Critique de produits : un droit du chroniqueur de presse

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Critique de produits : un droit du chroniqueur de presse

Chronique de presse virulente

La frontière entre critique (même virulente) de produits et dénigrement peut être mince. En présence de chroniques de tiers, les juridictions font primer la liberté d’expression du chroniqueur dès lors que l’éditeur a pris quelques précautions. Dans cette affaire, une revue viticole a publié une chronique « coup de gueule » mettant en cause la qualité des vins produits par un viticulteur. Le viticulteur, piqué dans son honneur, a poursuivi en dénigrement l’éditeur de la revue.

Liberté de ton des chroniqueurs

La chronique en cause était rédigée comme suit : « les performances très décevantes des Ducru-Beaucaillou (Saint-Julien) 2009, 2008, 2005, interrogent et inquiètent. Le nouveau style se cherche et manque de définition. Ces variations donnent une impression de cafouillage choquant dans une aussi belle marque. L’héritage est-il trop lourd à porter ? Pour l’instant je ne vois aucun intérêt pour les amateurs à posséder ce vin dans sa cave.  » C’est dit ! ».

Par précaution, l’article en cause informait sans ambiguïté le lecteur, que les propos tenus qui peuvent porter atteinte à la réputation du vin Château Ducru-Beaucaillou étaient ceux d’un critique dégustateur qu’il ne faisait que reproduire. L’éditeur a pris le soin de mettre entre guillemets les phrases exactement reproduites de l’article du critique, et les phrases d’accompagnement de l’éditeur ne caractérisaient à l’évidence qu’un commentaire de présentation du contenu reproduit.

La présentation dans une revue consacrée aux vins d’un article d’un critique dégustateur accompagné d’un commentaire certes accrocheur, mais sans indiquer d’aucune façon une appropriation personnelle par le journaliste de l’opinion du critique, s’inscrit naturellement dans la fonction du journal d’information des lecteurs, et ne caractérise donc pas une faute professionnelle de l’éditeur.

Droit de critique dans la presse

La chronique écrite par un professionnel, relève du sens normal de la notion de critique qui implique une liberté d’expression par nature subjective. L’éditeur n’avait aucun devoir de vérification de la qualité ni même de l’exactitude de la chronique reproduite, particulièrement alors qu’il est admis que le chroniqueur est un critique en œnologie reconnu dans le milieu averti des lecteurs de la revue spécialisée.

En bref, sauf outrance ou injure, la chronique d’un critique connu n’est pas de nature à caractériser un dénigrement, une volonté de nuire, un acharnement, qui seraient constitutifs de fautes ouvrant droit à dommages-intérêts. Précision procédurale intéressante : le refus de la revue de publier une mise au point sollicitée par le viticulteur, ne caractérise pas davantage une faute.

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Questions / Réponses juridiques

Quelle est la différence entre critique et dénigrement dans le contexte de la presse ?

La frontière entre critique et dénigrement est souvent floue, surtout dans le domaine de la presse. Une critique, même virulente, peut être considérée comme une expression légitime d’opinion, tant qu’elle respecte certaines règles de présentation et de véracité.

Le dénigrement, en revanche, implique une intention de nuire à la réputation d’une personne ou d’un produit. Dans le cas évoqué, la revue viticole a publié une chronique qui, bien que sévère, était clairement identifiée comme l’opinion d’un critique reconnu.

Cela a permis à l’éditeur de se défendre en arguant que la liberté d’expression du chroniqueur prime, surtout lorsque des précautions ont été prises pour indiquer que les propos étaient ceux d’un tiers.

Comment la revue viticole a-t-elle protégé ses intérêts juridiques ?

La revue viticole a pris plusieurs mesures pour se protéger contre d’éventuelles poursuites en dénigrement. Tout d’abord, elle a clairement indiqué que les propos critiques sur le vin Château Ducru-Beaucaillou étaient ceux d’un critique dégustateur, et non de l’éditeur lui-même.

En mettant les phrases du critique entre guillemets, l’éditeur a signalé qu’il ne s’appropriait pas ces opinions. De plus, le commentaire d’accompagnement de l’éditeur était formulé de manière à ne pas donner l’impression d’une opinion personnelle, mais plutôt d’une présentation des faits.

Ces précautions ont été jugées suffisantes pour protéger l’éditeur contre les accusations de dénigrement.

Quel est le rôle de la liberté d’expression dans les critiques de produits ?

La liberté d’expression joue un rôle fondamental dans le domaine des critiques de produits, y compris dans le secteur viticole. Elle permet aux chroniqueurs et critiques d’exprimer leurs opinions sur la qualité des produits, ce qui est essentiel pour informer les consommateurs.

Dans le cas de la chronique en question, la liberté d’expression a été reconnue comme un droit fondamental, tant que les critiques ne tombent pas dans l’outrance ou l’injure.

Les critiques, surtout lorsqu’elles proviennent de professionnels reconnus, sont considérées comme des opinions subjectives qui ne peuvent pas être systématiquement qualifiées de dénigrement, à moins qu’il n’y ait une intention manifeste de nuire.

Quelles sont les implications juridiques pour les éditeurs de revues spécialisées ?

Les implications juridiques pour les éditeurs de revues spécialisées sont significatives. Ils doivent naviguer entre la liberté d’expression et la protection de la réputation des individus ou des marques.

Dans le cas étudié, l’éditeur n’avait pas l’obligation de vérifier la qualité ou l’exactitude des critiques, surtout lorsque celles-ci proviennent d’un critique reconnu dans le domaine.

Cependant, il est crucial que les éditeurs prennent des précautions pour éviter d’être accusés de dénigrement. Cela inclut la clarification des sources des critiques et l’utilisation de guillemets pour indiquer que les propos ne sont pas ceux de l’éditeur.

En l’absence d’injures ou d’outrances, les critiques d’un professionnel ne devraient pas entraîner de conséquences juridiques pour l’éditeur.


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