Cour d’appel de Paris, 23 octobre 2024, RG n° 22/02723
Cour d’appel de Paris, 23 octobre 2024, RG n° 22/02723

Type de juridiction : Cour d’appel

Juridiction : Cour d’appel de Paris

Thématique : Licenciement pour non-respect du règlement intérieur

 

Résumé

Madame [G] a été licenciée par la société EPIGO pour faute grave, invoquant des absences injustifiées. Contestant ce licenciement, elle a saisi le conseil de prud’hommes, qui a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. La cour a confirmé cette décision, soulignant que les absences de Madame [G] étaient justifiées par des arrêts de travail. De plus, la société EPIGO a été condamnée à verser plusieurs indemnités à Madame [G], y compris pour le licenciement, le préavis et les rappels de salaires, ainsi qu’à rembourser les allocations chômage versées à la salariée.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

23 octobre 2024
Cour d’appel de Paris
RG n°
22/02723

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 9

ARRET DU 23 OCTOBRE 2024

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/02723 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFIRC

Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Janvier 2022 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de BOBIGNY – RG n° 19/01765

APPELANTE

S.A.S. EPIGO

[Adresse 1],

[Adresse 1],

Aéroport [5]

[Localité 3]

Représentée par Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : L0061

INTIMEE

Madame [X] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Aurélie BOUSQUET, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 214

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Nelly CHRETIENNOT, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre

Monsieur Fabrice MORILLO, conseiller

Madame Nelly CHRETIENNOT, conseiller

Greffier, lors des débats : Monsieur Jadot TAMBUE

ARRET :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par et par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre et Madame Marika WOHLSCHIES, greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [X] [G] a été embauchée en qualité d’employée polyvalente de restauration par la société ELIOR [5], par contrat de travail à durée déterminée du 1er avril 2012.

Par contrat du 1er juin 2012, elle a été embauchée au même poste, à durée indéterminée, avec reprise d’ancienneté au 27 septembre 2011.

Postérieurement, le contrat de travail de Madame [G] a été transféré à la société EPIGO.

La convention collective applicable à la relation de travail était celle de la restauration rapide.

La société EPIGO emploie plus de 11 salariés.

A compter de 2016, la salariée a été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail, en lien notamment avec un accident du travail.

La société EPIGO a convoqué madame [G] à un entretien préalable par courrier recommandé du 18 décembre 2018. Elle lui a notifié son licenciement pour faute grave par courrier du 3 janvier 2019 au motif d’absences injustifiées.

Madame [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Bobigny le 31 mai 2019, aux fins de contester son licenciement pour faute grave et de voir condamner la société EPIGO au paiement de diverses sommes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappels de salaires.

Par jugement rendu le 31 janvier 2022, le conseil de prud’hommes de Bobigny a :

-Dit le licenciement de Madame [G] sans cause réelle et sérieuse,

-Condamné la société EPIGO à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts au taux légal :

– 9.127,50 € à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3.042,50 € au titre de l’indemnité de préavis,

– 304,25 € au titre des congés payés afférents à l’indemnité de préavis,

– 2.757,25 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 5.038,62 € au titre du rappel de salaire de juin 2016 à janvier 2019,

– 503,86 € au titre des congés payés afférents au rappel de salaire de juin 2016 à janvier 2019,

– 1.521,25 € au titre du rappel de la prime du 13ème mois,

– 1.200 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

-Débouté Madame [G] du surplus de ses demandes,

-Débouté la société EPIGO de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné celle-ci aux dépens.

