Avis négatif du Sénat sur le règlement ENISA

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Avis négatif du Sénat sur le règlement ENISA

Proposition de règlement relatif à l’ENISA

Le Sénat a formulé un avis négatif sur la proposition de règlement relatif à l’ENISA, Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité, et abrogeant le règlement (UE) n° 526/2013. Au centre de ces mesures, figure une proposition de règlement qui fait de l’Agence européenne chargée de la sécurité des réseaux et de l’information, l’ENISA, le pivot de la cybersécurité en Europe. Pour les sénateurs ledit règlement pose une sérieuse difficulté au regard du principe de subsidiarité.

La proposition de règlement s’est fixée plusieurs objectifs : développer les moyens et la préparation des États membres ;  améliorer la coopération et la coordination entre les États membres et les institutions européennes ; accroître les moyens au niveau de l’Union pour compléter les actions des États membres en cas de crise transfrontalière ; sensibiliser particuliers et entreprises aux questions de cybersécurité ; accroître globalement la transparence et l’assurance de la cybersécurité ; éviter la multiplication des systèmes de certification dans l’Union, ainsi que des exigences de sécurité et des critères d’évaluation dans les différents États membres. Cet ecosystème  repose d‘une part sur l’ENISA et d’autre part sur la certification de cybersécurité des produits et services des technologies de l’information.

Enjeux de la cybersécurité

Selon la Commission européenne, en 2016, il y aurait eu 4 000 attaques par rançongiciel par jour, soit une hausse de 300 % par rapport à 2015. Au total, c’est 80 % des entreprises européennes qui auraient été touchées par une cyberattaque en 2016. En 2017, les virus Wannacry et Petya se sont propagés à l’échelle mondiale. La directive sur la sécurité des réseaux d’information, la directive SRI devrait être transposée au début de 2018. Elle prévoit notamment que :

– chaque État membre doit se doter d’une agence spécialisée dans la cybersécurité, à l’image de l’Agence nationale pour la sécurité des systèmes d’information en France, l’ANSSI ;

– le renforcement par chaque État de la cybersécurité d’« opérateurs de services essentiels » au fonctionnement de l’économie et de la société

– les administrations, mais aussi les grandes entreprises et celles travaillant dans des secteurs sensibles. Et ces opérateurs auront l’obligation de signaler les attaques dont ils sont victimes ;

– la participation volontaire à une coopération entre États membres ;

– l’adoption de règles européennes communes en matière de cybersécurité pour certains prestataires de services numériques dans des domaines comme l’informatique en nuage pour le stockage des données, les moteurs de recherche et les places de marché en ligne.

 

Pouvoirs étendus de l’ENISA

La proposition de règlement européen propose de placer l’ENISA au coeur de la cybersécurité dans l’Union. Elle se verrait désormais dotée d’un mandat permanent, mais ses objectifs et missions seraient régulièrement mis à jour. En conséquence, ses moyens humains, financiers et matériels seraient augmentés. Son champ d’action serait étendu à de nouvelles missions liées au marché et à la certification de cybersécurité ainsi qu’à la normalisation et à l’assistance technique en cas d’incidents significatifs. Elle conserverait ses missions concernant, d’une part, l’élaboration et la mise en oeuvre de la politique de l’Union européenne en matière de cybersécurité, et, d’autre part, le soutien au renforcement des capacités (moyens et compétences) des États membres, à la coopération opérationnelle et à la gestion des crises.

Plus particulièrement, l’ENISA pourrait mener des enquêtes techniques au sein des États membres, suite à la signalisation d’un incident de cybersécurité d’ampleur européenne, sur demande de certains États membres ou de la Commission. Elle pourrait également apporter une assistance technique à certains États membres en cas de cyberattaque, grâce à une équipe d’intervention, qui serait créée.

La question de la subsidiarité

Le principe de subsidiarité est encadré par l’article 4 du traité sur l’Union européenne qui énonce que l’Union « respecte les fonctions essentielles de l’État, notamment celles qui ont pour objet d’assurer son intégrité territoriale, de maintenir l’ordre public et de sauvegarder la sécurité nationale. En particulier, la sécurité nationale reste de la seule responsabilité de chaque État membre ».

Il en découle que la Commission européenne ne peut se substituer aux États membres. Le Sénat considère qu’il n’y a aucune raison pour que l’ENISA dispose d’une équipe d’intervention et de pouvoirs d’enquête en cas de crise, ces attributions relevant des États membres.   En ce qui concerne la certification, l’ENISA et l’Union européenne n’ont actuellement ni la compétence ni l’expertise, qui sont au sein des États. Or, la Commission propose non seulement de placer l’ENISA au centre du système de certification unique, mais en plus de ne confier qu’un rôle consultatif aux États membres et aux autorités nationales de contrôle de certification. En outre, un système complètement nouveau et inconnu remplacerait des normes connues de tous et qui ont fait leurs preuves dans plusieurs États membres.

