige
La société Veta France a enregistré la marque « VÉTApier » le 15 octobre 2007, renouvelée par la suite, pour divers produits et services, notamment dans les classes 17, 19 et 37, touchant à l’isolation, aux matériaux de construction et aux services de construction.
Demande de Déchéance
Le 20 août 2021, la société Veka Aktiengesellschaft a déposé une demande de déchéance de la marque n°07/3531501, arguant que celle-ci n’avait pas fait l’objet d’un usage sérieux.
Décision de l’INPI
Le 3 juin 2022, le Directeur de l’INPI a statué en faveur de la demande de déchéance, déclarant Veta France déchue de ses droits sur la marque à compter du 22 mars 2013 et lui imposant le paiement de 550 euros pour les frais engagés.
Recours de Veta France
Veta France a formé un recours contre cette décision le 1er juillet 2022, contestant la déchéance et affirmant avoir utilisé sa marque de manière sérieuse pour certains produits et services pendant la période pertinente.
Prétentions de Veta France
Dans ses conclusions du 8 décembre 2023, Veta France a demandé à la cour de déclarer irrecevable la demande de caducité de Veka AG et de réformer la décision de l’INPI, en prouvant l’usage sérieux de sa marque.
Prétentions de Veka AG
Veka AG, dans ses conclusions du 2 novembre 2023, a demandé la caducité du recours de Veta France et la confirmation de la décision de l’INPI, arguant que Veta France n’avait pas fait un usage sérieux de sa marque.
Observations du Directeur de l’INPI
Le 21 juillet 2023, le Directeur de l’INPI a transmis ses observations à la cour, tandis que le ministère public a exprimé son avis le 4 août 2023, laissant la cour apprécier la situation.
Recevabilité des Conclusions de Veka AG
La cour a examiné la recevabilité des conclusions de Veka AG, concluant qu’elles étaient valides car déposées dans les délais impartis, conformément aux règles de procédure.
Caducité du Recours
La cour a analysé la demande de caducité soulevée par Veka AG, notant que Veta France n’avait pas respecté les exigences de notification et de justification auprès du greffe dans le délai imparti, entraînant la caducité de son recours.
Décision Finale
La cour a déclaré le recours de Veta France caduc, condamnant cette dernière à verser 5 000 euros à Veka AG pour les frais de justice et aux dépens de l’instance.
Quelle est la nature de la demande de déchéance formulée par la société Veka AG ?
La demande de déchéance formulée par la société Veka Aktiengesellschaft (Veka AG) repose sur l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, qui stipule que « la déchéance de la marque peut être prononcée lorsque celle-ci n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux pendant une période ininterrompue de cinq ans ».
Dans le cas présent, Veka AG a soutenu que la marque « VÉTApier » n’avait pas été utilisée de manière sérieuse depuis le 22 mars 2013, ce qui a conduit le directeur de l’INPI à statuer en faveur de la déchéance de la marque.
L’article L. 714-5 précise également que l’usage sérieux doit être apprécié au regard des circonstances de l’espèce, notamment la nature des produits ou services concernés, le volume des ventes, et la durée de l’usage.
Ainsi, la demande de déchéance s’inscrit dans un cadre légal précis, visant à protéger l’intégrité du registre des marques en évitant que des marques non utilisées ne bloquent l’accès au marché pour d’autres acteurs.
Quels sont les arguments de la société Veta France pour contester la décision de déchéance ?
La société Veta France conteste la décision de déchéance en affirmant avoir fait un usage sérieux de sa marque « VÉTApier » pour les produits et services désignés, notamment dans les classes 19 et 37, pendant la période pertinente du 20 août 2016 au 20 août 2021.
Selon l’article L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, l’usage sérieux peut être prouvé par tout moyen, y compris des documents commerciaux, des factures, ou des témoignages. Veta France soutient qu’elle a des justifications suffisantes pour démontrer cet usage, en se basant sur des éléments tangibles tels que des ventes, des publicités, ou des contrats.
En outre, la société Veta France avance qu’elle dispose de justes motifs pour justifier l’absence d’usage dans certains cas, ce qui pourrait également influencer la décision de la cour. L’article L. 714-5 précise que l’absence d’usage peut être excusée par des circonstances particulières, telles que des difficultés économiques ou des événements imprévus.
