Pornographie et données personnelles

·

·

Pornographie et données personnelles

Le droit des données personnelles s’invite parfois dans des domaines inattendus. Avec cette décision du TGI de Paris, les juges imposent aux producteurs de films X de nouvelles obligations en matière de respect des données personnelles des « acteurs ».

Traitement de données personnelles illicite

Dans l’affaire soumise une ancienne actrice ayant accepté le tournage d’une vidéo à caractère pornographique (depuis mère de famille et reconvertie professionnellement) a constaté que des photos et vidéo d’elle étaient diffusées, sans son consentement, sur Internet, Facebook et hi5.   La demanderesse se plaignait  du traitement automatisé de ses données personnelles, y compris celles ayant un caractère sexuel, ethnique et racial au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978, résultant, d’une part, de la diffusion, impliquant la numérisation, sur un site internet, de la vidéo la représentant, et la précision de son prénom, sa nationalité, son lieu de résidence (ville uniquement) et ses pratiques sexuelles.

Il résultait du constat d’huissier dressé que la demanderesse, désignée par son prénom, était  parfaitement identifiable sur les images de cette vidéo ; en outre, le traitement automatisé des données personnelles résultait à l’évidence de leur diffusion sur les réseaux sociaux et sur le site internet du producteur de film X. Sans aucun doute, Facebook et tout réseau social constitue bien un traitement de données à caractère personnel, défini par la loi comme « toute opération ou tout ensemble d’opérations portant sur de telles données, quel que soit le procédé utilisé, et notamment la collecte, l’enregistrement, l’organisation, la conservation, l’adaptation ou la modification, l’extraction, la consultation, l’utilisation, la communication par transmission, diffusion ou toute autre forme de mise à disposition, le rapprochement ou l’interconnexion, ainsi que le verrouillage, l’effacement ou la destruction de données personnelles ».

Autorisation du modèle pornographique

C’est vainement que le producteur se prévalait de l’autorisation qui lui avait été donnée par l’actrice par la signature qu’elle avait apposée au bas du document intitulé «Autorisation du modèle (Décharge de responsabilité)». Aux termes de ce document, la demanderesse autorisait : «le(s) producteur(s) ainsi que toute personne en possession de la présente décharge à utiliser les prises de vue, photos ainsi que les interviews et autres supports d’exploitation commerciale prises sur ma personne en mon accord pour les diffusions, publications, duplications, exploitations et autres formes commerciales connues et inconnues à ce jour y compris télévisuelles hertzienne, satellites ou câblées codées ou non telle Canal+ et ce pour une durée de 99 ans», déchargeait les «utilisateurs et propriétaires de oeuvres » de toute responsabilité et renonçait à « porter plainte ou réclamation » à leur encontre.

Cette « autorisation de modèle » qui ne faisait  aucune référence au traitement automatisé des données personnelles de la demanderesse, ne saurait caractériser ni l’information ni le consentement de la demanderesse exigés par les dispositions des articles 6 et 7 de la loi du 6 janvier 1978 ; est donc  prohibée la collecte des références à l’origine raciale ou ethnique ainsi qu’à la vie sexuelle de l’actrice.

Sanction du refus de suppression de données personnelles

Le refus de supprimer ses données personnelles opposé par le producteur de films X caractérise le délit prévu et réprimé par l’article 226-18-1 du Code pénal, aux termes duquel : « le fait de procéder à un traitement de données à caractère personnel concernant une personne physique malgré l’opposition de cette personne, lorsque ce traitement répond à des fins de prospection, notamment commerciale, ou lorsque cette opposition est fondée sur des motifs légitimes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amende ».

30 000 euros de dommages et intérêts

Compte tenu du caractère intrinsèquement illicite du traitement des données de nature raciale et sexuelle, du caractère, à l’évidence, abusif du contrat qui a été fait signer à la demanderesse tendant à décharger son cocontractant de toute responsabilité pour une durée de 99 ans, de l’identification qui a été rendue certaine par la diffusion publique de ses données personnelles et du transfert de ces données, son préjudice, résultant du non-respect des dispositions impératives de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 quant au traitement automatisé de ses données personnelles sans son autorisation, le producteur de films X a été condamné à 15 000 euros de dommages et intérêts.  Le préjudice résultant du refus, réitéré, de supprimer ses données personnelles a aussi été réparé par des dommages-intérêts d’un montant de 15 000 euros.