La société EPIGO a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 17 février 2022, en visant expressément les dispositions critiquées.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 14 juin 2024, la société EPIGO demande à la cour de :

-Infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté Madame [G] du surplus de ses demandes,

Statuant à nouveau :

-Dire justifié le licenciement pour faute grave notifié à Madame [G] le 2 janvier 2019,

-Débouter Madame [G] :

-de l’intégralité de ses demandes pécuniaires afférentes au licenciement (indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, indemnité compensatrice de préavis, congés payés afférents au préavis, indemnité de licenciement),

– de ses demandes de rappels de salaire et de congés payés afférents,

– de ses demandes au titre du 13ème mois,

-en tout état de cause, de l’intégralité de ses demandes,

-Débouter POLE EMPLOI de sa demande de remboursement des indemnités chômage,

-A titre subsidiaire, réduire à de plus justes proportions le montant de remboursement des indemnités chômages,

-En tout état de cause, débouter POL EMPLOI de l’intégralité de ses demandes,

-Condamner Madame [G] aux entiers dépens, ainsi qu’à verser à la société EPIGO 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 31 mai 2022, Madame [G] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

-Débouter la société EPIGO de l’ensemble de ses demandes,

-Condamner la société EPIGO à lui verser la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la société EPIGO aux dépens.

Par écritures récapitulatives notifiées électroniquement le 1er août 2023, POLE EMPLOI devenu France TRAVAIL demande à la cour de :

-Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il qualifie le licenciement de dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence,

-Condamner la société EPIGO à lui verser :

-la somme de 6.185,88 € en remboursement des allocations chômage versées à la salariée,

-la somme de 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

-Condamner la société EPIGO aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 18 juin 2024.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

MOTIFS

Sur le licenciement

Il résulte des dispositions de l’article L.1234-1 du code du travail que la faute grave résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié, qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle nécessite le départ immédiat du salarié, sans indemnité.

La preuve de la faute grave incombe à l’employeur, conformément aux dispositions des articles 1353 du code civil et 9 du code de procédure civile.

Si elle ne retient pas la faute grave, il appartient à la juridiction saisie d’apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail.

Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l’article L.1235-1 du code du travail, le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux des motifs de licenciement invoqués par l’employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, et au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles, et, si un doute persiste, il profite au salarié.

En l’espèce, la lettre de licenciement du 3 janvier 2019, qui fixe les limites du litige en application des dispositions de l’article L.1232-6 du code du travail, fait état des griefs suivants :

– ne pas avoir respecté les dispositions de l’article 24 du règlement intérieur en n’ayant pas averti son employeur de ses absences entre les 23 octobre et le 5 décembre 2018 ;

-ne pas avoir répondu à la demande de communication de justificatifs d’absence adressée le 7 décembre puis le 12 décembre 2018 ;

-avoir de ce fait désorganisé son point de vente, lequel a été placé dans une situation d’urgence en termes d’organisation, ce qui a nui à la qualité de service offert aux clients.

Il ressort des pièces versées au débat que la salariée justifie d’arrêts de travail :

-du 18 juin au 8 novembre 2018 ;

-du 6 décembre 2018 au 17 décembre 2018 ;

-du 24 décembre 2018 au 3 janvier 2019.

Elle produit par ailleurs des justificatifs d’envois à son employeur de lettres recommandées avec avis de réception correspondant aux périodes de ces arrêts.

En revanche, elle ne justifie pas de ses arrêts du 9 novembre au 5 décembre 2018.

Toutefois, dans la mesure où ses arrêts de travail étaient supérieurs à 30 jours, elle devait bénéficier d’une visite de reprise suite à ses arrêts de travail, laquelle n’a eu lieu que le 5 décembre 2018, de sorte que son contrat de travail était suspendu jusque là et que ses absences ne peuvent lui être reprochées avant la date de la visite de reprise.

Or, les périodes sans arrêt de travail justifié et transmis sont antérieures au 5 décembre 2018, et ne peuvent donc servir de fondement au licenciement.

L’employeur soutient qu’il a essayé d’organiser une visite de reprise antérieurement au 5 décembre 2018, en lui adressant une convocation en vue d’une visite dès le 5 novembre. La cour relève toutefois que cette convocation a été adressée à la salariée sur son lieu de travail, sur lequel elle ne se trouvait pas puisqu’elle était en arrêt de travail, et qu’il n’est pas justifié que l’information lui ait été transmise d’une autre manière.