Quelles sont les conséquences d’une décision de caducité du recours ?
La caducité du recours, comme stipulé dans l’article R. 411-29 du Code de la propriété intellectuelle, entraîne la perte de tout droit d’appel de la décision contestée. Cela signifie que la décision du directeur de l’INPI, qui a prononcé la déchéance de la marque, devient définitive et exécutoire.
En vertu de l’article R. 411-30, la caducité est prononcée lorsque les parties ne respectent pas les délais de notification et de remise des conclusions. Dans ce cas, la société Veta France a été déclarée caduc en raison de la non-justification de l’envoi de ses conclusions au greffe dans le délai imparti.
Les conséquences incluent également la condamnation aux dépens, conformément à l’article 700 du Code de procédure civile, qui permet à la partie gagnante de demander une indemnité pour couvrir ses frais de justice. Cela peut avoir un impact financier significatif sur la société Veta France, qui devra également payer les frais exposés par la société Veka AG.
Quels sont les délais et formalités à respecter pour la notification des conclusions ?
Les délais et formalités pour la notification des conclusions sont clairement établis par les articles R. 411-29 et R. 411-30 du Code de la propriété intellectuelle. Selon ces articles, le demandeur dispose d’un délai de trois mois à compter de l’acte de recours pour remettre ses conclusions au greffe et les adresser au directeur général de l’INPI.
Il est également précisé que cette notification doit être faite par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, et que le demandeur doit justifier de cette notification auprès du greffe dans le même délai.
La non-respect de ces formalités peut entraîner la caducité du recours, comme cela a été le cas pour la société Veta France, qui n’a pas justifié l’envoi de ses conclusions dans le délai imparti.
L’article R. 411-34 souligne que la notification des conclusions doit être effectuée dans le mois suivant l’expiration des délais prévus, ce qui renforce l’importance de respecter ces exigences procédurales pour garantir le bon déroulement de la procédure.
Quelles sont les implications de la décision de la cour sur le droit d’accès au juge ?
La décision de la cour de déclarer le recours caduc soulève des questions sur le droit d’accès au juge, qui est protégé par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme. Cet article garantit à toute personne le droit à un procès équitable, public et dans un délai raisonnable.
Cependant, la cour a jugé que les exigences procédurales imposées par le Code de la propriété intellectuelle, notamment en matière de notification et de justification des conclusions, ne portent pas atteinte à ce droit. Ces exigences visent à assurer le respect du contradictoire et à garantir une bonne administration de la justice.
La cour a également souligné que les formalités imposées sont accessibles et prévisibles, et qu’elles ne constituent pas un obstacle disproportionné à l’accès au juge. En effet, ces règles sont conçues pour faciliter le bon déroulement des procédures et éviter les abus, tout en respectant les droits des parties.
Ainsi, bien que la décision de caducité puisse sembler restrictive, elle s’inscrit dans un cadre légal visant à protéger l’intégrité des procédures judiciaires et à garantir un traitement équitable pour toutes les parties impliquées.
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Douai
RG n°
22/03177
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
CHAMBRE 1 SECTION 2
ARRÊT DU 14/11/2024
N° de MINUTE :
N° RG 22/03177 – N° Portalis DBVT-V-B7G-ULWP
Décision (N° DC21-0123/)
rendue le 03 juin 2022 par l’Institut [10] de [Localité 7]
APPELANTE
La SAS Veta France
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 5]
[Localité 4]
représentée par Me Bernard Franchi, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Myriam Moatty, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
INTIMÉS
Monsieur le directeur de L’INPI
[Adresse 1]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représenté par Mme [L], munie d’un pouvoir
La société Veka Aktiengesellschaft
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège social [Adresse 9]
[Localité 3] (Allemagne)
représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué
assistée de Me Stéphanie Legrand, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l’audience publique du 10 juin 2024, après réouverture des débats par mention au dossier, tenue en double rapporteur par Catherine courteille et Véronique Galliot, après accord des parties.
