Autoentrepreneur journaliste : deux ans pour agir

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Autoentrepreneur journaliste : deux ans pour agir

Face à une demande de requalification de l‘autoentrepreneur journaliste, le CGEA-AGS est en droit d’opposer la prescription résultant de l’article L 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 aux termes de laquelle toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ;

Ce texte, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, était applicable à compter de la date de l’entrée en vigueur de cette loi, soit le 16 juin 2013, et est donc applicable en l’espèce, dès lors que la relation de travail ayant existé entre la journaliste et la société B Presse (en liquidation).

Le point de départ du délai de prescription est le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE DIJON

CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 25 FEVRIER 2021

RG n° 18/00889

Sur les personnes

Président : Philippe HOYET, président

Avocat(s) : Ahmet COSKUN, Cécile BAILLY, Romain CLUZEAU

Cabinet(s) : LEGI CONSEILS BOURGOGNE

Parties : S.C.P. VERONIQUE THIEBAUT, UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS CHALON SUR SAONE

Texte intégral

MFR/CH

Y X

C/

SCP VERONIQUE THIEBAUT, ès-qualité de mandataire liquidateur de la Société B. PRESS,

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS CHALON SUR SAONE

N° RG 18/00889 – N° Portalis DBVF-V-B7C-FEPG

Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud’hommes – Formation de

départage de DIJON, section INDUSTRIE, décision attaquée en date du 27 Novembre 2018,

enregistrée sous le n° 16/00035

APPELANTE :

Y X

[…]

[…]

représentée par Me Ahmet COSKUN, avocat au barreau de DIJON

INTIMÉES :

SCP VERONIQUE THIEBAUT, ès-qualité de mandataire liquidateur de la Société B. PRESS,

représentée par Me Romain CLUZEAU de la SELAS LEGI CONSEILS BOURGOGNE, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Pauline AUGE, avocat au barreau de DIJON

UNÉDIC DÉLÉGATION AGS CGEA – AGS CHALON SUR SAONE

71100 CHALON-SUR-SAONE

représentée par Me Cécile BAILLY, avocat au barreau de DIJON substituée par Me Carole FOURNIER, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Décembre 2020 en audience publique devant la Cour composée de :

M. Y, Président de chambre, Président,

Marie-Aleth TRAPET, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,

qui en ont délibéré,

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Françoise GAGNARD,

GREFFIER LORS DU PRONONCÉ : Mme X,

ARRÊT rendu contradictoirement,

PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

SIGNÉ par M. Y, Président de chambre, et par Mme X, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Madame X a exercé une activité de journaliste pigiste, en qualité d’auto- entrepreneur, pour le compte, de la société B.Presse, du mois de septembre 2013 au mois d’octobre 2015 ;

Par jugement en date du 13 octobre 2015 le tribunal de commerce de Dijon a prononcé la liquidation judiciaire de la société B.Presse ;

Le 21 janvier 2016 Madame X a saisi le conseil de prud’hommes de Dijon d’une demande tendant à ce qu’il soit jugé qu’elle doit bénéficier du statut de salariée durant cette période et qu’elle est fondée à prétendre à la rémunération correspondant au statut de pigiste conformément aux dispositions de la convention collective des journalistes ;

Par jugement en date du 27 février 2018 le conseil de prud’hommes, déclarant irrecevable la demande d’incompétence formée devant lui, a ordonné aux parties de communiquer les documents nécessaires pour justifier leurs prétentions s’agissant des conséquences du statut de salarié de Madame X ;

Par jugement en date du 27 novembre 2018 le conseil de prud’hommes a dit qu’il n’y avait pas lieu d’accorder le statut de salariée à Madame X,l’a déboutée de toutes ses demandes et a donné acte à l’AGS-CGEA de Chalon-sur-Saône de son intervention dans la cause ;

Madame X a relevé appel de cette seconde décision ;

Aux termes de ses écritures Madame X demande à la cour d’infirmer le jugement du 27 novembre

