Cour d’appel de Colmar, 24 avril 2024
Cour d’appel de Colmar, 24 avril 2024

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Colmar

Thématique : Affaire SALETIO vs SALITOS: le risque de confusion entre marques de bières

Résumé

L’affaire SALETIO vs SALITOS soulève des questions cruciales sur le risque de confusion entre marques de bières. La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a contesté l’opposition de MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH, arguant que sa marque SALETIO ne créait pas de confusion avec SALITOS. Cependant, la cour a constaté des similarités visuelles et phonétiques significatives entre les deux marques, renforcées par la nature similaire des produits. Le risque de confusion a été jugé élevé, notamment pour les consommateurs non professionnels. La décision de l’INPI a été confirmée, et la demande de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a été rejetée.

Le risque de confusion, s’entend du risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise, ou le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

Pour qu’il y ait risque de confusion, il faut dans un premier temps apprécier la similitude entre les signes, qui doit s’apprécier de manière globale, en se fondant sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent, tout en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants et de tous les facteurs pertinents.

Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

L’appréciation globale du risque de confusion, implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte ; ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés, peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

Résumé de l’affaire

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a déposé deux demandes d’enregistrement de marques, contestées par la société allemande MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH en raison d’un risque de confusion avec sa propre marque ‘SALITOS’. Après une procédure contradictoire, l’INPI a partiellement rejeté les demandes d’enregistrement de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER. Cette dernière a interjeté appel de la décision. Les parties ont formulé des prétentions contradictoires, la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER demandant l’annulation de la décision de l’INPI et l’admission à l’enregistrement de sa marque, tandis que la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH demande le rejet du recours et des dommages et intérêts. L’affaire a été retenue pour audience le 26 février 2024.

Les points essentiels

Introduction de l’affaire

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a introduit une demande visant à rejeter l’opposition formée contre l’enregistrement de sa marque SALETIO. Cette demande a été examinée par la cour, qui a analysé la légalité des décisions prises par le Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Irrecevabilité des demandes de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER

La cour a jugé que la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER ne pouvait pas demander le rejet de l’opposition, mais seulement l’annulation de la décision de l’INPI. Par conséquent, la demande de rejet de l’opposition et d’admission à l’enregistrement de la marque SALETIO a été déclarée irrecevable.

Rappel des textes applicables

Selon l’article L.712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle, l’opposant doit prouver l’usage sérieux de la marque antérieure au cours des cinq années précédant la demande d’enregistrement contestée. À défaut de cette preuve, l’opposition est rejetée. L’article L.714-5 précise les conditions d’usage sérieux, y compris l’usage avec consentement et sous forme modifiée.

Usage sérieux des marques antérieures SALITOS

Le Directeur Général de l’INPI a reconnu l’usage sérieux de la marque SALITOS pour les produits « bières, bières avec tequila ». Il a également considéré que les produits et services complémentaires, tels que les boissons alcooliques et les services de bar, étaient similaires et pouvaient être attribués à une origine commune.

Preuves d’usage de la marque SALITOS

La société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH a fourni des preuves d’usage de la marque SALITOS, notamment des factures et des mises en vente sur des sites Internet. Ces preuves ont été jugées suffisantes pour démontrer un usage sérieux de la marque pour les produits concernés.

Complémentarité des produits et services

La cour a confirmé que les produits et services, tels que les bières et les boissons alcooliques, étaient complémentaires et similaires. Cette complémentarité justifie l’attribution d’une origine commerciale commune, renforçant ainsi la reconnaissance de l’usage sérieux de la marque SALITOS.

Risque de confusion

La cour a évalué le risque de confusion entre les marques SALETIO et SALITOS. Elle a constaté des similarités visuelles et phonétiques significatives, ainsi qu’une impression d’ensemble similaire. Le risque de confusion a été jugé élevé, notamment pour les consommateurs non professionnels.

Similitude des signes

La cour a déterminé que les signes SALETIO et SALITOS présentaient des similarités visuelles et phonétiques fortes. Les différences mineures, telles que la substitution de lettres, n’étaient pas suffisantes pour écarter le risque de confusion. La cour a donc conclu à la similitude des signes.