Les parties ont été avisées à l’issue des débats que l’arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Anaïs Millescamps
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Catherine Courteille, présidente de chambre
Samuel Vitse, conseiller
Véronique Galliot, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 14 novembre 2024 après prorogation du délibéré en date du 26 septembre 2024 (date indiquée à l’issue des débats) et signé par Catherine Courteille, présidente et Anaïs Millescamps, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
OBSERVATIONS ÉCRITES DU MINISTÈRE PUBLIC : 04 août 2023
ORDONNANCE DE CLOTURE : 18 décembre 2023
La société Veta France a déposé le 15 octobre 2007, la marque « VÉTApier » n°07/3531501, reproduite ci-après, publiée au BOPI 2008-12 du 21 mars 2008 et régulièrement renouvelée, portant sur les produits et services suivants :
« Classe 17 : Matière à calfeutrer, à étouper et à isoler ; résines artificielles ou synthétiques (produits semi-finis) ; fibres ou laine de verre pour l’isolation ;
Classe 19 : Matériaux de construction non métalliques ; monuments non métalliques ; constructions non métalliques ; béton ; ciments ;
Classe 37 : Construction d’édifices permanents, de routes, de ponts ; informations en matière de constructions ; supervision (direction) de travaux de constructions ; maçonnerie ; travaux de plâtrerie ou de plomberie ; travaux de couverture de toits ; services d’étanchéité (construction) ; démolition de constructions ; location de machines de chantier ».
Le 20 août 2021, la société Veka Aktiengesellschaft (ci-après Veka AG) a présenté une demande en déchéance sous la référence DC 21-0123 contre la marque n°07/3531501 auprès du directeur de l’INPI, au motif que « la marque n’a pas fait l’objet d’un usage sérieux ».
Par décision du 3 juin 2022, M. le Directeur de l’INPI a décidé que la demande en déchéance DC21-0123 était justifiée, a déchu la société Veta France de ses droits sur la marque n° 07/3531501 à compter du 22 mars 2013 pour l’ensemble des produits et services désignés à l’enregistrement et mis à sa charge la somme de 550 euros au titre des frais exposés.
Par déclaration reçue au greffe le 1er juillet 2022, la société Veta France a formé un recours à l’encontre de cette décision.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 8 décembre 2023, la société Veta France demande à la cour de
A titre liminaire :
juger que la société Veka AG est irrecevable, à tout le moins mal fondée, en sa demande de caducité du recours qu’elle a formé à l’encontre de la décision rendue par M. le Directeur de l’INPI le 3 juin 2022, en conséquence, l’en débouter ;
A titre principal :
réformer la décision rendue par M. le Directeur de l’INPI le 3 juin [Immatriculation 2]-0123/CEF en ce qu’elle a énoncé :
Article 1 : la demande en déchéance DC 21-0123 est justifiée ;
Article 2 : la société Veta France est déclarée déchue de ses droits sur la marque n° 07/3531501 à compter du 22 mars 2013 pour l’ensemble des produits et services désignés à l’enregistrement ;
Article 3 : la somme de 550 euros est mise à la charge de la société par actions simplifiée Veta France au titre des frais exposés.
En conséquence, elle demande à la cour statuant de nouveau de :
A titre principal :
juger qu’elle a fait un usage sérieux de sa marque VETApier n° 07/3531501 pour désigner les produits et services suivants : « Matériaux de construction non métalliques ; constructions non métalliques (classe 19) Informations en matière de construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; (classe 37) », pendant la période à prendre en compte à savoir du 20 août 2016 au 20 août 2021 inclus ;
A titre subsidiaire,
juger qu’elle dispose de justes motifs pour justifier de l’absence d’usage sérieux de sa marque VETApier n° 07/3531501 pour désigner les produits et services suivants : « Matériaux de construction non métalliques ; constructions non métalliques (classe 19) Informations en matière de construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; (classe 37) », pendant la période à prendre en compte à savoir du 20 août 2016 au 20 août 2021 inclus ;
juger en conséquence n’y avoir lieu en tout état de cause à la déclarer déchue de ses droits sur la marque n° 07/3531501 à compter du 22 mars 2013 pour désigner les produits et services suivants « Matériaux de construction non métalliques ; constructions non métalliques (classe 19) Informations en matière de construction ; supervision (direction) de travaux de construction ; (classe 37) », et rejeter les demandes formées en ce sens par la société Veka AG ;
ordonner la notification de l’arrêt à intervenir à M. le Directeur de l’INPI conformément aux dispositions de l’article R. 411-42 du code de la propriété intellectuelle ;
condamner la société Veka AG à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et mettre la somme de 550 euros à la charge de la société Veka AG au titre des frais exposés devant M. le Directeur de l’INPI ;
condamner la société Veka AG en tous les dépens de l’instance dont le montant sera recouvré par la SCP Processuel, avocats postulants, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées au greffe le 2 novembre 2023, la société Veka AG demande à la cour de :
A titre principal,
juger caduc le recours formé par la société Veta France le 1er juillet 2022 à l’encontre de la décision du Directeur Général de l’INPI du 3 juin 2022 ;
A titre subsidiaire,
confirmer la décision DC21-0123/CEF du 3 juin 2022 de M. le Directeur de l’INPI ayant décidé que :
Article 1 : La demande en déchéance DC21-0123 est justifiée.
