Type de juridiction : Cour d’appel
Juridiction : Cour d’appel de Grenoble
Thématique : Responsabilité et indemnisation : enjeux d’une exécution provisoire dans le cadre d’un accident du travail
→ RésuméL’accident du travail de M. [S] a conduit à une décision judiciaire complexe. Le tribunal de Grenoble a initialement condamné la société DSC à verser 125 303,87 euros pour le préjudice corporel de M. [S], mais une rectification a réduit ce montant à 107 388,06 euros. En appel, la société DSC a demandé l’arrêt de l’exécution provisoire, arguant d’un risque de réformation des décisions. Cependant, le premier président a jugé que l’exécution présentait des conséquences manifestement excessives pour M. [S], ordonnant un séquestre des sommes dues, avec des versements trimestriels à la victime.
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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Cour d’appel de Grenoble
RG n°
24/00102
N° Minute :
Copies délivrées le
Copie exécutoire
délivrée le
à
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
C O U R D ‘ A P P E L D E G R E N O B L E
JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT
ORDONNANCE DE REFERE DU 23 OCTOBRE 2024
ENTRE :
DEMANDERESSE suivant assignation du 05 septembre 2024
S.A.S. DSC – DISTRIBUTION SANITAIRE CHAUFFAGE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux en exercice, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Me Emmanuelle PHILIPPOT, avocat au barreau de GRENOBLE, substituant Me Claude DE VILLARD de la SELAS PERSEA, avocat au barreau de LYON
ET :
DEFENDEUR
Monsieur [O] [S]
né le [Date naissance 1] 1963 à [Localité 7]
de nationalité tunisienne
[Adresse 4]
[Localité 3]
représenté par Me Farida KHEDDAR, avocat au barreau de GRENOBLE
DEBATS : A l’audience publique du 25 septembre 2024 tenue par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président de la cour d’appel de Grenoble par ordonnance du 21 juin 2024, assisté de Marie-Ange BARTHALAY, greffier
ORDONNANCE : contradictoire
prononcée publiquement le 23 OCTOBRE 2024 par mise à disposition de l’ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
signée par Olivier CALLEC, conseiller délégué par le premier président, et par Marie-Ange BARTHALAY, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Saisi par M. [S] le 02/12/2016 et après expertise ordonnée le 04/06/2016 par le juge de la mise en état, le tribunal judiciaire de Grenoble a principalement, par jugement du 21/12/2023 :
– déclaré le jugement commun à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère ;
– condamné la société DSC à payer à M. [S] la somme de 125 303,87 euros pour son préjudice corporel outre 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société DSC à payer à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Isère la somme de 92 691,45 euros au titre des dépenses de santé actuelles et futures, des indemnités journalières, de la rente accident du travail et de l’article L.454-1 du code de la sécurité sociale ;
– ordonné l’exécution provisoire.
Par jugements des 21/03 et 04/04/2024, le tribunal a rectifié son jugement précédent comme étant affecté d’une erreur matérielle et a fixé le préjudice de M. [S] à la somme de 107 388,06 euros , la somme de 40 801,58 versée par les organismes de sécurité sociale étant à déduire, après avoir rappelé que l’exécution provisoire était de droit.
Par déclarations des 22/02 et 25/07/2024, la société DSC a relevé appel de ces décisions.
Par acte du 05/09/2024, elle a assigné en référé devant le premier président de la cour d’appel de Grenoble M. [S], demandant dans son assignation soutenue oralement à l’audience de voir ordonner l’arrêt de l’exécution provisoire attachée aux jugements déférés et à titre subsidiaire, de voir ordonner le séquestre de la somme de 66 586,48 euros restant due, sur un compte Carpa ouvert par le conseil du défendeur.
