Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Diffamation par Tweet : les vertus de la brièveté
→ RésuméDans le cadre de la lutte contre le commerce illégal de produits du tabac, la Directive 2014/40/UE impose un système de traçabilité. L’amendement Grandguillaume-Solère visait à confier la collecte des données à un organisme indépendant, garantissant ainsi une traçabilité éloignée de l’influence des fabricants. Dans ce contexte, un Tweet d’une société de traçabilité a été jugé non diffamatoire par les juges d’appel. Ils ont souligné que le propos était trop vague pour permettre un débat contradictoire, rendant impossible la preuve de sa véracité. La diffamation nécessite des allégations précises, ce qui n’était pas le cas ici.
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Amendement Grandguillaume-Solère
La Directive sur les produits du tabac (2014/40/UE), dans le cadre de la lutte contre le commerce illégal de produits du tabac, a mis en place le principe d’un système d’identification et de suivi des produits du tabac dans toute l’Union. La Directive confie au fabricant le soin de recueillir les données sur la traçabilité, et à un organisme indépendant, habilité par la Commission européenne, le soin de les stocker. A l’époque, l’amendement des députés Laurent Grandguillaume (PS) et Thierry Solère (PS) retirait aux fabricants de tabac le recueil des données, pour les confier aussi à un organisme indépendant. Le but était « d’assurer une traçabilité totalement indépendante à l’égard de l’industrie du tabac ».
Tweet non diffamatoire
Dans le contexte du vote de cet amendement, une société de traçabilité des produits du tabac a assigné la conseil en relations publiques de l’industriel du tabac British American Tobacco, pour diffamation publique envers un particulier. Cette dernière avait publié le Tweet suivant adressé à une activiste anti-tabac « Pourquoi défendez-vous l’amendement L Granguillaume écrit par Sicpa, dont les pratiques ont été condamnées au Maroc et en Ukraine ».
Les juges d’appel ont considéré que ce Tweet n’était pas diffamatoire. Par ailleurs, compte-tenu du caractère extrêmement vague et général du propos, aucun débat contradictoire sur la preuve de sa vérité n’était possible. Aucun élément extrinsèque dans le Tweet ne permettait de donner à l’expression « condamnées » un sens précis. En outre, le Tweet contenait une allégation en termes très généraux et vagues, faisant référence à des faits insuffisamment précis pour faire l’objet d’une preuve et d’un débat contradictoire. Les « pratiques » visées dans le Tweet incriminé n’étaient à aucun moment précisées afin de permettre aux lecteurs de comprendre de quoi il s’agissait. Le terme « condamner » peut également recouvrir plusieurs sens et aucune précision ne permettait de savoir s’il s’agissait en l’espèce de condamnation judiciaire.
Critères de la diffamation
La diffamation est l’allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé. Ce fait doit être suffisamment précis pour pouvoir faire l’objet d’un débat sur la preuve de sa vérité. Le délit est caractérisé même si l’imputation est formulée sous forme déguisée, dubitative ou par voie d’insinuation, il se distingue ainsi d’appréciations purement subjectives ainsi que de l’injure (« expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait »). La diffamation doit toujours être appréciée en tenant compte des éléments intrinsèques et extrinsèques au support en cause, à savoir tant du contenu même des propos que du contexte dans lequel ils s’inscrivent.
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