Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Paris
Thématique : Une salariée remplacée par Doctolib : un licenciement pour mutation technologique ?
→ RésuméLe licenciement de Mme [K], secrétaire médicale, a été jugé sans cause réelle et sérieuse par la Cour d’appel de Paris. La société Centre de Pédiatrie a invoqué des mutations technologiques, notamment l’utilisation de Doctolib, pour justifier ce licenciement. Cependant, la cour a conclu que cette externalisation ne constituait pas une mutation technologique au sens du code du travail. En conséquence, Mme [K] a été indemnisée à hauteur de 15.000 euros pour licenciement abusif, tandis que ses demandes pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité ont été rejetées.
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Le recours à Doctolib par un cabinet médical ne peut s’analyser en une mutation technologique au sens du 2° de l’article L. 1233-3 du code du travail justifiant le licenciement économique de la salariée. Dès lors, le licenciement d’une secrétaire médicale est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Mme [Z] [K] a été embauchée en 2008 par la société De Brito-[V] en tant que secrétaire médicale, avec un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel. La société Centre de Pédiatrie [4] a ensuite repris les droits de cette société, devenant l’employeur de Mme [K] en 2016, et a augmenté sa durée de travail à 112 heures mensuelles. Mme [K] était l’unique salariée de cette société.
En 2017, des changements dans l’association ont eu lieu avec l’arrivée de nouveaux associés. En décembre 2017, la société a défini les tâches de Mme [K] pour l’année suivante. En mars 2018, la société a proposé à Mme [K] une réduction de son temps de travail pour des raisons économiques, que Mme [K] a refusée. En avril 2018, elle a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique, qui a été effectif en mai 2018.
Mme [K] a contesté son licenciement, arguant qu’il était sans cause réelle et sérieuse et a porté l’affaire devant le conseil de prud’hommes de Bobigny, qui l’a déboutée de toutes ses demandes en décembre 2020. Elle a fait appel de cette décision en janvier 2021, réclamant des dommages et intérêts pour harcèlement moral et licenciement abusif, ainsi que la contestation de l’application des barèmes de dommages et intérêts.
La société Centre, de son côté, a demandé la confirmation du jugement initial et a proposé de réduire le montant d’une éventuelle condamnation. L’instruction de l’appel a été clôturée en octobre 2023.
Les points essentiels
Indemnisation pour harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l’obligation de sécurité
Mme [K] réclame 40.000 euros de dommages-intérêts pour harcèlement moral, manquement à l’obligation de sécurité et exécution déloyale du contrat de travail. L’employeur conteste ces accusations.
Dispositions légales sur le harcèlement moral et l’obligation de sécurité
Les articles du code du travail précisent les obligations de l’employeur en matière de harcèlement moral et de sécurité des travailleurs. Il incombe à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs.
Preuves médicales de la dégradation de la santé de Mme [K]
Mme [K] fournit des certificats médicaux attestant d’un état dépressif lié à ses conditions de travail. Le tribunal a également reconnu sa maladie professionnelle.
Manquements de l’employeur
L’employeur a changé la mutuelle de la salariée pour une moins avantageuse et a supprimé ses congés payés non pris sans relance. Mme [K] a également subi l’hostilité d’une associée de l’entreprise.
Décision de la cour
Seuls les manquements concernant la mutuelle et les congés payés sont établis. L’employeur n’a pas commis de faute et le jugement initial est confirmé.
Licenciement pour motif économique injustifié
Le licenciement de Mme [K] pour motif économique est contesté. La cour conclut que le licenciement n’est pas justifié par les mutations technologiques invoquées par l’employeur.
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Mme [K] est indemnisée à hauteur de 15.000 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en fonction de son ancienneté et de son salaire.
Demandes accessoires
La société est condamnée à verser 1.000 euros à Mme [K] au titre des frais de procédure. Les dépens sont à la charge de l’employeur.
Les montants alloués dans cette affaire: – 15.000 euros à Mme [Z] [K] pour indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse.
– 1.000 euros à Mme [Z] [K] au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les frais de procédure de première instance et d’appel.
Réglementation applicable
L’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, applicable à la date du licenciement, dispose :
‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques (…),
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise (…)’.