2018, de dire qu’elle devait bénéficier du statut de salariée à compter du 1er septembre 2013 et de requalifier sa relation de travail avec la société B-Presse en un contrat de travail ;

A titre principal elle sollicite la fixation d’un salaire mensuel sur la base d’un forfait de 34 piges par mois par application d’un usage d’entreprise ou par application de principe d’égalité de traitement et demande à la cour de fixer sa créance à l’encontre de la liquidation judiciaire de la société B-PRESSE aux sommes suivantes :

—  19’426,33 euros bruts à titre de rappel de salaire, outre 1942,63 euros bruts à titre de congés payés,

—  2 663,44 euros bruts à titre de rappel de 13e mois, outre 266,34 euros bruts de congés payés afférents,

—  944,17 euros bruts à titre de rappel de prime d’ancienneté, outre 94,42 euros bruts de congés payés afférents,

—  3 867,51 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  10’000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles de première instance et d’appel,

— aux dépens de première instance et d’appel,

A titre subsidiaire elle demande à la cour de dire qu’elle doit bénéficier d’une régularisation en salaires nets des sommes effectivement perçues pendant la relation contractuelle, et de fixer sa créance de la manière suivante :

—  525 € au titre du salaire de septembre 2015 (facture de septembre 2015 non réglée), outre 52,50 euros nets de congés payés afférents,

—  877,11 euros nets, outre 87,71 euros nets au titre des congés payés afférents, à titre de rappel du 13e mois,

—  240,30 euros nets, outre 24,03 euros au titre des congés payés afférents, à titre de rappel de prime d’ancienneté,

—  1 706,25 euros nets au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

—  980 € nets, outre 98 € nets au titre des congés payés afférents, au titre du préavis de licenciement,

—  10’000 € nets à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

—  3 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC au titre des frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d’appel,

— au montant des dépens de première instance et d’appel ;

Elle sollicite en outre, que soit ordonnée sous astreinte, la remise des bulletins de salaire de septembre 2013 à octobre 2015, la remise d’une attestation pole emploi, la remise d’un certificat travail en qualité de journaliste pigiste pour la période de septembre 2013 à décembre 2015 et la remise d’un solde de tout compte ;

Me Thiebaut en sa qualité de mandataire liquidateur de la société B Presse demande à la cour :

in limine litis,

de dire que le litige ne relève pas de la compétence du conseil de prud’hommes,

en toute hypothèse,

de confirmer le jugement déféré en déboutant Madame X de l’intégralité de ses demandes,

de condamner Madame X à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du CPC et à supporter les dépens ;

Le centre de gestion et d’études AGS (CGEA) de Chalon-sur-Saône demande à la cour :

In limine litis sur l’absence de nullité du jugement,

— de constater que le jugement du 27 février 2018 n’a fait qu’ordonner aux parties de justifier leurs prétentions et qu’il n’a pas tranché dans son dispositif une partie du principal,

— de débouter en conséquence Madame X de sa demande de nullité,

A titre principal, sur sa mise hors de cause,

De dire que l’ensemble des demandes présentées par Madame X sont prescrites et qu’il convient de constater l’irrecevabilité de ses demandes ;

A titre subsidiaire, de constater qu’aucun contrat de travail ne liait Madame X à la société B.Presse et de la débouter de l’intégralité de ses demandes,

D’ordonner sa mise hors de cause et de dire que la décision ne lui sera pas opposable,

A titre encore plus subsidiaire, sur les demandes de la salariée,

— de constater la carence de Mme X dans l’administration de la preuve

— de la débouter de ses demandes et à tout le moins de réduire les montants de ses demandes pécuniaires et de constater que la garantie de l’AGS est plafonnée,

A titre plus subsidiaire,

de dire que sa garantie n’ interviendra que dans les limites des dispositions légales et réglementaires.