Confirmation de la décision de l’INPI

La cour a confirmé la décision du Directeur Général de l’INPI, reconnaissant l’usage sérieux de la marque SALITOS et le risque de confusion avec la marque SALETIO. La demande de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a été rejetée en totalité.

Conséquences financières

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a été condamnée à assumer la totalité des dépens de l’appel et à verser 2 500 euros à la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Les montants alloués dans cette affaire:

Réglementation applicable

Code de la propriété intellectuelle

– Article L.712-5-1 :
« Sur requête du titulaire de la demande d’enregistrement, l’opposant doit apporter la preuve qu’au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande d’enregistrement contestée, la marque antérieure, dont il se targue, a fait l’objet d’un usage sérieux dans les territoires où elle est protégée, au regard des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage. La marque antérieure peut faire l’objet d’une demande de preuve de l’usage si, à cette date, elle était enregistrée depuis cinq ans au moins. À défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée. »

– Article L.714-5 :
« Est assimilé à un usage sérieux :
1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque ;
2° L’usage de la marque par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée. »

– Article L.712-5-1 (suite) :
« Aux fins de l’examen de l’opposition, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour ceux des produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis. »

Code de procédure civile

– Article 700 :
« Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation. »

Avocats

Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Noémie BRUNNER
– Me Camille ROUSSEL
– Me MALL
– Me GUERLAIN

Mots clefs associés & définitions

– Irrecevabilité des demandes
– Contrôle de la légalité des décisions
– Recours en annulation
– Preuve d’usage sérieux
– Marque antérieure
– Similarité des produits et services
– Usage sérieux des marques antérieures
– Risque de confusion
– Similitude entre les signes
– Profil du consommateur
– Demande de rejet
– Dépens de l’appel
– Frais de procédure
– Article 700 du code de procédure civile

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

24 avril 2024
Cour d’appel de Colmar
RG n°
22/04320
MINUTE N° 217/24

Copie exécutoire à

– Me Noémie BRUNNER

– Me Camille ROUSSEL

Copie à M. le PG

Arrêt notifié aux parties

et à M. le Directeur Général

de l’INPI

Le 24.04.2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

PREMIERE CHAMBRE CIVILE – SECTION A

ARRET DU 24 Avril 2024

Numéro d’inscription au répertoire général : 1 A N° RG 22/04320 – N° Portalis DBVW-V-B7G-H6YM

Décision déférée à la Cour : 26 Octobre 2022 par le Directeur Général de l’Institut National de la Propriété Industrielle de [Localité 4]

DEMANDERESSE AU RECOURS :

S.A. ETABLISSEMENTS NONNENMACHER

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1] [Localité 3]

Représentée par Me Noémie BRUNNER, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me MALL, avocat au barreau de STRASBOURG

DEFENDERESSE AU RECOURS :

Société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH, société de droit allemand, prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 5] – [Localité 2] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Camille ROUSSEL, avocat à la Cour

Avocat plaidant : Me GUERLAIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l’article 805 modifié du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 26 Février 2024, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant M. WALGENWITZ, Président de chambre, et Mme RHODE, Conseillère, un rapport de l’affaire ayant été présenté à l’audience.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

M. ROUBLOT, Conseiller

Mme RHODE, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme VELLAINE

En présence de : Monsieur le Directeur Général de l’INPI, représenté par Mme [K] [T], munie d’un pouvoir

Ministère Public :

représenté par Mme Claire VUILLET, substitut général, non présente aux débats mais dont les conclusions écrites ont été communiquées aux parties.

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.

– signé par M. Franck WALGENWITZ, président et Mme Régine VELLAINE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a déposé le 2 septembre 2021, deux demandes d’enregistrement, la première n°4796567 portant sur le signe verbal O’SALETIO, la seconde n° 4796563 portant sur le signe verbal SALETIO, portant sur les produits et services des classes 29, 30, 31, 32, 33, 35.

Le 24 novembre 2021, la société de droit allemand MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH a formé opposition à ces enregistrements, arguant un risque de confusion avec sa propre marque verbale de l’Union européenne ‘SALITOS’ déposée le 19 avril 2002 et enregistrée sous le n° 002663540, désignant les ‘Bières, boissons mélangées à base de bière’ en classe 32 et la ‘bière avec tequila’ en classe 33, et le 8 juillet 2002 enregistrée sous le n° 002767267, qui désigne, notamment, les ‘Boissons alcooliques (à l’exception des bières)’ en classe 33 et les services de ‘Restauration (alimentation) ; hébergement temporaire’ en classe 43.