Avocats
Bravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Nicolas COLLET-THIRY, avocat au barreau de PARIS
– Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE
Mots clefs associés & définitions
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
15 février 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
21/01253
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 7
ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2024
(n° 74, 11 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/01253 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC3V
Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 décembre 2020 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 18/03204
APPELANTE
Madame [Z] [K]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Nicolas COLLET-THIRY, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.C.M. CENTRE DE PÉDIATRIE [4]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Stéphanie LAMY, avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 372
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er décembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre
Madame Guillemette MEUNIER, présidente de chambre
Monsieur Laurent ROULAUD, conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Alisson POISSON
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame Bérénice HUMBOURG, présidente de chambre, et par Madame Alisson POISSON, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Par contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel (24 heures hebdomadaires) du 9 juillet 2008 prenant effet le 25 août 2008, Mme [Z] [K] a été engagée par la société De Brito-[V] en qualité de secrétaire médicale.
Les relations de travail étaient soumises à la convention collective du personnel des cabinets médicaux.
La société Centre de Pédiatrie [4] (ci-après désignée la société Centre) est venue aux droits de la société De Brito-[V].
Par avenant du 26 décembre 2016, les parties se sont accordées sur le fait que la société Centre maintenait le contrat de travail de Mme [K] signé le 9 juillet 2008 et devenait ainsi son employeur. La durée de travail de la salariée a été augmentée à 112 heures mensuelles.
Mme [K] était l’unique salariée de la société Centre.
En décembre 2016, le docteur [X] est devenue associée de la société Centre en remplacement du docteur [V] qui était décédé.
En octobre 2017, la société Centre a accueilli un nouvel associé en la personne du docteur [I].
Par courrier du 20 décembre 2017, la société Centre a notifié à Mme [K] sa fiche de poste pour 2018 comprenant les activités suivantes : préparation des agendas papier et transmission au secrétariat extérieur en période d’absence ; sortie et archivage/désarchivage des dossiers papiers ; accueil téléphonique (prise de rendez-vous essentiellement) et physique des patients ; gestion du répondeur téléphonique et de la messagerie ; ouverture des dossiers des nouveaux patients ; scan des documents reçus, impression et transmission des résultats, des mails et des fax ; rédaction, dactylographie, ouverture et envoi des courriers ; encaissements ; saisie des dépenses et entrées sur Excel ; pointage de la banque, préparation des règlements des factures ; gestion des dossiers administratifs pour le fonctionnement du cabinet ; gestion des stocks et commandes; rangement de la salle d’attente, ainsi que le contrôle de la propreté du cabinet et la désinfection des jouets et du frigo.
Par courrier du 5 mars 2018, la société Centre a proposé à Mme [K] une réduction de son temps de travail mensuel pour des motifs économiques.
Par courrier du 31 mars 2018, Mme [K] a refusé cette proposition.
Par courrier du 10 avril 2018, Mme [K] a été convoquée à un entretien préalable à un licenciement pour motif économique fixé le 20 avril 2018.
La société Centre a notifié le 11 mai 2018 à Mme [K] son licenciement pour motif économique.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, Mme [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny afin que la société Centre soit condamnée à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire.
Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes a :
Débouté Mme [K] de l’ensemble de ses demandes,
Débouté la société Centre de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné Mme [K] aux éventuels dépens.
Le 20 janvier 2021, Mme [K] a interjeté appel du jugement.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 27 mai 2021, Mme [K] demande à la cour de :
Dire et juger que la société Centre a manqué à ses obligations légales et contractuelles envers elle et a exercé un harcèlement moral à son encontre (article 1104 nouveau du code civil, 1134 ancien, L. 1222-1, L.1152-1, et L. 4121-1 du code du travail),
Dire et juger que le licenciement pour motif économique notifié le 11 mai 2018 est sans cause réelle et sérieuse,
Dire et juger que les barèmes de dommages et intérêts institués par l’article L.1235-3 du code du travail sont contraires à l’article 24 de la Charte sociale européenne et à l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT, et en conséquence en écarter l’application,
En conséquence, condamner la société Centre au paiement des sommes suivantes :
– 40.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail et harcèlement moral,
– 75.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (barème non applicable),
– 2.905,60 euros à titre de solde d’indemnité compensatrice de congés payés,
– 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Condamner la société Centre au paiement des intérêts légaux à compter du jour de l’introduction de l’instance conformément à l’article 1344-1 du code civil,
Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,
Condamner la société Centre aux entiers dépens.
Selon ses conclusions transmises par la voie électronique le 6 juillet 2022, la société Centre demande à la cour de :
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
A titre principal,
Débouter Mme [K] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,
A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant d’une éventuelle condamnation au titre de l’indemnité réparant le préjudice résultant du licenciement,
Condamner Mme [K] à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un exposé des moyens des parties, la cour se réfère expressément aux conclusions transmises par la voie électronique.
