Tribunal judiciaire de Paris, 6 novembre 2024, n° RG 20/02176
Tribunal judiciaire de Paris, 6 novembre 2024, n° RG 20/02176

Type de juridiction : Tribunal judiciaire

Juridiction : Tribunal judiciaire de Paris

Thématique : Reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur et évaluation des préjudices liés à un accident du travail

 

Résumé

Le 6 novembre 2024, le tribunal judiciaire de Paris a reconnu la faute inexcusable de la SARL IZORAN dans l’accident de travail de Monsieur [W] [C], survenu le 24 août 2016. L’indemnisation a été fixée à 27.600 euros pour le déficit fonctionnel permanent et 2.000 euros pour les frais d’assistance à expertise. Le tribunal a également ordonné l’exécution provisoire de la décision. Cette affaire souligne l’importance de la responsabilité de l’employeur en matière de sécurité au travail et les droits des victimes d’accidents professionnels à obtenir réparation pour leurs préjudices.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Tribunal judiciaire de Paris
RG n°
20/02176

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 4 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
4 Expéditions délivrées aux avocats en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 20/02176 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSSE7

N° MINUTE :

Requête du :

22 Juin 2020

JUGEMENT
rendu le 06 Novembre 2024
DEMANDEUR

Monsieur [W] [C]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Représenté par Maître Guillaume COUSIN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. IZORAN
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par Maître Mourad MEDJNAH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

C.P.A.M. DE SEINE-ET-MARNE
[Localité 8]
Représentée par Maître Florence KATO de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

PARTIE INTERVENANTE:

COMPAGNIE [9]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représentée par Maître Charles De Corbière, avocat au barreau de Paris, substitué par Maître RICARDINO, avocat plaidant

Décision du 06 Novembre 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 20/02176 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSSE7

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame RANDOULET, Magistrate
Madame GOSSELIN, Assesseur
Monsieur JUFFORGUES, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

DEBATS

A l’audience du 18 Septembre 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Novembre 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande au titre du déficit fonctionnel permanent
En vertu de la législation professionnelle et plus précisément de l’article L. 434-2 du Code de la sécurité sociale, le taux d’incapacité permanente est déterminé d’après la nature de l’infirmité, l’état général, l’âge, les facultés physiques et mentales de la victime, ainsi que d’après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d’un barème indicatif d’invalidité annexé au Code de la sécurité sociale.
En droit commun, ce préjudice comprend différentes composantes telles que les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs permanentes, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d’existence et son indemnisation dépend principalement de la mesure médicale d’atteinte exprimée sous la forme d’atteinte à l’intégrité physique et psychique.
En l’espèce, Monsieur [W] [C] sollicite une indemnité d’un montant de 31.200 euros en application de la valeur du point de l’IPP (2.600 euros), s’agissant d’un homme âgé de 40 ans à la date de consolidation et ayant un taux de déficit fonctionnel permanent de 12 %.
Il fait valoir que le montant de l’indemnité qu’il réclame prend en compte le taux d’inflation depuis 2020, car le référentiel MORNET 2023 se baserait sur des chiffres non réévalués depuis 2020.
En réponse, la SA [9] demande de limiter la demande d’indemnisation au titre de ce préjudice au motif d’une part, que le Docteur [V]-[R] estime que « l’IPP pour la raideur de l’interphalangienne distale [du pouce gauche non dominant] est évaluée à 4% » et que « l’IPP de l’index droit dominant doit être évaluée à 8% ». Selon elle, les deux mains n’étant pas toujours utilisées concomitamment et les blessures au pouce gauche pouvant être compensée par le pouce droit et inversement, il convient davantage de faire une moyenne de ces deux déficits et d’obtenir un taux d’IPP de 6%.
Or, il ressort du rapport d’expertise que le caractère dominant du pouce droit, et le caractère non domicile du pouce gauche, ont bien été pris en compte dans l’IPP fixée par l’expert, de sorte qu’il n’y a pas lieu de le remettre en cause. Par conséquent, il y a lieu de retenir un taux d’IPP de 12%.
Par ailleurs, le référentiel indicatif des cours d’appel propose, pour une victime âgée de 31 à 40 ans présentant un taux d’incapacité de 11 à 15 % une valeur de point de 2 300 euros.
Monsieur [C] présentant un taux d’incapacité de 12% et était âgé au jour de la consolidation de 40 ans. Le barème étant indicatif, il n’y a pas lieu à indexer les montants proposés sur quelconque indice.
Ainsi, au vu du taux d’incapacité et de l’âge de la victime, il sera retenu une valeur de point de 2 300 euros soit un montant de 27 600 euros.
Sur les frais d’assistance à expertise

Les frais d’assistance de la victime par son médecin lors des opérations d’expertise, qui sont la conséquence directe de l’accident du travail, ne figurent pas parmi les chefs de préjudice expressément couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, ce dont il résulte qu’ils ouvrent droit à indemnisation complémentaire en raison de la faute inexcusable de l’employeur.