Délit de menace constitué

Dans les échanges d’emails entre l’ancienne actrice et le producteur de films X, ce dernier menaçait l’actrice d’une revente de la vidéo à une société de production américaine si elle n’était pas disposée à racheter ses droits.  Ce fait constitue bien une menace au sens de l’article 222-18 du Code pénal, délit prévu par l’article 226-22-1 du Code pénal qui puni de 5 ans d’emprisonnement le fait de transférer des données à caractère personnel faisant l’objet ou destinées à faire l’objet d’un traitement vers un État n’appartenant pas à la Communauté européenne et n’assurant pas un niveau de protection suffisant de la vie privée et des libertés et droits fondamentaux des personnes (les États-Unis ne présentant pas une protection suffisante au sens de la loi n°78-17 du 6 janvier 1978).

Faux et usage de faux constitué

Enfin, le producteurs de film X ayant à l’évidence porté des modifications sur les différentes versions du contrat litigieux relatives notamment à son identité et à sa forme juridique, a été condamné pour faux et usage de faux, délit réprimé par l’article 441-1 du Code pénal.  Au regard du traitement de ses données personnelles, « l ‘identité du responsable du traitement et, le cas échéant de son représentant », est une condition de la licéité du consentement donnée par la personne concernée, dont l’absence est sanctionnée par une contravention de cinquième classe ainsi que le prévoit l’article R 625-10 du Code pénal ; cette identification est, en effet, un moyen pour la personne concernée d’exercer ses droits de rectification, d’opposition, d’accès et d’interrogation, de sorte que l’absence de cette mention cause nécessairement un préjudice ; les diverses modifications réalisées sur le contrat qui ont eu pour objet de tenter de rendre ce contrat conforme à cette exigence, ont fait obstacle à l’exercice par la demanderesse des droits que la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 lui accorde et étaient bien de nature à causer un préjudice (3 000 euros de dommages et intérêts).

Questions / Réponses juridiques

Quelles sont les obligations imposées aux producteurs de films X concernant les données personnelles des acteurs ?

Les producteurs de films X doivent désormais respecter des obligations strictes en matière de protection des données personnelles des acteurs, suite à une décision du TGI de Paris. Cette décision souligne l’importance du consentement éclairé et de la protection des données sensibles, notamment celles à caractère sexuel, ethnique et racial.

En effet, dans le cas d’une ancienne actrice, il a été constaté que des photos et vidéos d’elle étaient diffusées sans son consentement sur Internet et les réseaux sociaux. Cela a conduit à une reconnaissance du traitement illicite de ses données personnelles, ce qui impose aux producteurs de films X de veiller à obtenir un consentement explicite et informé avant toute diffusion.

De plus, la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 stipule que toute opération portant sur des données personnelles doit être effectuée dans le respect des droits des individus, ce qui inclut le droit à l’effacement et à la rectification des données. Les producteurs doivent donc s’assurer que les acteurs sont pleinement informés des implications de leur consentement.

Quels sont les éléments constitutifs du traitement illicite des données personnelles dans cette affaire ?

Le traitement illicite des données personnelles dans cette affaire repose sur plusieurs éléments clés. Tout d’abord, la diffusion de la vidéo et des images de l’ancienne actrice sans son consentement constitue une violation directe de ses droits. La loi définit le traitement de données personnelles comme toute opération portant sur ces données, y compris leur collecte, leur conservation et leur diffusion.

Dans ce cas, la demanderesse a été identifiée par son prénom et d’autres informations personnelles, ce qui a rendu son identification facile. La loi n°78-17 impose des restrictions strictes sur le traitement des données sensibles, notamment celles liées à la vie sexuelle et à l’origine raciale ou ethnique.