L’instruction a été déclarée close le 18 octobre 2023.
MOTIFS :
Sur la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral, de l’exécution déloyale du contrat de travail et du manquement à l’obligation de sécurité :
Mme [K] sollicite la somme de 40.000 euros de dommages-intérêts en raison du préjudice causé par des manquements qu’elle qualifie d’harcèlement moral, de manquement à l’obligation de sécurité et d’exécution déloyale du contrat de travail.
En défense, l’employeur conclut à la confirmation du jugement qui a débouté la salariée de sa demande indemnitaire.
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Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et sa dignité, d’altérer sa santé physique, mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L.1154-1 de ce même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
L’obligation de sécurité à laquelle est tenue l’employeur en application de l’article L. 4121-1 du code du travail lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs et lui interdit dans l’exercice de son pouvoir de direction de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés.
En application de l’article L.1222-1 du code du travail, le contrat de travail est présumé exécuté de bonne foi, de sorte que la charge de la preuve de l’exécution de mauvaise foi dudit contrat incombe à celui qui l’invoque.
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S’agissant de la dégradation de son état de santé, Mme [K] produit les éléments médicaux suivants :
– ses arrêts de travail du 19 mars 2018 au 2 juin 2021 dont l’un portant sur la période du 5 mars au 5 juin 2019 précisait qu’il était prescrit en raison de l’état anxio-dépressif de la salariée,
– un certificat médical du 6 juin 2018 par lequel le médecin du travail a précisé que Mme [K] présentait ‘un syndrome dépressif, installé depuis septembre 2017 environ, qu’elle allègue en rapport avec l’altération de ses conditions de travail. Mme B. explique souffrir d’une relation conflictuelle et d’un harcèlement moral de la part de l’un de ses employeurs, l’affectant fortement’,
– un certificat médical du 10 juillet 2018 par lequel le docteur [U] (psychiatre) a déclaré suivre Mme [K] ‘depuis le 18/05/2018 pour un état dépressif secondaire et récurrent suite à un licenciement abusif (selon ses dires) avec des conflits professionnels importants avec ses employeurs (sa nouvelle employeur venue depuis 18 mois environ). Le climat du travail est devenu insupportable pour la patiente, ce qui l’a poussée à être arrêtée depuis le 15/03/2018 jusqu’à ce jour (par le docteur [L], médecin traitant)’,
– un certificat médical du 4 décembre 2018 par lequel le docteur [L] a indiqué que la salariée était affectée ‘d’un état anxio-dépressif nécessitant un suivi psychothérapeutique, un arrêt de travail et la prise de médicament antidépresseur’ et qu’elle la suivait depuis le 26 février 2018 ‘pour un état post traumatique et un syndrome anxiodépressif dont elle attribue l’origine à ses mauvaises conditions de travail, à l’extrême souffrance qu’elle ressent sur le lieu de travail et au harcèlement moral qu’elle décrit de la part d’un de ses employeurs’,
– le jugement du 7 avril 2021 par lequel le tribunal judiciaire de Bobigny a ordonné la prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par Mme [K] le 24 juin 2018 au moyen d’un certificat médical du docteur [L] (médecin traitant) constatant ‘un syndrome anxio-dépressif-grande souffrance sur le lieu de travail, déclare subir un harcèlement moral en milieu professionnel, poursuite du travail impossible’.
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En premier lieu, Mme [K] reproche à l’employeur d’avoir changé sa mutuelle Humanis en novembre 2016 par une mutuelle moins coûteuse Allianz de moins bonne qualité.
S’il n’est pas possible au regard des éléments produits d’établir que la nouvelle mutuelle est moins onéreuse pour la société que l’ancienne, force est de constater que la salariée produit un comparatif entre les deux mutuelles souscrites montrant que l’ancienne mutuelle bénéficiait globalement d’un meilleur taux de remboursement que la nouvelle (pièce 25-1). Ainsi, par exemple, les prothèses dentaires bénéficiaient d’un taux de remboursement de 570% avec la mutuelle Humanis alors que ce taux n’était que de 405% avec la mutuelle Allianz.
Par suite, il est établi qu’à compter du mois de novembre 2016, l’employeur a changé la mutuelle de la salariée pour une nouvelle bénéficiant de taux de remboursement moins avantageux pour Mme [K].