Motivation du refus du Sénat

Le Sénat estime que les Etats membres doivent conserver, d’une part, leur faculté d’adopter des normes et des standards apportant un plus haut niveau de sécurité, et, d’autre part, toute leur place dans le nouveau dispositif européen, fondée sur leur participation volontaire à une cybersécurité européenne. La place prépondérante envisagée pour l’ENISA dans la certification de cybersécurité, alors qu’elle ne dispose d’aucune expertise, n’est pas justifiée et elle pourrait entraîner un affaiblissement de la cybersécurité dans l’Union, ce qui est contraire à l’objectif de la proposition.

Questions / Réponses juridiques

Quel est l’avis du Sénat sur la proposition de règlement relatif à l’ENISA ?

Le Sénat a émis un avis négatif concernant la proposition de règlement relatif à l’ENISA, l’Agence de l’Union européenne pour la cybersécurité. Cette proposition vise à faire de l’ENISA le pivot de la cybersécurité en Europe, mais les sénateurs soulignent que le règlement pose des difficultés en rapport avec le principe de subsidiarité.

Ce principe stipule que les décisions doivent être prises au niveau le plus proche des citoyens, ce qui implique que les États membres devraient conserver un rôle central dans la gestion de la cybersécurité. Le Sénat craint que le renforcement des pouvoirs de l’ENISA ne nuise à cette autonomie des États.

Quels sont les objectifs de la proposition de règlement concernant l’ENISA ?

La proposition de règlement a plusieurs objectifs clés. Elle vise à développer les moyens et la préparation des États membres en matière de cybersécurité, à améliorer la coopération et la coordination entre les États membres et les institutions européennes, et à accroître les ressources au niveau de l’Union pour soutenir les actions des États en cas de crise transfrontalière.

De plus, elle cherche à sensibiliser les particuliers et les entreprises aux enjeux de la cybersécurité, à accroître la transparence et l’assurance en matière de cybersécurité, et à éviter la multiplication des systèmes de certification au sein de l’Union. L’ENISA jouerait un rôle central dans cet écosystème, en collaboration avec les systèmes de certification des produits et services liés aux technologies de l’information.

Quels sont les enjeux de la cybersécurité en Europe ?

Les enjeux de la cybersécurité en Europe sont considérables. En 2016, la Commission européenne a rapporté environ 4 000 attaques par rançongiciel par jour, représentant une augmentation de 300 % par rapport à 2015. Environ 80 % des entreprises européennes ont été touchées par des cyberattaques cette même année.

Les virus tels que Wannacry et Petya, qui se sont propagés mondialement en 2017, illustrent la gravité de la situation. Pour y faire face, la directive sur la sécurité des réseaux d’information, la directive SRI, impose aux États membres de créer des agences spécialisées en cybersécurité et de renforcer la sécurité des opérateurs de services essentiels.

Quels pouvoirs l’ENISA pourrait-elle obtenir selon la proposition de règlement ?

La proposition de règlement vise à doter l’ENISA de pouvoirs étendus, en la plaçant au cœur de la cybersécurité au sein de l’Union européenne. L’ENISA se verrait attribuer un mandat permanent, avec des objectifs et des missions régulièrement mis à jour, ainsi qu’une augmentation de ses ressources humaines, financières et matérielles.

Son champ d’action serait élargi pour inclure de nouvelles missions liées à la certification de cybersécurité, à la normalisation et à l’assistance technique en cas d’incidents significatifs. L’ENISA pourrait également mener des enquêtes techniques suite à des incidents de cybersécurité d’ampleur européenne et fournir une assistance technique aux États membres en cas de cyberattaque.

Quelle est la position du Sénat sur la question de la subsidiarité ?

Le Sénat souligne l’importance du principe de subsidiarité, qui est inscrit dans l’article 4 du traité sur l’Union européenne. Ce principe stipule que l’Union doit respecter les fonctions essentielles des États, notamment en matière de sécurité nationale, qui reste de leur seule responsabilité.

Le Sénat s’oppose à l’idée que l’ENISA dispose d’une équipe d’intervention et de pouvoirs d’enquête en cas de crise, estimant que ces attributions devraient rester sous le contrôle des États membres. De plus, il remet en question la capacité de l’ENISA à gérer la certification, arguant que cette compétence est actuellement détenue par les États.

Quelles sont les motivations du refus du Sénat concernant la proposition de règlement ?

Le Sénat justifie son refus en affirmant que les États membres doivent conserver leur capacité à adopter des normes et des standards de sécurité élevés. Il insiste sur le fait que chaque État doit avoir une place significative dans le dispositif européen de cybersécurité, basé sur une participation volontaire.

La prépondérance envisagée pour l’ENISA dans le domaine de la certification de cybersécurité est jugée non justifiée, car l’agence ne possède pas l’expertise nécessaire. Le Sénat craint que cela n’affaiblisse la cybersécurité au sein de l’Union, ce qui va à l’encontre des objectifs de la proposition de règlement.


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