Le constat d’huissier a confirmé que la diffusion sur les réseaux sociaux et le site du producteur constituait un traitement automatisé des données, ce qui est prohibé sans consentement explicite. Ainsi, le producteur a été reconnu coupable d’avoir agi en violation des dispositions légales, entraînant des sanctions.

Comment la notion de consentement est-elle abordée dans le cadre de l’autorisation du modèle ?

L’autorisation du modèle signée par l’ancienne actrice a été jugée insuffisante pour caractériser un consentement valide au traitement de ses données personnelles. Bien que le document stipule que l’actrice autorisait l’utilisation de ses images et vidéos, il ne mentionne pas explicitement le traitement automatisé de ses données personnelles.

Selon les articles 6 et 7 de la loi du 6 janvier 1978, le consentement doit être libre, éclairé et spécifique. Dans ce cas, l’absence de référence au traitement automatisé dans le document a conduit à la conclusion que l’information et le consentement requis n’étaient pas respectés.

Cela signifie que même si l’actrice avait signé un document, cela ne suffisait pas à justifier la collecte et la diffusion de ses données sensibles. Par conséquent, le producteur ne pouvait pas se prévaloir de cette autorisation pour justifier ses actions.

Quelles sanctions sont prévues en cas de refus de suppression des données personnelles ?

Le refus de supprimer les données personnelles de l’ancienne actrice par le producteur de films X constitue un délit selon l’article 226-18-1 du Code pénal. Cet article stipule que le traitement de données à caractère personnel, malgré l’opposition de la personne concernée, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros.

Dans cette affaire, le producteur a été reconnu coupable d’avoir ignoré les demandes de l’actrice de supprimer ses données personnelles, ce qui a entraîné des sanctions sévères. Le non-respect de la volonté de l’individu concernant ses données personnelles est considéré comme une atteinte grave à ses droits.

Cette situation souligne l’importance pour les producteurs de films et autres entités de respecter les droits des individus en matière de données personnelles, notamment le droit à l’effacement, qui est un principe fondamental de la législation sur la protection des données.

Quel montant a été accordé en dommages et intérêts à l’ancienne actrice ?

L’ancienne actrice a été condamnée à recevoir un total de 30 000 euros de dommages et intérêts en raison du traitement illicite de ses données personnelles. Cette somme est répartie en deux parties : 15 000 euros pour le préjudice causé par le traitement de ses données sensibles, et 15 000 euros supplémentaires pour le refus réitéré de supprimer ces données.

Le tribunal a pris en compte le caractère abusif du contrat signé par l’actrice, qui déchargeait le producteur de toute responsabilité pour une durée de 99 ans. Ce contrat a été jugé comme étant intrinsèquement illicite, car il ne respectait pas les dispositions de la loi n°78-17.

Le montant des dommages et intérêts reflète la gravité de la violation des droits de l’actrice et l’impact que cela a eu sur sa vie personnelle et professionnelle. Cela envoie également un message fort aux producteurs de films X sur l’importance de respecter les droits des acteurs en matière de données personnelles.

Quelles infractions ont été retenues contre le producteur de films X ?

Plusieurs infractions ont été retenues contre le producteur de films X dans cette affaire. Tout d’abord, il a été reconnu coupable de traitement illicite de données personnelles, en raison de la diffusion non autorisée des images et vidéos de l’ancienne actrice.

Ensuite, le producteur a été accusé de menace, car il a menacé l’actrice de revendre la vidéo à une société de production américaine si elle ne rachetait pas ses droits. Cette menace constitue une infraction au sens de l’article 222-18 du Code pénal, qui punit de cinq ans d’emprisonnement le transfert de données personnelles vers un État n’assurant pas un niveau de protection suffisant.

Enfin, le producteur a été condamné pour faux et usage de faux, car il a modifié des éléments du contrat sans en informer l’actrice. Ces modifications ont entravé l’exercice de ses droits en matière de données personnelles, ce qui a également été sanctionné par le tribunal.


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Chat Icon