Client mécontent sur un forum : une liberté d’expression encadrée

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Client mécontent sur un forum : une liberté d’expression encadrée

En matière de diffamation contre une société sur les forums de discussion, tout est affaire de forme. Un client mécontent des services d’une société est en droit d’exprimer son mécontentement dès lors que ses propos sont bien choisis et non excessifs.

Conditions de la diffamation

Les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec intention de nuire, mais elles peuvent être justifiées lorsque leur auteur établit sa bonne foi, en prouvant qu’il a poursuivi un but légitime, étranger à toute animosité personnelle, et qu’il s’est conformé à un certain nombre d’exigences, en particulier de sérieux de l’enquête, ainsi que de prudence dans l’expression, étant précisé que la bonne foi ne peut être déduite de faits postérieurs à la diffusion des propos.

Critères à appréciation variable

Ces critères s apprécient différemment selon le genre de l’écrit en cause et la qualité de la personne qui s’y exprime et, notamment, avec une moindre rigueur lorsque l’auteur des propos diffamatoires n’est pas un journaliste qui fait profession d’informer, mais une personne elle-même impliquée dans les faits dont elle témoigne.

Lorsque les propos incriminés concernent un sujet d’intérêt général, leur auteur doit établir qu’ils reposent sur une base factuelle suffisante.

Application pratique

En l’espèce, un particulier qui n’était pas un professionnel de l’information, s’est exprimé sur la procédure judiciaire dans laquelle il est totalement impliqué à la suite de l’apparition de graves malfaçons dans la construction de son habitation ; il poursuivait donc un but légitime à s’exprimer sur un forum dédié à cette problématique ;

Il ne pouvait lui être reproché une animosité personnelle, celle-ci s’entendant, en droit de la presse, d’un mobile dissimulé au lecteur et de considérations extérieures et antérieures au sujet traité, non établis dans la procédure, le conflit entre les protagonistes constituant le sujet même de l’article publié.

Les pièces produites démontraient d’une part l’existence de malfaçons et d’expertises diligentées dans le cadre de la procédure civile opposant les parties.

Toutefois, en raison du manque de prudence dans l’expression, les termes utilisés étant péremptoires, la juridiction a retenu une faute civile basée sur le fondement de la diffamation donnant droit à réparation de la société (1 euro symbolique en réparation de son préjudice moral).

Rappelsur la diffamation

L’article 29 alinéa 1 de la 101 du 29 juillet 1881 defin1t la diffamation comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé » ;

Il doit s’agir d’un fait précis, susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de sa vérité, ce qui distingue ainsi la diffamation, d’une part, de l’injure – caractérisée, selon le deuxième alinéa de l’article 29, par « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait »- et, d’autre part, de l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur, dont la pertinence peut être librement discutée dans le cadre d’un débat d’idées mais dont la vérité ne saurait être prouvée ;

L’honneur et la considération de la personne ne doivent pas s’apprécier selon les conceptions personnelles et subjectives de celle-ci, mais en fonction de critères objectifs et de la réprobation générale provoquée par l’allégation litigieuse, que le fait imputé soit pénalement répréhensible ou manifestement contraire aux règles morales communément admises ;

La diffamation, qui peut se présenter sous forme d’allusion ou d’insinuation, doit être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.

Les juges ne sont pas tenus par l’interprétation de la signification diffamatoire des propos incriminés proposés par l’acte initial de poursuite et il leur appartient de rechercher si ceux-ci contiennent l’imputation formulée par la partie civile ou celle d’un autre fait contenu dans les propos en question, les juges étant également libres d’examiner les divers passages poursuivis ensemble ou séparément pour apprécier leur caractère diffamatoire. Télécharger la décision

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les conditions de la diffamation ?

La diffamation est définie par l’article 29 alinéa 1 de la loi du 29 juillet 1881 comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ».

Pour qu’une imputation soit considérée comme diffamatoire, elle doit être faite avec intention de nuire. Cependant, l’auteur peut se défendre en prouvant sa bonne foi. Cela implique qu’il a poursuivi un but légitime, sans animosité personnelle, et qu’il a respecté des exigences telles que le sérieux de l’enquête et la prudence dans l’expression.

Il est important de noter que la bonne foi ne peut pas être déduite de faits qui se produisent après la diffusion des propos incriminés.

Quels sont les critères d’appréciation de la diffamation ?

Les critères d’appréciation de la diffamation varient selon le type d’écrit et la qualité de l’auteur. Par exemple, les juges appliquent une rigueur moindre lorsque l’auteur n’est pas un journaliste, mais une personne impliquée dans les faits.

Lorsque les propos concernent un sujet d’intérêt général, l’auteur doit prouver qu’ils reposent sur une base factuelle suffisante. Cela signifie qu’il doit être en mesure de justifier ses affirmations par des éléments concrets et vérifiables.

Cette variabilité dans l’appréciation souligne l’importance du contexte et de la nature des propos tenus, ainsi que le statut de l’auteur dans la situation décrite.

Comment se déroule l’application pratique de la diffamation ?

Dans un cas pratique, un particulier a exprimé son mécontentement sur un forum à propos de graves malfaçons dans la construction de son habitation. Étant directement impliqué dans la situation, il avait un but légitime à s’exprimer.

Il ne pouvait pas être accusé d’animosité personnelle, car celle-ci se définit par un mobile caché et des considérations extérieures au sujet traité. Les preuves présentées démontraient l’existence de malfaçons et des expertises réalisées dans le cadre de la procédure civile.

Cependant, la juridiction a retenu une faute civile en raison d’un manque de prudence dans l’expression, les termes utilisés étant jugés péremptoires. Cela a conduit à une décision de réparation symbolique pour la société concernée.

Quelles sont les distinctions entre diffamation, injure et opinion ?

La diffamation se distingue de l’injure et de l’expression d’opinion par sa nature factuelle. L’injure, selon l’article 29, est caractérisée par « toute expression outrageante » sans imputation d’un fait.

D’autre part, l’expression subjective d’une opinion ou d’un jugement de valeur ne peut pas être prouvée en tant que vérité. La diffamation nécessite un fait précis, susceptible d’être débattu contradictoirement.

L’appréciation de l’honneur et de la considération d’une personne doit se faire selon des critères objectifs, et non selon des perceptions subjectives. Cela implique une évaluation de la réprobation générale que suscite l’allégation.

Comment les juges évaluent-ils les propos diffamatoires ?

Les juges ne sont pas contraints par l’interprétation initiale des propos diffamatoires. Ils ont la liberté d’examiner si les propos contiennent l’imputation formulée par la partie civile ou d’autres faits.

Ils peuvent également évaluer les passages incriminés ensemble ou séparément pour déterminer leur caractère diffamatoire. Cette flexibilité permet une analyse approfondie du contexte et du contenu des propos, garantissant ainsi une évaluation juste et équitable.

Les juges prennent en compte à la fois les éléments intrinsèques (le contenu) et extrinsèques (le contexte) pour apprécier la nature diffamatoire des propos.


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