L’instruction de l’affaire a été clôturée le 7 mai 2020.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la nullité du jugement déféré

Madame X fait valoir que le jugement déféré est nul au motif que, dans le premier jugement rendu le 27 février 2018, le conseil de prud’hommes a reconnu son statut de salariée pour la période considérée et qu’il ne pouvait statuer différemment dans son jugement du 27 novembre 2018 ;

Toutefois il ne résulte pas du dispositif du jugement du 27 février 2018 que le conseil de

prud’hommes ait reconnu la qualité de salariée à Madame X , cette juridiction ayant, d’une part déclaré irrecevable la demande d’incompétence formée par celle-ci et, d’autre part, ordonné aux parties de verser aux débats et de se communiquer les documents nécessaires pour justifier leurs prétentions ;

Ce moyen n’est pas fondé ;

Sur la compétence

Il est soutenu par le mandataire liquidateur que le conseil de prud’hommes n’était pas compétent pour statuer sur le litige opposant Madame X à la liquidation judiciaire de la société B Presse au motif qu’aucun contrat de travail n’avait été conclu entre la salariée et son employeur ;

Toutefois, le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer, dans le cadre d’une demande portant sur l’existence d’un contrat de travail, sur l’existence ou non d’un lien juridique de subordination entre celui qui exécute une tâche et celui qu’il désigne comme étant son employeur ;

Dès lors, Madame X considérant qu’elle a été salariée de la société B Presse du 1er septembre 2013 au 26 décembre 2015 (date de la fin de son préavis) et sollicitant la reconnaissance de son statut de salariée avec toutes les conséquences juridiques en résultant, le conseil de prud’hommes de Dijon était compétent pour statuer sur ce litige ;

Ce moyen n’est pas fondé ;

Sur la prescription

Le CGEA-AGS fait valoir que l’action de Madame X est prescrite en invoquant la prescription résultant de l’article L 1471-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 aux termes de laquelle toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ;

Ce texte, dans sa rédaction issue de la loi du 14 juin 2013, était applicable à compter de la date de l’entrée en vigueur de cette loi, soit le 16 juin 2013, et est donc applicable en l’espèce, dès lors que la relation de travail ayant existé entre Madame X et la société B Presse a débuté, selon ce qu’elle revendique, le 1er septembre 2013 ;

L’action en reconnaissance du statut de salariée, c’est-à-dire portant sur l’existence ou non d’un contrat de travail, le litige existant entre Madame X et le liquidateur de la société B.Presse porte, de ce fait, sur l’exécution de son contrat de travail, ce dont il résulte que ce texte est applicable ;

Le point de départ de ce délai de prescription est, selon le texte, le jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit ;

Or, il résulte des factures qu’elle verse aux débats que, dès le début de sa collaboration, Madame X travaillait pour la société B.Presse en qualité de journaliste indépendante,titulaire d’un numéro SIREN ;

Elle indique que c’est la société B.Presse qui lui a imposé son statut d’auto-entrepreneur, mais ne l’établit pas alors que cette affirmation est formellement contestée par le liquidateur ;

En toute hypothèse, c’est bien en toute connaissance de son statut d’auto-entrepreneur qu’elle a travaillé pour le compte de la société B.Presse, sans formuler aucune réclamation auprès de son employeur, dès le 1er septembre 2013, et jusqu’à ce que soit prononcée la liquidation de la société au

mois d’octobre 2015 ;

Il en résulte que c’est à compter du 1er septembre 2013 qu’elle a eu connaissance des faits justifiant son action en justice à l’encontre du liquidateur, cette date constituant le point de départ du délai de prescription de 2 ans de son action ;

Ainsi, lorsque Madame X a saisi le conseil de prud’hommes, c’est-à-dire le 21 janvier 2016, son action était prescrite ;

Cette prescription doit s’appliquer à toutes ses demandes pécuniaires qui sont la conséquence de sa demande de requalification ;

Madame X doit être en conséquence déboutée de toutes ses demandes pécuniaires ;

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau,

Déboute Madame Y X de sa demande d’annulation du jugement du 27 novembre 2018,

Dit que le conseil de prud’hommes était compétent pour statuer sur les demandes de Madame Y X,

Déclare prescrite la demande de requalification de la relation de travail ayant existé entre Madame Y X et la SARL B.Presse du 1er septembre 2013 au 13 octobre 2015 en un contrat de travail,

Déboute Madame Y X de l’intégralité de ses demandes,

Condamne Madame Y X à verser à Me Thiébaut en sa qualité de liquidateur de la société B.Presse la somme de 500 euros au titre de ses frais irrépétibles engagés en première instance et en cause d’appel,

Met le CGEA AGS de Chalon-sur-Saône hors de cause,

Condamne Madame Y X aux dépens de première instance et d’appel.

