Cour d’appel de Lyon, 3 novembre 2021
Cour d’appel de Lyon, 3 novembre 2021

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Diffusion d’ouvrages : pas de contrat, pas de référé

Résumé

L’absence de contrat formel entre l’éditeur et le mandataire diffuseur expose les parties à des litiges non résolus. Dans cette affaire, les droits et obligations des parties, fondés uniquement sur des échanges d’emails, ne permettent pas de clarifier les engagements respectifs. Le juge des référés, chargé d’examiner les demandes d’évidence, ne peut trancher sur des contestations sérieuses. Ainsi, la demande de paiement de la société Ynnis Editions se heurte à des doutes quant à la validité de la facture, rendant impossible une décision en référé. L’opacité des relations contractuelles complique davantage la situation.

L’éditeur et le mandataire diffuseur d’ouvrages qui ne formalisent pas leur relation contractuelle s’expose à ne pas pouvoir recourir au juge du référé, juge de l’évidence.

Dans l’affaire soumise, aucun contrat n’est intervenu entre les parties, fixant précisément les droits et obligations de chacune d’entre elles, les engagements dont se prévalent chacune des parties ne résultant en réalité que d’échanges nourris de multiples courriers électroniques, versés aux débats dans lesquels sont évoqués différents points extrêmement techniques, concernant des rémunérations de différentes nature, et qui ne permettent pas de déterminer clairement quels étaient les obligations et droits de chacune des parties. Il n’appartient pas non plus à la juridiction des référés de se prononcer sur le bien-fondé de l’exception d’inexécution.

Au regard de ces éléments, et alors que l’opacité des relations entre les parties, en l’absence de contrat, ne permet pas de déterminer la nature exacte de leurs obligations respectives, la demande en paiement formée par l’un des cocontractants se heurte à une contestation sérieuse qu’il n’appartenait pas au juge des référés, juge de l’évidence, de trancher.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

8e chambre

ARRÊT DU 03 Novembre 2021

N° RG 20/04967 -N°Portalis DBVX-V-B7E-NEPQ Décision du Président du TC de LYON en Référé du 31 août 2020

RG : 2020r427

S.A.R.L.RECREATION AGENCY

C/

S.A.S. YNNIS EDITIONS

APPELANTE :

La société RECREATION AGENCY, SARL au capital de 2.469 euros, immatriculée au RCS de Lyon sous le n° 790 963 904, dont le siège social est situé […], prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège

Représentée par Me Pierre BATAILLE, avocat au barreau de LYON, toque : 1507

Ayant pour avocat plaidant Me Clara BENYAMIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMÉE :

La société YNNIS EDITIONS SAS au capital de 10.000 euros Immatriculée au RCS de Paris sous le n° 793 259 508 – Ayant son siège social 12, rue de la Folie-Regnault – 75011 Paris – Représentée par son Président, Monsieur X Y

Représentée par Me Sophie RISALETTO de la SELARL NEW WAVE AVOCATS, avocat au barreau de LYON, toque : 392

Ayant pour avocat plaidant Me Emmanuel JEZ, avocat au barreau de PARIS

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 21 Septembre 2021

Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 Septembre 2021

Date de mise à disposition : 03 Novembre 2021

Audience présidée par Karen STELLA, magistrat rapporteur, sans opposition des parties dûment avisées, qui en a rendu compte à la Cour dans son délibéré, assisté pendant les débats de William BOUKADIA, greffier.

Composition de la Cour lors du délibéré :

— Karen STELLA, conseiller, faisant fonction de président,

— Véronique MASSON-BESSOU, conseiller

— Isabelle BORDENAVE, magistrat de permanence

Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties présentes ou représentées en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,

Signé par Karen STELLA, conseiller, faisant fonction de président lequel est empêché, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

Exposé du litige

La société Ynnis Editions est spécialisée dans l’édition de revues périodiques spécialisées dans le cinéma et la japanimation.

