Cour d’appel de Lyon, 23 février 2018
Cour d’appel de Lyon, 23 février 2018

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Lyon

Thématique : Secret des correspondances du salarié

Résumé

La messagerie personnelle d’un salarié est protégée, même lorsqu’elle est accessible depuis son poste de travail. La violation de cette vie privée a été reconnue dans une affaire où l’employeur a tenté d’accéder à des messages personnels sans autorisation. Selon la législation, le salarié a droit au respect de son intimité, y compris le secret des correspondances. Les courriels non identifiés comme personnels par le salarié peuvent être consultés par l’employeur, mais ne peuvent pas être utilisés contre lui. Dans ce cas, des messages privés ont été écartés des débats, entraînant des dommages-intérêts pour la salariée.

Statut de la messagerie personnelle

La messagerie personnelle du salarié, même en présence de connexions à partir de son poste de travail, reste un sanctuaire. Dans cette affaire, la violation de la vie privée et du secret des correspondances d‘une salariée a été retenue.

Vie privée sur le lieu de travail

Il résulte des articles 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, 9 du code civil, 9 du code de procédure civile et L. 1121-1 du code du travail que le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée, laquelle implique en particulier le secret des correspondances, en sorte que l’employeur ne peut, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail, même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur.

Il est constant que les connexions, les courriels adressés et reçus par le salarié à l’aide de l’outil informatique mis à sa disposition pour les besoins de son travail sont présumés avoir un caractère professionnel en sorte que l’employeur est en droit de les ouvrir hors la présence de l’intéressé, sauf si le salarié les identifie comme personnels. L’identification par le salarié d’un fichier comme personnel résulte alors de son intitulé et non de son contenu.

De même, il est constant que les courriels et fichiers figurant sur le disque dur de l’ordinateur mis à la disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils sont émis de ou vers la messagerie électronique personnelle du salarié.

Si l’employeur peut toujours consulter les fichiers qui n’ont pas été identifiés comme personnels par le salarié, il ne peut ni les utiliser pour le sanctionner, ni les utiliser à son encontre dans une procédure judiciaire s’ils s’avèrent relever de sa vie privée.

Expertise sur un ordinateur professionnel

En l’espèce, pour pouvoir récupérer des dossiers professionnels l’employeur avait fait réaliser par un expert inscrit à la Cour d’appel, une expertise des ordinateurs portables qu’il avait confiés à sa salariée dans le cadre de son activité professionnelle. Cette expertise n’avait fait l’objet d’aucune autorisation judiciaire et n’était contradictoire mais a été validé par les juges. En effet, l’employeur n’avait pas consulté le contenu de ces ordinateurs à l’insu de la salariée, c’est seulement après la rupture du contrat de travail et faute par la salariée de lui avoir restitué ses dossiers informatiques professionnels, que la société a légitimement tenté de récupérer des informations professionnelles, par l’intermédiaire d’un spécialiste en informatique. L’employeur n’avait donc pas besoin pour ce faire, d’une autorisation judiciaire, ni d’informer individuellement la salariée du contrôle de sa messagerie professionnelle, ni d’informer ou consulter les représentants du personnel concernant la mise en place d’un système de surveillance, ni encore de déclarer ce dispositif à la CNIL.

Pour autant, ces opérations d’analyse ont été effectuées unilatéralement dans le cadre d’investigations auxquelles la salariée n’a jamais été associée et dont elle n’avait même pas été informée. Le rapport litigieux ne pouvait donc être qualifié de rapport d’expertise au sens judiciaire du terme et n’était pas opposable à la salariée qui pouvait donc en contester les termes, tout comme elle pouvait contester la méthode de travail adopté par le technicien ainsi mandaté par l’employeur.

La salariée a ainsi pu obtenir de faire écarter des débats, pour violation de sa vie privée et du secret de ses correspondances, des courriels reçus et envoyés depuis son adresse de messagerie personnelle chez orange, protégée par un code et distincte de sa messagerie professionnelle. En effet, ces messages provenant ou étant destiné à d’autres messageries étaient clairement identifiables comme privés (2 000 euros à titre de dommages-intérêts).

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