A l’issue d’une procédure contradictoire, le 26 octobre 2022, Monsieur le Directeur de l’INPI a reconnu dans ses décisions OP21-5094 (portant sur le signe SALETIO) et OP21-5095 (portant sur le signe O’SALETIO), que l’opposition émanant de la société allemande était partiellement justifiée, ‘en ce qu’elle porte sur les produits et services suivants ; Bières, apéritifs sans alcool ; Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; Vins ; boissons à base de vin ; spiritueux ; Services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; Services de présentation sur tout moyen de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de bars’.

Par conséquent, la demande d’enregistrement de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER était partiellement rejetée, pour les produits et services précités.

Par une déclaration faite au greffe en date du 25 novembre 2022, la SA ETABLISSEMENTS NONNENMACHER a interjeté appel de la décision rendue par l’INPI n° 21-5094 concernant le signe SALETIO.

Par une déclaration faite au greffe en date du 20 février 2023, la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH s’est constituée partie intimée dans la procédure RG 22-4320 née de cet appel.

La procédure a été communiquée à M. le procureur général près la cour d’appel de Colmar le 4 octobre 2023. Dans ses conclusions du 23 janvier 2024, notifiées aux parties par voie électronique le 29 janvier 2024 et par lettre recommandée avec demande d’avis de réception au Directeur Général de l’INPI le même jour, il s’en est rapporté à justice.

Le Directeur Général de l’INPI a déposé ses observations le 24 août 2023, dans lesquelles il demande la confirmation de sa décision.

Par ses dernières conclusions en date du 21 février 2024, auxquelles a été joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, les ETABLISSEMENTS NONNENMACHER demandent à la Cour de :

DECLARER l’appel recevable.

DECLARER l’appel bien fondé.

ANNULER subsidiairement INFIRMER la décision entreprise en ce qu’elle a décidé :

*Article 1 : L’opposition est reconnue partiellement justifiée, en ce qu’elle porte sur les produits et services suivants : ‘Bières, apéritifs sans alcool ; Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; Vins ; Boissons à base de vin ; Spiritueux ; Services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; Services de présentation sur tout moyen de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de bars’

*Article 2 : La demande d’enregistrement est partiellement rejetée, pour les produits et services précités.

STATUANT A NOUVEAU

REJETER intégralement l’opposition formée contre la demande de marque SALETIO n° 4796563

ADMETTRE à l’enregistrement la demande de marque SALETIO n° 4796563

DEBOUTER la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH de l’intégralité de ses demandes.

CONDAMNER la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH à verser à la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER une somme de 4.500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH aux entiers frais et dépens de l’instance.

Par ses dernières conclusions en date du 8 février 2024, auxquelles a été joint un bordereau de communication de pièces récapitulatif qui n’a fait l’objet d’aucune contestation, la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH demande à la Cour de :

– Déclarer la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER mal fondée en son recours et l’en débouter.

En conséquence :

– Débouter la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER de l’ensemble de ses moyens, fins et prétentions.

– Condamner la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER à payer à la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH la somme de 4.500 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

– Condamner la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER aux dépens de l’instance.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens de chacune des parties, il conviendra de se référer à leurs dernières conclusions respectives.

L’affaire a été retenue à l’audience du 26 février 2024.

MOTIFS :

1) Sur l’irrecevabilité des demandes formulées par la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER en vue d’obtenir le rejet de l’opposition :

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER demande notamment que la cour ‘rejette’ l’opposition formée contre la demande de sa marque SALETIO et à ce que l’enregistrement de ladite marque soit admise.

Le recours instauré à l’encontre des décisions du Directeur de l’Institut National de la Propriété Industrielle par l’ordonnance n°2019/1169 du 13 novembre 2019, a pour objet le contrôle de la légalité desdites décisions et ne peut s’entendre que comme un recours en annulation pour toutes les décisions, autres que celles de nullité et de déchéance.

Dès lors, il n’appartient à la cour ni de confirmer ni d’infirmer une décision de l’INPI, mais de rejeter le recours contre cette décision ou de prononcer son annulation.