Article 2 : La société par actions simplifiée Veta France est déclarée déchue de ses droits sur la marque n° 07/3531501 à compter du 22 mars 2013 pour l’ensemble des produits et services désignés à l’enregistrement.
Article 3 : La somme de 550 euros est mise à la charge de la société par actions simplifiée Veta France au titre des frais exposés ».
Y ajoutant :
juger que les pièces produites par la société Veta France, dépendant de la « période suspecte » allant du 20 mai au 20 août 2021, ne font pas obstacle à la déchéance de la marque n° 3531501 ;
juger que la société Veta France n’a pas fait un usage sérieux de la marque française n° 3531501 pour désigner les « matériaux de construction non métalliques ; constructions non métalliques » en classe 19 et les « informations en matière de construction ; supervision (direction de travaux) de construction » en classe 37 au cours de la période pertinente ;
juger que la société Veta France ne dispose pas de justes motifs de non-usage de la marque française n° 3531501 ;
débouter la société Veta France de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
porter à 1100 euros (« 600 euros «au titre de la phase écrite » et 500 euros « au titre des frais de représentation ») la somme que la société Veta France sera condamnée à payer à la Société VEKA AG, sur le fondement de l’article L.716-1-1 du code de la propriété intellectuelle ;
condamner la société Veta France à lui verser la somme de 7 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel.
Le 21 juillet 2023, le Directeur de l’INPI a transmis ses observations à la cour.
Le ministère public, par un avis écrit reçu au greffe le 4 août 2023, s’en rapporte à l’appréciation de la cour.
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées, soutenues à l’audience et rappelées ci-dessus.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 décembre 2023.
Par note adressée aux parties le 24 septembre 2024, la cour a sollicité les observations des parties sur :
– la recevabilité des conclusions déposées par la société Veka AG,
– les conditions de remise au greffe de la cour des justificatifs de la notification des conclusions du requérant au directeur de l’INPI et l’éventuelle caducité du recours.
En réponse à la demande d’observations de la cour la société Veka AG a adressé des observations le 08 octobre 2024, faisant valoir que son siège étant situé en Allemagne les dispositions de l’article 916 nouveau lui sont applicables et qu’elle déposée ses conclusions par RPVA dans les délais.
Elle maintient ses observations sur la caducité du recours fondée sur le non-respect des dispositions de l’article R 411-29 du code de la propriété industrielle. Elle précise qu’il ne saurait y avoir d’atteinte au droit à exercer un recours dès lors que l’exigence de formalité résulte d’un texte réglementaire.
1- Sur la recevabilité des conclusions déposées par la société Veka AG
Selon l’article R 411-30 du code de la propriété intellectuelle, « le défendeur dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions du demandeur mentionnée à l’article R 411-29 pour remettre ses conclusions au greffe et former le cas échéant un recours incident.
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
Il résulte de l’article R 411-20 du code de la propriété intellectuelle que « sous réserve des dispositions particulières de la présente section, les recours mentionnés à l’article R. 411-19 sont formés, instruits et jugés conformément aux dispositions du code de procédure civile ».
