Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Locution latine et Marques : un mauvais ménage
→ RésuméLe terme « garum », désignant un extrait de viscères de poisson, a été jugé non distinctif pour la marque « Garum Armoricum », annulée par les juridictions. Bien que le latin ait perdu de son attrait, ce terme est perçu comme descriptif des caractéristiques des produits concernés, notamment des compléments alimentaires. L’association avec « armoricum », évoquant la Bretagne, renforce cette perception, car elle indique l’origine géographique du produit. Ainsi, malgré une connaissance limitée du latin, le public, y compris les pharmaciens, comprend que cette marque ne permet pas de distinguer les produits de ceux des concurrents.
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Marques latines non distinctives
Le latin aurait-il perdu son charme auprès des juridictions ? Une société de commercialisation de compléments alimentaires a vu plusieurs de ses marques être annulées pour défaut de distinctivité. La marque « Garum Armoricum » pour désigner un complément alimentaire bénéfique pour la mémoire, la concentration et l’équilibre psycho-émotionnel, a ainsi été annulée
Locution latine, désignation nécessaire d’un produit
Le « garum » est un terme latin désignant un extrait de viscères de poisson hydrolysé par autolyse puis séché et ayant fermenté dans une grande quantité de sel. Cet assaisonnement était déjà utilisé dans de nombreux plats romains sous forme de saumure à base de poissons et de viscères de poissons. Il est notamment évoqué par Pline l’Ancien dans ses écrits, et des définitions peuvent en être trouvées dans des dictionnaires en ligne ainsi que dans le dictionnaire Littré. Or, un signe ne peut constituer une marque s’il désigne une caractéristique des produits ou services concernés.
Les signes et indications composant la marque étaient utilisés, au moment de la demande d’enregistrement, à des fins descriptives de produits ou de services tels que ceux pour lesquels la demande est présentée ou des caractéristiques de ces produits ou de ces services. Le terme « garum » peut être utilisé pour désigner la caractéristique même des produits pharmaceutiques, produits diététiques pour enfants et malades, d’emplâtres et matériels pour pansements, soit des produits qui s’adressent notamment à un public composé de pharmaciens qui, malgré une connaissance non assurée du latin, aura une certaine attention pour ces produits, du fait de la nécessité de conseiller les consommateurs finaux, même s’agissant de préparations qui ne sont pas considérées comme des médicaments.
Dès lors, quand bien même le terme « garum » n’est pas connu d’une partie importante de la population, il correspond néanmoins à une qualité essentielle des produits suivants, pour lesquels il apparaît descriptif, tant au sens de l’article 711-2 du code de la propriété intellectuelle pour la marque française que de l’article 7 du règlement CE 40/94 du 20 décembre 1993 pour la marque communautaire.
Nullité de marque communautaire
Pour les mêmes raisons, la marque communautaire « Garum Armoricum ». Cette dernière est la combinaison du terme « garum » et du terme armoricum qui évoque la région Bretagne, soit le lieu de provenance géographique des poissons utilisés pour cette préparation, ou le lieu de réalisation de cette préparation. Même si l’apprentissage de la langue latine n’est plus obligatoire et que sa connaissance est peu répandue, la traduction de ce dernier terme paraît aisée même pour un public ne connaissant pas le latin, de sorte que le terme armoricum est perçu comme évocateur d’une région géographique. Sous l’époque romaine la Bretagne était une région de production de garum, comme le montre la découverte d’une unité de fabrication d’époque dans les environs de Douarnenez. Aussi l’association de ces deux termes descriptifs, d’un composant de produit alimentaire pour le premier et de la région d’origine pour le deuxième, ne saurait écarter l’absence de distinctivité des marques en question, et sera comprise comme désignant du garum provenant de Bretagne. Dès lors, un tel signe utilisé à titre de marque ne permet pas d’établir la distinction entre les produits protégés par cette marque et les produits concurrents.
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