La demanderesse ne peut demander en l’espèce ‘un rejet d’opposition’ ; elle ne peut que soutenir l’annulation de la décision ; par conséquent la demande de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER, tendant à obtenir le ‘rejet de l’opposition’, et à ‘l’admission à l’enregistrement’ de son signe SALETIO sera déclarée irrecevable.

2) Rappel des textes applicables :

Conformément à l’article L.712-5-1 du Code de la propriété intellectuelle, sur requête du titulaire de la demande d’enregistrement, l’opposant doit apporter la preuve qu’au cours des cinq années précédant la date de dépôt ou la date de priorité de la demande d’enregistrement contestée, la marque antérieure, dont il se targue, a fait l’objet d’un usage sérieux dans les territoires où elle est protégée, au regard des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée et sur lesquels l’opposition est fondée, ou qu’il existe de justes motifs pour le non-usage. La marque antérieure peut faire l’objet d’une demande de preuve de l’usage si, à cette date, elle était enregistrée depuis cinq ans au moins.

En vertu de cette même disposition, à défaut d’une telle preuve, l’opposition est rejetée.

L’article L.714-5 du Code précité précise que : ‘est assimilé à un usage [sérieux] […] :

1° L’usage fait avec le consentement du titulaire de la marque […]

3° L’usage de la marque par le titulaire ou avec son consentement, sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif, que la marque soit ou non enregistrée au nom du titulaire sous la forme utilisée’.

Aux termes de l’article L.712-5-1 du Code susvisé, ‘Aux fins de l’examen de l’opposition, la marque antérieure n’est réputée enregistrée que pour ceux des produits ou services pour lesquels un usage sérieux a été prouvé ou de justes motifs de non-usage établis’.

Pour examiner le caractère sérieux de l’usage de la marque contestée, il convient de procéder à une appréciation globale, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. En effet, l’usage sérieux d’une marque ne peut être démontré par des probabilités ou des présomptions, mais doit reposer sur des éléments concrets et objectifs, qui prouvent un usage effectif et suffisant de la marque sur le marché concerné.

La preuve de l’usage doit ainsi porter sur la période, le lieu, l’importance et la nature de l’usage qui a été fait de la marque, en relation avec les produits et services pertinents.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la période de référence de cinq ans à prendre en compte, concerne le laps de temps écoulé du 2 septembre 2016 au 2 septembre 2021, date de dépôt de la demande contestée.

3) Sur l’usage sérieux des marques antérieures SALITOS et son périmètre :

Le Directeur Général de l’INPI a considéré dans un premier temps, que la marque antérieure SALITOS était bien exploitée pour les produits ‘boissons alcooliques (à l’exception des bières)’.

Puis, dans un deuxième temps, il a considéré que les produits et services ‘Bières, apéritifs sans alcool ; Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; Vins ; boissons à base de vin ; spiritueux ; Services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; Services de présentation sur tout moyen de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de bars’ devaient être considérés comme services et produits complémentaires, et dès lors similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune.

Il est rappelé, pour être complet, que le Directeur Général de l’INPI a, dans sa décision, écarté toute complémentarité et similarité entre les marques antérieures de la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH et le domaine ‘eau minérale gazeuse, boissons à base de fruits et jus de fruits, sirops, limonades, sodas’, en ce que ces boissons non-alcoolisées ne présentaient pas les mêmes natures, fonctions et destinations que celles des ‘bières, bières avec tequila’ de la marque antérieure.

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER reconnaît dans ses conclusions (page 6), que la société allemande produit des preuves d’usage de sa marque pour les bières et bières avec tequila.

Cependant, la demanderesse estime que les preuves produites ne démontreraient pas pour autant un usage de la marque pour les boissons alcooliques, autres que les bières, soutenant plus particulièrement que les bières sont par définition exclues ‘des boissons alcooliques à l’exception des bières’.

Elle reproche également au Directeur Général de l’INPI d’avoir admis un lien de complémentarité entre ‘les services de bar, services de présentation sur tous moyens de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques’ et les produits précités des marques, qui ne porteraient à son sens que sur le domaine des ‘bières, bières avec tequila’.

La cour constate d’une part, que le Directeur Général de l’INPI a considéré, à juste titre, à l’examen des pièces produites par la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH, l’existence d’un usage sérieux de la marque antérieure pour les ‘bières, bières avec tequila’ pendant la période et le territoire pertinents.