L’article 911-2 du code de procédure civile, dans sa rédaction applicable à l’instance, prévoit que les délais de significations sont allongés de deux mois lorsque les parties résident à l’étranger.
La société Veka AG a son siège à [Localité 11] en Allemagne, elle a répliqué le 28 février 2023 aux écritures de la société Veta France, qui lui ont été signifiées le 29 septembre 2022, elle a par ailleurs justifié auprès du greffe avoir adressé ses écritures et pièces au directeur de l’INPI le 28 février 2023, ces conclusions sont donc recevables.
2- Sur la caducité
2-1 sur la recevabilité du moyen
La société Veta France soutient que la demande de caducité de la société Veka AG est irrecevable en ce qu’aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile, les parties doivent à peine d’irrecevabilité, faire connaître l’intégralité de leurs prétentions dès leur premier jeu de conclusions. Or, elle n’a soulevé la caducité que par conclusions déposées le 2 novembre 2023, intervenant après ses conclusions du 28 février 2023.
La société Veka AG fait valoir que le moyen n’est pas pertinent dès lors que la caducité peut être relevée d’office par la cour.
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Par application des dispositions de l’article R 411-20 du code de la propriété intellectuelle, les dispositions du code de procédure civile s’appliquent aux recours formés contre les décisions du directeur de l’INPI, sous réserve des dispositions particulières figurant à la section 3 « recours exercés devant la cour d’appel contre les décisions du directeur général de l’INPI’, du chapitre premier, du Titre premier du Livre IV du code de la propriété intellectuelle .
L’article R 411-34 du code de la propriété intellectuelle : « sous les sanctions prévues aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties et adressées au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle dans le même délai que celui de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l’expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n’ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions faite à une partie dans le délai prévu aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32 ainsi qu’au premier alinéa constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe. »
L’article R 411-37 du même code dispose que : « à peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.
Toutefois, lorsque la cour d’appel est saisie d’un recours formé en application du second alinéa de l’article R. 411-19, demeurent recevables les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait. »
Si la demande de caducité n’a été formée que dans les conclusions remises le 2 novembre 2023, la demande de caducité ne constitue pas une demande au fond de sorte qu’il n’est pas nécessaire qu’elle soit présentée dès les premières conclusions. Au surplus, il sera précisé que la caducité peut être relevée d’office et qu’elle a été soumise au débat. Le moyen est recevable.
2-2 sur la caducité
La société Veka fait valoir que les recours contre les décisions du directeur de l’INPI sont régis pour ce qui concerne les notification par les seules dispositions du code de la propriété intellectuelle, lesquelles mettent à la charge des parties la notification des écritures au directeur de l’INPI, cette exigence qui s’impose également aux autres parties à l’instance, ne porte pas atteinte au droit d’accès au juge.
La société Veta France réplique qu’elle a exercé son recours le 1er juillet 2022 et disposait d’un délai de trois mois expirant le 1er octobre pour déposer ses conclusions et les envoyer au directeur général de l’INPI.
Elle a respecté le délai en déposant ses conclusions le 29 septembre 2022 et en les adressant le même jour au directeur de l’INPI. Le texte de l’article R 411-29 ne donne aucune précision sur les justificatifs à fournir et ajoute que selon elle aucun délai n’est requis pour la transmission au greffe des justificatifs. Elle soutient que les dispositions de l’article R 411-32 qui prévoient également la justification auprès du greffe de l’envoi de conclusions au directeur de l’INPI comporte, avant la mention « et en justifient auprès du greffe’, une virgule de sorte que le texte s’interprète clairement en ce que la justification auprès du greffe n’est pas requise dans le délai de trois mois, seule la formalité de l’envoi des écritures au directeur de l’INPI dans le délai de trois mois s’impose dont il doit être justifié. Elle soutient que le texte de l’article R 411-29 du code de la propriété intellectuelle doit s’interpréter de la même manière sauf à imposer un formalisme excessif portant atteinte au droit d’accès au juge.
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Selon l’article 6 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial.
Les articles R 411-29 et R 411-34 du code de la propriété intellectuelle sont issus du décret n°2019-1316 du 9 décembre 2019 lequel a pour objectif de rapprocher la procédure des recours contre les décisions du directeur de l’INPI de la procédure civile d’appel notamment de permettre à la juridiction que le principe du contradictoire est respecté.