En deuxième lieu, Mme [K] reproche à l’employeur d’avoir supprimé en février 2018 ses congés payés non pris en 2016 et de ne pas l’avoir relancée pour qu’elle prenne ces congés dont l’existence avait été constatée par la société Centre dans son courrier du 22 décembre 2016.
A l’appui de ses allégations, Mme [K] se réfère à :
– un courrier du 22 décembre 2016 par lequel la société Centre a notamment indiqué à Mme [K] : ‘Concernant vos congés, une erreur est survenue dans le décompte. Pour exemple, seuls 9 jours ont été décomptés cet été alors que vous avez été en congé 3 semaines soit 18 jours. Nous allons reprendre le décompte sur les trois dernières années. Nous vous communiquerons sous peu le solde de vos congés. Nous souhaitons que vous soldiez vos congés antérieurs avant le 31 mai. A compter de 2017, nous vous remercions de prendre vos congés comme prévus par la loi entre le 1er juin et le 31 mai de chaque année. Les congés non pris dans la période seront perdus. Afin d’éviter toute nouvelle erreur dans le décompte de vos congés, nous vous remercions de bien vouloir nous adresser vos demandes de congés par courrier, par écrit en respectant le délai de prévenance d’au moins un mois pour les congés de plus d’une semaine et d’au moins une semaine pour les congés de moins d’une semaine’,
– un courrier du 26 février 2018 par lequel la société Centre lui a écrit : ‘Dans le courrier adressé le 22/12/2016 lors de la signature de l’avenant à votre contrat par le Centre de pédiatrie, nous vous avions demandé de solder vos congés non pris dans la SCM De Brito-[V] avant le 31/05/2017. Vous aviez oralement demandé la possibilité de les utiliser en 2017, ce que nous avions accordé. Le délai étant dépassé, nous mettons donc à jour le solde de congés sur ce passif et l’année 2017. Nous vous rappelons en effet que les congés doivent être pris entre le 1er juin et le 31 mai de chaque année comme indiqué dans le courrier sus-cité’.
Les faits reprochés à l’employeur ne sont pas contestés par ce dernier dans ses écritures. Ils sont dès lors établis.
En dernier lieu, Mme [K] expose qu’elle a subi ‘l’hostilité manifeste et l’agressivité de Mme [X]’, associée de la société Centre.
A l’appui de ses allégations, la salariée se réfère tout d’abord à ses propres écrits et déclarations qui sont insuffisants à eux seuls pour établir la matérialité des faits qui sont reprochés à Mme [X].
Mme [K] se réfère également aux éléments médicaux susmentionnés qui ne peuvent également établir la matérialité des faits reprochés à l’associée puisqu’il n’est nullement justifié que les médecins rédacteurs de ces actes ont été témoins de ces faits.
Enfin, Mme [K] se réfère à :
– une attestation par laquelle M. [T], cadre RATP ayant assisté Mme [K] pendant l’entretien préalable au licenciement, a notamment écrit : ‘Quand je suis intervenu pour signifier que la fiche de poste n’était en rien modifiée depuis l’arrivée des nouveaux outils informatiques mis à part la diminution des horaires par deux qui induit un même travail en deux fois moins de temps, Mme [X] est devenue subitement agressive et nous a ramené sur la procédure du CSP dans le cadre d’un licenciement pour motif économique. Au même moment, j’ai remarqué que Mme [K] s’est mise à pleurer sans pouvoir s’arrêter et à trembler violemment de tout son corps. Quand j’ai tendu les documents du CSP à Mme [K], elle a à peine pu signer l’attestation tellement ses tremblements étaient violents’,
– une attestation par laquelle Mme [M], cliente de la société Centre, a notamment indiqué : ‘j’ai vu Mme [Z] [K] pleurer après que Mme [X], pédiatre, ait quitté son bureau lorsque j’attendais avec mes filles pour des consultations’.
La cour constate, d’une part, que Mme [M] n’a été témoin d’aucun fait précis commis par Mme [X] à l’égard de Mme [K] et, d’autre part, que l’attestation de M. [T] n’est pas suffisamment précise et circonstanciée pour établir l’existence d’un comportement inadapté de l’associée à l’égard de la salariée.
Il se déduit de ce qui précède que les faits reprochés à Mme [X] et qui sont contestés par l’employeur ne sont pas établis.
