Notion de provocation à la haineLes délits de provocation à la haine raciale et d’injure pourraient être confondus mais sont bien distincts. La provocation à la haine prévu et réprimé par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 est caractérisée lorsque les juges constatent que, tant par leur sens que par leur portée, les propos incriminés tendent à susciter un sentiment de rejet ou d’hostilité, de haine ou de violence envers un groupe de personnes déterminé. Dans cette affaire, des fonctionnaires de police ont été poursuivis (et condamnés) devant la juridiction correctionnelle du chef de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, en raison notamment des propos suivants proférés, hors service, à l’intérieur d’un débit de boisson : « Heil Hitler !, Sieg Heil !, White power !, Mort aux juifs ! ». Paroles et gestes dans un barMême si le mode d’expression par gestes explicites (salut nazi) n’est pas énoncé à l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881, il était établi que tous les protagonistes ont appuyé leurs propos du salut nazi, notamment au moment de trinquer, puis ont pratiqué ce qu’un témoin a nommé de « mini saluts nazis ». Publicité du délitLes propos en cause ont été non seulement proférés dans un lieu public, ouvert à toute clientèle sans restriction et sans invitation particulière, mais encore ont été tenus à voix haute, de manière à être entendus si ce n’est de l’ensemble des consommateurs de l’établissement, en tout cas du plus grand nombre possible d’entre eux. Ces gestes et propos n’étaient donc pas destinés à rester cantonnés aux membres du groupe mais bien à être audibles du plus grand nombre, de sorte que leur caractère public ne faisait aucun doute. Les termes « white power » font référence à une idéologie qui, destinée à assurer tous les pouvoirs aux blancs et à consacrer ainsi une suprématie de la race blanche, prône la discrimination, sous toutes ses formes, à l’égard de toutes les personnes qui n’appartiennent pas à cette race. Les termes de « mort aux juifs », quant à eux, font directement référence à l’idéologie nazie laquelle prône le racisme, la haine et l’exclusion, par la violence et même la mort, à l’égard notamment des personnes d’origine ou de religion juive. Absence d’apologie de crimes contre l’humanitéCes termes n’ont pas constitué une apologie des crimes commis par le passé mais, dans le contexte où ils ont été tenus, ont tendu à susciter auprès des personnes présentes au sein de l’établissement un violent sentiment d’hostilité ou de rejet à l’égard des personnes qui ne seraient pas de race blanche ou qui seraient d’origine ou de religion juive. Atteinte à l’image de la policeDe surcroît, les auteurs des propos, en leur qualité de fonctionnaires de police sensibilisés au respect de la loi républicaine, ne pouvaient ignorer que les propos tenus par eux dans le contexte précité constituaient une infraction pénale. Circonstance aggravante, les faits ont été commis sous l’empire d’un état alcoolique important, ce qui en soi pose problème pour un fonctionnaire de police, et ont par ailleurs gravement porté atteinte à l’image de la police. Indemnisation symbolique des associationsEn application de l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881, les associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par leurs statuts, de combattre le racisme ou d’assister les victimes de discrimination fondée sur leur origine nationale, ethnique, raciale ou religieuse peuvent exercer les droits reconnus à la partie civile. En l’espèce, les associations SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme ont obtenu la somme de un euro à titre symbolique. |
→ Questions / Réponses juridiques
Qu’est-ce que la provocation à la haine raciale ?La provocation à la haine raciale est un délit défini par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881. Elle se caractérise par des propos ou des gestes qui, par leur sens ou leur portée, visent à susciter un sentiment de rejet, d’hostilité, de haine ou de violence envers un groupe de personnes déterminé. Ce délit est distinct de l’injure, bien que les deux puissent sembler similaires. La provocation à la haine implique une intention manifeste de nuire à un groupe en raison de ses caractéristiques raciales, ethniques ou religieuses. Les juges doivent évaluer le contexte et l’impact des propos pour établir si une provocation a eu lieu. Dans un cas récent, des fonctionnaires de police ont été condamnés pour avoir proféré des propos haineux dans un bar, illustrant ainsi la gravité de ce délit. Quels gestes ont été associés à la provocation à la haine dans cette affaire ?Dans l’affaire mentionnée, les fonctionnaires de police ont non seulement proféré des propos haineux, mais ont également accompagné leurs paroles de gestes explicites, tels que le salut nazi. Bien que l’article 23 de la loi du 29 juillet 1881 ne mentionne pas explicitement les gestes, le contexte dans lequel ces gestes ont été réalisés a été pris en compte. Les protagonistes ont effectué des « mini saluts nazis » au moment de trinquer, renforçant ainsi le caractère provocateur de leurs actions. Ces gestes, en plus des paroles, ont contribué à créer une atmosphère de haine et de rejet envers des groupes spécifiques, ce qui a été déterminant dans la qualification des faits comme une provocation à la haine raciale. Comment la publicité du délit a-t-elle été établie ?La publicité du délit a été établie par le fait que les propos haineux ont été tenus dans un lieu public, accessible à tous, et à voix haute. Cela signifie que les déclarations n’étaient pas destinées à un groupe restreint, mais étaient audibles par le plus grand nombre possible de personnes présentes dans l’établissement. Les juges ont noté que les propos tels que « white power » et « mort aux juifs » étaient clairement destinés à être entendus et à provoquer une réaction. Cette intention de rendre les propos publics a été un élément clé dans la qualification des faits comme une provocation à la haine. Les propos tenus constituaient-ils une apologie des crimes contre l’humanité ?Les propos tenus par les fonctionnaires de police n’ont pas été considérés comme une apologie des crimes contre l’humanité, mais plutôt comme une incitation à la haine. Dans le contexte où ils ont été prononcés, ces termes ont suscité un sentiment d’hostilité envers les personnes qui ne sont pas de race blanche ou qui sont d’origine ou de religion juive. Ainsi, bien que les propos fassent référence à des idéologies extrêmes, leur objectif principal était de provoquer un rejet et une violence, plutôt que de glorifier des actes passés. Quelle a été l’impact de ces propos sur l’image de la police ?Les propos tenus par les fonctionnaires de police ont gravement porté atteinte à l’image de la police. En tant que représentants de l’autorité publique, ces agents sont censés respecter et faire respecter la loi républicaine. Leur comportement, en état d’ivresse, a été perçu comme une violation de leurs obligations professionnelles. Cela soulève des questions sur la responsabilité des agents de l’État et leur rôle dans la promotion de la paix sociale. Le fait qu’ils aient exprimé des idées haineuses a également eu des répercussions sur la confiance du public envers les forces de l’ordre, ce qui est particulièrement préoccupant dans une démocratie. Quelles associations ont été indemnisées symboliquement et pourquoi ?Les associations qui ont été indemnisées symboliquement sont SOS Racisme, la Ligue des droits de l’homme et la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme. Ces organisations, régulièrement déclarées et actives dans la lutte contre le racisme et la discrimination, ont exercé leurs droits en tant que parties civiles en vertu de l’article 48-1 de la loi du 29 juillet 1881. Elles ont obtenu la somme d’un euro à titre symbolique, ce qui souligne l’importance de leur rôle dans la défense des droits humains et la lutte contre la haine. Cette indemnisation symbolique est un moyen de reconnaître les préjudices causés par les propos haineux, même si elle ne compense pas pleinement les dommages subis. |
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