Cour d’appel de Paris, 24 novembre 2017
Cour d’appel de Paris, 24 novembre 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Packaging déposé en marque tridimensionnelle : une mauvaise idée ?  

Résumé

Le dépôt d’un packaging souple en tant que marque tridimensionnelle a été annulé par les juges, qui ont jugé que le signe n’était pas clairement identifiable. Cette décision souligne l’importance d’une représentation graphique précise pour qu’une marque puisse être perçue comme distincte par le public. En effet, un packaging dont la forme est trop indéterminée pourrait conférer un monopole excessif à son propriétaire, tout en rendant difficile l’identification de l’origine des produits. Ainsi, pour qu’une marque tridimensionnelle soit valide, elle doit être immédiatement reconnaissable et distincte, permettant au consommateur d’associer le produit à une entreprise spécifique.

Nullité de dépôt d’un packaging souple

Une société appartenant au groupe Capri Sun a procédé a vu l’enregistrement de son packaging souple (un sachet de forme trapézoïdale avec une base plus étroite que la partie supérieure, comportant une soudure à quelque millimètre des côtés, déposé comme marque tridimensionnelle) être annulé. Les juges ont considéré que le signe déposé n’était pas représenté clairement, objectivement et de façon intelligible.

Il était ainsi insusceptible de constituer une marque non seulement car la protection d’une forme aussi indéterminée offrirait à son propriétaire un monopole aussi large qu’incertain et servirait un détournement du droit des marques car insusceptible d’être compris, défini et identifié par le public pertinent, mais aussi car il est par nature inapte à être d’emblée perçu par lui, sous la forme choisie pour le dépôt, comme pouvant identifier l’origine des produits couverts en les rattachant à une entreprise spécifique.

Conditions de validité d’une marque tridimensionnelle

La marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d’une personne physique ou morale.  Peuvent notamment constituer un tel signe, les signes figuratifs tels que : dessins, étiquettes, cachets, lisières, reliefs, hologrammes, logos, images de synthèse ; les formes, notamment celles du produit ou de son conditionnement ou celles caractérisant un service ; les dispositions, combinaisons ou nuances de couleurs.

Le caractère distinctif d’un signe de nature à constituer une marque s’apprécie à l’égard des produits ou services désignés. Sont dépourvus de caractère distinctif : a) Les signes ou dénominations qui, dans le langage courant ou professionnel, sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service ; b) Les signes ou dénominations pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service ; c) Les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle. Le caractère distinctif peut, sauf dans le cas prévu au c, être acquis par l’usage.

Représentation graphique de la marque

En application du droit interne, interprété à la lumière de la directive n°89/104 du 21 décembre 1988 reprise à droit constant par la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu’à condition qu’ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l’enregistrement comme provenant d’une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d’une entreprise de ceux d’autres entreprises (arrêt CJCE du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd).

Importance du public pertinent

Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l’origine commerciale du produit. Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d’identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l’originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu’elle désigne et soient d’emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l’origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique. Le caractère distinctif doit en outre être apprécié par rapport aux produits ou aux services visés dans l’enregistrement. En l’espèce, la marque internationale tridimensionnelle avait été enregistrée en classe 32 pour désigner les boissons sans alcool. Le public pertinent était donc le particulier français d’attention moyenne acheteur de boissons sans alcool et de jus de fruits.

La CJUE a considéré dans ses arrêts Dyson c. Registrar of Trade Marks du 25 janvier 2007 et Mark c. Memex du 27 novembre 2003 que si la représentation graphique peut être réalisée au moyen de figures, lignes ou caractères, celle-ci doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective. Les critères d’appréciation du caractère distinctif des marques tridimensionnelles constituées par l’apparence du produit lui-même ne sont pas différents de ceux applicables aux autres catégories de marques mais la CJUE précise toutefois qu’il doit être tenu compte de ce que « les consommateurs moyens n’ont pas pour habitude de présumer l’origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage, en l’absence de tout élément graphique ou textuel, et il pourrait donc s’avérer plus difficile d’établir le caractère distinctif d’une telle marque tridimensionnelle que celui d’une marque verbale ou figurative » (CJUE, 25 oct. 2007, Develey Holding & Co. Beteiligungs/OHMI).

Ainsi le signe déposé, objet de la protection, doit être d’autant plus aisément identifiable qu’il se caractérise par une forme et ce afin de permettre de déterminer et délimiter précisément la portée  du monopole revendiqué par le titulaire de la marque et au public pertinent d’identifier à sa seule vue l’origine du produit ou du service associé à cette marque.

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