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Il résulte de ce qui précède que seuls sont matériellement établis les faits mentionnés en premier et deuxième lieu dans les développements précédents. La salariée présente ainsi des éléments de faits permettant de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
En premier lieu, s’agissant des congés payés non pris en 2016 par la salariée et supprimés en 2018 par l’employeur sans relance, la cour constate que Mme [K] considère que ces faits méconnaissent l’article L. 3141-16 du code du travail qui prévoit que l’employeur doit définir les périodes de prise de congés.
Or, comme l’expose la société Centre, ces périodes ont été définies par :
– d’une part, l’article 5 de l’avenant du 26 décembre 2016 au contrat de travail, signé des deux parties, qui stipule qu’au 31 décembre 2016, Mme [K] bénéficiait d’un solde de congés payés non pris de 17,5 jours et qu »une fois acquis, les congés payés devront être pris. Mme [Z] [K] ne pourra pas choisir de les reporter sur l’année suivante ou demander à l’employeur de les lui payer sous forme d’indemnité. En conséquence, si Mme [Z] [K] ne prend pas tous ses jours de congés payés à l’intérieur de la période de prise, elle les perd sauf si la société SCM Centre de Pédiatrie [4] l’a mis dans l’impossibilité de les prendre. Tout congés doit faire l’objet d’une demande auprès des co-gérants de la SCM : par écrit en respectant un délai de prévenance d’au moins un mois pour les congés de plus d’une semaine et d’au moins une semaine, pour les congés de moins d’une semaine’,
– l’article 33 de la convention collective qui stipule : ‘La période de congés payés annuels doit être comprise dans la période du 1er mai au 31 octobre de chaque année, sous réserve des dispositions particulières aux stations thermales, balnéaires et climatiques. Les congés payés doivent être pris effectivement avant le 31 décembre de l’année en cours, sauf accord entre les parties’.
Comme il a été dit précédemment, l’employeur a averti la salariée dans son courrier du 22 décembre 2016 qu’elle devait prendre ses congés payés non pris au titre de l’année 2016 avant le 31 mai 2017 et qu’à défaut ils seraient supprimés.
La salariée qui n’a pas été empêchée de prendre les congés auxquels elle avait droit en perd le bénéfice.
Il ne ressort d’aucun élément produit que la salariée a été empêchée par l’employeur de prendre son reliquat de congés 2016 en 2017. De même, contrairement aux allégations de Mme [K], il ne ressort nullement des dispositions de l’article L. 3141-16 du code du travail que l’employeur, d’une part, était tenu de fixer la date de départ en congés de la salariée alors que ce texte légal prévoit seulement que celle-ci doit prendre ses congés au cours de la période définie par la société et, d’autre part, devait procéder à une nouvelle relance suite à son courrier du 26 décembre 2016.
Enfin, il est constant que l’employeur a constaté la perte des congés payés 2016 dans son courrier du 26 février 2018, soit après la période de prise de congés définie par la convention collective et le contrat de travail et alors que la salariée avait été avertie dans le courrier du 22 décembre 2016 susmentionné de la perte de ses congés en l’absence de prise de ces derniers au cours de cette période.
Il se déduit de ce qui précède que l’employeur justifie par une cause objective le fait, d’une part, d’avoir constaté en 2018 la perte des congés payés non pris en 2016 et, d’autre part, de n’avoir pas adressé une nouvelle relance à Mme [K].
En second lieu, s’agissant du changement de mutuelle, l’employeur expose que son choix relève de son pouvoir discrétionnaire et que la mutuelle Humanis était particulèrement onéreuse.
Tout d’abord, la cour constate que ce fait isolé ne peut à lui seul laisser présumer une situation de harcèlement moral qui suppose des agissements répétés. Par suite, le harcèlement moral dénoncé par Mme [K] n’est pas établi et ne peut donc servir de fondement à sa demande indemnitaire.
Ensuite, si l’employeur doit faire bénéficier tous ses salariés, quelle que soit leur ancienneté dans l’entreprise, d’une complémentaire santé d’entreprise, il lui appartient de choisir librement celle-ci à condition qu’elle respecte les conditions de couverture collective obligatoire prévues par la loi et la convention collective. Si la mutuelle Allianz comporte un taux de remboursement moins favorable que la mutuelle Humanis, force est de constater qu’il n’est ni allégué ni justifié par la salariée que cette nouvelle mutuelle ne respectait pas ces conditions. De même, il ne ressort d’aucun élément contractuel produit que la société Centre s’était engagée à l’égard de la salariée à maintenir à son profit la mutuelle Humanis. Il s’en déduit qu’en changeant de mutuelle, l’employeur n’a pas exécuté de manière déloyale le contrat de travail et n’a pas manqué à son obligation de sécurité.
