Abus d’expression du Maire : une faute détachable

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Abus d’expression du Maire : une faute détachable

Condamnation d’un Maire pour incitation à la haine

En cas de faute rattachable à sa fonction, le Maire peut bénéficier, sur le volet des poursuites pénales, d’une protection fonctionnelle du Conseil municipal. Toutefois, cette protection ne s’étend pas aux délits de presse. Dans le cadre d’une condamnation pénale prononcée contre un jugement correctionnel (confirmé jusqu’en cassation, CC. crim., 01/02/2017) le condamnant pour provocation à la haine en raison de l’origine ethnique, c’est à tort que le Maire de Roquebrune-sur-Argens a bénéficié de la protection fonctionnelle du conseil municipal.

Conditions de la protection fonctionnelle du Conseil municipal

Aux termes de l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales « La commune est tenue d’accorder sa protection au maire lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions. ».

Pour l’application de cette disposition, présentent le caractère d’une faute personnelle détachable des fonctions de maire des faits qui révèlent des préoccupations d’ordre privé, qui procèdent d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques ou qui, eu égard à leur nature et aux conditions dans lesquelles ils ont été commis, revêtent une particulière gravité. Ni la qualification retenue par le juge pénal, ni le caractère intentionnel des faits retenus contre l’intéressé ne suffisent par eux-mêmes à regarder une faute comme étant détachable des fonctions, et justifiant dès lors que le bénéfice du droit à la protection fonctionnelle soit refusé au maire qui en fait la demande.

Mise en cause virulente des « Rom »

En l’occurrence, lors d’une réunion publique de quartier organisée à Roquebrune-sur-Argens, le maire, après avoir critiqué avec véhémence la présence sur le territoire communal d’un campement de personnes d’origine Rom, a fait la déclaration suivante :  » Je vous rappelle quand même que les gens du voyage, que dis-je, les Roms, m’ont mis neuf fois le feu. Neuf fois des départs de feux éteints par le SDIS dont le dernier, ils se le sont mis eux-mêmes. Vous savez ce qu’ils font : ils piquent des câbles électriques et après ils les brûlent pour récupérer le cuivre et ils se sont mis à eux-mêmes le feu dans leurs propres caravanes. Un gag ! Ce qui est presque dommage, c’est qu’on ait appelé trop tôt les secours ! Mais je ne l’ai pas dit, je ne l’ai pas dit. Non mais parce que les Roms, c’est un cauchemar, c’est un cauchemar  » .

De tels propos suggérant sur le ton assumé de la plaisanterie, lequel ne saurait en atténuer le caractère inacceptable, qu’il aurait fallu attendre avant d’appeler les secours s’avèrent d’une particulière gravité, de par leur caractère intentionnel et outrancier et de la circonstance qu’ils risquaient de susciter, chez certains de ses administrés, des réactions de rejet, voire de haine et de violence. Ces propos procèdent ainsi d’un comportement incompatible avec les obligations qui s’imposent dans l’exercice de fonctions publiques et présentent, par suite, le caractère de faute personnelle détachable des fonctions de Maire.

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Questions / Réponses juridiques

Quel est le cadre légal de la protection fonctionnelle d’un Maire en cas de poursuites pénales ?

La protection fonctionnelle d’un Maire est régie par l’article L. 2123-34 du code général des collectivités territoriales. Cet article stipule que la commune doit accorder sa protection au Maire lorsqu’il fait l’objet de poursuites pénales liées à des faits qui ne sont pas considérés comme une faute détachable de l’exercice de ses fonctions.

Cette protection ne s’applique pas aux délits de presse, ce qui signifie que si un Maire est condamné pour des propos tenus dans ce cadre, il ne pourra pas bénéficier de cette protection.

Il est important de noter que la qualification des faits par le juge pénal ou leur caractère intentionnel ne suffisent pas à déterminer si une faute est détachable des fonctions.

Quelles sont les conditions qui rendent une faute personnelle détachable des fonctions de Maire ?

Pour qu’une faute soit considérée comme détachable des fonctions de Maire, elle doit révéler des préoccupations d’ordre privé ou être le résultat d’un comportement incompatible avec les obligations liées à l’exercice de fonctions publiques.

Les faits doivent également revêtir une particulière gravité, ce qui implique une évaluation des circonstances dans lesquelles ils ont été commis.

Ainsi, même si un Maire est reconnu coupable d’une infraction, cela ne signifie pas automatiquement qu’il ne pourra pas bénéficier de la protection fonctionnelle.

Quels propos ont conduit à la condamnation du Maire de Roquebrune-sur-Argens ?

Lors d’une réunion publique, le Maire de Roquebrune-sur-Argens a tenu des propos virulents à l’encontre des personnes d’origine Rom. Il a évoqué des incidents où des feux avaient été allumés dans des campements, insinuant que ces personnes étaient responsables de ces actes.

Ses déclarations, teintées d’humour noir, ont été jugées inacceptables et ont suscité des inquiétudes quant à leur potentiel à inciter à la haine et à la violence.

Ces propos ont été considérés comme une faute personnelle détachable de ses fonctions, car ils étaient incompatibles avec les obligations d’un élu public.

Quelle a été la décision concernant la protection fonctionnelle du Maire ?

La décision a été que le Maire de Roquebrune-sur-Argens ne pouvait pas bénéficier de la protection fonctionnelle du Conseil municipal en raison de la nature de ses propos.

Ces derniers ont été jugés comme une provocation à la haine en raison de l’origine ethnique, ce qui constitue une faute personnelle détachable de ses fonctions.

Ainsi, malgré la demande de protection, le Maire a été condamné pour ses déclarations, et la protection fonctionnelle ne s’est pas appliquée dans ce cas.

Cette décision souligne l’importance de la responsabilité des élus dans l’exercice de leurs fonctions et les conséquences de leurs paroles.


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