Délits de presse : le piège du bref délai

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Délits de presse : le piège du bref délai

Affaire Jeannette Bougrab

Dans le cadre de l’action en diffamation initiée par l’ex-secrétaire d’Etat Jeannette Bougrab contre les inrocks (imputations de vol), les juges ont, en raison de la prescription abrégée, déclarer l’action irrecevable.

Calcul de la prescription abrégée

La prescription de l’action engagée sur le fondement de la loi du 29 juillet 1881 constitue une exception péremptoire et d’ordre public qui doit être relevée d’office par le juge. L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 qui régit la prescription en cette matière, applicable aux instances introduites devant le juge civil, dispose que l’action résultant des infractions prévues par ladite loi se prescriront après trois mois révolus, à compte du jour où elles auront été commises ou du jour du dernier acte d’instruction ou de poursuite s’il en a été fait.

Ainsi, la partie poursuivante ne peut laisser s’écouler un délai de plus de trois mois sans manifester, par un acte de procédure régulier, son intention de continuer l’action engagée, faute de quoi la prescription est acquise.

S’il n’est pas indispensable que l’acte de procédure, pour être considéré comme ayant un effet interruptif, soit effectivement porté à la connaissance de la partie à l’égard de qui la prescription veut être interrompue, cet acte doit avoir date certaine et être régulier.

Quels sont les actes interruptifs de prescription ?

La signification de l’acte introductif d’instance et son placement au greffe du tribunal constituent des actes interruptifs de prescription. Il en va de même des conclusions régulièrement régularisées par le demandeur, c’est-à-dire, ainsi qu’en dispose l’article 815 du Code de procédure civile, à la condition qu’elles aient été « notifiées dans la forme des notifications entre avocats », ce qui suppose que le défendeur ait, lorsque la représentation est obligatoire, constitué avocat. Là était le piège dans cette affaire : le simple envoi de conclusions au tribunal sans notification à un confrère régulièrement constitué ne peut avoir un tel effet interruptif de prescription.

Conclusions par RPVA

En l’espèce, l‘avocat demandeur se prévalait des conclusions interruptives de prescription qu’il a adressées au tribunal par le réseau RPVA pour contester l’acquisition de la prescription. Cependant, en l’absence de constitution d’un avocat pour les défendeurs, ces conclusions n’ont pas été régulièrement notifiées conformément aux dispositions de l’article 815 du Code de procédure civile, de sorte qu’elles ne peuvent être considérées comme un acte de procédure régulier.

En l’absence de constitution d’avocat en défense, faut-il alors réassigner ? Pas nécessairement, sans avoir à présenter une nouvelle requête afin d’assigner à jour fixe, l’avocat demandeur aurait  pu faire signifier aux défendeurs eux-mêmes, par un huissier de justice, un acte de procédure, quelle que soit sa dénomination, qui aurait manifesté son intention de poursuivre l’action.

Télécharger la décision

Questions / Réponses juridiques

Quelle est l’origine de l’affaire Jeannette Bougrab ?

L’affaire Jeannette Bougrab découle d’une action en diffamation intentée par l’ex-secrétaire d’État Jeannette Bougrab contre le magazine Les Inrockuptibles.

Cette action a été motivée par des imputations de vol qui auraient été portées à son encontre. Cependant, les juges ont déclaré l’action irrecevable en raison de la prescription abrégée, ce qui signifie que le délai pour engager des poursuites était écoulé.

La prescription est un principe juridique qui limite le temps durant lequel une personne peut intenter une action en justice. Dans ce cas, la décision des juges a été fondée sur le fait que Bougrab n’avait pas agi dans le délai imparti par la loi.

Comment fonctionne la prescription abrégée dans le cadre de la loi du 29 juillet 1881 ?

La prescription abrégée, selon la loi du 29 juillet 1881, est une règle qui impose un délai de trois mois pour engager une action en justice pour diffamation.

Ce délai commence à courir à partir du jour où l’infraction a été commise ou du dernier acte d’instruction ou de poursuite. Il est crucial que la partie poursuivante manifeste son intention de continuer l’action dans ce délai, sinon la prescription est acquise.

Il est important de noter que la prescription est une exception d’ordre public, ce qui signifie que le juge doit l’appliquer d’office, même si les parties ne l’invoquent pas. Cela souligne l’importance de respecter les délais légaux pour préserver ses droits.

Quels sont les actes qui peuvent interrompre la prescription ?

Les actes interruptifs de prescription sont des actions qui, lorsqu’elles sont effectuées, prolongent le délai de prescription.

Parmi ces actes, on trouve la signification de l’acte introductif d’instance et son dépôt au greffe du tribunal. De plus, les conclusions régulièrement notifiées par le demandeur peuvent également avoir cet effet, à condition qu’elles respectent les exigences de notification entre avocats.

Cependant, un piège réside dans le fait que si les conclusions ne sont pas notifiées à un avocat régulièrement constitué pour le défendeur, elles ne peuvent pas être considérées comme un acte interruptif de prescription. Cela a été un élément clé dans l’affaire Bougrab.

Quelles étaient les conclusions de l’avocat demandeur dans cette affaire ?

Dans cette affaire, l’avocat demandeur a tenté de faire valoir des conclusions interruptives de prescription qu’il avait adressées au tribunal via le réseau RPVA.

Cependant, ces conclusions n’ont pas été considérées comme valides car il n’y avait pas de constitution d’un avocat pour les défendeurs. En conséquence, les conclusions n’ont pas été régulièrement notifiées, ce qui a conduit à leur irrecevabilité.

L’absence de notification conforme aux règles de procédure civile a donc eu pour effet de ne pas interrompre le délai de prescription, rendant ainsi l’action de Bougrab irrecevable. Cela souligne l’importance de suivre les procédures légales appropriées pour préserver ses droits en matière de prescription.

Quelles alternatives avaient les défendeurs en l’absence de constitution d’avocat ?

En l’absence de constitution d’un avocat pour les défendeurs, il n’était pas nécessaire de réassigner.

L’avocat demandeur aurait pu signifier directement aux défendeurs un acte de procédure, quel qu’il soit, par l’intermédiaire d’un huissier de justice. Cela aurait permis de manifester son intention de poursuivre l’action sans avoir à présenter une nouvelle requête.

Cette possibilité souligne la flexibilité du système juridique, qui permet aux parties de continuer à agir même en l’absence de certaines formalités, tant que l’intention de poursuivre est clairement exprimée. Cela aurait pu potentiellement éviter la prescription et permettre à l’affaire d’être examinée sur le fond.


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