En conclusion, il ressort des développements précédents que l’employeur n’a commis aucun manquement à ses obligations et qu’ainsi le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [K] de sa demande indemnitaire.
Sur le rappel d’indemnité compensatrice de congés payés :
Mme [K] sollicite la somme de 2.905,60 euros au titre des congés payés dont l’employeur a constaté la perte dans son courrier du 26 février 2018 susmentionné.
Compte tenu des développements précédents, Mme [K] sera déboutée de sa demande pécuniaire et le jugement sera confirmé en conséquence.
Sur le bien-fondé du licenciement pour motif économique :
L’article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018, applicable à la date du licenciement, dispose :
‘Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques (…),
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d’activité de l’entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d’emploi ou de la modification d’un élément essentiel du contrat de travail s’apprécie au niveau de l’entreprise (…)’.
La lettre de licenciement du 11 mai 2018 est ainsi rédigée :
‘En raison des progrès technologiques, notre métier de médecin est confronté à des mutations importantes qui nous contraignent à moderniser notre fonctionnement afin de répondre aux demandes de nos patients, s’agissant des prises de rendez-vous, des consultations et des interrogations diverses qui sont les leurs. Ces mutations technologiques nous ont amenées à réorganiser nos activités, ce pour sauvegarder la compétitivité de l’entreprise. Ce besoin de réorganisation s’est fait plus pressant depuis l’arrivée d’un troisième praticien en octobre 2017, imposant de repenser le fonctionnement du cabinet.
Depuis plusieurs mois, la gestion des prises de rendez-vous et l’informatisation des dossiers des patients ont diminué les tâches de secrétariat de manière drastique, ce en raison de l’application doctolib.
D’une part, il apparaît que la plupart des patients prennent rendez-vous via l’application doctolib, que ce soit pour des patients nouveaux ou anciens et cette proposition croît de mois en mois. Nous sommes passés de 37% des RDV pris par doctolib en septembre à 70% en mars (pour information 49% en novembre, 65% en janvier et février). Le nombre d’appels téléphoniques pour prise de RDV a donc réduit régulièrement de 790 en septembre à 527 en mars et ce malgré l’augmentation de l’activité en lien avec l’arrivée d’un troisième médecin et les variations saisonnières. Au jour d’aujourd’hui 80% des rendez-vous de suivi, 72% des urgences et 60% des premiers RDV sont pris en ligne.
Il est donc incontestable que la part de secrétariat téléphonique est de plus en plus réduite, ce d’autant que la plupart des patients communiquent avec nous par mail, les appels se réduisant de jour en jour. Sur vos quatre dernières semaines de travail, il a été recensé 465 prises de RDV et 128 messages, soit en moyenne 24 appels par jour travaillé (soit moins d’une heure de travail effectif). Une partie de ces RDV (20%) est donnée directement par les médecins en réponse aux messages et ce en dehors de votre temps de présence au cabinet.
D’autre part, tous les dossiers des patients sont informatisés et vous n’avez plus la charge de sortir et de préparer ces dossiers avant les rendez-vous, pour les ranger le lendemain, puisqu’ils sont directement accessibles par les médecins.
Et c’est également via doctolib que sont effectués les totaux des recettes quotidiennes encaissées directement par les médecins et plus par vos soins, ce pour des raisons de confidentialité essentiellement au bénéfice de la CMU. Ce calcul automatique dans les tableaux doctolib rend inutiles vos calculs manuels.
Il est donc incontestable que les besoins en secrétariat se réduisent de mois en mois.
Dans ces conditions, il n’était plus nécessaire pour notre structure que vous travailliez 112 heures par mois, puisque les missions relevant de vos fonctions ne permettaient plus de vous occuper un tel temps. Nous vous avons proposé pour des motifs économiques une modification de votre contrat de travail, s’agissant d’une réduction de votre temps de travail à 56 heures mensuelles. Le courrier qui vous a été adressé le 5 mars 2018 vous précisait que cette modification s’appliquerait à compter du 10 avril 2018. Par courrier du 7 avril 2018, nous nous avez indiqué que vous refusiez la modification de votre contrat de travail. Nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement au sein de l’entreprise et aucune solution n’a pu être trouvée, puisqu’il n’existe aucun autre poste dans la société dont vous êtes la seule employée. Dans ces conditions, par courrier du 10 avril 2018, nous vous avons convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 20 avril suivant, date à laquelle vous vous êtes présentée assistée de M. [T], conseiller du salarié. Nous vous avons exposé la situation de la société, les mutations technologiques indispensables pour sauvegarder notre compétitivité et leurs conséquences sur votre poste’.