En conséquence, l’employeur ne pouvait reprocher à la salariée ses absences ou l’absence de justification de ses absences antérieures au 5 décembre 2018, qui sont précisément celles visées dans la lettre de licenciement.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera donc confirmé en ce qu’il a dit le licenciement de Madame [G] sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences pécuniaires du licenciement

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La salariée justifie de 7 années d’ancienneté et l’entreprise emploie habituellement plus de 10 salariés.

En dernier lieu, elle percevait un salaire mensuel brut de 1.521,25 €.

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, elle est fondée à obtenir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse égale à une somme comprise entre 3 et 8 mois de salaire, soit entre 4.563,75 € et 12.170 €.

Au moment de la rupture, elle était âgée de 34 ans et elle justifie de sa situation de demandeur d’emploi jusqu’en mars 2021.

Le conseil de prud’hommes, au vu des éléments de la cause, (ancienneté de la salariée, âge, perspectives pour retrouver un emploi, niveau de rémunération), a procédé à une exacte appréciation du préjudice de Madame [G] en fixant l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 9.127,50 €.

Sur les autres demandes

Ainsi que sollicité par la salariée, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a condamné la société EPIGO à lui payer les sommes suivantes :

– 3.042,50 € au titre de l’indemnité de préavis,

– 304,25 € au titre des congés payés afférents à l’indemnité de préavis,

– 2.757,25 € au titre de l’indemnité légale de licenciement.

Sur la demande de rappels de salaire et congés payés afférents

L’employeur a déduit des salaires de Madame [G] les absences qu’il considérait comme injustifiées, alors que le contrat de travail était suspendu en raison de l’absence de visite de reprise avant le 5 décembre 2018.

C’est donc à juste titre que le jugement déféré l’a condamné à payer ces sommes à la salariée. La décision sera confirmée sur ce point.

Sur la demande au titre du 13ème mois

L’article 4 de l’accord relatif au 13ème mois prévoit :

« Une prime de 13e mois est attribuée de manière progressive aux salariés en fonction de leur ancienneté, pour atteindre 1 mois de salaire brut de base lorsque le collaborateur atteint 5 ans d’ancienneté.

Les conditions et les modalités d’attribution de la prime de 13e mois pat semestre sont les suivantes :

Le salarié doit avoir plus d’1 an d’ancienneté à la date de versement. L’ancienneté s’apprécie au regard de l’ancienneté totale acquise par le salarié depuis sa date d’entrée au sein de la société EPIGO.

Le salarié doit avoir moins de 2 absences injustifiées au cours du semestre. »

En l’espèce, la société EPIGO soutient que la salariée ne remplissait pas les conditions posées par l’accord au regard du nombre de ses absences injustifiées.

Toutefois, outre que Madame [G] remplissait les conditions d’ancienneté posées, il n’y a pas eu d’absences injustifiées au regard de la suspension du contrat de travail avant la visite de reprise du 5 décembre 2018.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a condamné la société à verser à la salariée sa prime de 13ème mois pour l’année 2018.

Sur la demande de Pôle emploi

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a, en application des dispositions de l’article L.1235-4 code du travail, condamné l’employeur au remboursement des allocations chômage versées à la salariée à hauteur de 6.185,88 €.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de confirmer la décision du conseil de prud’hommes sur ces points, et y ajoutant, de condamner la société EPIGO aux dépens de l’appel ainsi qu’à verser au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel :

-à Madame [G] la somme de 2.000 €

-à PÔLE EMPLOI devenu FRANCE TRAVAIL la somme de 500 €.

La société EPIGO sera déboutée de sa demande au titre des frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société EPIGO aux dépens de l’appel,

Condamne la société EPIGO à verser au titre des frais de procédure engagés en cause d’appel :

-à Madame [G] la somme de 2.000 €,

-à PÔLE EMPLOI devenu FRANCE TRAVAIL la somme de 500 €,

Déboute la société EPIGO de sa demande au titre des frais de procédure.

Le greffier, Le président,


 


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