Un message RPVA adressé par l’avocat des défendeurs à l’action dans lequel ceux-ci sollicitent le renvoi de l’affaire pour permettre de répliquer aux conclusions du demandeur n’est pas de nature à interrompre la prescription abtrégée de la loi du 29 juillet 1881.
Ayant constaté, ensuite, qu’aucun acte régulier de procédure manifestant son intention de poursuivre l’action n’avait été effectué entre le 10 juin et le 25 septembre 2021 par la société demanderesse à l’action en insertion forcée, elle en exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la prescription était acquise. * * * Cour de cassation, Première chambre civile, 29 mars 2023, 22-10.875 CIV. 1 MY1 COUR DE CASSATION Audience publique du 29 mars 2023 Rejet Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen Arrêt n° 295 F-B Pourvoi n° A 22-10.875 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 MARS 2023 La société Emrys la carte, société coopérative à capital variable, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 22-10.875 contre l’arrêt rendu le 24 novembre 2021 par la cour d’appel de Toulouse (3e chambre civile), dans le litige l’opposant : 1°/ à l’association UFC-Que Choisir, dont le siège est [Adresse 1], 2°/ à M. [N] [K], domicilié [Adresse 1], 3°/ au procureur général près la cour d’appel de Toulouse, domicilié en son parquet général, 10 place Salin, BP 7008, 31068 Toulouse cedex, défendeurs à la cassation. La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, trois moyens de cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de M. Serrier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Spinosi, avocat de la société Emrys la carte, de la SCP Foussard et Froger, avocat de l’association UFC-Que Choisir, de M. [K], après débats en l’audience publique du 14 mars 2023 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Serrier, conseiller référendaire rapporteur, M. Jessel, conseiller,et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure1. Selon l’arrêt attaqué (Toulouse, 24 novembre 2021), l’association UFC-Que Choisir (l’association), éditrice du magazine « Que choisir argent », a publié dans le numéro de juillet 2020 un article intitulé « Le (faux) monde enchanté d’Emrys », évoquant les programmes de fidélité proposés par la société Emrys la carte (la société). Par lettre recommandée du 27 août 2020, la société a adressé à M. [K], directeur de publication du magazine, une réponse qui n’a pas été publiée. 2. Le 23 septembre 2020, la société a assigné en référé l’association et M. [K] aux fins d’insertion forcée sous astreinte de cette réponse. En appel, l’association et M. [K] ont opposé la prescription de l’action. Examen des moyensSur le premier moyen Enoncé du moyen 3. La société fait grief à l’arrêt de déclarer son action en insertion forcée d’un droit de réponse irrecevable comme prescrite, alors : « 1°/ que ne peut être appliqué au droit de réponse le délai de prescription trimestrielle prévue, non pour l’exercice d’un droit, mais pour l’exercice d’une action résultant d’un crime, délit ou contravention prévus par la loi du 29 juillet 1881 ; qu’ainsi, a méconnu les articles 6, 10, § 2 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, 13 et 65 de la loi du 29 juillet 1881, 2231, 2241 et 2242 du code civil, la cour d’appel qui a jugé irrecevable l’action en insertion forcée d’un droit de réponse, pour cause de prescription, quand l’action exercée tendait, ainsi que son nom l’indique, à l’insertion d’un droit de réponse non soumis à prescription trimestrielle exclusivement prévue par la loi pour « l’action publique et l’action civile résultant des crimes, délits et contraventions » de la loi de 1881 ; 2°/ que s’il devait être considéré que le délai de prescription trimestrielle était applicable en matière d’insertion forcée d’un droit de réponse, les dispositions des articles 12 et 13 de la loi du 29 juillet 1881, combinées avec celles de l’article 65 de la même loi, contreviendraient aux droits et libertés constitutionnellement garantis et, en particulier, au droit d’accès au juge et à un recours effectif ainsi qu’à l’équilibre des droits des parties, tels qu’ils sont garantis par les articles 4 et 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ; que la déclaration d’inconstitutionnalité qui interviendra privera de fondement la décision attaquée. » Réponse de la Cour 4. En premier lieu, c’est à bon droit que la cour d’appel a énoncé que l’action en justice afin de faire sanctionner le refus d’insertion d’un droit de réponse est soumise au délai de prescription de trois mois prévu à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. 5. En second lieu, la Cour de cassation ayant par un arrêt n° 702 F-D du 13 juillet 2022, dit n’y avoir lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité relative aux articles 12, 13 alinéa 1er et 65 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, la seconde branche du moyen est sans portée. Sur le deuxième moyen Enoncé du moyen 6. La société fait le même grief à l’arrêt, alors « qu’a porté une atteinte excessive au droit d’accès à un juge ainsi qu’au droit à un recours effectif pour permettre la réparation d’une atteinte à sa réputation et a ainsi méconnu les articles 6, 10, § 2 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, 13 alinéa 1er et 65 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, la cour d’appel qui a jugé irrecevable pour cause de prescription l’action exercée par la société tendant à l’insertion forcée d’un droit de réponse en se bornant, par formalisme excessif, à considérer que cette action était soumise à la prescription trimestrielle sans se prononcer sur l’existence d’un calendrier de procédure et la volonté persistante du demandeur de maintenir son action. » Réponse de la Cour 7. L’existence d’un court délai de prescription édicté par l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 a pour objet de garantir la liberté d’expression et ne prive pas le demandeur à l’action en insertion forcée de tout recours