Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2017
Tribunal judiciaire de Paris, 31 mars 2017

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Œuvres d’art : affaire Vasarely

Résumé

Victor Vasarely, artiste emblématique de l’Op Art, a vu son héritage juridique contesté après la commercialisation de plus de 700 000 héliogravures de ses œuvres. Son fils, légataire universel, a obtenu la condamnation d’une société qui prétendait avoir acquis ces reproductions. Selon le code de la propriété intellectuelle, la propriété matérielle et incorporelle sont distinctes. La société n’a pas prouvé que les tirages avaient été commercialisés avec l’autorisation de l’artiste ou de ses ayants droit. En l’absence de preuve de cession des droits, la société ne pouvait justifier son exploitation des reproductions, malgré ses tentatives de régularisation.

Affaire Vasarely

Victor Vasarely est un artiste peintre et plasticien, né en 1906 et décédé en 1997, fondateur de l’Op Art.  Par testament, l’artiste a institué son fils comme légataire universel et titulaire du droit moral sur son œuvre. Dans cette affaire, le légataire a obtenu la condamnation d’une société qui avait commercialisé auprès de différents distributeurs professionnels plus de 700 000 héliogravures de reproductions d’œuvres de Vasarely.

Propriété des supports et cession des droits

En application de l’article L. 111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété incorporelle définie par l’article L. 111-1 de ce même code, est indépendante de la propriété de l’objet matériel.  Dans le cadre du litige, les droits de distribution contestés ont été appréciés sous ces deux aspects, la propriété matérielle des supports d’une part, et la propriété incorporelle d’autre part.

Sur la base d’un protocole transactionnel, la société établissait qu’elle avait acquis régulièrement le stock de 737 526 héliogravures reproduisant les oeuvres de Victor Vasarely. Au soutien de ses prétentions, la société a invoqué sans succès, les dispositions de l’article L. 122-3-1 du code de la propriété intellectuelle selon lesquelles « dès lors que la première vente d’un ou des exemplaires d’une oeuvre a été autorisée par l’auteur ou ses ayants droit sur le territoire d’un Etat membre de la Communauté européenne ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen, la vente de ces exemplaires de cette oeuvre ne peut être interdite dans les Etats membres de la Communauté européenne et les Etats parties à l’accord sur l’Espace économique européen ».

Si ce texte pose un principe d’épuisement du droit de distribution, il suppose pour être utilement opposé aux titulaires des droits de propriété intellectuelle sur l’oeuvre reproduite sur le support, d’une part, que celui qui l’invoque prouve, pour chacun des exemplaires de l’oeuvre concernée par le litige, qu’il a été effectivement mis dans le commerce dans l’espace économique européen, par l’auteur ou ses ayants-droit, ou avec leur consentement.

D’autre part, les dispositions de l’article L. 122-3-1 ne sauraient emporter l’épuisement des autres droits de propriété intellectuelle et notamment du droit de l’auteur ou ses ayants-droit de contrôler les modes d’exploitation des oeuvres et celui de s’opposer à certaines formes d’utilisation secondaires, par exemple à des fins publicitaires par des tiers, quand bien même ces derniers les auraient obtenues licitement.

Droits de distribution non cédés

En l’espèce, même si la société avait effectivement acquis le droit de commercialiser un stock de 737 526 tirages d’oeuvres de Victor Vasarely, il n’était nullement rapporté la preuve d’une  commercialisation initiale autorisée par l’artiste ou ses ayants droit desdits supports, au demeurant sur un nombre très important d’œuvres non divulguées antérieurement. Une simple attestation du gérant de la société d’édition initialement cessionnaire des supports, est insuffisante pour justifier des droits de reproduction et de représentation dont a pu bénéficier la société.

Faute pour la société de rapporter la preuve des conditions d’acquisition des supports, la société n’était pas en mesure d’établir avec certitude que les tirages ont tous été réalisés en vertu d’un contrat d’édition conclu avec l’artiste dans les années 1970 et 1980. En l’absence de preuve de la cession de ces droits par Victor Vasarely, ou par ses ayants droit, pour la reproduction de ses oeuvres sur héliogravures en un nombre d’exemplaires dépassant les centaines de milliers, la société ne justifiait pas être titulaire des droits d’exploitation desdites reproductions.

A noter que la société pouvait difficilement prétendre ignorer cette exigence de cession exprès alors même qu’elle avait pris soin de contacter le légataire de l’artiste pour précisément, obtenir son autorisation, moyennant le paiement d’une redevance, pour exploiter le stock d’héliogravures.

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