Cette analyse est notamment corroborée par l’examen de :

– l’annexe 29 de la société allemande composée de 15 factures afférentes à des livraisons de produits de marque SALITOS à des grossistes (une facture pour 2016, 2 pour 2017, 2 pour 2018, 3 pour 2019, 5 pour 2020 et 2 pour 2021) pour un montant global de près de 250 000 €, dont l’étude démontre que des livraisons ont été réalisées au profit du marché européen (France, Allemagne, Espagne, Roumanie, Belgique, Pays-Bas, Autriche),

– des pièces 31 et suivantes, qui démontrent l’existence de mise en vente des produits de marque SALITOS sur des sites Internet.

D’autre part, en tout état de cause, il convient de tenir compte – comme l’a parfaitement démontré le Directeur Général de l’INPI – de la similarité entre les produits catégorisés en ‘bières’ et ceux qui le sont en ‘boissons alcooliques à l’exception des bières’.

En effet, ces produits relèvent tous de la catégorie générale des boissons alcoolisées, s’adressent à une même clientèle d’adultes amateurs de boissons alcoolisées et sont commercialisés dans les mêmes points de vente ou des rayons proches des grandes surfaces.

Ces produits, présents en classes ‘bières’ et ‘boissons alcooliques à l’exception des bières’, présentent une nature identique, des fonctions et des destinations identiques, et doivent par conséquent être considérés comme étant des produits similaires, auquel le public sera fondé à attribuer une origine commerciale commune.

Aussi – étant donné qu’il est acquis aux débats, que la reconnaissance de l’usage sérieux de la marque antérieure SALITOS pour la catégorie des ‘bières, bières avec tequila’ n’est pas contestée par la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER – par le jeu de l’existence de la similarité évoquée plus haut, cette reconnaissance vaut preuve d’usage pour le domaine voisin des boissons alcooliques en général, parmi lesquelles figurent notamment les ‘boissons alcooliques à l’exception des bières’ et les activités de vente de tels produits.

Sur le sujet particulier des activités de vente, les produits ou services sont complémentaires, s’il existe un lien étroit et obligatoire entre eux, en ce sens que l’un est indispensable pour l’usage de l’autre, ou d’une importance telle que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise. Comme l’a noté à juste titre le Directeur Général de l’INPI, tel est le cas en l’espèce, puisque ‘les services de bar’ de la demande d’enregistrement impliquent nécessairement de fournir aux consommateurs des boissons, en ce compris des ‘bières, bières avec tequila’, visées notamment par les marques antérieures, en ce qu’un consommateur ‘moyen’ peut légitimement être amené à penser, qu’un bar va lui proposer un vaste choix de boissons alcoolisées ou non alcoolisées.

Il y a dès lors lieu de considérer que ces produits et services, objet des présents débats, sont complémentaires, et dès lors similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune et de confirmer la décision du Directeur Général de l’INPI, qui a retenu l’existence d’un usage sérieux des marques antérieures, ainsi que le périmètre retenu pour cette exploitation sérieuse justifiée (‘en ce qu’elle porte sur les produits et services suivants ; Bières, apéritifs sans alcool ; Boissons alcooliques (à l’exception des bières) ; Vins ; boissons à base de vin ; spiritueux ; Services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; Services de présentation sur tout moyen de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de bars’).

4) Sur le risque de confusion :

Le risque de confusion, s’entend du risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise, ou le cas échéant, d’entreprises liées économiquement.

Pour qu’il y ait risque de confusion, il faut dans un premier temps apprécier la similitude entre les signes, qui doit s’apprécier de manière globale, en se fondant sur l’impression d’ensemble qu’ils produisent, tout en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants et de tous les facteurs pertinents.

Cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par les marques, en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci.

L’appréciation globale du risque de confusion, implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte ; ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés, peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

Au cas d’espèce, les produits commercialisés par la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH sont des produits et services de consommation courante, destinés principalement au grand public composé de consommateurs non professionnels d’attention moyenne, qui ne conserveront qu’un souvenir imparfait des marques en cause.

