Cour d’appel de Poitiers, 2 mars 2023
Cour d’appel de Poitiers, 2 mars 2023

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Poitiers

Thématique : L’employeur, complice de harcèlement électronique ?  

Résumé

Dans le cadre de l’affaire du Crédit Agricole, un salarié a été reconnu coupable de harcèlement électronique envers son ex-compagne, également employée de la banque. Bien que les faits aient été commis en utilisant des outils professionnels, ils se sont déroulés dans la sphère privée, ce qui a conduit à l’absence de responsabilité pénale de l’employeur. La salariée a tenté de prouver la complicité de son employeur dans le harcèlement moral, mais cette notion n’a pas de fondement juridique en droit du travail. Les agissements du collègue, bien que répréhensibles, n’étaient pas liés à un contexte professionnel.

Les ruptures de relations affectives entre salariés, même dans un contexte de harcèlement électronique, ne relèvent pas du champs professionnel, du moins sur le volet pénal. L’employeur ne peut être condamné pour complicité de harcèlement électronique.

Affaire Crédit agricole

En l’espèce, un salarié du Crédit agricole, à l’origine de faits de harcèlement électronique de son ex compagne, également employée par la banque, a pu consulter les comptes bancaires de cette dernière, a utilisé les bases de données professionnelles pour en faire une utilisation inappropriée dans la sphère privée.

Usage d’un traceur GPS

Le salarié avait effectué des envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques en l’espèce en collectant et en traitant de façon informatique les données relatives aux déplacements de sa collègue au moyen d’un traceur GPS et d’un logiciel d’application,

Faits en dehors de la sphère professionnelle

Ces fait ont eu lieu en dehors de la sphère professionnelle, le seul fait que ces deux personnes soient également des collègues de travail ne permettant pas eux seuls de retenir que les agissements du salarié auraient eu lieu dans un contexte professionnel.

La salariée a fait valoir, sans succès qu’elle avait été victime de harcèlement moral de la part d’un autre salarié de l’entreprise, avec lequel elle avait entretenu une relation affective, et que par son inertie, la CRCAM de la Touraine et du Poitou s’est rendue complice de ce harcèlement moral. Elle expliquait que les agissements de son collègue ont été commis aux lieu et temps de travail de ce dernier.

Ces faits ne laissent pas présumer une situation de harcèlement moral dont l’employeur serait l’auteur.

En effet, si le collègue en cause a effectivement été condamné par le tribunal correctionnel pour harcèlement moral, l’infraction qui a été retenue est celle prévue par l’article 222-33-2-1 du code pénal à savoir le harcèlement sur concubin ou ex-concubin ayant pour effet de dégrader les conditions de vie, ce qui diffère de l’infraction prévue par l’article 222-33-2 du code pénal qui réprime le harcèlement moral au travail. Le collègue n’a donc pas été condamné pour des faits de harcèlement moral altérant les conditions de travail de la salariée, la lecture de la qualification pénale détaillée ne faisant d’ailleurs apparaître aucune notion professionnelle.

En outre, il est inopérant pour la salariée de soutenir que la CRCAM de la Touraine et du Poitou s’est rendue ‘complice’ de harcèlement moral dès lors que cette notion n’a aucune existence juridique en droit du travail et que l’employeur n’a fait l’objet d’aucune poursuite pénale de ce chef.

A cet égard, le fait pour l’employeur de ne pas prendre les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser un comportement inadapté et pour protéger la sécurité de ses salariés ne se confond pas avec le harcèlement moral dont un autre auteur a fait preuve dans le cadre de la sphère privée.

De même, le seul fait que l’auteur des faits ait été un collègue de travail et qu’il ait pu occasionnellement user et détourner ses outils de travail au détriment de la salariée ne suffit pas pour considérer qu’il a agi dans le cadre professionnel, dès lors que cet usage n’avait aucun objectif professionnel.

Bien au contraire, la plupart des agissements répétés ont été commis dans le cadre de la sphère privée, dans un contexte de séparation de couple non acceptée par le salarié fautif.

Certains faits ont de plus été commis alors qu’il était en arrêt de travail et/ou depuis son téléphone portable ou ordinateur personnel.

Le harcèlement électronique

Pour rappel, est une incrimination pénale, le fait de harceler une personne par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale en l’espèce en la suivant à son insu de façon répétée, en espionnant ses déplacements, en lui adressant de façon répétée des messages téléphoniques et des courriels.

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