La société Récréation Agency est spécialisée dans la fourniture de contenus éditoriaux, la réalisation de contenus audiovisuels et dans la distribution en ligne de magazines spécialisés.

En 2013, la société Récréation Agency et la société Ynnis Editions se sont engagées dans une relation commerciale, dans le cadre de l’exploitation du magazine Rockyrama, revue périodique dédiée au cinéma.

Cette relation commerciale a pris fin au mois de mai 2020, en raison d’un différend important entre les parties.

Le 8 juillet 2020, la société Ynnis Editions a introduit une action en référé devant le Président du Tribunal de commerce de Lyon aux fins d’obtenir le paiement de la facture FA201912001 de 19 279,63 euros et la production de l’état des ventes des magazines Rockyrama par la société Récréation Agency, d’une part, depuis le 1er octobre 2019 jusqu’au 6 mai 2020 et, d’autre part, depuis le 7 mai 2020.

En défense, la société Récréation Agency s’est opposée aux demandes, faisant valoir l’exception d’inexécution et l’existence de contestations sérieuses, et a sollicité subsidiairement que soit séquestrée judiciairement le montant de la facture sollicitée ainsi que la somme de 241.300,71 euros qui lui serait due par la société Ynnis Editions.

A titre reconventionnel, la société Récréation Agency a sollicité la condamnation de la société Ynnis Editions à lui remettre différents documents, dont les états des ventes et les stocks relatifs aux publications périodiques.

Par ordonnance de référé du 31 août 2020, le président du tribunal de commerce de Lyon a :

• Condamné la société Récréation Agency à verser à la société Ynnis Editions la somme de 19.279,63 euros au titre de la facture FA201912001, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2019, la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement et celle de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens ;

• Rejeté le surplus des demandes.

Le juge des référés a retenu en substance :

• qu’il n’est pas justifié d’éléments légitimant l’exception d’inexécution soulevée par la société Recréation Agency, alors qu’à la barre, le défendeur a reconnu que la facture de 19.279,63 euros était due ;

• que la demande de production de l’état des ventes présentée par la société Ynnis Editions n’a pas trait à une obligation non sérieusement contestable et doit donc être rejetée ;

• que les demandes de séquestre de la société Récréation Agency ne sont pas fondées en référé de même que sa demande de production de pièce, car se rattachant à un débat au fond.

Par déclaration régularisée par RPVA le 17 septembre 2020, la société Récréation Agency a interjeté appel de l’ordonnance de référé du 31 août 2020 dans son intégralité.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 26 mars 2021, la société Récréation Agency demande à la Cour de :

A titre principal :

• Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 31 août 2020 par le président du tribunal de commerce de Lyon et, statuant de nouveau :

• Juger que la facture dont le paiement est réclamé par la société Ynnis Editions est contestée, qu’elle ne résulte d’aucune obligation contractuelle claire et qu’elle ne présente pas le caractère certain exigé en référé ;

• Dire et juger que les demandes de la société Ynnis Editions se heurtent à des contestations sérieuses ;

• Rejeter toutes les demandes de la société Ynnis Editions ;

• Juger qu’il n’y a lieu à référé.

A titre subsidiaire :

Réformer en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue le 31 août 2020 par le président du tribunal de commerce de Lyon et, statuant de nouveau :

• Rejeter toutes les demandes de la société Ynnis Editions ;

• Ordonner que Monsieur le Bâtonnier de l’Ordre des Avocats du Barreau de Lyon soit constitué séquestre judiciaire et ordonner à la société Ynnis Editions la mise sous séquestre en ses mains :

• des sommes versées indument par la société Récréation Agency au titre du premier jugement à hauteur de 20.923,95 euros ;

• de la somme de 241.300,71 euros dont la société Récréation Agency a fait la demande par mise en demeure le 30 juin 2020, au titre des indemnités de retard sur le paiement des rémunérations proportionnelles, de la perte cumulée subie entre mai 2016 et mai 2020 et au titre du grave préjudice d’image et de la dévalorisation de la marque, résultant de l’exécution désastreuse par la société Ynnis Editions de ses engagements, afin qu’elles soient conservées par Monsieur le Bâtonnier dans l’attente qu’une décision de justice définitive tranche le différend existant entre les parties, ou qu’une transaction mette un terme à la contestation

entre les parties.