Il est rappelé qu’aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail les mutations technologiques constituent un motif économique autonome de licenciement.
En premier lieu, il ressort des termes de la lettre de licenciement que le licenciement de Mme [K] est motivé à la fois par les mutations technologiques mais aussi par la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité.
Toutefois, l’employeur n’entend dans ses écritures (p.16-20) justifier le licenciement notifié à la salariée qu’en se fondant sur le motif économique tiré des mutations technologiques et ne produit d’ailleurs aucun argumentaire pour justifier le bien-fondé du motif économique lié à la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité et mentionné dans la lettre de licenciement.
Il s’en déduit que, d’une part nonobstant les termes de la lettre de licenciement, celui-ci n’est pas fondé sur le 3° de l’article L. 1233-3 du code du travail et, d’autre part, le bien-fondé dudit licenciement doit uniquement s’apprécier au regard du 2° du même article.
En deuxième lieu, l’employeur soutient qu’au cours de l’année 2017, le cabinet médical s’est doté de deux logiciels (Infansoft@ et Apicrypt) ayant pour effet d’automatiser une partie des tâches dévolues au secrétariat (et donc à Mme [K]). Il considère ainsi que le recours à ces logiciels constitue une mutation technologique au sens du 2° de l’article L. 1233-3 du code du travail justifiant le licenciement pour motif économique de la salariée.
Toutefois, comme le relève Mme [K], la cour constate que la lettre de licenciement ne fait pas mention du recours à ces deux logiciels au titre des mutations technologiques justifiant son licenciement. En outre, s’agissant de l’impact de ces deux logiciels sur l’activité de l’appelante, la cour constate que la société Centre se borne à procéder par voie d’affirmation, alors que la salariée soutient que le recours à ces deux logiciels n’a eu ni pour objet ni pour effet de supprimer ses tâches de secrétariat. Elle indique ainsi, sans être contredite par les éléments versés aux débats, que ‘le logiciel Infansoft est un logiciel pédiatrique recommandé par l’AFPA (association française de pédiatrie ambulatoire) qui présente des fonctionnalités thérapeuthiques utiles aux médecins (calcul de courbes de croissances, établissement des régimes alimentaires, etc…). Il s’agit d’un logiciel qui facilite le travail du médecin et concourt à l’amélioration des soins. Il n’a en revanche aucun lien avec les tâches de secrétariat. Quant au logiciel Apicrypt, il s’agit d’un simple logiciel de messagerie électronique (mails). Il s’agit d’un simple outil que Mme [K] était amenée à utiliser en remplacement de la messagerie électronique précédente. Cela n’avait aucun impact sur sa charge de travail et n’entraînait en rien la disparition de son poste ni de ses tâches’ (conclusions p.17).
Il se déduit de ce qui précède qu’il n’est nullement établi par les éléments produits que le recours aux logiciels Infansoft@ et Apicrypt constituait une mutation technologique ayant pour effet la diminution des tâches de Mme [K] et justifiait ainsi son licenciement pour motif économique.
En dernier lieu, l’employeur soutient dans ses écritures et dans la lettre de licenciement que le recours au site Doctolib à compter du mois de juillet 2017 a permis la prise de rendez-vous en ligne. Il justifie ainsi que le nombre d’appels pris en charge par le secrétariat pour fixer un rendez-vous est passé de 677 en octobre 2017 à 375 en mars 2018. Il expose également, mais sans en justifier, que le site Doctolib permet la gestion comptable ‘puisque l’encaissement est fait directement par chaque médecin dans la liste de consultation avec le mode de réglement et les calculs automatiques pour la comptabilité journalière puis mensuelle’.
En défense, la salariée soutient que la simple utilisation d’un site internet ouvert au public et exploité par une entreprise tierce (Doctolib) s’analyse en une externalisation de la prise de rendez-vous et non en une mutation technologique puisqu’aucune nouvelle technologie n’a été intégrée en son sein par la société Centre.
