Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2017
Cour d’appel de Paris, 19 janvier 2017

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Redressements URSSAF à l’Opéra de Paris

Résumé

L’Opéra de Paris a frôlé un redressement de près d’un million d’euros par l’URSSAF, qui a requalifié certaines rémunérations en salaires. Les metteurs en scène, rémunérés à la fois par des droits d’auteur et des salaires, voient leur répartition contestée. L’URSSAF a estimé que le travail d’exécution était prépondérant, mais les juges ont souligné que cela dépendait de chaque artiste. De plus, les indemnités transactionnelles versées après la rupture d’un contrat de travail peuvent être exonérées de cotisations, à condition qu’elles réparent un préjudice, ce qui a été confirmé dans le cas d’une salariée de l’Opéra.

Cotisations salariales ou droits d’auteur

L’Opéra de Paris a échappé de peu à un redressement de près d’un million d’euros par les services de l’URSSAF. L’organisme de recouvrement avait réintégré dans l’assiette des cotisations du régime général dues par l’Opéra plusieurs sommes présentant, selon l’organisme de recouvrement, une nature salariale.

Régime social des metteurs en scène

Les  metteurs en scène qui apportent leurs concours à l’Opéra de Paris peuvent prétendre à deux sortes de rémunérations, pour la conception artistique de l’oeuvre scénique d’une part et pour l’exécution matérielle de l’oeuvre d’autre part. Le travail créatif est rémunéré sous la forme de droits d’auteur tandis que le travail d’exécution matérielle donne lieu au paiement d’un salaire.

Pour revenir sur les proportions appliquées par l’Opéra de Paris pour la rémunération des mises en scène, l’URSSAF estimait que le travail d’exécution matérielle était  prépondérant en faisant  état d’un usage dans la profession prévoyant une répartition à 60/40. Les juges ont considéré que cette répartition dépend en réalité de la personnalité de chacun des artistes auxquels l’Opéra commande une mise en scène. Il est donc possible d’accorder, pour le travail créatif des metteurs en scène, une rémunération plus importante que celle due au titre du paiement des salaires.

Régime social de l’indemnité transactionnelle

Les sommes versées au salarié à l’occasion d’une transaction conclue postérieurement à la rupture du contrat de travail sont exonérées des cotisations de sécurité sociale lorsqu’elles réparent un préjudice. En l’espèce, il n’était pas justifié que l’URSSAF requalifie l’indemnité versée à une salariée dont le CDD était arrivé à son terme alors que indemnité avait pour objet d’éviter un litige de requalification en CDI (la salariée avait déjà cumulé six CDD au sein de l’établissement). L’indemnité transactionnelle qui a été allouée à la salariée présentait bien un caractère indemnitaire et non salarial, même si la contestation est née après le terme du contrat.

Régime social des secours accordés par le comité d’entreprise

Les avantages accordés aux salariés par les comités d’entreprise sont soumis aux cotisations de sécurité sociale sauf s’ils ont le caractère de secours liés à des situations particulières dignes d’intérêts. En l’espèce, des sommes importantes avaient été qualifiées de secours dans la comptabilité sans qu’il soit justifié des situations sociales correspondantes. Ce redressement a été confirmé, il appartenait à l’Opéra de Paris de justifier en quoi les sommes versées à ses salariés présentaient le caractère de secours et échappaient en conséquence à cotisations.

Régime social des primes d’intéressement

L’Opéra de Paris avait accordé, dans le cadre de négociations salariales, une prime exceptionnelle d’intéressement. Pour échapper aux cotisations et contributions sociales, cette prime exceptionnelle devait être versée à tous les salariés de l’entreprise, quelle que soit la nature du contrat de travail. Or, les salariés titulaires d’un CDD ont été exclus du bénéfice de cette prime. La faculté pour l’employeur de prévoir une condition de présence dans l’entreprise pour le versement de cette prime ne l’autorisait pas à exclure les salariés en CDD remplissant cette condition. La prime exceptionnelle a donc été réintégrée.

Redevances versées aux artistes-interprètes

L’URSSAF a réintégré l’ensemble des redevances versées aux artistes interprètes en contrepartie de la captation, l’enregistrement et l’exploitation des spectacles auxquels ils ont participé au motif que les sommes promises comprenaient des avances forfaitaires et des garanties minimales et que la présence de l’artiste était prise en considération pour calculer le montant des royalties.

Ce redressement a été annulé : les redevances versées aux artistes interprètes à la suite de retransmissions audiovisuelles à la télévision ou de commercialisation des enregistrements de CD ou DVD sont conformes au Code du travail. Si l’étendue de la rémunération des artistes dépend de l’importance de leur apparition sur les enregistrements, leur présence physique n’est pas nécessaire pour l’exploitation des enregistrements de leur interprétation et la condition prévue par l’article L 7121-8 du code du travail est donc remplie. Le système d’avances forfaitaires et de garanties minimales ne modifie pas la nature des droits voisins consentis aux artistes à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de leur interprétation dès lors que cette rémunération dépend d’abord des recettes d’exploitation encaissées par l’Opéra de Paris. La rémunération des droits voisins est d’abord fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement et il est possible de consentir aux artistes une avance à valoir sur ces droits proportionnels. Le paiement d’une somme forfaitaire au titre de l’autorisation et d’une avance garantie à valoir sur ces recettes ne constituent donc pas un complément de salaire déguisé rémunérant la production de l’interprétation de l’artiste dans la salle de spectacle.

Les artistes perçoivent des cachets soumis aux cotisations de sécurité du régime général pour leur participation aux spectacles mais les redevances / royalties de droits voisins sont versées en contrepartie de la cession de leurs droits dérivés sur une durée de 15 ans, ce qui peut  justifier le versement d’avances.

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