En tout état de cause :

• Ordonner à la société Ynnis Editions de transmettre à la société Récréation Agency les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la société Récréation Agency depuis le début de la relation commerciale, sous astreinte de 300 euros par jour de retard, ce passé un délai de 8 jours après la mise à disposition du délibéré ;

• Condamner la société Ynnis Editions à verser à la société Récréation Agency la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, la société Récréation Agency expose :

• que depuis 2013 , il existe entre les deux sociétés un partenariat sans qu’un contrat ait été formalisé, étant précisé que la société Récréation Agency est en charge de la rédaction et du contenu éditorial et graphique des magazines Rockyrama, la société Ynnis Edition étant quant à elle chargée de la fabrication des exemplaires physiques et de leur distribution ;

• qu’il était notamment convenu que sur les exemplaires vendus par la société Récréation Agency sur son propre site internet, fournis par la société Ynnis Editions, Récrération Agency reverse 60 % des recettes nettes à la société Ynnis Editions ;

• qu’en effet, la société Ynnis Editions accorde à la société Récréation Agency une remise de 40% sur les ventes en ligne de numéros courants et les monographies, remise qui a été accordée en avril 2020, en remplacement d’une remise antérieure de 30%, et qui s’applique rétroactivement au passif de la relation, et donc aux encours de facturation ;

• que c’est sur ce reversement que porte la facture litigieuse, pour laquelle est appliquée une remise à 30 % alors que les parties se sont accordées en avril 2020 sur une remise à 40% ;

• qu’au surplus, la société Ynnis Editions doit transmettre à la société Récréation Agency les états des ventes et reverser des royalties à hauteur de 10 %, assis sur les recettes brutes et qu’il lui est dû par la société Ynnis Editions différentes sommes à ce titre, sur lesquelles elle formule une demande de compensation ;

• que la société Récréation Agency a très vite été confrontée à l’attitude déloyale de son partenaire, qui n’a cessé de commettre des fautes de plus en plus graves dans le cadre de l’exécution de sa mission, raison pour laquelle la rupture des relations commerciales est intervenue.

La société Récréation Agency fait valoir en premier lieu et à titre principal qu’il existe des contestations sérieuses concernant les demandes de la société Ynnis Editions, en ce que :

• la société Ynnis Editions a commis de graves manquements à son obligation essentielle de reddition de comptes, étant précisé que ces redditions devaient permettre à la société Récréation Agency de déterminer le montant des sommes qui devaient lui être versées par la société Ynnis Editions et d’émettre les factures correspondantes ;

• que ces informations essentielles n’ont jamais été adressées par la société Ynnis Editions depuis 2015 et que par voie de conséquence, ne connaissant pas le montant réel des tirages, des stocks et des ventes, la société Récréation Agency a été dans l’impossibilité de contrôler la régularité de la commercialisation et plus encore, d’émettre les factures et de percevoir les

rémunérations correspondantes, ce qui l’a privée d’une partie importante de ses revenus ;

• que le document communiqué le 15 octobre 2019 par la société Ynnis Editions ne constitue pas une reddition de comptes fiable, puisqu’il contient de multiples incohérences et laisse apparaître les dissimulations de la société Ynnis Editions ;

• qu’ainsi, sur ce document, à titre d’exemple, les deux tests opérés sur les trois premières lignes, révèlent que le nombre d’exemplaires livrés était supérieur au nombre d’exemplaires tirés et que dans d’autre cas, le nombre total d’exemplaires vendus était supérieur au nombre d’exemplaires livrés ;

• que la société Ynnis Editions n’a jamais apporté la moindre explication aux incohérences flagrantes des documents transmis.