En l’espèce, s’il est avéré que le recours au site Doctolib a réduit le besoin de temps de secrétariat en terme de rendez-vous, force est de constater que postérieurement à la date à laquelle la société a eu recours à ce site (soit en juillet 2017 – conclusions intimée p. 18), celle-ci a néanmoins notifié à la salariée une fiche de poste (en décembre 2017 – pièce 17) comportant de nombreuses attributions énumérées dans l’exposé du litige du présent arrêt et dont il n’est nullement établi au regard des éléments produits qu’elles étaient devenues sans objet du fait du recours au site Doctolib.
Par suite, ce recours ne peut s’analyser en une mutation technologique au sens du 2° de l’article L. 1233-3 du code du travail justifiant le licenciement économique de la salariée. Dès lors, ce licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en conséquence.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :
En premier lieu, l’appelante demande à la cour d’écarter l’application de l’article L.1235-3 du code du travail qui plafonne les indemnités à la charge de l’employeur octroyées à la salariée en prévoyant des montants minimaux et maximaux au regard de l’ancienneté de la salariée, en raison de la violation des dispositions de l’article 24 de la charte sociale européenne et des articles 4 et 10 de la convention 158 de l’OIT et du droit au procès équitable.
Elle sollicite ainsi au titre de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse la somme de 75.000 euros.
En l’occurrence, l’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dispose que si les tribunaux arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée.
L’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, mentionne quant à elle qu’en ‘vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) : b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée’.
Or, les dispositions des articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail, qui octroient au salarié, en cas de licenciement injustifié, une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux variant en fonction du montant du salaire mensuel et de l’ancienneté du salarié et qui prévoient que, dans les cas de licenciements nuls dans les situations énumérées, le barème ainsi institué n’est pas applicable, permettent raisonnablement l’indemnisation de la perte injustifiée de l’emploi ; qu’en outre, le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l’employeur est également assuré par l’application, d’office par le juge, des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail sont ainsi de nature à permettre le versement d’une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Il en résulte que les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention précitée, étant rappelé que les dispositions de la Charte sociale européenne n’étant pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers, l’invocation de son article 24 ne peut pas conduire à écarter l’application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail.
Ainsi, il appartient au juge d’apprécier la situation concrète du salarié pour déterminer le montant de l’indemnité due entre les montants minimaux et maximaux fixés.
L’ancienneté de Mme [K] étant de moins de dix ans, elle peut bénéficier d’une indemnité minimale de 2,5 mois de salaire et d’une indemnité maximale de 9 mois de salaire en application des dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n°2018-217 du 29 mars 2018 applicable à la date du licenciement
Il ressort de la moyenne des bulletins de paye produits pour la période antérieure aux arrêts de travail de la salariée débutant en mars 2018 que son salaire mensuel brut doit être fixé à la somme de 3.160,17 euros.
Eu égard à son âge, à son ancienneté, à son salaire et aux pièces produites sur sa situation établissant que depuis son licenciement elle n’a pas retrouvé d’emploi, étant en arrêt de travail au moins jusqu’au 2 juin 2021, il lui sera alloué la somme de 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
*
La société Centre n’ayant qu’une salariée, il ne sera pas, conformément aux dispositions de l’article L. 1235-5 du code du travail, ordonné à l’employeur de rembourser les indemnités de chômage versées à Mme [K] en application des dispositions de l’article L. 1235-4 du code du travail.
Sur les demandes accessoires :
La société Centre qui succombe partiellement, est condamnée à verser à Mme [K] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour les procédures de première instance et d’appel.
La société Centre doit supporter les dépens de première instance et d’appel.
Elle sera déboutée de ses demandes au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
Il sera fait droit à la demande d’anatocisme de la salariée.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire et rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a :
– débouté la société Centre de Pédiatrie [4] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté Mme [Z] [K] de ses demandes indemnitaires au titre du harcèlement moral, de l’exécution déloyale du contrat de travail, du manquement à l’obligation de sécurité et de l’indemnité compensatrice de congés payés,
INFIRME le jugement pour le surplus,
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que le licenciement de Mme [Z] [K] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
CONDAMNE la société Centre de Pédiatrie [4] à verser à Mme [Z] [K] les sommes suivantes:
– 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile au titre des procédures de première instance et d’appel,
DIT que les créances indemnitaires porteront intérêt à compter de la décision qui les prononce,
ORDONNE la capitalisation des intérêts dus pour une année entière,
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes,
CONDAMNE la société Centre de Pédiatrie [4] aux dépens de première instance et d’appel.
La greffière, La présidente.
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