Lettre de dénonciation : diffamation contre une société  

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Lettre de dénonciation : diffamation contre une société  

Dénonciation sans fondement

Une lettre de dénonciation d’un comportement répréhensible peut parfaitement tomber sous le coup de la diffamation publique. En l’espèce, le voisin d’une société traitant de l’ « adblue » (solution utilisée pour réduire les émissions d’oxyde d’azote des véhicules diesel) a adressé une lettre de dénonciation au maire de la commune et au procureur de la République, rédigé en ces termes :

« Monsieur X (dirigeant) a effectué une modification de son installation d’hydrocarbures pour recevoir une citerne de carburant hautement gazeux … A ma connaissance, ces travaux n’ont pas fait l’objet d’un permis ou d’une déclaration de travaux, aucun mur coupe-feu n’a été installé sur le mur mitoyen qui nous sépare de sa citerne, il n’a donc pas respecté la sécurité et son installation n’est pas en conformité. Ma famille et moi sommes en danger ! ».

 

Diffamation publique contre personne morale

Aux termes de l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881, toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé est une diffamation. La publication directe ou par voie de reproduction de cette allégation ou de cette imputation est punissable, même si elle est faite sous forme dubitative ou si elle vise une personne ou un corps non expressément nommés, mais dont l’identification est rendue possible par les termes des discours, cris, menaces, écrits ou imprimés, placards ou affiches incriminés.

La société a obtenu la condamnation pour diffamation publique du voisin indélicat. Les allégations contenues dans le courrier en cause étaient diffamatoires en ce qu’elles portaient atteinte à l’honorabilité du dirigeant dans l’exercice de son activité de gérant de la société  et au sérieux de cette entreprise.  Une personne morale peut être victime de diffamation publique, la loi de 1881 visant l’atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne, sans distinguer entre personnes morales et personnes physiques.

Aux termes de l’article 32 de la loi du 29 juillet 1881, la diffamation commise envers les particuliers par l’un des moyens énoncés en l’article 23 est punie d’une amende de 12 000 euros. Parmi les moyens énoncés à l’article 23, figurent notamment les écrits distribués dans des lieux ou réunions publics.  La distribution d’un écrit non confidentiel à divers destinataires qui ne constituent pas entre eux un groupement de personnes liées par une communauté d’intérêts caractérise la publicité prévue par l’article 23. En l’espèce, la copie du courrier destiné au maire a également été adressée à la direction départementale des territoires, au procureur de la République et aux adjoints au maire, alors que ces différentes personnes ne sont pas liées par une communauté d’intérêts. La condition de publicité était donc bien remplie.

Par ailleurs, pour constituer une diffamation, l’allégation ou l’imputation qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération doit se présenter sous forme d’une articulation précise de faits. Peu importe qu’elle soit présentée seulement sous forme dubitative ou par voie d’insinuation, dès lors qu’elle est de nature à porter atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne visée. En l’espèce, il était imputé au dirigeant d’avoir fait des travaux sans permis de construire ou déclaration de travaux. L’expression « à ma connaissance »  précédant l’imputation ne l’annule pas, d’autant qu’elle est suivie de l’affirmation « son installation n’est pas en conformité ». Il s’agissait bien d’une atteinte à l’honneur ou à la considération du gérant et de sa société, propriétaire des lieux, dans la mesure où il leur est imputé des faits susceptibles de qualification pénale.

Bonne foi écartée

En application de l’article 35 bis de la loi de 1881, la mauvaise foi est présumée sauf preuve contraire. Le fait justificatif de bonne foi, distinct de l’exception de vérité des faits diffamatoires, se caractérise par la légitimité du but poursuivi, l’absence d’animosité personnelle, la prudence et la mesure dans l’expression ainsi que par le sérieux de l’enquête. En l’espèce, le ton utilisé, empreint d’animosité personnelle, a exclu toute bonne foi, notamment au vu des passages suivants : « si j’ai bien compris, [le dirigeant] est au-dessus des lois! », et, en fin de courrier « je n’ai pas peur de [le dirigeant]. Il n’y a pas non plus de mesure dans l’expression lorsqu’il y est indiqué : « il n’a donc pas respecté la sécurité et son installation n’est pas en conformité. Ma famille et moi sommes en danger! » Enfin, il apparaît, compte tenu du contexte dans lequel ces propos sont tenus, que le but poursuivi n’était pas légitime.

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Questions / Réponses juridiques

Qu’est-ce que la diffamation publique selon la loi du 29 juillet 1881 ?

La diffamation publique est définie par l’article 29 de la loi du 29 juillet 1881. Cette loi stipule que toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération d’une personne, qu’elle soit physique ou morale, est considérée comme diffamatoire.

Cela inclut non seulement les déclarations explicites, mais aussi celles qui, bien que formulées de manière dubitative, permettent d’identifier la personne visée. La publication de telles allégations, que ce soit par écrit ou oralement, est punissable, même si la personne n’est pas nommément désignée, tant que les termes utilisés permettent son identification.

En l’espèce, le voisin a adressé une lettre au maire et au procureur, ce qui a été jugé comme une diffusion publique des accusations, entraînant une condamnation pour diffamation.

Quels éléments ont conduit à la condamnation pour diffamation dans cette affaire ?

La condamnation pour diffamation dans cette affaire repose sur plusieurs éléments clés. Tout d’abord, les allégations contenues dans la lettre du voisin portaient atteinte à l’honorabilité du dirigeant de la société et à la réputation de l’entreprise elle-même.

Les accusations portées, telles que l’absence de permis de construire et le non-respect des normes de sécurité, sont des faits susceptibles de qualification pénale. Cela a été jugé comme une atteinte à l’honneur, car ces allégations peuvent nuire à la réputation professionnelle du dirigeant et à la crédibilité de la société.

De plus, la lettre a été diffusée à plusieurs destinataires, ce qui a satisfait à la condition de publicité requise par la loi. La combinaison de ces éléments a conduit à la décision de condamner le voisin pour diffamation publique.

Comment la bonne foi a-t-elle été écartée dans cette affaire ?

La bonne foi, en matière de diffamation, est présumée absente sauf preuve du contraire, selon l’article 35 bis de la loi de 1881. Dans cette affaire, plusieurs éléments ont été pris en compte pour écarter la bonne foi du voisin.

Tout d’abord, le ton de la lettre était empreint d’animosité personnelle, ce qui a été mis en évidence par des phrases telles que « si j’ai bien compris, [le dirigeant] est au-dessus des lois ! ». De plus, l’expression « je n’ai pas peur de [le dirigeant] » montre une intention de nuire plutôt qu’une préoccupation légitime pour la sécurité.

Enfin, le manque de mesure dans les déclarations, notamment l’affirmation que la famille du voisin était en danger, a également été un facteur déterminant. Ces éléments ont conduit à la conclusion que le voisin n’agissait pas de bonne foi, mais plutôt avec une intention malveillante.


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