Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Œuvres musicales : l’obligation de rendre compte
→ RésuméDans l’affaire Charles Trenet, le légataire universel a obtenu une condamnation de l’éditeur pour non-reddition des comptes concernant plusieurs disques coédités. Selon l’article L 212-5 du code de la propriété intellectuelle, le producteur doit rendre compte semestriellement à l’artiste-interprète des recettes d’exploitation. Toutefois, cette obligation ne s’applique pas rétroactivement aux contrats antérieurs à la loi de 2016. Les relevés de comptes doivent être clairs et détaillés pour permettre aux ayants droit de vérifier les redevances dues. Enfin, les mécanismes de compensation liés aux avances récupérables ne relèvent pas du juge des référés.
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Affaire Charles Trenet
Le légataire universel de Charles Trenet a obtenu une condamnation sous astreinte de l’éditeur de plusieurs œuvres musicales du feu chansonnier. Charles Trenet avait conclu avec l’éditeur, un mandat d’organisation de spectacles et un contrat d’artiste interprète de production de phonogrammes. L’ayant droit a découvert que la société avait coédité plusieurs disques sans reddition des comptes ni reversement de redevances. Est en cause dans cette affaire, le reversement d’un intéressement à Charles Trenet ou à ses ayants droits, calculé sur le nombre de disques vendus.
Obligation de rendre compte
Lorsque le contrat conclu entre un artiste-interprète et un producteur de phonogrammes prévoit le paiement direct par le producteur d’une rémunération qui est fonction des recettes de l’exploitation, le producteur de phonogrammes rend compte semestriellement à l’artiste-interprète du calcul de sa rémunération, de façon explicite et transparente (article L 212-5 du code de la propriété intellectuelle).
Droit de contrôle rétroactif ?
Attention toutefois à l’étendue de la reddition des comptes : l’article L 212-5 du CPI a été créée par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016, s’il est applicable aux contrats en cours à la date de son entrée en vigueur (1er novembre 2016), il ne saurait instaurer une obligation rétroactive.
Exemples d’exceptions irrecevables
Le débiteur de l’obligation de rendre compte ne peut se prévaloir de l’article L 123-22 du code de commerce, selon lequel les documents comptables et les pièces justificatives sont conservés pendant dix ans. Cette disposition ne fait pas obligation aux sociétés de détruire leurs archives après dix ans, de sorte qu’elle ne saurait faire obstacle à une injonction de communication à des fins probatoires sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile s’il s’avère que la société concernée dispose encore des archives réclamées.
De même, si une demande de production de relevés de comptes peut être prescrite au regard de l’article 2224 du code civil (l’action en reddition de comptes constitue une action personnelle et mobilière), il convient de précisément déterminer le point de départ du délai de prescription de l’action, ce qui ne relève pas du référé.
Lisibilité et transparence des relevés de comptes
Pour rappel, les relevés de comptes doivent permettre de connaître le montant des ventes sur chaque support vendu afin de permettre au créancier de connaître et de vérifier les redevances dues au titre des droits d’auteur et des droits voisins.
Jeu des avances récupérables
En tout état de cause, sur le volet du reversement des redevances, l’éditeur peut arguer d’un mécanisme de compensation ou du reversement d’avances récupérables mais le point de savoir si ces avances doivent être déduites des redevances dues, ne relève pas du pouvoir d’appréciation du juge des référés.
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