• que c’est dans ce contexte que la société Récréation Agency a contesté le montant de la facture litigieuse à plusieurs reprises, et opposé l’exception d’inexécution, au sens de l’article 1219 du code civil.

La société Récréation Agency en déduit être fondée à réclamer que les paiements des sommes réclamées par la société Ynnis Editions dans le cadre du référé interviennent par compensation et qu’il soit retenu que son obligation de payer la facture litigieuse est sérieusement contestable, d’autant qu’il n’existe en l’espèce aucun contrat entre les parties et que rien ne permet d’établir avec l’évidence requise en référé, que cette facture serait due.

S’agissant, en second lieu, des demandes relatives aux redditions de comptes présentées par la société Ynnis Editions, l’appelante fait valoir qu’elle a transmis le 3 avril 2020 un état des ventes à jour au 28 février 2020 et qu’elle ne peut rien communiquer après cette date, compte tenu des délais d’usage, outre qu’il existe aucun accord écrit à ce titre.

La société Récréation Agency soutient par ailleurs que c’est à tort que l’ordonnance de référé du 31 août 2020 a jugé qu’elle reconnaissait à la barre que la facture était due et qu’il ne peut être considéré, contrairement à ce que soutient la société Ynnis Editions, qu’il s’agit d’un aveu judiciaire, en ce que :

• l’aveu judiciaire ne peut résulter que de la reconnaissance d’un fait par une partie, dans ses conclusions écrites ;

• les propos tenus à l’audience avaient pour objet d’affirmer que des sommes et redevances étaient dues par chacune des parties.

A titre subsidiaire, et en troisième lieu, la société Récréation Agency fait valoir, à l’appui de sa demande de mise sous séquestre :

• qu’elle réclame à la société Ynnis Editions une somme de 241.300,71 euros, se décomposant en 16.715,71 euros à titre d’indemnité de retard sur le paiement des rémunérations proportionnelles, 184.585 euros, au titre de la perte cumulée subie entre mai 2016 et mai 2020 résultant de la différence entre ce que la société Ynnis Editions verse à la société Récréation Agency et toutes les charges que la société Récréation Agency a dû assumer pour assurer le succès, la promotion et la pérennité de la revue, en ce inclus les prêts qu’elle a été contrainte de souscrire, et 40.000 euros au titre du grave préjudice d’image qu’elle a subi ;

• qu’elle est en droit de procéder au paiement par compensation ;

• qu’elle redoute qu’en cas de paiement, elle ne soit pas en mesure d’obtenir la restitution des sommes qui lui sont dues, voire de ne pouvoir opérer une quelconque compensation ;

• que si elle a versé le 16 septembre 2020 le montant de la condamnation résultant de l’ordonnance de référé à la suite d’une mise en recouvrement par huissier de justice, il convient d’ordonner à la société Ynnis Editions de mettre sous séquestre des sommes versées indûment par la société Récréation Agency.

La société Récréation Agency sollicite en dernier lieu, au vu des éléments précédemment exposés, qu’il soit ordonné sous astreinte à la société Ynnis Editions de lui transmettre les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, ainsi que toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la société Récréation Agency depuis le début de la relation commerciale.

Aux termes de ses dernières écritures, régularisées par RPVA le 10 septembre 2021, la société Ynnis Editions demande à la Cour de :

• Infirmer le chef de l’ordonnance critiqué en ce qu’il a rejeté « toutes autres demandes, fins et conclusions » ;

• Débouter la société Récréation Agency de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

• Confirmer l’ordonnance entreprise sur les chefs suivants :

« Condamnons la société Récréation Agency au profit de la société Ynnis Editions à payer à titre provisionnel la somme de 19.279,63 euros avec intérêts au taux légal à compter du 07/12/2019, à payer la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, à payer la somme de 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile », outre aux dépens ;

• Condamner la société Récréation Agency à supporter les entiers dépens de l’instance et à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

• Ordonner à la société Récréation Agency la production de l’état daté des ventes et des stocks des magazines, monographies et marchandises ROCKYRAMA remises par la société Ynnis Editions depuis le 1 er octobre 2019 jusqu’au jour de prononcé de la décision à intervenir, sous astreinte de 400 euros par jour de retard, ce passé un délai de huit jours suivant mise à disposition du délibéré.