Monsieur [C] présente la facture d’assistance de son médecin conseil, le Docteur [A] [I], lors du complément d’expertise réalisée par le Dr. [V] [R] le 21 mars 2024.

Il convient d’allouer la somme de 2.000 euros au titre des frais d’assistance justifiés.

Sur la garantie de la SA [9]
En outre, il résulte de la lecture combinée des articles L. 452-4 du code de la sécurité sociale et L. 211-16 du code de l’organisation judiciaire que le tribunal judiciaire spécialisé chargé du contentieux de la sécurité sociale n’est compétent que pour statuer sur les litiges définis aux articles L. 142-1 à L. 142-3 du code de la sécurité sociale et se trouve donc incompétent pour statuer sur un litige portant sur l’application d’un contrat d’assurance, cette matière relevant de la compétence du tribunal judiciaire non spécialisé.

En l’espèce, le jugement mixte rendu par le Pôle Social de Paris le 12 septembre 2023 avait d’ores et déjà rappelé l’incompétence du Tribunal, juridiction spécialement désignée pour connaitre du contentieux médical de la sécurité sociale, pour statuer sur les rapports entre l’employeur, dont la faute inexcusable serait reconnue, et son assureur.

En l’occurrence, la seule compétence dont dispose le Pôle social en ce qui concerne les relations employeurs et assureurs, est la possibilité de déclarer le jugement opposable à ce dernier.

Par conséquent, les demandes, injonctions et moyens concernant les rapports entre la SA [9] et la SARL IZORAN seront rejetés.

Sur l’action récursoire de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie

Cette action récursoire avait d’ores et déjà été accueillie dans le cadre des précédents jugements rendus.

L’indemnité au titre du Déficit fonctionnel permanent telle qu’elle sera liquidée, sera également versées directement à Monsieur [C] par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie qui bénéficie d’un recours intégral pour en récupérer les montants auprès de l’employeur.

En l’absence de demande contraire, cette somme portera intérêts au taux légal à compter du présent jugement.

Sur les mesures accessoires
La SARL IZORAN, qui succombe à la présente instance sera condamnée aux dépens conformément à l’article 696 du Code de procédure civile
Par ailleurs, le jugement du 12 septembre 2023 ayant d’ores et déjà condamné la SARL IZORAN à verser à Monsieur [C] la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, il convient de faire droit à la demande du requérant mais dans de plus justes proportions dans les conditions du dispositif.
S’agissant des décisions rendues en matière de sécurité sociale, l’exécution provisoire est facultative, en application de l’article R.142-10-6 du code de la sécurité sociale.
En l’espèce, l’ancienneté de l’accident du travail justifie d’ordonner l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe ;

Fixe l’indemnisation de Monsieur [W] [C] en réparation de ses préjudices résultant de l’accident du travail dont il a été victime le 24 août 2016 comme suit :
27 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 2.000 euros au titre des frais d’honoraires du médecin conseil ayant assisté Monsieur [L] [F] lors de l’expertise judiciaire ;
Rappelle que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

Dit que ces indemnités seront versées directement à Monsieur [W] [C] par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Seine et Marne qui dispose d’un recours intégral à l’encontre de la SARL IZORAN dans le cadre de son action récursoire,

Rappelle que le jugement est commun et opposable à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Seine et Marne,

Rappelle que le présent jugement est opposable à la SA [9],

Rejette toutes les autres demandes et moyens concernant les rapports entre la SA [9] et la SARL IZORAN au même titre que le jugement du 12 septembre 2023,

Condamne la SARL IZORAN à payer à Monsieur [W] [C] la somme complémentaire de 800 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne la SARL IZORAN aux entiers dépens ;

Ordonne l’exécution provisoire en toutes ses dispositions ;

Rappelle que tout appel du présent jugement doit, à peine de forclusion, être interjeté dans le délai d’un mois à compter de sa notification ;

Rappelle que tout pourvoi en cassation à l’encontre du présent jugement doit, à peine de forclusion, être formé dans le délai de deux mois à compter de sa notification ;

Fait et jugé à Paris le 06 Novembre 2024

La Greffière La Présidente

N° RG 20/02176 – N° Portalis 352J-W-B7E-CSSE7

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : M. [W] [C]

Défendeur : S.A.R.L. IZORAN

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.


 


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