Elle expose en substance que :
– il existe un risque important de voir les décisions déférées réformées puisqu’il n’est pas établi qu’un salarié de la société DSC serait intervenu alors que les livraisons devaient se faire au [Adresse 6] et non au n° 3 et que la victime se devait de se tenir à l’écart ;
– l’exécution des décisions risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives, M. [S] n’étant pas en mesure de restituer les sommes versées en cas d’infirmation des jugements attaqués.
Dans ses conclusions soutenues oralement à l’audience, M. [S], pour conclure au rejet de la demande et à titre subsidiaire, conclure à la consignation des sommes dues, et réclamer enfin 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, réplique que :
– il apparaît peu probable que les jugements entrepris soient réformés, en raison de la preuve de l’implication dans l’accident d’un transpalette manoeuvré par un préposé de la société DSC ;
– lui-même est ressortissant français, a sa famille en France, des enfants et son logement ;
– sa situation difficile est due à la perte de revenus consécutive à l’accident ;
– l’exécution de la décision n’est pas de nature à obérer la situation financière de la société DSC.
Aux termes de l’article 524 du code de procédure civile dans sa rédaction applicable à l’espèce, ‘lorsque l’exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d’appel, que par le premier président et dans les cas suivants :
1° Si elle est interdite par la loi ;
2° Si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522 (..)’.
Il en résulte qu’il n’y a pas lieu de s’interroger sur l’existence de moyens sérieux pouvant entraîner la réformation des décisions entreprises.
Il ressort du dossier que :
– M. [S] a fait l’objet d’une déclaration d’inaptitude de la part du médecin du travail le 12/10/2015 ;
– il a été licencié pour inaptitude définitive le 03/12/2015 ;
– alors que son salaire mensuel net était de 1782 euros en 2013, son revenu annuel a été ramené à moins de 10 000 euros ;
– le 12/01/2016, la commission de surendettement du département de l’Isère a proposé un effacement de ses dettes.
Enfin, M. [S] ne justifie pas d’une épargne ou de la propriété d’un bien immobilier.
Il existe ainsi un risque de voir M. [S] dans l’impossibilité de restituer les fonds versés en cas d’infirmation de la décision.
Aussi, il convient, plutôt que de prononcer l’arrêt de l’exécution provisoire, de l’aménager dans le cadre des articles 517 à 522 anciens.
L’article 521 ancien du code de procédure civile dispose que ‘la partie condamnée au paiement de sommes autres que des aliments, des rentes indemnitaires ou des provisions peut éviter que l’exécution provisoire soit poursuivie en consignant, sur autorisation du juge, les espèces ou les valeurs suffisantes pour garantir, en principal, intérêts et frais, le montant de la condamnation. En cas de condamnation au versement d’un capital en réparation d’un dommage corporel, le juge peut aussi ordonner que ce capital sera confié à un séquestre à charge d’en verser périodiquement à la victime la part que le juge détermine’.
Les condamnations prononcées par le tribunal ayant trait à l’indemnisation du préjudice corporel de M. [S], il sera imparti un délai de un mois à la société DSC pour consigner le montant total des condamnations sur un compte séquestre ouvert à la Carpa des Alpes, au nom du bâtonnier de l’ordre des avocats de Grenoble, à charge pour ce dernier d’en reverser 5 % tous les trimestres à M. [S].
Enfin, il n’y a pas lieu au stade de la procédure de référé de faire application de l’article 700 du code de procédure civile, les dépens devant être supportés par la société DSC.
Nous, Olivier Callec, conseiller délégué par le premier président, statuant en référé, publiquement, par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffé :
Disons que l’exécution des jugements déférés présente un risque de conséquences manifestement excessives ;
Impartissons à la société DSC un délai de un mois pour consigner le montant total des condamnations sur un compte séquestre ouvert à la Carpa des Alpes, au nom du bâtonnier de l’ordre des avocats de Grenoble, à charge pour ce dernier d’en reverser 5 % tous les trimestres à M. [S] ;
Disons n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Laissons les dépens à la charge de la société DSC.
Le greffier Le conseiller délégué
M.A. BARTHALAY O. CALLEC
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