L’intimée expose :

• que le 6 décembre 2019, après avoir obtenu les chiffres des ventes en ligne réalisées par la société Récréation Agency de septembre 2018 à septembre 2019, elle a émis une facture de 19.279,63 euros TTC correspondant aux chiffres de vente déclarés, qui n’a jamais été contestée ;

• que le 6 mai 2020, la société Récréation Agency a rompu ses relations commerciales avec la société Ynnis Editions et que c’est dans ce contexte que la facture n’a pas été réglée, en dépit d’une mise en demeure délivrée le 28 mai 2020, qui lui réclamait également de lui adresser l’état des ventes réalisées à compter du 1er octobre 2019, à laquelle il n’a pas été déféré.

La société Ynnis Editions soutient en premier lieu que ses demandes ne sont pas sérieusement contestables, en ce que :

• le fonctionnement du partenariat éditorial impliquait la remise par la société Ynnis Editions à

la société Récréation Agency d’un certain nombre d’exemplaires du magazine ROCKYRAMA en dépôt-vente, à charge pour la société Récréation Agency de les écouler, moyennant une rémunération sous forme d’une remise de 30 % sur le montant des biens vendus, aucun autre pourcentage n’ayant donné lieu à un accord ;

• que la facture litigieuse a été émise dans le cadre de ce partenariat éditorial et selon les mêmes modalités, c’est-à-dire en regard des ventes réalisées par la société Récréation Agency sur la période concernée par la facture, qui a été établie sur la base des déclarations de vente non contrôlées établies par cette dernière, facture qu’elle n’a pas contestée ;

• que la facture contestée est liée à la fourniture de marchandises laissées en dépôt-vente chez l’appelante qui, les ayant revendues, a encaissé sans bourse délier les bénéfices de l’opération ;

• que cette facture, payable à 60 jours, établie sur la foi de l’état des ventes sur la période de septembre 2018 à septembre 2019 fournie par la société Récréation Agency, est certaine, liquide et exigible et qu’elle a d’ailleurs reconnu à l’audience de plaidoiries du juge des référés son bien-fondé, ce qui constitue un aveu judiciaire.

Elle soutient en second lieu que le débat sur l’exception d’inexécution est un débat de fond qui ne relève pas de l’office du juge des référés, étant observé que, contrairement à ce que soutient la société Récréation Agency , les comptes lui ont été régulièrement transmis.

En troisième lieu et à titre reconventionnel, elle soutient que le juge des référés du tribunal de commerce a rejeté à tort sa demande de communication des états de vente en retenant qu’elle n’avait pas trait à l’exécution d’une obligation non sérieusement contestable, en ce que :

• il est constant et non contesté que la société Récréation Agency n’a pas rendu compte des ventes des produits appartenant à la société Ynnis Editions depuis octobre 2019 ;

• que jusqu’à ce jour, la société Récréation Agency vend journellement sur ses sites les lots de marchandises lui ayant été laissées en dépôt-vente avant mai 2020, ce sans lui reverser le moindre euro ;

• que c’est donc à bon droit que la société Ynnis Editions demande communication des états des ventes réalisées par la société Ynnis Editions et des stocks de marchandises détenus par la société Récréation Agency sur la période d’octobre 2019 à ce jour.

Il convient de se référer aux écritures des parties pour plus ample exposé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, les demandes des parties tendant à voir la Cour « constater » ou « dire et juger » ne constituant pas des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile mais des moyens ou arguments au soutien des véritables prétentions, il n’y a pas lieu de statuer sur celles-ci.

