Cour de cassation, 1er mars 2018
Cour de cassation, 1er mars 2018

Type de juridiction : Cour de cassation

Juridiction : Cour de cassation

Thématique : Dévoiler une tentative de corruption à la presse : périmètre de la diffamation

Résumé

Dans l’affaire Mediapart, Jean Martinez a révélé une tentative de corruption par Philippe Tabarot, offrant 500 000 euros pour son retrait aux élections de Cannes en 2008. Bien que l’information soit d’intérêt public, la Cour de cassation a confirmé la condamnation de Martinez pour diffamation, soulignant l’absence de preuves tangibles. Les témoignages de ses sœurs, proches de lui, n’ont pas suffi à corroborer ses accusations. De plus, la cour a sanctionné une double condamnation pour une seule interview, affirmant que la publication d’un article et d’une vidéo sur la même page constituait un fait unique.

Affaire Mediapart

Faire état dans la presse, d’une tentative de corruption par un élu est légal mais doit s’appuyer sur des éléments de preuve sérieux, les témoignages n’étant pas suffisants à constituer cette preuve. En l’espèce, dans un entretien à Mediapart, Jean Martinez, candidat à la mairie de Cannes en 2008, a révélé que le secrétaire national de l’UMP Philippe Tabarot lui avait offert, via plusieurs intermédiaires, jusqu’à 500 000 euros pour obtenir son retrait au second tour des élections.

Condamnation pour diffamation publique

La condamnation de Jean Martinez pour diffamation publique a été confirmée par la Cour de cassation. Le sujet qu’il avait abordé relevait de l’information légitime du citoyen et futur électeur, mais encore fallait-il qu’il eût disposé d’éléments factuels suffisants, au regard de la gravité des faits de tentative de corruption imputés à la partie civile. Or, les témoignages de ses deux soeurs (dont l’une avocate) ne pouvaient suffire à corroborer ses propres affirmations en raison de l’extrême proximité familiale, sinon politique, des intéressés.  Le fait justificatif de bonne foi, distinct de l’exception de vérité des faits diffamatoires, n’a pas été retenu. La bonne foi se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que par le sérieux de l’enquête.

Double sanction de la même infraction

Les juges suprêmes ont néanmoins sanctionné les juges d’appel d’avoir doublement condamné Jean Martinez alors que celui-ci n’avait donné qu’une seule interview. Les juges du fond avaient distingué l’infraction de presse par vidéogramme de celle par publication écrite.

Or, constitue une infraction unique la publication d’une interview sur une seule page internet d’un journal en ligne, sous forme d’une vidéo et d’un article. A ce titre, la cour d’appel ne pouvait refuser la jonction des procédures au prétexte qu’elles concernaient deux faits de publication distincts, à savoir la publication d’un article dont les journalistes et l’interviewé pouvaient être déclarés complices et la publication d’une vidéo dont seul l’auteur des propos pouvait être poursuivi en cette qualité, quand l’auteur des propos était poursuivi dans les deux procédures en qualité de complice et non d’auteur principal.  En d’autres termes, les propos poursuivis dans l’article incriminé étaient les mêmes, soit qu’ils soient cités, soit qu’ils soient reformulés sans dénaturation, de sorte que l’ensemble ainsi formé, sur une même page intégralement mise en ligne au même moment sur un site internet, constituait un unique fait de publication qui ne pouvait donner lieu à deux déclarations de culpabilité.

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