Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Contrefaçon de marque par Meta-tag
→ RésuméDans l’affaire Merck, le groupe pharmaceutique allemand Merck KGaA a obtenu la condamnation de la filiale française de Merck & Co pour contrefaçon de marque via l’utilisation de meta-tags. Malgré des accords de coexistence signés en 1932, les filiales françaises n’étaient pas couvertes. L’utilisation du terme « Merck » dans le code source a induit les internautes en erreur, les dirigeant vers des produits similaires à ceux de Merck KGaA. Cette situation a été jugée comme une atteinte à la fonction d’indication d’origine de la marque, entraînant des dommages et intérêts de 40 000 euros.
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Affaire Merck
Le groupe pharmaceutique allemand Merck KGaA, titulaire de la marque française Merck, a obtenu la condamnation pour contrefaçon de marque par Meta-tag, d’une filiale française de la société Merck & Co, groupe pharmaceutique américain dont l’origine remonte à 1891 dans le New Jersey. Ce dernier, après avoir été détenu par des membres de la famille Merck, a été confisqué en 1917 par les autorités américaines comme propriété de l’ennemi pour devenir une société juridiquement et définitivement indépendante de la société allemande Merck KGaA.
Non-respect d’accords de coexistence de marques
Compte tenu de leur homonymie, les sociétés mères Merck KGaA et Merck & Co, toutes deux groupes pharmaceutiques de taille mondiale, ont signé des accords de coexistence de marques dès 1932. Les filiales de Merck & Co en France n’ont pas bénéficié de ces accords et ont été condamnées pour contrefaçon de marque pour avoir fait usage du signe « Merck » sur leurs sites internet et à titre de méta-tag, permettant en cas de recherche sur un moteur de recherche d’apparaître dans les premiers résultats.
Conditions de la contrefaçon de marque en ligne
L’utilisation du terme Merck comme meta-tag dans le code source du site internet des laboratoires de Merck & Co a permis de diriger l’internaute vers des sites où étaient présentés des produits pharmaceutiques identiques à ceux proposés par les sociétés Merck KGaA. Or, le titulaire d’une marque enregistrée est habilité à interdire à un tiers l’usage d’un signe identique à sa marque si quatre conditions sont réunies : i) un usage dans la vie des affaires, ii) un usage sans le consentement du titulaire de la marque, iii) un usage pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, iv) un usage qui porte atteinte à une des fonctions de la marque, qu’il s’agisse de sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou l’une de ses autres fonctions de publicité, communication ou garantie.
En l’espèce, de première part, la société Merck KGaA est titulaire des marques françaises et internationale sous le signe « Merck » pour désigner des produits, notamment des médicaments et des produits chimiques pour buts scientifiques et synthétiques ; De deuxième part, les laboratoires fautifs ont bien fait usage du signe Merck, à l’identique (et aussi sous forme associée) comme meta-tag dans le code source de leurs sites ; De troisième part, cet usage a eu pour effet de diriger l’internaute à la recherche du terme Merck sur les moteurs Google ou Bing vers une liste de résultats comprenant un lien vers le site des laboratoires (usage dans la vie des affaires, peu important que ce signe ne soit pas visible par l’internaute) ; De quatrième part, les produits proposés par les laboratoires étant notamment des médicaments, il s’agissait aussi d’un usage pour des produits ou services identiques à ceux pour lesquels la marque avait été enregistrée ; De cinquième part, le titulaire de la marque, dans les accords de coexistence, n’a pas donné son consentement à l’usage du terme Merck comme Meta-tag ; De sixième part, il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine lorsque l’annonce ne permet pas ou permet seulement difficilement à l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif de savoir si les produits ou les services visés par l’annonce proviennent du titulaire de la marque ou d’une entreprise économiquement liée à celui-ci ou au contraire, d’un tiers.
Existence d’un lien économique apparent
Lorsque l’annonce du tiers suggère l’existence d’un lien économique entre ce tiers et le titulaire de la marque, il y a lieu de conclure qu’il y a atteinte à la fonction d’indication d’origine de cette marque ; de même, lorsque l’annonce, tout en ne suggérant pas l’existence d’un lien économique reste à ce point vague sur l’origine des produits et des services en cause qu’un internaute normalement informé et raisonnablement attentif n’est pas en mesure de savoir, sur la base du lien promotionnel et du message commercial qui est joint à celui-ci, si l’annonceur est un tiers par rapport au titulaire de la marque ou bien au contraire s’il est économiquement lié à celui-ci, il convient de conclure qu’il y a atteinte à ladite fonction de la marque.
En l’espèce, l’internaute normalement informé et raisonnablement attentif était à la recherche du terme « Merck », significatif pour lui d’une entreprise commercialisant des médicaments sous ce nom ; l’usage du moteur de recherche Google l’a conduit à trouver en premières pages, le site des laboratoires pharmaceutiques poursuivis. L’internaute normalement informé, qui ignore donc et ne peut se douter qu’il existe dans le monde deux laboratoires pharmaceutiques indépendants tous deux dénommés Merck, et que celui qu’il recherche est allemand alors que le second est américain, était donc nécessairement amené à penser qu’il existe au moins un lien entre l’entreprise commercialisant des médicaments sous le nom de Merck qu’il recherche et les laboratoires qu’il a trouvée parmi les résultats de ses recherches. Les délits de contrefaçon et de concurrence déloyale ont été retenus (40 000 euros de dommages et intérêts).
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