1) Sur le paiement de la facture de 19 279,63 euros réclamé par la société Ynnis Editions

La demande de la société Ynnis Editions relative au paiement de la facture querellée doit être examinée par application de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, lequel dispose :

‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il (le président du tribunal de commerce) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’

Ainsi au visa de l’article 873 alinéa 2 précité, le paiement de la facture de 19.279,63 euros ne peut être ordonné à titre provisionnel que s’il est établi qu’il n’existe aucune contestation sérieuse au règlement de cette somme.

En l’espèce, la facture litigieuse, datée du 6 décembre 2019, versée aux débats, fait état d’une somme de 19.279,63 euros due par la société Récréation Agency à la société Ynnis Editions au titre de ‘VPC Rockyrama’ de septembre 2018 à septembre 2019, cette facture mentionnant ‘suivant relevé de ventes joints.’

La Cour ne peut que constater que les justificatifs des montants réclamés (‘suivant relevé de ventes joints’) ne sont pas produits aux débats.

Par ailleurs, il ressort du courriel échangé entre les parties le 20 janvier 2020 (pièce 14 de l’appelante) que la facture du 6 décembre 2019 n’a été envoyée à la société Récréation Agency que le 20 janvier 2020.

Contrairement à ce que soutient la société Ynnis Editions, cette facture a été rapidement contestée par la société Récreation Agency , laquelle, après vérifications et dans un courriel du 24 janvier 2010 (pièce 14 de l’appelante), indique :

‘Les chiffres communiqués ne correspondent pas à la réalité des quantités vendues. Je ne peux donc accepter la facture en l’état’.

Par la suite, dans un courriel du 3 avril 2020, la société Récréation Agency fait état :

• de royalties impayées par la société Ynnis Editions depuis 2014, ne permettant pas à la société Récreation Agency d’éditer les factures correspondantes,

• d’une éventuelle compensation.

Il ne peut être considéré dans ces conditions que cette facture n’a jamais été contestée par la société Récreation Agency, étant observé qu’en l’absence de production des notes d’audience concernant la procédure de 1re instance, il ne peut être sérieusement retenu que la créance a été officiellement reconnue sans réserves par la société Récreation Agency par aveu judiciaire, dans un contexte où le courriel du 3 avril 2020 révèle en réalité l’existence de créances réciproques dont le contour n’est pas précisément défini.

Surtout, force est de constater qu’aucun contrat n’est intervenu entre les parties, fixant précisément les droits et obligations de chacune d’entre elles, les engagements dont se prévalent chacune des parties ne résultant en réalité que d’échanges nourris de multiples courriers électroniques, versés aux débats (pièces 3 à 7 de l’appelante) dans lesquels sont évoqués différents points extrêmement techniques, concernant des rémunérations de différentes nature, et qui ne permettent pas de déterminer clairement quels étaient les obligations et droits de chacune des parties.

Enfin, s’il n’appartient pas à la juridiction des référés de se prononcer sur le bien fondé de

l’exception d’inexécution soulevée par la société Récreation Agency, il peut en revanche être constaté que dans le corps des nombreux courriels versés aux débats, il est fait état par la société Récreation Agency d’importantes sommes qui lui seraient dues depuis plusieurs années au titre de royalties et de retards de près d’une année dans les paiements de sommes appelées à lui revenir, ces éléments n’étant pas formellement contestés par la société Ynnis Editions qui y répond dans le cadre de ces courriels, lesquels révèlent par ailleurs que les parties ont visiblement usé de la pratique de la compensation à plusieurs reprises.

Au regard de ces éléments, et alors que l’opacité des relations entre les parties, en l’absence de contrat, ne permet pas de déterminer la nature exacte de leurs obligations respectives, la demande en paiement formée par la société Ynnis Editions au titre de la facture FA201912001 de 19.279,63 euros se heurte à une contestation sérieuse qu’il n’appartenait pas au juge des référés, juge de l’évidence, de trancher.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la société Récreation Agency à payer à la société Ynnis Editions la somme provisionnelle de 19.279,63 euros au titre de la facture FA201912001, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2019, outre la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, et statuant à nouveau :

Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de la société Ynnis Editions.