La société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER reproche au Directeur Général de l’INPI, d’avoir considéré que le signe SALETIO est similaire au signe ‘SALITOS’ détenu par la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH et que cette ressemblance est de nature à entraîner un risque de confusion sur les produits et services ‘bières, apéritif sans alcool ; boissons alcooliques (à l’exception des bières), vins ; boissons à base de vin ; spiritueux ; services de vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de présentation sur tout moyen de communication pour la vente au détail ou en gros de boissons alcooliques ; services de bar’.

La demanderesse soutient que son signe SALETIO ne présenterait aucune ressemblance phonétique et visuelle avec SALITOS et disposerait, de surcroît, d’une signification intellectuelle propre et forte, en ce que SALETIO fait référence au nom romain de la ville de [Localité 3], dans laquelle elle exerce son activité.

Quant à la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH, elle adopte le raisonnement du Directeur Général de l’INPI, retenant une similitude entre ces signes, de nature à provoquer une confusion dans l’esprit du consommateur.

Il convient, dès lors, de réaliser une étude comparative des signes SALETIO de la société demanderesse avec le signe de la société intimée, pour déterminer s’il existe une similitude entre les signes.

La cour constate que :

– le signe SALETIO présente des similarités visuelles et phonétiques très fortes avec la marque antérieure,

– phonétiquement, les éléments verbaux des signes contestés se prononcent avec un rythme identique, en trois temps (sa/li/tos ou sa/lé/tio),

– le signe SALETIO débute par une sonorité forte (le ‘s’) et est marqué par une sonorité dominée par la voyelle ‘o’ et la consonne ‘l’, tout comme la marque de la société allemande,

– si les signes en cause diffèrent par la substitution de la lettre ‘e’ par la lettre ‘i’ et par la présence de la lettre finale ‘s’ au sein de la marque antérieure, ces différences ne suffisent pas à écarter tout risque de confusion ; la présence du ‘s’ final de la marque SALITOS n’est pas suffisante pour distinguer les marques, et surtout pour éluder toutes les ressemblances visuelles ou à l’audition des signes concurrents évoqués plus haut,

– intellectuellement, contrairement à ce que soutient la société déposante, rien ne permet d’affirmer que le consommateur moyen percevra le terme SALETIO, comme la ‘signification en latin donnée par les Romains à la ville de [Localité 3] dans le Bas-Rhin, où se situe le siège de la déposante’, cette référence n’étant ni connue, ni évidente,

Il s’ensuit que la cour estime la condition de ‘similitude’ entre le signe contesté SALETIO et la marque antérieure, remplie.

Puis dans un deuxième temps, il convient d’apprécier globalement s’il existe un risque de confusion, qui implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et des produits ou services désignés.

La similarité des signes telle qu’exposée plus haut, entraîne globalement un risque de confusion dans l’esprit du public amateur d’alcool, dans le domaine des produits alcoolisés et de celui de vente et distribution de ces produits.

Il y a lieu de tenir également compte du profil moyen du consommateur amateur d’alcool, dont l’attention se portera sur ce type de produits, qui ne s’attardera guère sur les quelques différences existantes entre les deux signes.

Le Directeur Général de l’INPI a, dès lors, à juste titre, conclu à l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public entre les produits des parties en présence ; sa décision doit être confirmée.

5) Sur les demandes annexes :

La décision du Directeur Général de l’INPI étant confirmée en toutes ses dispositions, les demandes de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER étant rejetées en totalité, la société demanderesse assumera la totalité des dépens de l’appel, ainsi que les frais exclus des dépens qu’elle a engagés en appel.

Sa demande présentée à ce titre, sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, sera donc rejetée.

En revanche, elle devra verser à la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH la somme de 2 500 euros au même titre et sur le même fondement.

P A R C E S M O T I F S

La Cour,

Déclare irrecevable la demande de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER, tendant à obtenir le rejet de l’opposition formée par la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH, contre la demande d’enregistrement de la marque SALETIO n° 4796563,

Confirme en toutes ses dispositions la décision n° OP21-5094 rendue le 26 octobre 2022 par le Directeur Général de l’INPI,

Et y ajoutant,

Condamne la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER aux dépens de la procédure d’appel,

Condamne la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER à payer à la société MBG INTERNATIONAL PREMIUM BRANDS GMBH une somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette la demande de la société ETABLISSEMENTS NONNENMACHER sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière : le Président :

 

 


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