Le Greffier

Le Président

Questions / Réponses juridiques

Quelle est la durée de prescription pour les actions liées à l’exécution ou à la rupture d’un contrat de travail selon l’article L 1471-1 du code du travail ?

La durée de prescription pour les actions portant sur l’exécution ou la rupture d’un contrat de travail est de deux ans. Cette prescription commence à courir à partir du jour où la personne concernée a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.

Cette disposition est issue de la loi 2013-504 du 14 juin 2013 et est entrée en vigueur le 16 juin 2013. Elle s’applique donc à toutes les actions engagées après cette date, y compris celles concernant des relations de travail antérieures, comme dans le cas de Madame X avec la société B Presse.

Quelles étaient les prétentions de Madame X dans son appel ?

Madame X a formulé plusieurs demandes dans son appel. Elle a demandé à la cour d’infirmer le jugement du 27 novembre 2018, en soutenant qu’elle devait bénéficier du statut de salariée à compter du 1er septembre 2013.

Elle a également sollicité la requalification de sa relation de travail avec la société B Presse en un contrat de travail. En outre, elle a demandé la fixation d’un salaire mensuel basé sur un forfait de 34 piges par mois, ainsi que le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, de congés payés, de 13e mois, de prime d’ancienneté, d’indemnité de licenciement, et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pourquoi la cour a-t-elle déclaré la demande de requalification de Madame X comme prescrite ?

La cour a déclaré la demande de requalification de Madame X comme prescrite en raison de l’application de l’article L 1471-1 du code du travail. Selon cet article, toute action relative à l’exécution ou à la rupture d’un contrat de travail doit être engagée dans un délai de deux ans à partir du moment où la personne a eu connaissance des faits justifiant son action.

Dans le cas de Madame X, la cour a déterminé que le point de départ de ce délai était le 1er septembre 2013, date à laquelle elle a commencé à travailler pour la société B Presse en tant qu’auto-entrepreneur. Étant donné qu’elle a saisi le conseil de prud’hommes le 21 janvier 2016, son action était donc prescrite, car elle avait dépassé le délai de deux ans.

Quelles étaient les conséquences de la décision de la cour sur les demandes pécuniaires de Madame X ?

Les conséquences de la décision de la cour sur les demandes pécuniaires de Madame X étaient significatives. En déclarant sa demande de requalification comme prescrite, la cour a également débouté Madame X de toutes ses demandes pécuniaires, qui découlaient de sa demande de requalification.

Cela signifie qu’elle n’a pas pu obtenir les sommes qu’elle réclamait, y compris les rappels de salaire, les congés payés, l’indemnité de licenciement, et les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a également condamné Madame X à verser des frais irrépétibles au liquidateur de la société B Presse, ce qui a encore alourdi ses charges financières.

Quel était le rôle du CGEA-AGS dans cette affaire ?

Le CGEA-AGS (Centre de Gestion et d’Études AGS) a joué un rôle en tant que partie défenderesse dans cette affaire. Il a soutenu que les demandes de Madame X étaient prescrites, en invoquant l’article L 1471-1 du code du travail.

Le CGEA-AGS a également demandé à la cour de constater que le jugement du 27 février 2018 n’avait pas tranché sur le fond du litige et que, par conséquent, les demandes de Madame X étaient irrecevables. En fin de compte, la cour a mis le CGEA-AGS hors de cause, ce qui signifie qu’il n’était pas tenu de répondre aux demandes de Madame X, soulignant ainsi que la responsabilité principale reposait sur la société B Presse et son liquidateur.


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