effectif, dès lors qu’il a la faculté d’interrompre la prescription par tout acte régulier de procédure manifestant son intention de continuer l’action. Ces règles sont 8. Dès lors que l’existence d’un calendrier de procédure ne dispense pas le demandeur à l’action en insertion forcée d’un droit de réponse de s’assurer de l’accomplissement dans les délais requis des actes nécessaires à l’interruption de la prescription trimestrielle, le moyen est inopérant. Sur le troisième moyen Enoncé du moyen 9. La société fait le même grief à l’arrêt, alors : « 1°/ que, n’a pas rempli son office et a méconnu les articles 6, 10, § 2 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, 13 alinéa 1er et 65 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 2231, 2234, 2241 et 2242 du code civil, la cour d’appel qui a jugé l’action irrecevable en se bornant à constater l’absence d’acte interruptif sans jamais examiner si la fixation du calendrier de la procédure ne constituait pas un empêchement d’agir prévu par la loi ou la convention et, partant, un motif valable de suspension de la prescription ; 2°/ que la cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 6, 10, § 2 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, 12, 13 alinéa 1er et 65 alinéa 1er de la loi du 29 juillet 1881, 2231, 2234, 2241 et 2242 du code civil, en jugeant irrecevable l’action exercée en insertion forcée du demandeur sans se prononcer sur l’attitude déloyale du défendeur, seul à l’origine de la prescription opportunément soulevée par lui. » Réponse de la Cour 10. La cour d’appel a, d’abord, énoncé à bon droit qu’un message RPVA adressé par l’avocat des défendeurs à l’action dans lequel ceux-ci sollicitent le renvoi de l’affaire pour permettre de répliquer aux conclusions du demandeur n’est pas de nature à interrompre la prescription trimestrielle. 11. Ayant constaté, ensuite, qu’aucun acte régulier de procédure manifestant son intention de poursuivre l’action n’avait été effectué entre le 10 juin et le 25 septembre 2021 par la société demanderesse à l’action en insertion forcée, elle en exactement déduit, sans être tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, que la prescription était acquise. 12. Le moyen n’est donc pas fondé. PAR CES MOTIFS, la Cour :REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Emrys la carte aux dépens ; En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Emrys la carte et la condamne à payer à l’association UFC-Que Choisir et à M. [K] la somme globale de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf mars deux mille vingt-trois. |
→ Questions / Réponses juridiques
Quel est le contexte de l’affaire jugée par la Cour de cassation le 29 mars 2023 ?L’affaire concerne un litige entre la société Emrys la carte et l’association UFC-Que Choisir, suite à la publication d’un article dans le magazine « Que choisir argent ». Cet article, paru en juillet 2020, critiquait les programmes de fidélité de la société Emrys. En réponse, la société a tenté d’obtenir l’insertion forcée d’un droit de réponse, mais a été confrontée à une opposition sur la base de la prescription de l’action. La société a assigné l’association et son directeur de publication en référé, mais la cour d’appel a déclaré l’action irrecevable pour cause de prescription. Quelles sont les implications de la prescription dans cette affaire ?La prescription est un mécanisme juridique qui fixe un délai au-delà duquel une action en justice ne peut plus être engagée. Dans le cas présent, la Cour a confirmé que l’action en insertion forcée d’un droit de réponse était soumise à un délai de prescription de trois mois, conformément à l’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. La société Emrys n’a pas effectué d’acte régulier de procédure entre le 10 juin et le 25 septembre 2021, ce qui a conduit la cour à conclure que la prescription était acquise. Cela signifie que la société a perdu son droit d’agir en justice pour obtenir l’insertion de sa réponse. Quels moyens de cassation a invoqués la société Emrys ?La société Emrys a invoqué trois moyens de cassation. Le premier soutenait que le délai de prescription trimestrielle ne devrait pas s’appliquer à son action en insertion forcée, arguant que cette action ne relevait pas des prescriptions prévues pour les actions résultant de crimes, délits ou contraventions. Le deuxième moyen contestait que la cour d’appel ait porté atteinte au droit d’accès à un juge en déclarant l’action irrecevable pour cause de prescription, sans examiner la volonté persistante de la société de maintenir son action. Enfin, le troisième moyen affirmait que la cour d’appel n’avait pas correctement justifié sa décision en ne tenant pas compte de l’attitude déloyale du défendeur, qui aurait contribué à la prescription. Comment la Cour de cassation a-t-elle répondu aux moyens de cassation ?La Cour de cassation a rejeté les moyens de la société Emrys. Elle a confirmé que l’action en insertion forcée est bien soumise à la prescription de trois mois, comme l’a établi la cour d’appel. De plus, la Cour a souligné que le droit d’accès à un juge n’était pas compromis, car la société avait la possibilité d’interrompre la prescription par des actes réguliers de procédure. La cour a également noté que l’absence d’actes manifestant l’intention de poursuivre l’action a conduit à la conclusion que la prescription était acquise. Quel a été le dispositif final de la Cour de cassation ?La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la société Emrys la carte, confirmant ainsi la décision de la cour d’appel. En conséquence, la société a été condamnée aux dépens et a dû verser une somme de 3 000 euros à l’association UFC-Que Choisir et à M. [K] en application de l’article 700 du code de procédure civile. Cette décision souligne l’importance de respecter les délais de prescription dans les actions en justice, en particulier dans le cadre des droits de réponse en matière de presse. |
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