L’article R 411-41 du code de la propriété intellectuelle dispose que « sous réserve des dispositions des articles R. 411-29, R. 411-30 et R. 411-32, le président de la chambre à laquelle l’affaire est distribuée fixe les délais dans lesquels les parties à l’instance se communiquent leurs conclusions, les adressent au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en déposent copie au greffe de la cour.
Il fixe la date des débats.
Le greffe informe les avocats des parties de ces délais et les avise de la date des débats.
Il avise le directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle de la date des débats. »
Aux termes de l’article R 411-29 du code de la propriété intellectuelle : « à peine de caducité de l’acte de recours, relevée d’office, le demandeur dispose d’un délai de trois mois à compter de cet acte pour remettre ses conclusions au greffe. »
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
L’article R 411-30 du même code dispose que « le défendeur dispose, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions du demandeur mentionnée à l’article R. 411-29 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, un recours incident.
Sous la même sanction et dans le même délai, il adresse ses conclusions par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au directeur général de l’Institut national de la propriété industrielle et en justifie auprès du greffe. »
Les deux textes ont la même rédaction et contrairement à ce que soutient la société Veta France, les mêmes exigences sont imposées au requérant et au défendeur sous les sanctions de caducité et d’irrecevabilité.
Les dispositions de l’article R 411-32 du code de la propriété intellectuelle, invoquée par la société Veta France, concernent la procédure applicable au défendeur à un recours incident et à l’ intervenant forcé et volontaire qui ne sont pas dans la même position que les autres parties.
Il se déduit de ces textes, à l’inverse de ce que soutient la société Veta France, que l’auteur du recours doit adresser ses conclusions au directeur général de l’INPI et en justifier au greffe, à peine de caducité, dans le dans le même temps, c’est à dire dans le délai imparti par l’article R 411-29 du code de la propriété intellectuelle. La même exigence est faite au défendeur au recours, le greffe doit avoir reçu justification de la notification dans le délai de trois mois fixé par les textes.
S’il pèse sur le requérant et le défendeur au recours des exigences procédurales renforcées, c’est dans l’objectif d’assurer le respect du contradictoire et le bon déroulement de la procédure dans les délais fixés par la cour dès réception du recours ainsi que le prévoit l’article R411-41 du code de la propriété intellectuelle.
Etant de surcroît observé que le directeur de l’INPI n’a pas accès au réseau privé virtuel des avocats et que l’envoi en recommandé des écritures avec dépôt du justificatif de l’envoi au greffe dans le délai de trois mois permet de respecter le délai de transmission des conclusions imposé pour les communication par RPVA.
Le formalisme ainsi instauré, qui s’impose tant au requérant qu’au défendeur, dans une procédure dans laquelle les parties sont représentées par un professionnel du droit, poursuivent un but légitime au sens de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
Ces exigences résultent d’un texte réglementaire, sont accessibles et prévisibles et ne portent pas une atteinte disproportionnée au droit d’accès au juge.
En l’espèce, le recours a été formé le 1er juillet 2022, de sorte que la société Veta France devait déposer ses conclusions, les notifier par lettre recommandée avec accusé de réception et en justifier au greffe dans un délai de trois mois, soit jusqu’au 1er octobre 2022.
Si les conclusions de la société VETA France ont bien été adressées au directeur de l’INPI le 29 septembre 2022, la justification de cette transmission n’a quant à elle été adressée au greffe que le 3 novembre 2022, si bien qu’il a lieu de déclarer le recours caduc.
3- Sur les demandes accessoires :
La société Veta France succombante, sera condamnée aux dépens ainsi qu’à une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile qu’il convient de fixer à 5 000 euros.
Déclare le recours formé par la société Veta France le 1er juillet 2022 à l’encontre de la décision du directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle du 3 juin 2022 caduc
Condamne la société Veta France à payer à la société Veka Aktiengesellschaft la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
Condamne la société Veta France aux dépens
Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre recommandée avec avis de réception par les soins du greffier aux parties et au directeur de l’institut national de la propriété intellectuelle.
Le greffier
Anaïs Millescamps
La présidente
Catherine Courteille
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