Tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2016
Tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2016

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Traitement des affaires judiciaires | Presse à sensation

Résumé

Le titre de presse « Le nouveau détective » a été condamné pour atteinte à la vie privée d’un homme mis en examen pour proxénétisme. En couverture, il était décrit comme « le prof devenu proxo » avec des détails personnels, tels que son domicile et sa situation financière. Un cliché de lui, flouté, était accompagné de commentaires sarcastiques, le qualifiant de « papy proxo ». La cour a jugé que la présentation de ces éléments ne respectait pas la dignité de la personne et ne participait pas à une information légitime, soulignant l’absence de qualité dans le traitement journalistique de l’affaire.

Affaire le nouveau détective

Le titre de presse « le nouveau détective » a été condamné pour atteinte à la vie privée d’une personne mise en examen pour proxénétisme. La publication avait annoncé en page de couverture « Angoulême, le prof devenu proxo Il avait une dizaine de filles sous sa coupe».

 

Atteinte à la vie privée

Etait également reproduit un cliché photographique du mis en examen dont les yeux avaient été légèrement floutés, le représentant, avachi dans un fauteuil dans son jardin les mains entre les jambes écartées, accompagné de cette légende : « Michel P., en photo sur son profil Facebook. Il reste présumé innocent » accompagné de commentaires sarcastiques : « le montant de votre retraite vous déçoit ? Surtout ne faites pas comme Michel pour arrondir vos fins de mois ! ». « On l’appelle Papy Proxo »

L’article en cause indiquait également le domicile du mis en examen, son âge, la marque de sa voiture, son ancienne profession, sa situation familiale, le montant de sa rémunération « une retraite de 2 000 euros par mois » et son « goût pour les prostitués ».

Exceptions encadrées

Le titre de presse a revendiqué sans succès une exception au titre du droit d’informer ses lecteurs : l’affaire avait été évoquée par la presse régionale et le procureur de la République ayant fait une communication publique à son propos.

En vertu de l’article 9 du Code civil, toute personne a droit au respect de sa vie privée et est fondée à en obtenir la protection ; toute personne dispose également en vertu du même texte, d’un droit exclusif sur son image, attribut de la personnalité, et sur l’utilisation qui en est faite, qui lui permet, en principe, de s’opposer à la diffusion de son image sans son autorisation et d’obtenir réparation du préjudice subi.

Ces droits peuvent cependant céder devant les nécessités de la liberté d’expression lorsque la diffusion des informations ou des images est légitime au regard de ces nécessités, l’appréciation de cette légitimité étant fonction d’un ensemble de circonstances tenant essentiellement à la personne qui se plaint de l’atteinte aux droits protégés par l’article 9 du Code civil, notamment sa qualité et son comportement antérieur, et à l’objet de la publication en cause – son contenu, sa forme, l’absence de malveillance et d’atteinte à la dignité de la personne, ainsi que sa participation à un débat d’intérêt général.

Dans ce cas cependant il doit être pris en compte la qualité de l’information délivrée ; ces critères sont conformes aux stipulations des articles 8 et 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Qualité de l’information délivrée

C’est précisément le critère de la qualité de l’information délivrée qui faisait défaut en l’espèce.   Si le traitement journalistique d’une affaire judiciaire permet de déroger aux droits au respect dû à la vie privée ou au droit à l’image, c’est à la condition que l’évocation d’une telle affaire ne soit pas le prétexte à une description racoleuse et indigne de la personne mise en cause, quels que soient les faits qui lui sont reprochés.

C’est à juste titre que le mis en examen s’est plaint de la présentation faite des éléments de sa vie privée et du cliché photographique le représentant, en le désignant sous l’appellation dédaigneuse et démagogique de « papy proxo » ; cette présentation ne pouvait être considérée comme participant de la légitime information du public sur un sujet d’information générale.

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