2) Sur les demandes de production de pièces présentées par la société Ynnis Editions et la société Récreation Agency

La société Récreation Agency demande qu’il soit ordonné sous astreinte à la société Ynnis Editions de lui communiquer les informations certifiées concernant les états de vente, les stocks, et toutes les factures relatives aux publications des périodiques de la société Récreation Agency depuis le début de la relation commerciale.

La société Ynnis Editions sollicite quant à elle qu’il soit ordonné sous astreinte à la société Récreation Agency de lui communiquer l’état daté des ventes et des stocks des magazines Rockyrama remises par la société Ynnis Edition depuis le 1er octobre 2019 jusqu’au jour du prononcé de la décision.

Les sociétés Ynnis Editions et la société Récreation Agency ne précisent pas le fondement juridique de leur demande, se limitant à soutenir que ces pièces leur sont nécessaires pour faire les comptes entre les parties.

Ces demandes ne peuvent se fonder sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, alors qu’il est indiqué qu’un procès au fond est déjà engagé devant le tribunal de commerce de Lyon.

Par ailleurs, à défaut d’urgence démontrée, ces demandes concernant des pièces qui n’auraient pas été produites depuis plusieurs années, Il doit donc être considéré que ces demandes ne peuvent être fondées sur les dispositions de l’article 872 du code de procédure civile et qu’elles reposent nécessairement sur les dispositions de l’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile, selon lequel :

‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il (le président du tribunal de commerce) peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’

Il doit donc être établi par les parties que la communication des documents revendiqués ressort d’une obligation non sérieusement contestable justifiant qu’il soit ordonné sous astreinte de l’exécuter.

Or, aucune obligation concernant la production de ces documents ou des délais qu’il convenait de respecter n’a été formalisée par les parties dans le cadre de leurs relations commerciales, et dans ces conditions, il ne peut être retenu l’existence d’une obligation ne se heurtant à aucune contestation sérieuse justifiant que la communication des documents demandés soit ordonnée sous astreinte.

La Cour en conséquence infirme la décision déférée qui a rejeté au fond ces demandes et statuant à nouveau dit qu’il n’y a lieu à référé sur celles-ci, ces demandes étant irrecevables en référé à défaut de remplir les conditions d’application.

3) Sur les demandes accessoires

La société Ynnis Editions succombant, la Cour infirme la décision déférée qui a condamné la société Récreation Agency aux dépens et à payer la somme de 1.000 euros à la société Ynnis Editions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et, statuant à nouveau :

Condamne la société Ynnis Editions aux dépens de première instance et rejette la demande présentée par la société Ynnis Editions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance.

La société Ynnis Editions est condamnée aux dépens à hauteur d’appel et à payer à la société Récreation Agency la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, justifiée en équité.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Infirme la décision déférée en ce qu’elle a condamné la société Récreation Agency à payer à la société Ynnis Editions la somme de 19.279,63 euros au titre de la facture FA201912001, avec intérêts au taux légal à compter du 7 décembre 2019, outre la somme de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Statuant à nouveau :

• Dit n’y avoir lieu à référé sur la demande en paiement de la société Ynnis Editions.

Infirme la décision déférée qui a rejeté au fond les demande de production de pièces des sociétés Récreation Agency et Ynnis Editions,

Statuant à nouveau,

• Dit n’y avoir lieu à référé sur ces demandes qui sont irrecevables,

Infirme la décision déférée qui a condamné en première instance la société Récreation Agency aux dépens et à payer la somme de 1.000 euros à la société Ynnis Editions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Statuant à nouveau :

• Condamne la société Ynnis Editions aux dépens de la procédure de première instance ;

• Rejette la demande présentée par la société Ynnis Editions sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile en première instance ;

• Condamne la société Ynnis Editions aux dépens à hauteur d’appel ;

• Condamne la société Ynnis Editions à payer à la société Récreation Agency la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel ;

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER Karen STELLA, CONSEILLER

FAISANT FONCTION DE PRESIDENT

 


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